IV. QUELQUES PISTES POUR AMÉLIORER LE STATUT DES ÉLUS LOCAUX

A. L'ABSENCE DE STATUT DES ÉLUS N'APPARAÎT PLUS TENABLE AUJOURD'HUI

M. Philippe Leroy (Moselle - UMP) observe qu'il n'existe pas de véritable statut de l'élu malgré les récentes avancées de la loi de 2002 :

A ce jour, aucun texte de loi, pas même le Code général des collectivités territoriales, n'instaure un véritable statut de l'élu.

En 2005, lors d'un colloque intitulé « L'élu au coeur de la décentralisation » et d'ailleurs organisé par l'Observatoire sénatorial de la décentralisation, le président du Sénat Christian Poncelet relevait que c'est avec la loi du 27 février 2002 sur la démocratie de proximité qu'un premier pas vers le statut de l'élu local avait été fait. C'est dire qu'il a fallu presque vingt ans après les premières lois de décentralisation pour un premier cadre.

Pour sa part, l'AMF a édité un « Statut de l'élu local » qu'elle remet régulièrement à jour.

La réalité en France, c'est qu'il n'existe toujours pas de statut de l'élu. Et pour le formaliser de manière concrète, il suffit de reprendre les réponses aux cinq précédentes questions : prise en compte du changement des comportements électoraux et augmentation de la pression des citoyens sur les élus de proximité, augmentation des compétences et des responsabilités, hyperinflation normative et jurisprudentielle, complexité des relations financières avec l'État...

En résumé, ce n'est pas telle ou telle autre disposition relative à l'exercice du mandat local qui souffre d'insuffisance. C'est véritablement la reconnaissance de l'exercice du mandat qui souffre d'insuffisance parce qu'elle n'a pas encore été consacrée en tenant compte des conditions qui entraînent une mutabilité de l'environnement dans lequel l'élu doit agir.

Les sénateurs qui ont répondu au questionnaire de l'Observatoire sénatorial de la décentralisation insistent souvent sur l'hétérogénéité des situations en observant par exemple qu'un élu fonctionnaire ne rencontre pas les mêmes contraintes qu'un élu issu du monde de l'entreprise. Un autre sénateur remarque ainsi que :

Le statut des élus locaux repose sur le code général des collectivités territoriales qui dispose que les fonctions du Maire, adjoint et conseiller municipal sont gratuites et donnent lieu à des indemnités de fonction et non à un salaire. C'est une compensation du temps consacré à l'exercice du mandat.

L'obstacle majeur réside dans le fait qu'un fonctionnaire assurant des fonctions d'élu peut interrompre sa carrière pour mise en disponibilité et retrouver son emploi à la fin du mandat, alors qu'un membre d'une profession libérale ou un commerçant ne retrouvera pas sa situation antérieure s'il abandonne tout ou partie de celle-ci pour exercer pleinement son mandat.

Comme le souligne par ailleurs M. Charles Guené (Haute-Marne - UMP), la question du retour à l'emploi des élus est d'autant plus problématique que la durée totale des mandats a tendance à s'allonger :

D'autre part, il serait illusoire de penser que la fonction d'élu est une parenthèse dans la vie. La fonction exige de plus en plus de compétence(s) et il faut donc imaginer que l'élu passera une part non négligeable de sa vie « en poste », il faut donc que le statut comporte une nécessaire compensation de cet « espace-temps », consacré aux autres, car le temps passé ne se rattrape pas en cas d'échec, et on ne reprend pas une vie active à 40 ou 45 ans avec les mêmes perspectives que 10 ans avant...

Peut-être doit-on aussi imaginer d'autres perspectives, dans le cadre d'une réforme du paysage institutionnel, pour les élus « intermédiaires », les présidents d'EPCI-conseillers généraux et les conseillers généraux/régionaux pourraient avoir les « moyens » d'assurer leurs mandats par le biais d'un cumul étudié...

Les difficultés des élus sont également évoquées par M. Dominique Braye (Yvelines - UMP) :

C'est le point bien connu du statut de l'élu local quant à sa capacité d'investissement personnel et du danger qu'il encourt pour sa vie professionnelle et familiale s'il n'est pas fonctionnaire !

Ainsi que par M. Gérard Bailly (Jura - UMP) :

Pour différentes professions (libérales, artisans, agriculteurs, commerçants,...), il est très difficile d'être candidats sur des postes d'élus locaux importants quand ils sont en pleine activité, ce qui met un frein à leur engagement mais je ne vois que peu de solutions. Je comprends leurs craintes si leur mandat n'était pas reconduit jusqu'à l'âge de la retraite alors qu'un fonctionnaire retrouve son emploi.

M. Philippe Nogrix (Ille-et-Vilaine - UDF) insiste sur le manque de temps dont dispose les élus locaux :

Le plus gros frein à l'exercice des mandats reste « le temps ». Temps pour lire, temps pour assister aux réunions, temps pour réfléchir.

Le statut de l'élu, toujours pas réglé, devra l'être dans la législature à venir sinon la vie démocratique en souffrira.

La disponibilité professionnelle pour assister aux réunions devient critique et oblige beaucoup d'équipes municipales à confier les responsabilités aux aînés retraités ou aux fonctionnaires, c'est bien mais les salariés se sentent exclus des décisions.

Il est rejoint en cela par M. Bernard Saugey (Isère - UMP) qui regrette l'augmentation du nombre des réunions occasionné par le développement de l'intercommunalité :

Sur la multiplication ridicule du nombre de réunions dues à l'intercommunalité.

Prévoir, enfin, un statut simple de l'élu local.

Un autre sénateur fait observer qu'une autre difficulté concerne les petites communes dépourvues de véritables services communaux :

Les dispositions actuelles font la part belle aux fonctionnaires qui retrouvent leur emploi à l'issue d'un mandat.

Les salariés du privé hésitent à s'engager car leur carrière risque d'être entravée par des mandats électifs qui demandent de plus en plus de disponibilité en temps et de technicité. Ceci est d'autant plus vrai dans les petites communes , notamment périurbaines, où les mairies n'ont pas les moyens d'entretenir des services municipaux.

Ne pourrait-on envisager pour le maire et les adjoints des « congés non interrupteurs d'ancienneté » , une indemnité permettant de vivre, accompagnée d'une couverture sociale ?

Pour un autre sénateur l'origine de toutes ces difficultés est à rechercher dans le fait qu'il n'existe pas de véritable statut de l'élu local :

Il n'y a pas de réel statut, ce qui est source d'inégalités entre citoyens, entre élus, et ne permet pas un accès facile aux plus jeunes, aux salariés, aux femmes (voir l'âge moyen -et le sexe- de l'ensemble des élus).

A ce propos, même si des doutes subsistent quant à la possibilité de créer ce véritable statut, il n'en reste pas moins qu'une attente demeure pour des avancées en particulier dans le domaine du régime de retraite ainsi que le souligne Mme Nicole Bricq (Seine-et-Marne - PS) :

Plutôt que de réclamer un « statut de l'élu » qu'on promet et qu'on ne fait jamais, il conviendrait de prendre des mesures simples, justes et efficaces.

Un élu local exécutif doit pouvoir bénéficier de la même retraite que s'il demeurait actif (dans le privé comme dans le public). Afin d'éviter le cumul de mandat parlementaire / exécutif, un maire, un Président de Conseil régional et Président de Conseil général doit voir sa retraite alignée sur le même régime qu'un parlementaire.

Le « droit de retour » de l'élu dans son administration, son service public et dans l'entreprise doit lui être assuré. Une démocratie vivante vaut bien cela.

Plusieurs sénateurs insistent également sur la nécessité de mieux organiser les fins de mandat. C'est notamment le cas de M. André Lardeux (Maine-et-Loire - UMP) :

Si on interdit le cumul des mandats, le problème du statut de l'élu devient moins prégnant, surtout si en plus on en limite la durée. La seule vraie disposition à mettre en oeuvre, c'est une procédure de reconversion après la fin du mandat .

Mais aussi de M. Alain Milon (Vaucluse - UMP) :

Essentiellement sur les élus locaux professionnels indépendants ou libéraux, qui se retrouvent souvent à la rue après un échec électoral. Il y a là beaucoup à faire ; la démocratie sera à ce prix.

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