V. L'ACTUALITÉ GÉOPOLITIQUE
A. 2008 : UNE ANNÉE DÉCISIVE POUR LES BALKANS OCCIDENTAUX
Priorité de la présidence slovène de l'Union européenne, la question de l'avenir des Balkans occidentaux était également au centre des travaux de l'Assemblée de sécurité et de défense au cours du premier semestre 2008. S'inscrivant dans la lignée du colloque organisé les 4 et 5 mars derniers à Ljubljana, la recommandation présentée devant l'Assemblée insiste avant tout sur l'indépendance du Kosovo et ses conséquences régionales et internationales. La neutralité du rapport quant au bien-fondé de l'indépendance n'occulte pas, en effet, les risques que celle-ci induit à l'échelle mondiale, et plus particulièrement dans le Caucase. Si la commission politique réfute tout lien entre l'accession à l'indépendance d'une province administrée depuis près de 10 ans par la communauté internationale et les velléités séparatistes des régions concernées, elle met néanmoins en relief l'utilisation du précédent kosovar par les 69 membres de l'Organisation des peuples et nations représentés (UNPO) dans leur quête de légitimité.
La commission souligne également le décalage observé entre l'unité de l'Union européenne sur l'envoi de troupes sur place et son impossibilité à adopter une position commune sur le nouveau statut , 7 États membres refusant toujours de reconnaître l'indépendance du Kosovo. La mission EULEX (État de droit au Kosovo), prévue pour une durée de deux ans, devrait encadrer les autorités kosovares dans les domaines de la police, de la justice et des douanes. Elle comptera environ 2 000 officiers de police, juges, procureurs et douaniers internationaux, assistés par 1 100 personnes recrutées localement.
La mission demeure cependant sujette à interrogation puisqu'elle ne bénéficie pas, à l'heure actuelle, d'un mandat des Nations unies pour succéder à la mission intérimaire des Nations unies (MINUK) en charge de l'administration de l'ancienne province serbe depuis 1998. L'Union européenne se heurte, dans le cas présent, à la volonté russe de retarder la prise de décision, assimilée à une légitimation de l'indépendance kosovare. Cet exemple souligne aux yeux de la commission politique le raidissement des relations entre l'Est et l'Ouest sur ce sujet, le rapporteur allant jusqu'à oser une comparaison avec la période précédant 1989 avant de tempérer son jugement.
Bien qu'elle tende à lier le cas kosovar à la situation en Abkhazie et en Ossétie, la Russie ne semble avoir aucun intérêt à entretenir durablement des foyers de tensions dans les Balkans, au travers notamment d'un soutien à l'irrédentisme serbe en Bosnie-Herzégovine. Les missions de l'OTAN et de l'Union européenne doivent néanmoins être vigilantes en matière de protection de la minorité serbe au Kosovo, tant de mauvais traitements contribueraient à aggraver les tensions entre l'Occident et Moscou.
La Serbie est, quant à elle, encouragée à continuer sa progression sur la voie de l'intégration européenne, tout autre choix apparaissant, aux yeux de la commission politique, « suicidaire ». L'arrestation de Radovan Karadzic et Ratko Mladic demeure, néanmoins, un préalable à toute poursuite des négociations avec l'Union européenne. Sa politique régionale doit également être empreinte d'apaisement. La situation de son voisin bosnien est, à cet égard, porteuse d'inquiétude tant l'indépendance du Kosovo a pu confirmer les velléités indépendantistes de la Republika Sprska. La Bosnie-Herzégovine peine à exister véritablement, en dépit de la signature de l'Accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne. L'absence de réforme constitutionnelle, l'impossibilité de voir aboutir à court terme le projet de police commune à l'ensemble du jeune État, font de celui-ci une structure sous respiration artificielle , maintenu en vie par la communauté internationale et les missions policières, civiles et militaires qu'elle a installées sur place (opération Althéa : 2 500 hommes, mission de police de l'Union européenne). A ce volet humain, s'ajoute également une importante aide financière, 2,5 milliards d'euros étant ainsi octroyés par l'Union européenne dans le cadre de plusieurs programmes d'aide à la reconstruction.
La recommandation insiste sur la nécessité pour la Grèce et l'ex-République yougoslave de Macédoine de trouver une solution consensuelle en vue de régler le différend existant sur la question du nom de l'ancienne république. Cette question apparaît centrale en vue de permettre à celle-ci de poursuivre son intégration au sein de l'OTAN et de l'Union européenne, jusque-là refusée par Athènes.
Au-delà du texte même de la recommandation recensant les enjeux et les points de friction au sein de la région, la commission politique, par la voix de son rapporteur, M. Pedro Agramunt Font de Mora (Espagne-Groupe fédéré), a enjoint à l'Occident de responsabiliser davantage les États de la région et rompre avec la logique de subventions . Elle y voit l'opportunité de leur conférer une véritable autonomie dans la prise de décision, ce qui leur permettrait d'avoir une mesure adéquate de la réalité.