CHAPITRE 4 : PRENDRE AU SÉRIEUX LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ EN EUROPE
L'Union européenne poursuit des objectifs sociaux et affiche notamment une volonté de lutte contre l'exclusion sociale et la pauvreté. Mais, sur fond d'augmentation des inégalités, le taux de pauvreté y augmente.
Ce processus est directement lié aux logiques économiques qui prévalent en Europe et exposées tout au long du présent rapport. Relever le défi des inégalités et de la pauvreté ce n'est ainsi pas seulement prendre au sérieux les valeurs sociales défendues par l'Europe, c'est aussi favoriser l'adoption des régimes de croissances plus fortes et plus équilibrées.
I. UNE EUROPE SOCIALE EN DEVENIR
A. MALGRÉ UN RENFORCEMENT DE SES AMBITIONS...
Les mentions européennes des questions sociales se sont étoffées depuis l'adoption du Traité de Rome .
Son préambule prévoyait des objectifs sociaux et des dispositions contraignantes étaient prévues dans le domaine de la libre circulation des travailleurs, de la sécurité sociale des migrants et de l'égalité de rémunération entre hommes et femmes. Mais, après un programme d'action sociale adopté en 1974, il fallut attendre l'Acte unique européen de 1986 pour qu'une impulsion soit à nouveau donnée à la politique sociale européenne avec :
- l'encadrement du marché du travail (article 118a) prévoyant l'harmonisation progressive de prescriptions minimales en matière de condition de travail ;
- la prise en compte des acteurs transnationaux en mettant l'accent sur la nécessité de cohésion économique et sociale (article 130)
- et le principe du dialogue avec les partenaires sociaux.
Avec l'Acte unique, les compétences communautaires ont été étendues à la santé et à la sécurité au travail.
Les traités de Maastricht (1992) et d'Amsterdam (1997) renforcent la prise en considération de la politique sociale européenne, la question de l'emploi devenant « d'intérêt communautaire » et nécessitant une stratégie de coordination.
En outre, sur la base de ces dispositions générales, une série de directives sont intervenues dans les domaines de la libre circulation des travailleurs et la coordination des régimes de sécurité sociale, de l'égalité des hommes et des femmes, du droit du travail et de la lutte contre les discriminations.
Enfin, les sommets de Lisbonne et de Nice en 2000 et le Conseil européen de Barcelone de 2002 se réfèrent au concept de « modèle social ». Le Conseil de Barcelone indique que « fondé sur une économie performante, un niveau élevé de protection sociale, d'éducation et le dialogue social », le modèle social européen est « un équilibre entre la prospérité économique et la justice sociale ».
La Stratégie de Lisbonne énonce l'objectif de faire de l'Europe l'économie la plus compétitive du monde, avec un haut niveau d'emplois de qualité grandissante et un plus haut degré de cohésion sociale .
En application de ces deux dernières considérations, le Conseil européen de Laeken avait souhaité que les pays européens fassent rapport de leurs engagements dans la lutte contre l'exclusion sociale (dans le cadre de la méthode ouverte de coordination - MOC -) en partant d'une série d'indicateurs que le Conseil a validé. Depuis, d'autres indicateurs ont été ajoutés à cette liste pour suivre les phénomènes de pauvreté au travail (2003) et, surtout à mi-parcours de la Stratégie de Lisbonne, une réforme du fonctionnement de la MOC a conduit à rénover les conditions de suivi des objectifs d'inclusion sociale (voir infra ).
On trouvera la liste des indicateurs de Laeken en annexe. A ce stade, on rappelle que cette liste comporte trois niveaux :
- 11 indicateurs primaires sont représentatifs de plusieurs dimensions de la pauvreté (revenus, emplois, éducation, santé) ;
- 9 indicateurs secondaires visent à approfondir l'analyse des situations sociales, le rôle des transferts sociaux, et à corriger en partie certaines lacunes du taux de pauvreté monétaire ;
- Le troisième niveau est réservé aux indicateurs nationaux qui n'ont pas fait l'objet d'un consensus mais qui sont considérés utiles.
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On peut regrouper ces indicateurs en fonction des objectifs de la lutte pour l'inclusion sociale.
A l' objectif n° 1 : faciliter la participation à l'emploi et l'accès de tous aux ressources, aux droits, aux biens et services correspondent les indicateurs primaires et secondaires suivants :
INDICATEURS PRIMAIRES |
INDICATEURS SECONDAIRES |
Taux de pauvreté monétaire (60 % du niveau de vie médian) |
Taux de pauvreté monétaire (40 %, 50 % et 70 % du niveau de vie médian) |
Seuil de pauvreté (60 % du niveau de vie médian) |
Taux de pauvreté avec un seuil ancré dans le temps |
Intensité de la pauvreté |
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Rapport inter-quintile des niveaux de vie avant et après transferts |
Coefficient de Gini (indicateur d'inégalité de la répartition) de la distribution des niveaux de vie avant et après transferts |
Personnes vivant dans des ménages sans emploi |
Proportion d'individus occupant un emploi et ayant un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté |
Espérance de vie à 40 ans |
Proportion de personnes à faible niveau d'études |
État de santé auto-perçu |
L' objectif n° 2 : prévention des risques d'exclusion était suivi par le moyen de deux indicateurs et l' objectif n° 3 : aider les personnes les plus vulnérables par quatre indicateurs :
OBJECTIF N° 2
INDICATEURS PRIMAIRES |
INDICATEURS SECONDAIRES |
Proportion de jeunes quittant le système éducatif sans qualification |
Taux de pauvreté monétaire (40 %, 50 % et 70 % du niveau de vie médian) |
OBJECTIF N° 3
INDICATEURS PRIMAIRES |
INDICATEURS SECONDAIRES |
Disparités inter-régionales des taux d'emploi |
Taux de chômage de très longue durée |
Taux de chômage de longue durée |
Proportion d'enfants vivant dans un ménage pauvre |
Quant au traité de Lisbonne , il confirme les objectifs sociaux de l'Union européenne en mentionnant le « plein emploi », le « progrès social » et la « cohésion économique, sociale et territoriale ») et les dispositions déjà existantes de la politique de l'emploi et de la politique sociale de l'Union.