2. Un problème de positionnement
a) Au sein du dispositif complexe de gestion des risques sanitaires
Comme le montre le schéma suivant, l'EPRUS se situe au coeur du dispositif complexe de gestion des crises sanitaires, sans pour autant que le partage des compétences entre cette nouvelle structure et celles des différents ministères en charge de ces questions, les agences de sécurité sanitaire, les établissements de santé et les collectivités territoriales ne soit encore complètement stabilisé .
Outre la complexité du système actuel , due à la multiplication des acteurs en ce domaine et qui pourrait poser des difficultés de coordination en cas d'urgence sanitaire - en témoigne le retard pris dans la finalisation du décret d'avance du 13 juillet dernier portant ouverture de crédits supplémentaires destinés à l'achat de masques de protection 41 ( * ) -, votre rapporteur spécial s'interroge plus particulièrement sur le positionnement de l'EPRUS par rapport à la DGS, en ce qui concerne la prospective et la planification des réponses aux urgences sanitaires, par rapport à l'AFSSAPS, s'agissant de la stratégie d'acquisition des produits de santé et, enfin, par rapport aux établissements de santé, aux collectivités territoriales et aux différents ministères - notamment le ministère de la défense et le ministère de l'intérieur - qui disposent de leurs propres outils de réponse aux menaces sanitaires.
(1) L'EPRUS, un simple logisticien ?
Aujourd'hui, comme cela sera développé plus loin dans le présent rapport, l'EPRUS est placé sous le contrôle étroit de la DGS et est cantonné à un rôle de strict logisticien : il passe les marchés de produits de santé que le ministère de la santé lui demande d'effectuer et a la responsabilité du stockage et de la distribution de ces produits. L'EPRUS ne participe pas à la planification ni à l'élaboration des plans de réponse aux urgences sanitaires. Le pôle « Etudes et prospective », prévu dans le premier organigramme de l'EPRUS, a d'ailleurs été retiré de la nouvelle organisation de l'agence.
Or ce rôle très restreint de l'EPRUS semble en contradiction avec la justification même de la mise en place de l'agence donnée par le ministère de la santé à votre rapporteur spécial. Celui-ci indiquait ainsi : « [la] transversalité [de l'EPRUS] par rapport au développement des schémas stratégiques et son positionnement comme opérateur du ministère de la santé en font un instrument original et non redondant pleinement impliqué dans l'exécution du volet logistique des plans de réponses ou dans l'anticipation et la modélisation de réponses réflexes susceptibles d'être appliquées à des situations imprévues » 42 ( * ) .
Cette question de la participation ou non de l'EPRUS à la planification et à l'élaboration des plans de défense nécessite d'être clarifiée. Elle semble, d'ailleurs, avoir été à l'origine de divergences entre la première équipe dirigeante de l'EPRUS et le ministère de la santé, comme l'a indiqué, à votre rapporteur spécial, Bernard Boubé, ancien directeur de l'établissement.
Pour votre rapporteur spécial, la contribution de l'EPRUS à la planification semble pertinente, dans la mesure où l'établissement doit faire preuve de capacités d'anticipation, de réactivité et d'adaptation en cas de dysfonctionnements des plans de défense ou d'apparition de situations imprévues.
(2) Quel partage de compétences entre l'EPRUS, l'AFSSAPS et la DGS ?
Selon Jean Marimbert, directeur général de l'AFSSAPS, le rôle de l'agence qu'il dirige, dans la gestion du « stock national santé », consiste à préciser les produits de santé pouvant être utilisés en cas de menace sanitaire de grande ampleur, à indiquer leur disponibilité, à élaborer les fiches thérapeutiques correspondantes, à contrôler les produits stockés, à inspecter les sites dépositaires ou à délivrer des produits ne disposant pas d'autorisation de mise sur le marché (AMM).
L'AFSSAPS n'est que très peu associée à la stratégie d'acquisition des produits qui relève de la compétence du ministère de la santé. Elle ne l'a été que ponctuellement dans le cadre de l'épidémie de méningite à méningocoque B qui sévit actuellement en Seine-Maritime, près de Dieppe. Dans ce cas spécifique, l'AFSSAPS a participé activement à l'ensemble des décisions, notamment à la recherche d'un laboratoire producteur du vaccin.
L'imbrication étroite entre cette participation de l'AFSSAPS, notamment dans le cas spécifique de l'épidémie de méningite qui vient d'être présenté, et le rôle théoriquement dévolu à l'EPRUS - l'acquisition de produits -, invite également à une clarification des responsabilités de chacun de ces acteurs. Votre rapporteur spécial s'interroge, par ailleurs, sur une implication plus en amont de l'AFSSAPS au moment de l'élaboration de la stratégie d'acquisition des produits. La question du partage des compétences entre l'AFSSAPS et la DGS, en ce qui concerne l'extension des dates de validité des produits stockés, sera abordée dans la suite du présent rapport 43 ( * ) .
(3) Quelle articulation entre les outils de réponse aux urgences sanitaires dont disposent l'EPRUS, les établissements de santé, les collectivités territoriales et les différents ministères ?
Se pose, enfin, la question de l'articulation entre les deux outils dont dispose l'EPRUS - « le stock national santé » et la « réserve sanitaire » -, avec les instruments de gestion de crise des autres ministères, notamment le ministère de l'intérieur chargé de l'administration de la réserve de sécurité civile et le ministère de la défense qui détient ses propres stocks de produits de santé destinés au fonctionnement courant des hôpitaux des armées et au soutien des forces déployées en opérations extérieures.
Il convient également de noter qu'à la suite de l'épizootie de « grippe aviaire » en 2006, les différents ministères ont été amenés à constituer, dans le cadre de leur « plan de continuité », un stock de masques distinct de celui relevant du ministère de la santé, destinés à leurs agents identifiés comme « prioritaires », c'est-à-dire les agents dont la présence, en cas de pandémie grippale, est indispensable à la continuité de l'Etat.
De même, les collectivités territoriales ont été incitées à constituer des stocks de produits de santé par une circulaire du 20 janvier 2006 relative à l'action des maires dans la gestion d'une crise sanitaire majeur 44 ( * ) .
Or la gestion de ces différents stocks ne relève pas du domaine de compétences de l'EPRUS.
L'EPRUS au sein du dispositif de gestion des risques sanitaires
* 41 Décret n° 2009-862 du 13 juillet 2009 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance. Ce décret d'avance sera présenté dans la suite du présent rapport (cf. II.B).
* 42 Réponse du ministère de la santé et des sports au questionnaire de votre rapporteur spécial.
* 43 Cf. II.C.
* 44 Circulaire NOR/INT/E/05/00011/C du 20 janvier 2006.