4. Le problème de la maltraitance des personnes dépendantes : un bilan insuffisant, cinq ans après les travaux de la commission d'enquête du Sénat
Les phénomènes de maltraitance, dont sont victimes certaines personnes âgées ou handicapées, constituent une réalité complexe à appréhender autant qu'une dimension essentielle et qui ne peut être passée sous silence du dossier de la dépendance. Comme l'ont souligné les intervenants auditionnés à l'occasion de la table ronde du 23 janvier 2008, cette notion renvoie en effet à une grande diversité de situations, allant de la négligence par défaut de « bientraitance » jusqu'à la violence pure et simple.
Certains types de maltraitance, notamment physiques ou financières, sont « visibles » et donc relativement simples à identifier. D'autres, en revanche, résultent d'un manque d'encadrement : il suffit parfois d'une succession de petits actes qui s'accumulent pour créer les conditions de l'isolement et de la souffrance des personnes dépendantes. Il n'est alors pas toujours possible de distinguer un cas de maltraitance avéré.
La DGAS dispose toutefois de quelques indicateurs qualitatifs pour apprécier l'ampleur de ces phénomènes. En 2006, les dispositifs d'accueil téléphonique ont ainsi reçu 6 300 appels téléphoniques signalant des situations de maltraitance à l'encontre des personnes âgées, dont 1 300 en Ile-de-France. Par ailleurs, elle a recensé 242 signalements de maltraitance dans les établissements sociaux et médicosociaux (adultes et mineurs toutes catégories confondues, ce qui va bien au-delà des Ehpad). Ces dossiers concernent des violences sexuelles dans 41 % des cas, des violences physiques dans 28 % des cas, mais également des négligences graves (16 %) ainsi que des violences psychologiques et morales (15 %) 150 ( * ) .
Dans son rapport publié en juin 2003, la commission d'enquête du Sénat 151 ( * ) avait défini un programme de trente propositions à vocation opérationnelle. Au-delà d'un dispositif législatif et réglementaire jugé « désormais suffisant » , nos collègues insistaient fort justement sur la nécessité « d'abattre le mur du silence » paralysant en pratique sa mise en oeuvre opérationnelle. Trop souvent, en effet, la pression subie par les victimes se conjugue avec certaines formes de chantage exercées sur les familles et le silence des professionnels pour créer les conditions d'une « omerta persistante » . Ce constat, formulé il y a cinq ans, demeure malheureusement encore largement d'actualité. Il convient donc d'engager de nouveaux efforts pour « libérer la parole » dans les établissements.
C'est à cet objectif que répond le plan de développement de la bientraitance et de lutte contre la maltraitance , présenté le 14 mars 2007 par le ministère des affaires sociales. Ce document met en avant deux axes prioritaires : l'amélioration du signalement et le renforcement des contrôles. Ces actions ont été complétées, le 6 février 2008, en premier lieu, par la mise en place d'un numéro de téléphone désormais unique destiné à faciliter le signalement de tels événements, en second lieu, par la création d'une structure dédiée à la maltraitance dans chaque département. Les pouvoirs publics cherchent enfin à prévenir ces phénomènes en encourageant les institutions à améliorer la formation de leurs professionnels.
En définitive, les moyens de détecter les cas de maltraitance existent, mais il conviendrait sans doute d'y recourir davantage, notamment en réalisant plus fréquemment des contrôles inopinés au sein des établissements accueillant les personnes dépendantes.
* 150 Données transmises par la DGAS à la mission.
* 151 « Maltraitance envers les personnes handicapées : briser la loi du silence » - rapport de commission d'enquête n° 339 (2002-2003) - Jean-Marc Juilhard (rapporteur), Paul Blanc (président).