b) La situation de la France

(1) La dépense en faveur de l'enseignement supérieur

La France consacre 1,3 % de son PIB à l'enseignement tertiaire, ce qui la situe au niveau moyen européen (UE-19). Ce niveau européen est toutefois très en deçà du niveau des États-Unis, qui dépensent 2,9 % de leur PIB au titre de leurs établissements d'enseignement supérieur.

Plus inquiétante encore est la tendance, puisque la dépense en faveur de l'enseignement supérieur est moins dynamique en Europe qu'aux États-Unis 60 ( * ) .

Le constat est le même en termes de dépenses par étudiant : les États-Unis dépensent chaque année plus de deux fois plus par étudiant que les pays de l'Union européenne (22.500 USD par étudiant aux États-Unis contre 10.700 USD en France).

Les classements internationaux ont contribué à mettre en lumière ces disparités de moyens, qui sont apparues comme l'une des causes des écarts de performance entre pays.

Ainsi, en France, le principal moyen mis au service de l'objectif d'améliorer notre rang dans les classements internationaux est l'amélioration du financement de l'enseignement supérieur. L'engagement présidentiel d'augmenter le budget de l'enseignement supérieur de 50 % en 5 ans se traduit, en 2008, par une augmentation de 7,8 % du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il est notamment prévu que la dépense par étudiant augmente de 6 % en 2008, passant de 6.970 euros à 7.375 euros par étudiant. S'ajoute à cet effort budgétaire un investissement supplémentaire, dans le domaine immobilier , financé par la cession de 3 % d'EDF (3,7 milliards d'euros), dans le cadre du « plan Campus », qui devrait mobiliser en tout 5 milliards d'euros.

(2) Une gouvernance des universités réformée

L'étude précitée de l'Institut Bruegel (Aghion, P. et al., 2007) montre que les pays les plus performants dans le classement de Shanghai ont un système universitaire disposant d'un certain degré d'autonomie, tant du point de vue budgétaire que du point de vue de la gestion des ressources humaines (recrutement, fixation des salaires). Cette autonomie accroîtrait significativement l'impact d'un financement supplémentaire sur les performances des établissements.

Qu'en est-il, en France, après l'adoption de la réforme universitaire, au cours de l'été 2007 ?

En accroissant les pouvoirs des présidents et des conseils d'universités, notamment en matière budgétaire et dans le domaine de la gestion des ressources humaines, cette réforme constitue un progrès en direction d'une plus grande autonomie. Elle agit sur des points identifiés précédemment comme des leviers de réussite.

LA LRU : UNE AUTONOMIE UNIVERSITAIRE ACCRUE

La loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités :

- favorise le regroupement des universités ;

- renforce les pouvoirs des présidents d'universités : notamment par des dispositions relatives à la durée et au caractère renouvelable de leur mandat et en accroissant leur autorité sur les personnels de l'université. Aucune affectation ne peut être prononcée si le président émet un avis défavorable motivé 61 ( * ) , sous réserve toutefois de certaines dispositions statutaires relatives à la première affectation des personnels recrutés par le concours national d'agrégation de l'enseignement supérieur.  ;

- renforce le rôle des conseils universitaires ;

- réaffirme le rôle des contrats pluriannuels d'établissements ;

- permet l'exercice de responsabilités et des compétences élargies en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines. A ce titre, les universités peuvent bénéficier d'une globalisation encadrée de leurs crédits et bénéficier de marges de manoeuvre dans la définition des obligations de service des personnels enseignants et de recherche. Des primes et un dispositif d'intéressement peuvent être mis en place. Des agents contractuels peuvent être embauchés, dans les limites d'un plafond prévu par le contrat pluriannuel d'établissement ;

- l'autonomie accrue des établissements ne leur permet pas de sélectionner leurs étudiants à l'entrée, mais institue une obligation de préinscription à la charge des étudiants, et une obligation d'information à la charge des établissements ;

- la loi favorise la création de fondations universitaires ;

- enfin, elle permet le transfert aux établissements qui en font la demande de la pleine propriété des biens mobiliers et immobiliers appartenant à l'État qui leur sont affectés ou sont mis à leur disposition.

La loi constitue toutefois une avancée timide :

- En premier lieu, la souplesse introduite en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines reste très encadrée . La procédure consistant à s'opposer à une affectation par un avis motivé n'équivaut pas à l'instauration d'une réelle liberté en matière de recrutement. Le recours à des personnels contractuels demeure limité.

- En second lieu, si la loi réaffirme le rôle de l'évaluation, elle ne prévoit pas l'allocation de moyens sur des critères de performance . Votre rapporteur approuve, à ce titre, l'initiative de plusieurs de nos collègues qui ont préconisé, dans un rapport d'information récent 62 ( * ) , la mise en place d'un nouveau système de répartition des moyens (destiné à remplacer l'actuel système SAN REMO 63 ( * ) ), couvrant à la fois les activités de recherche et de formation des établissements, et s'appuyant sur des critères de performance. Il s'agit notamment d'attribuer 10 % des crédits de formation sur des critères de performance (ce qui constituerait une innovation majeure), ainsi que 50 %, à terme, des crédits de recherche.

- Enfin, l'autonomie doit s'accompagner de moyens pour être effective .

Le rapport précité du Conseil d'analyse économique sur les leviers de la croissance française 64 ( * ) porte un jugement sévère sur la réforme universitaire. Ce jugement a au moins le mérite de souligner les limites de cette réforme, et ses dérives possibles :

« Une autonomie sans concurrence et sans mobilité des enseignants chercheurs, une autonomie qui passe par la présidentialisation et la marginalisation des personnalités extérieures, une autonomie sans moyens substantiels porte en elle les germes du localisme et peut représenter une forme de régression par rapport au modèle actuel tant décrié ».

Les classements promeuvent un certain modèle universitaire fondé sur la transparence, la concurrence et l'autonomie d'établissements disposant de moyens à la hauteur des ambitions qu'un pays industrialisé peut légitimement se donner en matière de recherche. En augmentant les moyens alloués à l'enseignement supérieur, et en réformant son système universitaire, la France tend à s'aligner sur le modèle promu par les classements , qui ont ainsi un effet mobilisateur positif.

Toutefois, les classements sont fondés sur un nombre d'indicateurs limités et critiquables. Leur utilisation pour juger des performances d'un établissement est problématique. Ils constituent davantage des indices que des indicateurs robustes.

Leur succès en France est à la mesure des lacunes de l'information existant sur l'enseignement supérieur.

* 60 Voir l'annexe 2 au présent rapport, qui détaille l'ensemble des indicateurs relatifs à la dépense en faveur de l'enseignement supérieur dans les pays de l'OCDE.

* 61 Le pouvoir de nomination des enseignants-chercheurs appartient en effet au ministre, sur proposition du conseil d'administration. Celui-ci se prononce au vu de l'avis motivé d'un comité de sélection composé pour moitié au moins de personnes extérieures à l'établissement.

* 62 Le financement des universités : pour un Système de Répartition des Moyens à l'Activité et à la Performance (SYMPA), rapport d'information n° 382 (2007-2008) de MM. Philippe Adnot, Jean-Léonce Dupont, Christian Gaudin, Serge Lagauche, Gérard Longuet et Philippe Richert, au nom de la commission des affaires culturelles et de la commission des finances.

* 63 Système analytique de Répartition des Moyens, introduit en 1994.

* 64 Aghion, P, Cette G, Cohen E. et Pisani-Ferry J., Les leviers de la croissance française (rapport du Conseil d'analyse économique, n° 72, 2007).

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