II. UN INVESTISSEMENT PLUS DYNAMIQUE
Le niveau des taux d'intérêt constitue un déterminant fondamental de l' investissement , dont la réalisation du scénario gouvernemental de croissance nécessite une légère hausse qui participerait directement à l'augmentation de la demande. Cette augmentation, dont la probabilité de réalisation suscite des interrogations, renforcerait quelque peu à moyen terme, par ses effets d'offre, la croissance potentielle .
A. DES PERSPECTIVES D'INVESTISSEMENT FRAGILISÉES...
1. Un scénario volontaire...
Malgré un contexte plutôt défavorable (resserrement de l'accès au crédit, dégradation des perspectives de débouchés), l'investissement demeurerait dynamique dans le scénario central (le taux d'investissement progresserait de 19,7 % en 2008 à 21,7 % en 2013) afin de contribuer, avec la consommation des ménages, à un niveau de croissance permettant l'ajustement budgétaire. Ce dynamisme serait conditionné par une légère baisse du taux d'autofinancement (de 66,3 % à 64,8 % entre 2009 et 2013) des entreprises.
*
Depuis la fin des années quatre-vingt dix, les taux d'intérêts réels ne se situent plus à un niveau intrinsèquement problématique pour l'investissement et, au sein des entreprises, le maillon le plus faible se situerait plutôt du côté de l'anticipation de la demande.
Le graphe suivant montre que l'augmentation récente de l'investissement des sociétés non financières a pu avoir lieu moyennant une diminution substantielle la part de l'autofinancement , donc via un recours accru à l'emprunt.
Le scénario central de l'OFCE qui illustre les conditions de réalisation du programme de croissance et de désendettement du Gouvernement montre la nécessité d'une accélération continue de l'investissement, moyennant une réduction continue de l'autofinancement et donc un endettement encore accru des entreprises 30 ( * ) , dont le besoin de financement, qui ressortait en moyenne à 0,6 point de PIB de 1989 à 1999, puis à 2,5 points de PIB de 1999 à 2009, devrait s'établir en moyenne à 4,8 points de PIB de 2009 à 2013.
En revanche, dans le « scénario de crise », l'investissement est stabilisé à un niveau modeste et l'autofinancement augmente dans le cadre d'un moindre recours à l'emprunt, avec un besoin de financement limité à 3,6 points de PIB de 2009 à 2013. Le graphe suivant rend compte de ces évolutions différentiées :
2. ... mais des perspectives dégradées
Aujourd'hui, les perspectives d'investissement paraissent dégradées, à un double égard.
En premier lieu, la rentabilité économique de l'investissement dépendra, à moyen terme, des perspectives des entreprises en matière de demande effective . En effet, l'évolution de l'investissement est fortement corrélée au niveau de la demande anticipée et au taux d'utilisation des capacités de production .
En vertu du mécanisme de l'« accélérateur» 31 ( * ) , toute variation de la demande entraîne mécaniquement une variation de la FBCF qui lui est supérieure, à condition qu'il n'existe pas de capacité de production inemployée. Cette modélisation permet d'expliquer la « nervosité » de l'investissement en réaction aux variations de l'activité. Or, ces dernières sont nettement assombries par la contamination de la crise financière à la sphère réelle, et l'hypothèse d'un brusque ralentissement de l'investissement ne doit pas être écartée.
En second lieu, au moins à court terme, la probabilité d'un resserrement des conditions financières demeure forte , même si son ampleur est très difficile à évaluer, notamment en raison des initiatives gouvernementales destinées à soutenir l'offre de crédit bancaire en direction des entreprises.
A la faveur des mesures exceptionnelles prises ces derniers mois par les grandes Banques centrales et les principaux Etats, la confiance pourrait revenir sur les marchés interbancaires ainsi que pour l'octroi de crédit, avec des taux d'intérêt réels stabilisés -hypothèse que le reflux de l'inflation et les politiques de taux directeurs désormais accommodantes des principales banques centrales peut accréditer.
En revanche, il est certain qu'une hausse des taux d'intérêts appliqués aux emprunts des entreprises, dans le contexte d'une demande affaiblie, peut entraîner les entreprises dans une séquence de « deleveraging », c'est-à-dire une phase de désendettement liée à une rentabilité économique du capital devenue inférieure aux taux d'intérêt réels, configuration qui inverse l'effet de levier de l'endettement pour les actionnaires (cf. encadré ci-après).
Pour ces raisons, le « scénario de crise » de votre délégation table, non pas sur une augmentation, mais, avec un pessimisme mesuré, sur une stabilité de l'investissement de 2009 à 2013 (ainsi que sur un taux d'épargne des ménages constant) et en évalue les conséquences sur la croissance et la trajectoire de la dette publique (voir la deuxième partie du présent rapport et son chapitre I).
* 30 Entreprises non financières.
* 31 Albert Aftalion (1874-1956) a montré que si la technique de production est fixe (pour produire N fois plus, il faut N fois plus d'équipements), toute variation de la demande entraîne mécaniquement une variation de la FBCF plus forte que les variations initiales de la demande de produits.