C. QUESTIONS SOCIALES, SANTÉ ET FAMILLE
Convention européenne sur la promotion des mesures de santé publique pour lutter contre les drogues
Partant du principe d'un échec de l'ensemble des politiques visant à supprimer l'offre de drogues, le projet de convention présenté par la commission des questions sociales, de la santé et de la famille propose une réponse médicale et sociale à l'assuétude. Selon la commission, l'intervention du Conseil de l'Europe en la matière s'appuie sur le droit à la santé dont elle entend préciser les implications dans le cadre de l'usage de drogue. Le texte fixe dès lors quatre objectifs : prévention et éducation, traitement, réhabilitation et réinsertion sociale, suivi et évaluation.
Loin de dénier toute pertinence à un tel projet, il convient néanmoins de s'interroger sur l'absence de référence aux solutions répressives si ce n'est pour souligner les échecs d'endiguement en Europe de l'Est ou en Asie centrale. M. Yves Pozzo di Borgo (Paris - UC-UDF) a ainsi tenu à replacer le texte dans un contexte plus large remettant notamment en cause ses fondements :
« Notre Assemblée est périodiquement appelée à délibérer de ce que les journalistes appellent un « marronnier ». Parmi ces sujets récurrents, il y a la dépénalisation de l'accès aux drogues, ou plutôt une approche uniquement compassionnelle de la toxicomanie.
Je voudrais d'abord évoquer les prémisses de ce raisonnement puis la méthode proposée et enfin les objectifs annoncés.
S'agissant des prémisses, tous les États du Conseil de l'Europe ont à présent une approche mixte combinant la répression de la fabrication et du trafic de stupéfiants avec des mesures de protection de la santé, celle des toxicomanes et la santé publique.
La seconde prémisse que je relève dans le rapport, c'est l'affirmation que nous disposerions désormais, je cite: « de politiques pragmatiques et scientifiquement fondées de lutte contre la drogue ». Or, le rapport lui-même, au paragraphe 1 du projet de résolution, rappelle judicieusement que, je cite : « nombre d'interrogations scientifiques concernant l'assuétude restent toujours sans réponse » .
Enfin, le rapport vise les usages « problématiques » de drogue. Existerait-il des usages non problématiques, voire ludiques ? On sait que l'assuétude est précisément une dépendance qui domine rapidement la libre volonté du sujet, l'usage est donc toujours « problématique ». Et les médecins concluent à présent à la multiplication des risques de schizophrénie, spécialement avec l'ecstasy et les amphétamines, dites « drogues du bonheur », les plus souvent proposées dans les fêtes de jeunes. Nos voisins britanniques ont eu, eux, le courage de diffuser les images réalistes des ravages de la toxicomanie.
La méthode, ensuite.
Une nouvelle « Convention-cadre » ne me semble absolument pas l'instrument approprié à une question médico-sociale aussi controversée, de l'aveu même du rapporteur.
J'ajoute que cette proposition de Convention-cadre relaie celle de groupes comme le « Groupe de Senlis », favorable à une complète dépénalisation de la fabrication, du trafic et de l'usage de drogue.
La Commission n'a auditionné que les membres de ce groupe et la consultation que nous avions demandée du « Groupe Pompidou » ne semble pas avoir eu lieu, ce que m'a confirmé l'expert français.
Comme en matière de témoignage, nous pourrions dire : « expert unique, expert inique » .
S'agissant enfin des objectifs, la résolution et la recommandation viseraient à garantir un « droit à la santé », c'est-à-dire le « droit de jouir du meilleur état de santé possible, comme un état de bien être physique, mental et social total », selon notre Charte sociale et l'OMS.
Qui peut garantir un droit-créance à la santé aussi absolu, sans aucune responsabilité des individus ? Devant les ravages du tabac, tous les gouvernements ont restreint la liberté de fumer.
Devrait-on, dès lors qu'un toxicomane le demande, lui fournir les différents traitements de substitution disponibles, voire les stupéfiants de son choix ?
La liberté dans nos sociétés a pour contrepartie la responsabilité, pourquoi en exempter les personnes qui s'adonnent aux stupéfiants ?
Quant aux économies pour les budgets publics avec la libéralisation de l'accès aux drogues, c'est une assertion farfelue car les politiques d'assistanat suggérées seraient évidemment d'un coût énorme si l'approche complaisante devait se substituer complètement à la nécessaire répression de la fabrication, du trafic et de l'usage des drogues.
La production de pavot, en Afghanistan, finance les Talibans et son augmentation serait encouragée par une libéralisation en Europe: qui peut souhaiter cela ?
Quant à la diminution de la délinquance, je voudrais rappeler que la Commissaire européenne à la justice et aux affaires intérieures avait exposé, ici même, l'expérience de la Suède. Une première phase de généreuse libéralisation avait abouti, en toute logique, à une explosion de la consommation, de la désocialisation et de l'emprise des mafias. Si la petite délinquance liée au besoin de drogue avait d'abord baissé, les autorités suédoises avaient rapidement constaté que les toxicomanes devenaient des épaves, incapables de travailler, de respecter les lois et, bientôt, entraînés dans une spirale de violence.
Enfin, je voudrais souligner que la politique de distribution de produits substitutifs n'est pas la panacée puisque l'on assiste en France, depuis plusieurs années, à un intense trafic de « Subutex ». Le raisonnement qui oppose, d'une part, la répression et, d'autre part, la politique de « réduction des risques » avec fourniture libérale de produits de substitution est simpliste, hélas.
Je voudrais vous mettre en garde aussi, mes chers Collègues, contre les intérêts puissants qui poussent à une approche compassionnelle, voire ouvertement favorable à l'offre de drogue. Aux États-Unis, il y a 20 ans, a été créée la Drug Policy Foundation, avec pour objectif une « révolution progressive des idées qui annonce elle-même une révolution du pouvoir politique » .
Il s'agirait d'un groupe sans importance s'il n'avait fait l'objet de dons de plusieurs millions de dollars, notamment du milliardaire George Soros par l'intermédiaire de l'« Open Society Institute ». L'excellente revue helvétique, l'Hebdo, a révélé ces filières.
Beaucoup d'entre nous connaissent les ravages des différentes formes de toxicomanie, particulièrement à l'âge le plus fragile de l'adolescence. Nous serions coupables de ne pas opposer aux questions existentielles des adolescents, la ferme conviction que vivre libre, c'est vivre sans drogue ».
La résolution telle qu'adoptée se limite in fine à la conception et à la mise en oeuvre de mesures ciblées sur le blanchiment d'argent ainsi qu'à la confiscation et la réaffectation des produits financiers liés à la drogue. Elle insiste davantage sur la mise en oeuvre de stratégies psychosociales et pharmacologiques à destination des toxicomanes.