(2) Un système de production divisé en plusieurs phases
Comme le notent MM. Daniel Cohen et Thierry Verdier, « le « business model » de la pharmacie tend à scinder de façon de plus en plus nette les différentes étapes du processus. Les innovations sont laissées à des « start-up » innovantes, les grands laboratoires prenant en charge le développement et la commercialisation de la molécule. La recherche comprend la phase d'identification des cibles, de criblage, d'optimisation des prototypes et les examens pré-cliniques. Le développement comporte toutes les phases en aval, jusqu'au dépôt du dossier » 50 ( * ) .
Les principales phases de mise au point d'un médicament ? Phases de recherche : - recherche initiale : cette phase a pour objectif de fabriquer des molécules ou d'isoler des protéines et de les tester. Elle se poursuit jusqu'à l'administration de la substance à l'homme ; - développement du médicament : cette phase consiste à passer d'une molécule étudiée en laboratoire à une « spécialité pharmaceutique », qui fera en général l'objet d'une prescription médicale et sera consommée par le patient. Le développement clinique inclut les essais cliniques, qui sont une obligation pour l'évaluation de l'innovation thérapeutique. ? Phases de fabrication : - production du principe actif : la substance active est produite dans des centres de fabrication spécialisée ; - formulation du médicament : lors de cette étape, des excipients sont ajoutés à la matière active, qui représente environ 5 % du médicament (parfois 15 % quand il s'agit des produits issus de la biotechnologie), afin de la rendre plus facile à prendre et à assimiler par le métabolisme ; - conditionnement : cette étape est en général accomplie dans la même unité que celle de formulation du médicament. ? Commercialisation Source : à partir du rapport de Mme Nelly Weinmann, La globalisation des leaders pharmaceutiques, op. cit. |
Dans son rapport précité intitulé La globalisation des leaders pharmaceutiques , Mme Nelly Weinmann mettait également en évidence les spécificités de la production pharmaceutique, qui nécessite une analyse fine des enjeux. Elle précisait ainsi qu'« une entreprise pharmaceutique globale comprend en général plusieurs pôles bien distincts (recherche et développement, production, marketing, commercialisation et distribution), dont les logiques de localisation sont très différentes . Ces pôles occupent des poids relatifs très différents ».
S'agissant des logiques de localisation, elle mettait en évidence plusieurs éléments qu'il convient de prendre en compte :
- l'installation d'une usine de fabrication de médicaments éthiques, c'est-à-dire protégés par un brevet, intervient dans des pays respectueux de la propriété industrielle ;
- la fiscalité joue un rôle dans l'implantation des usines de fabrication de principe actif , en raison de la forte valeur ajoutée de la matière active : dans ce cas, la proximité d'un marché important est secondaire dans la mesure où les coûts de transport du principe actif sont faibles par rapport aux coûts de production. C'est notamment ce qui explique l'émergence de l'Irlande et de Singapour, qui ont mis en place une fiscalité attractive ;
- l'implantation d'unités de formulation et de conditionnement des médicaments dépend de la technicité du produit . Lorsque la formulation exige une très forte technicité, une seule unité, en général installée dans des pays industrialisés, peut fournir le monde entier. La fabrication de ces sites se fait au cas par cas et s'insère donc dans une logique de compétition entre pays très industrialisés. Dans ces cas, tous les éléments entrent en ligne de compte - qualité de la recherche, fiscalité, environnement industriel général... -, comme l'ont indiqué à votre rapporteur spécial plusieurs des personnes auditionnées. En revanche, lorsque la formulation ne requiert aucune « prouesse technologique » et n'a qu'une faible valeur ajoutée, ce travail peut être effectué dans des pays à bas coûts ;
- lorsque les médicaments sont sous brevets, leur production par petits lots doit être réactive à la demande, ce qui exclut une localisation de la formulation à grande distance des marchés à servir. En revanche, la production de médicaments génériques peut plus facilement intervenir dans des pays moins industrialisés, présentant des coûts moins élevés ;
- de manière générale, on observe une tendance des laboratoires à installer des sites de production dans le pays d'origine du groupe ou dans des pays dont les marchés sont importants. Comme le précisait Mme Nelly Weinmann, « les groupes américains vont privilégier - hors Etats-Unis - l'Europe, où se situent les principaux marchés, et les pays où la fiscalité est faible (Porto Rico, Irlande) ».
* 50 Op. cit., p. 42.