c) Une évaluation ne tenant pas compte des spécificités nationales
(1) La dispersion du système de recherche et d'enseignement supérieur français
Il se peut par ailleurs qu'un pays soit structurellement désavantagé en raison des caractéristiques de son système d'enseignement supérieur et de recherche, ce qui est le cas de la France au regard du classement de Shanghai. Cet aspect est abondamment commenté à chaque parution d'un nouveau classement international.
D'une part, l'effet taille est défavorable à notre pays , qui compte 85 universités, ce qui constitue une situation unique en Europe, ainsi qu'un certain nombre de « grandes écoles » dont la taille est souvent en proportion inverse de leur sélectivité... Or les institutions de grande taille et pluridisciplinaires sont naturellement avantagées dans les classements internationaux existants.
Ces grandes écoles ne destinent par ailleurs pas prioritairement leurs étudiants vers la recherche , ce qui les rend peu performantes au regard des indicateurs de Shanghai.
D'autre part, une partie de la recherche française, effectuée non pas à l'Université mais au sein des organismes de recherche , est hors champ des classements. Même si une part de plus en plus grande des organismes de recherche est adossée aux universités, au sein des unités mixtes de recherche, les chercheurs ne signent pas systématiquement leur production scientifique au nom de l'université, ce qui conduit à une sous-estimation du volume des activités de recherche des établissements.
Ainsi, les universités ne signent ou ne co-signent que les deux tiers des articles français. Dans le domaine des sciences « dures », par exemple, les universités sont très actives en mathématiques, chimie, biologie fondamentale et recherche médicale. Elles sont moins actives dans les domaines de la biologie appliquée et des sciences pour l'ingénieur.
PUBLICATIONS SIGNÉES OU COSIGNÉES PAR LES
UNIVERSITÉS
PART NATIONALE, PAR DISCIPLINE (2000)
Biologie fondamentale |
71,1 % |
Recherche médicale |
69,9 % |
Biologie appliquée, écologie |
54,6 % |
Chimie |
72,4 % |
Physique |
63,2 % |
Sciences de l'Univers |
60,5 % |
Sciences pour l'ingénieur |
56,8 % |
Mathématiques |
85,1 % |
Toutes disciplines |
67,5 % |
Source : OST (d'après données ISI)
(2) Spécificités nationales ou handicaps nationaux ?
Votre rapporteur ne souhaite pas décrédibiliser totalement les classements, notamment celui de Shanghai, qui a le mérite de se fonder sur des données objectives, quand celui du Times Higher Education repose essentiellement sur les effets de réputation particulièrement incertains. S'il souligne que les performances relativement médiocres de notre pays s'expliquent pour partie par des spécificités structurelles nationales, c'est aussi pour montrer que ces spécificités sont des obstacles à la visibilité internationale de notre recherche .
Il faut notamment relativiser l'effet résultant de la taille de nos établissements. En effet, dans le classement de Leiden - en termes d'impact relatif des publications 71 ( * ) - les universités françaises font moins bien que dans le classement de Shanghai alors même que l'indicateur employé n'est pas sensible à la taille des établissements.
Il semble bien que la dispersion du système d'enseignement et de recherche français l'empêche d'atteindre une taille critique et de créer un environnement pluridisciplinaire , favorables à une recherche de pointe au niveau international.
C'est ce constat qui conduit le gouvernement à encourager les regroupements d'universités et la formation de pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES).
Si l'on joint à cet enjeu de la « taille critique » les questions déjà évoquées du financement et de l'autonomie , il devient évident que certaines de nos spécificités sont aussi des handicaps à surmonter .
Pour ce faire, il faut aussi devenir acteurs des classements, afin de tirer le meilleur parti possible d'un outil devenu incontournable.
* 71 Nombre moyen de citations par publication, divisé par la moyenne mondiale pour les disciplines couvertes par l'université.