LES RECHERCHES SUR LA PRÉVENTION DES COMPLICATIONS DE L'OBÉSITÉ

DOMINIQUE LANGIN - DIRECTEUR DE RECHERCHE À L'INSERM, UNIVERSITÉ PAUL SABATIER, CHU DE TOULOUSE

Dominique LANGIN

Merci Monsieur le Président, Madame la Vice-présidente, je devais normalement intervenir après le Professeur Karine Clément. Je vais quand même en dire un mot parce que cette intervention est un petit peu coordonnée. Elle allait nous parler, après avoir vu les aspects épidémiologiques avec Jean-Michel Borys et Marie-Aline Charles, du déterminant biologique de l'obésité, et en particulier des facteurs qui contribuent, qui expliquent sur le plan biologique ce développement d'un excès de masse grasse. En insistant sur les parts génétiques et les parts environnementales dans ce développement, il faut bien reconnaître que l'on n'est vraiment pas tous égaux devant le développement de l'obésité. Notre histoire familiale, génétique, est extrêmement importante pour cela. Evidemment il faut un environnement qui soit obésogène pour qu'il y ait ce développement. Il y a vraiment de très bons exemples, c'est quelque chose qui est bien établi maintenant. Et puis il y a toute une recherche qui est conduite dans son laboratoire pour essayer de déterminer les bases biologiques de ce développement de l'obésité et savoir si l'on peut trouver des prédicteurs. Cela revient à une notion que vous avez évoquée au début, qui était que l'on passe d'une politique de prise en charge globale des populations d'obèses, qui ne fait pas trop de discrimination entre les individus, vers une évolution d'une médecine qui serait à terme plus personnalisée. Mais pour avoir une médecine personnalisée, il faut que l'on ait des outils qui nous permettent de détecter les différences entre les individus, que ce soit au niveau génétique, de l'évaluation de leur histoire nutritionnelle par exemple.

Ma présentation, comme celles de plusieurs groupes qui viennent de Toulouse et que l'on va voir dans l'après-midi, va s'intéresser en particulier aux tissus adipeux, et moi je vais m'intéresser plus particulièrement aux recherches sur la prévention des complications de l'obésité, c'est-à-dire une fois que l'obésité est installée. Tout d'abord, l'obésité, c'est un petit rappel qui est assez trivial mais qui est important, c'est un excès de masse grasse. C'est donc un excès de développement d'un tissu particulier qui est le tissu adipeux. Ce tissu a une fonction physiologique importante puisqu'il nous permet de stocker l'énergie et de la libérer à la demande. Lorsqu'il y a un développement excessif, on se retrouve avec une obésité et les complications qui y sont associées. Ces complications sont de nombreux ordres.

On va insister plus particulièrement maintenant sur des complications diabétiques et cardio-vasculaires. Il faut également savoir que l'obésité prédispose à un certain nombre de cancers, à des problèmes articulaires, respiratoires, cela est également bien établi. Ce tissu adipeux, que l'on commence à bien connaître, sa fonction de stockage et de libération des graisses a été reconnue depuis de nombreuses années. Donc on va stocker les graisses après un repas et puis les libérer à la demande, entre les repas, durant les périodes de jeûne ou lors de l'exercice physique. Et une notion qui date des quinze dernières années, c'est le fait que le tissu adipeux est capable de produire un certain nombre de facteurs qui ne sont pas forcément les facteurs liés à l'énergie, qui sont plutôt des facteurs peptidiques qui vont agir soit localement soit à distance, je reviendrai là-dessus. La dernière notion, beaucoup plus récente, des quatre ou cinq dernières années, c'est un tissu qui peut avoir des aspects de tissu inflammatoire, c'est-à-dire qu'il va recruter des cellules qui sont normalement des cellules impliquées dans les phénomènes inflammatoires et en particulier les macrophages. Anne Bouloumié reviendra cet après-midi sur d'autres cellules qui sont liées à cette inflammation. Moi je vais plutôt vous parler des adipocytes - qui sont liées dans le stockage et la libération des graisses - et des macrophages.

Une dernière diapositive de généralités sur ces adipocytes. On connaît bien maintenant les mécanismes qui conduisent après un repas à l'absorption au niveau intestinal des lipides et à leur stockage dans le tissu adipeux. On sait également comment ces graisses vont être remobilisées, c'est-à-dire comment on va re-libérer des acides gras dans le courant sanguin, qui pourront être utilisés comme un substrat énergétique, par exemple dans le muscle lors d'un exercice physique. Il y a un certain nombre de travaux qui se font sur les enzymes qui sont responsables de cette mobilisation comme les lipases. Et puis je vous ai dit qu'il y a deux types de cellules, parmi d'autres qui sont présentes dans le tissu adipeux : les adipocytes et les macrophages qui sont des cellules inflammatoires. Il y a des discussions permanentes entre ces deux types de cellules. Le métabolisme va donc influencer l'inflammation qui va influencer le métabolisme, et ceci par l'intermédiaire de facteurs qui sont produits par ces deux types cellulaires, qui sont soit des facteurs métaboliques comme les acides gras, soit au contraire des peptides que l'on appelle adipokines et qui regroupent des cytokines et des chimiokines, ce sont des noms un peu barbares mais ce sont tous en fait des composés peptidiques.

Pourquoi s'intéresser à ces questions ? À ce qui se passe dans le tissu adipeux ? Parce que face au développement d'un excès de masse grasse, ce tissu devient inflammatoire et donc on a une production à la fois des facteurs métaboliques, les acides gras, et puis des facteurs qui sont liés à l'inflammation, les adipokines et autres peptides, qui vont agir sur un certain nombre d'organes qui sont mis sur une liste ici, et, qui, en perturbant le fonctionnement de ces organes vont conduire au développement de différentes formes de diabète et de maladies cardio-vasculaires. Dans ce contexte, les recherches vont porter sur la compréhension du métabolisme des acides gras et de l'inflammation à l'intérieur du tissu adipeux et les liens, via ces facteurs, avec les complications. Nous nous intéressons également beaucoup à la compréhension de ce qui se passe lors de la prise en charge d'individus obèses, pour un objectif de perte de poids, lors d'interventions diététiques ou de type exercices physiques, et donc de ce qui se passe dans les adaptations du tissu adipeux.

Quelques exemples des recherches qui sont conduites : au niveau de l'adipocyte, un des objectifs va être de voir si on peut moduler le métabolisme des acides gras. On peut le faire de deux façons. On a pu apporter des preuves que l'on pouvait augmenter l'utilisation des acides gras à l'intérieur de l'adipocyte humain et donc brûler un petit peu ces graisses à l'intérieur de cet adipocyte, ce qui est vivement favorable parce que cela empêche le relargage des acides gras et les effets néfastes qui y sont associés. Un autre axe de recherche porte sur la libération des acides gras : l'utilisation d'inhibiteurs de la lipolyse, c'est la mobilisation des graisses qui agit soit au niveau des lipases, c'est-à-dire des enzymes, soit au niveau de récepteurs. Il y a des molécules antilipolytiques, et cela a des applications thérapeutiques évidentes dans la mesure où l'on va permettre la libération des acides gras et ainsi corriger un certain nombre de perturbations du profil lipidique chez les sujets obèses. Eventuellement, on peut jouer également sur les phénomènes d'insulino-résistance et donc de prédisposition au diabète.

Au-delà de cette approche qui est adipocentrique, on peut se poser les questions de savoir si les relations entre adipocytes et macrophages n'ont pas également une influence sur les complications. Ceci pourrait se faire par l'intermédiaire des acides gras dont on sait qu'ils sont capables d'activer les macrophages, donc les cellules inflammatoires, et par ce biais-là vont conditionner la production de ces facteurs peptidiques qui vont agir sur les autres organes. Tout un axe de recherche porte sur cette relation entre lipolyse et inflammation du tissu adipeux.

Et enfin, un exemple sur ce que l'on peut observer dans la compréhension des adaptations à des interventions nutritionnelles, c'est un exemple d'une prise en charge assez classique des sujets obèses dans lequel vous avez en abscisse le poids - avec une intervention d'un régime à très basses calories qui fait perdre aux individus pas mal de poids - puis d'un régime de maintenance. Ce que l'on essaie donc de comprendre, ce sont des adaptations au niveau du tissu adipeux et on s'aperçoit, c'est indiqué par les flèches, que contrairement à ce que l'on pouvait suspecter jusqu'à il y a relativement peu de temps, les adaptations au niveau du tissu adipeux et des macrophages sont tout à fait différentes selon les phases de perte de poids : dans la phase initiale, où l'on va vraiment perdre du poids et où il y a un déficit énergétique important, et ensuite dans la phase de stabilisation. C'est important pour savoir quelle stratégie employer pour moduler justement ces différentes cibles cellulaires. Cela, c'est donc un résumé des approches méthodologiques que l'on peut avoir dans ce type de recherche. On a, ainsi, beaucoup d'outils maintenant pour savoir ce qui se passe, y compris in vivo , au niveau du tissu adipeux.

On est capable d'évaluer de façon fine la composition corporelle, ce qui se passe au niveau des facteurs plasmatiques, la dépense énergétique et l'utilisation des substrats. Il y a aussi beaucoup d'outils de génomique fonctionnelle, très développée dans le laboratoire de Karine Clément, qui visent en fait à avoir une vision globale de ce qu'il se passe au niveau de l'expression des gènes et des protéines, et puis ensuite d'aller rechercher ce qu'il se passe au niveau moléculaire par des modèles animaux, de souris transgéniques, ou des modèles cellulaires, et en particulier des modèles cellulaires humains.

Voilà pour cette présentation, assez courte je pense, des recherches dans le domaine. Merci Monsieur le Président.

Jean-Claude ETIENNE

Merci beaucoup pour cet exposé qui est très clair et qui nous permet d'appréhender les relations existantes entre la surcharge en adipocytes et les conséquences pathologiques que peuvent générer l'obésité et la surcharge en tissus graisseux, ouvrant des perspectives d'interventions.

Je crois que dans le même esprit que tout à l'heure, plutôt que d'ouvrir maintenant la discussion, je demanderais volontiers au Professeur Claudine Junien de prendre la parole.

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