B. LA RESPONSABILITÉ DES ÉLUS LOCAUX

Tout manquement de l'élu local à ces obligations l'expose à l'engagement de sa responsabilité. Aucun texte n'ayant consacré l'irresponsabilité de l'élu, il est, pour une large part, soumis à la responsabilité de droit commun. En outre, l'élu est soumis à plusieurs responsabilités.

1. La responsabilité civile

L'élu est soumis à la responsabilité civile de droit commun pour les fautes qu'il commet en dehors de ses fonctions ou dans le cadre de ses fonctions mais sans rapport avec celles-ci. Selon le droit commun de la responsabilité des fonctionnaires, l'élu est personnellement responsable lorsqu'il commet une faute détachable du service : en l'espèce l'élu est assimilé à un agent public.

L'élu voit donc sa responsabilité personnelle mise en cause lorsqu'il commet une faute personnelle, imputable à la personne et non à la fonction.

Pour que la faute soit détachable de la fonction, il faut :

- soit que l'élu ait agi comme un simple particulier en dehors de ses fonctions ;

- soit qu'il ait commis une négligence ou une erreur d'une exceptionnelle gravité ;

- soit qu'il ait agi dans un but personnel, tout à fait en dehors de l'intérêt de la collectivité et avec une intention coupable.

2. La responsabilité administrative

- La gestion de fait

Il s'agit de la mise en cause pécuniaire personnelle des élus locaux dès lors que ceux-ci sont considérés comptables de fait. C'est le cas des personnes, qui n'ayant pas la qualité de comptable public, s'ingèrent dans le maniement ou le recouvrement de fonds publics, sans en avoir reçu l'autorisation. Or l'ordonnateur (l'exécutif d'une collectivité) n'a pas la qualité de comptable public. Il est dès lors exposé à la responsabilité pour gestion de fait s'il agit à la place du comptable public. Il sera alors condamné au remboursement des sommes manquantes.

- Les fautes détachables ou non détachables de l'exercice des fonctions

Lorsque l'élu commet une faute détachable de sa fonction, il en est personnellement responsable et il est soumis au régime de responsabilité de droit commun.

Il en est autrement lorsqu'il commet une faute non détachable de l'exercice des fonctions, c'est-à-dire une faute de service.

Les lois n° 96-393 du 13 mai 1996 et n° 2000-647 du 10 juillet 2000 ont permis aux élus locaux de bénéficier de la protection applicable aux agents publics mis en cause pénalement à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, dès lors qu'il s'agit de faits n'ayant pas le caractère d'une faute personnelle détachable de cet exercice.

C'est une obligation à la charge de la commune, qui résulte de l'alinéa 2 de l'article L. 2123-34 du CGCT : « la commune est tenue d'accorder sa protection au maire, à l'élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l'un de ses élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions(...) ».

Une obligation similaire pèse sur le département (L.3123-29 CGCT) et sur la région (L.4135-29 CGCT).

Cette protection peut comporter le remboursement par la collectivité à l'élu de tous les frais engagés par lui pour sa défense (frais d'avocat, frais de déplacements occasionnés par la procédure, condamnation pécuniaire de l'élu). La carence ou l'insuffisance de la collectivité dans la protection qu'elle doit assurer à son élu est sanctionnée puisque son abstention ou sa défaillance est susceptible de constituer une faute de nature à engager sa responsabilité.

Il revient au juge de déterminer la frontière entre faute personnelle et faute de service : s'agissant d'une faute personnelle, c'est à l'élu de supporter la charge de la réparation, s'agissant d'une faute de service, la réparation incombe à la collectivité. Si la collectivité était condamnée à réparer les conséquences d'une faute personnelle d'un élu, elle pourrait se retourner contre lui.

3. La responsabilité pénale

C'est la responsabilité qui pèse le plus sur les élus locaux : elle les inquiète fortement et agit parfois comme un « repoussoir ».

Face à cette situation, le législateur a adopté une loi limitant les hypothèses de responsabilité pénale pour les faits non intentionnels (loi dite « Fauchon » du 10 juillet 2000).

La loi « Fauchon », prenant acte du fait que la plupart des poursuites souvent abusives s'exerçaient à l'occasion de « fautes » indirectes reprochées aux décideurs publics, a mis en place une nouvelle théorie de la responsabilité pénale pour les délits non intentionnels, distinguant radicalement :

- les cas où entre l'acte (ou la carence) en cause et le dommage, il existe un lien de causalité direct ;

- les cas où entre l'acte (ou la carence) en cause et le dommage, le lien de causalité n'est qu'indirect.

Le premier cas est le suivant : visé par le 3e alinéa de l'article L. 121-3 du Code pénal (loi du 10 juillet 2000) « Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ».

Ce texte permet aux lois pénales de prévoir des incriminations fondées sur une simple faute d'imprudence, de négligence, de manquement à une obligation législative ou réglementaire, dès lors que les « diligences normales » n'ont pas été accomplies lorsqu'il y a un lien de causalité direct entre les faits reprochés à l'auteur et le dommage.

On peut prendre la mesure de la grande liberté d'appréciation des juges du fond dans ce qu'on appelle la qualification juridique des faits. En effet, c'est aux juges qu'il revient d'apprécier notamment s'il existe ou non un lien de causalité direct entre les faits incriminés et le dommage infligé à une ou plusieurs victimes, l'existence d'une faute, ou encore le fait de savoir si des diligences normales ont ou n'ont pas été effectuées (la loi suggère seulement aux juges une méthode d'évaluation de ces diligences).

Le deuxième cas est traité par le dispositif le plus innovant de la loi « Fauchon ». Il subordonne, en cas de lien de causalité indirect entre la « faute » et le dommage, la mise en cause pénale du décideur public à la commission par celui-ci d'une faute caractérisée.

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