D. DES INNOVATIONS UTILES POUR ÉMANCIPER LA DÉMOCRATIE LOCALE EN FRANCE
L'Acte II de la décentralisation engagé en France depuis 2003 renforce considérablement les compétences des collectivités territoriales et donc, par voie de conséquence, le besoin de légitimité des élus locaux. Or, nombreux sont ceux qui, aujourd'hui, vivent mal ce qu'ils considèrent comme un affaiblissement de leur légitimité compte tenu, notamment, de la faible reconnaissance qu'ils ressentent pour leur action, des difficultés qu'ils rencontrent à faire comprendre leur rôle auprès de la population et du lien distendu qu'ils peuvent entretenir avec leurs électeurs à travers des systèmes électoraux qui ne permettent pas toujours de bien identifier le chef de l'exécutif.
Le renforcement de la légitimité des élus constitue l'objectif principal des réformes de la gouvernance locale qui ont été entreprises chez plusieurs de nos voisins européens. Si leurs modalités diffèrent en fonction des cultures administratives et historiques, il est apparu évident pour nos voisins que la décentralisation constituait d'abord un choix politique et démocratique avant de représenter une modalité d'organisation administrative et de réforme de l'Etat.
Dans ces conditions, les évolutions de la gouvernance locale ont privilégié l'application, au niveau local, des principes propres aux institutions politiques démocratiques fondées sur le suffrage universel direct, l'équilibre des pouvoirs, le contrôle de l'exécutif et le statut de l'élu.
S'il ne saurait être question, à partir des expériences européennes, de « plaquer » des pratiques différentes sur notre modèle national, ni même d'essayer de définir un « modèle idéal » sur la base des pratiques les plus intéressantes, il apparaît néanmoins utile de s'interroger sur l'intérêt qu'il pourrait y avoir à adapter en France des dispositions qui sont maintenant couramment mises en oeuvre dans les autres pays d'Europe.
Cette démarche semble d'autant plus justifiée que l'expérience de nos voisins européens permet d'établir que la modernisation de leurs règles de gouvernance locale a constitué un facteur décisif pour renforcer la popularité des élus locaux. Mieux identifiés, légitimés par un statut clair, ils apparaissent comme les plus à même de résoudre les problèmes concrets du quotidien.
Votre rapporteur a souhaité, en conclusion de cette partie consacrée à la gouvernance locale européenne, souligner l'utilité qu'il pourrait y avoir pour notre propre gouvernance locale à s'inspirer de certaines pratiques européennes et, au contraire, la nécessité de ne pas en retenir d'autres qui peuvent se révéler aujourd'hui trop inadaptées à nos usages.
1. Quatre pistes utiles pour émanciper la démocratie locale
a) Un chef de l'exécutif élu au suffrage universel direct
Avec la décentralisation, les chefs d'exécutifs locaux exercent des responsabilités lourdes sans, pour autant, être toujours bien identifiés par l'opinion publique, entendus par leur administration et respectés par l'Etat. Un renforcement de leur légitimité pourrait donc être utile pour leur permettre d'exercer pleinement leur mission.
Ce renforcement serait dans la logique de la Vème République qui repose pour l'essentiel sur l'élection du Président de la République au suffrage universel direct. A de nombreux égards, les exécutifs locaux, départementaux et régionaux, en France, sont désignés selon des modalités qui se rattachent plus aux usages et aux moeurs de la IVème République.
Dans le système français, le Maire est généralement celui qui a conduit aux élections la liste qui a obtenu la majorité des sièges au conseil municipal. Il en est de même du président du Conseil régional. Toutefois, ce n'est pas une règle absolue et il arrive, notamment lors des élections régionales que la tête de liste soit confiée à une personnalité qui « tirera » la liste mais qui renoncera à briguer la présidence, soit pour cause de cumul des mandats soit pour cause de maintien au gouvernement. Par ailleurs, il n'est pas inhabituel qu'un maire ou un président de région démissionne en cours de mandat, soit par exemple du fait de son entrée au gouvernement comme l'ancien maire de Toulouse, M. Philippe Douste-Blazy, soit pour des raisons de cumul de mandats, comme M. Michel Sapin qui vient d'abandonner ses fonctions de président de la région Centre.
Pour les conseils généraux, l'absence de scrutin de liste rend moins transparente la procédure de désignation du président du Conseil général aux yeux des citoyens. En effet, celui-ci ne sera désigné par ses pairs qu'après l'élection des conseillers généraux et il ne pourra pas se prévaloir du même « soutien » populaire même indirect comme le maire ou le président de Conseil régional qui aura conduit la liste victorieuse. C'est sans doute cette caractéristique qui explique la moindre notoriété du président du Conseil général par rapport aux autres chefs d'exécutifs locaux.
L'adoption du suffrage universel direct pour la désignation des exécutifs locaux ne constituerait pas un changement majeur pour les électeurs qui peuvent déjà avoir le sentiment de voter pour désigner « leur maire » ou « leur président de conseil régional ». Elle permettrait, au contraire, de mettre la réalité juridique en harmonie avec le ressenti des électeurs et d'éviter une « nationalisation » de certaines campagnes notamment au niveau régional lorsque des ministres en exercice, par exemple, ou des personnalités se présentent et renoncent ensuite à siéger ou à exercer des fonctions exécutives. Pour le Conseil général, ce changement serait même de nature à mieux identifier ses missions puisque l'élection deviendrait une occasion privilégiée de mettre en avant le projet de chaque candidat à la présidence du conseil général.
Désigné directement par les citoyens, le chef de l'exécutif local serait plus légitime, mieux identifié et davantage responsable de son action aux yeux de ses concitoyens . Ce surcroît de légitimité pourrait être précieux pour mieux défendre les intérêts de sa collectivité dans le cadre de ses relations avec les autres partenaires locaux ou nationaux, publics ou privés.
Il pourrait également s'avérer indispensable dans le cadre d'un renforcement de la législation sur le cumul des mandats, de nombreux élus locaux s'appuyant aujourd'hui sur leur légitimité parlementaire pour faire avancer leur action locale. Une limitation plus drastique du cumul des mandats pourrait donc avoir pour contrepartie nécessaire un renforcement de la légitimité propre des chefs d'exécutifs locaux à travers le recours à l'élection au suffrage universel direct.
Les modalités du recours au scrutin universel direct pour élire les maires et les présidents des exécutifs départementaux et régionaux pourraient prendre deux formes bien différentes :
Premier scénario : l'élection au suffrage universel direct
La première solution pourrait consister, comme en Allemagne et en Italie, à élire les exécutifs locaux au suffrage universel direct, comme le président de la République. Les électeurs seraient ainsi amenés à voter deux fois, une fois pour élire le chef de l'exécutif et une autre fois pour élire les conseillers de l'assemblée délibérative. Une telle distinction entre les modalités d'élection de l'exécutif local et des membres du conseil élu pourrait constituer la première étape d'une séparation des fonctions exécutive et délibérative. En France, le président du Conseil général, élu au scrutin uninominal, pourrait être désigné selon ce mode direct, mais ce type de scrutin pourrait aussi s'appliquer aux maires et aux présidents de région.
Second scénario : une désignation automatique dans le cadre du scrutin de liste
La seconde solution consisterait à préserver notre tradition de scrutin de liste aux élections municipales et régionales en prévoyant, comme au Portugal, que c'est la tête de liste gagnante qui devient automatiquement maire ou président du Conseil régional. Par ailleurs, pour éviter de refaire une élection en cas de démission du chef de l'exécutif, il pourrait être utile, dans cette logique, de prévoir que l'exécutif local démissionnaire est remplacé par le suivant de la liste
Si l'élection au suffrage universel direct du chef de l'exécutif local en France ne constituerait pas un changement majeur pour les citoyens qui peuvent déjà avoir le sentiment de désigner leur maire, il faut bien avoir à l'esprit qu'elle aurait des conséquences importantes sur notre gouvernance locale.
Pour en prendre la mesure, rien de tel que de rappeler le lien qui a existé entre le renforcement des pouvoirs du chef de l'État lors de la naissance de la Vème République et le recours au suffrage universel direct en 1962 pour assurer sa légitimité. La légitimité populaire va souvent de pair avec la définition d'un statut de l'exécutif qui lui donne les moyens de « gouverner ». En cela, il est important de noter que tout changement du mode de désignation de nos chefs d'exécutifs locaux devrait s'accompagner d'autres changements tout aussi conséquents ayant pour objectif de définir un nouvel équilibre des pouvoirs locaux. Ces changements complémentaires pourraient s'inspirer des changements institutionnels adoptés dans les autres pays européens.
b) Une stricte limitation du cumul des fonctions à « temps plein »
L'absence de cumul des mandats constitue assurément la principale caractéristique des autres démocraties européennes. Soit cette interdiction est inscrite dans la loi, soit elle est considérée comme allant de soi aux yeux des électeurs. En Espagne par exemple, la limitation rigoureuse du cumul des mandats apparaît comme un facteur important pour expliquer la bonne image des élus locaux. Cette limitation n'est toutefois pas absolue. En effet, s'il n'est pas possible pour un parlementaire d'une Communauté autonome d'être élu au Congrès des députés, il arrive qu'un maire soit élu à la tête d'une assemblée de province.
En France même, les progrès de la décentralisation ont radicalement changé la nature même de la mission des exécutifs locaux. Dotés de nouvelles compétences et des moyens de les mettre en oeuvre, ils n'ont plus besoin d'aller « négocier » à Paris chacun de leurs projets. Dans ces conditions, si le cumul entre une fonction de parlementaire et une fonction de simple élu local présente de nombreux avantages, notamment pour connaître les réalités locales, ce n'est plus le cas pour les fonctions d'exécutif local (maire des grandes villes, président de conseil général ou président de région) qui doivent être exercées maintenant à temps plein.
Il convient, dans ces conditions, d'avancer sur la voie de l'incompatibilité entre une fonction exécutive locale et une fonction parlementaire. Cette incompatibilité pourrait également concerner les présidences des communautés d'agglomération et des communautés urbaines. Ce nouveau régime pourrait s'appliquer à partir des élections régionales de 2010 afin que les nouveaux présidents de région puissent exercer leur fonction à temps plein . Il apparaît essentiel que le même régime s'applique à l'ensemble des parlementaires (sénateurs, députés et députés européens) concernant le cumul.
c) Une interdiction du cumul des fonctions exécutives locales et des fonctions de membre du gouvernement
Ce qui est vrai des parlementaires l'est plus encore des membres du Gouvernement. Les Français sont de plus en plus conscients qu'il n'est pas possible pour une même personne d'assumer deux charges aussi importantes que celle de membre du gouvernement et celle de responsable d'un exécutif local.
Voilà pourquoi l'interdiction du cumul des fonctions pourrait être inscrite dans la Constitution ainsi que le propose également le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République présidé par M. Édouard Balladur.
d) Une obligation d'exercer son mandat à « temps plein »
Le renforcement des compétences des chefs d'exécutifs locaux va logiquement de pair avec une professionnalisation de ces fonctions. Cette tendance de fond se traduit dans certaines démocraties européennes par l'obligation faite aux maires des grandes villes et aux présidents des autres collectivités d'exercer leur mandat à temps plein.
En Espagne, ces élus « à temps plein » sont considérés comme des salariés et sont affiliés au Régime général de la Sécurité sociale. Le montant de leurs rétributions est fixé par l'assemblée élue de chaque institution. Depuis le 9 décembre 2006, les élus locaux espagnols bénéficient également de la protection et de la couverture de la Sécurité sociale en cas de chômage. On peut rappeler, par ailleurs, qu'aux Pays-Bas, les élus à temps plein se sont vu reconnaître le droit à un salaire « satisfaisant ». En Pologne et en Slovaquie, les élus exerçant à temps plein sont, par contre considérés, comme des fonctionnaires.
Trop souvent, en France, la pratique du cumul des mandats apparaît comme une réponse à la précarité du « statut » des titulaires de fonctions électives, notamment sur le plan du régime de la rémunération . Afin de mettre un terme à cette situation qui n'est plus adaptée à une démocratie moderne, il pourrait être proposé de créer un régime statutaire plus adapté pour les maires des grandes villes (11 ( * )) , les présidents de conseil général et de région qui exerceraient leurs fonctions à temps plein. Comme c'est le cas en Italie, ces élus locaux à la mission particulière pourraient se voir reconnaître une rémunération adaptée calculée en fonction d'une indemnité de référence.
Parallèlement, l'article L. 2123-17 du code général des collectivités territoriales qui prévoit que « les fonctions de maire, d'adjoint et de conseiller municipal sont gratuites » pourrait être modifié, s'agissant du maire, pour prévoir que lorsqu'elles sont exercées à plein temps, les fonctions de celui-ci donnent lieu à une rémunération calculée sur la base d'une référence nationale, compte tenu de la taille de la commune.
Par ailleurs, les termes de l'article L. 3123-17 concernant l'indemnité du président du conseil général et ceux de l'article L. 4135-17 concernant celle du président du conseil régional pourraient être modifiés et harmonisés avec les dispositions concernant les maires exerçant à temps plein afin de prévoir également que ces exécutifs bénéficieront d'une rémunération suffisante pour exercer leurs fonctions.
Qu'est-ce qu'une rémunération suffisante ? Cette rémunération a-t-elle vocation à être la même pour tous les exécutifs d'une même catégorie ? Il n'appartient pas à votre rapporteur d'apporter seul des réponses à ces questions. Néanmoins, sur le plan des principes, il pourrait sembler opportun de prévoir un minimum légal ou réglementaire identique pour tous les chefs d'exécutifs d'une collectivité territoriale de taille suffisante qui pourrait correspondre au montant de l'indemnité de base d'un parlementaire (12 ( * )) . Chaque collectivité pourrait librement prévoir de compléter cette rémunération avec un régime indemnitaire adapté (indemnité de résidence ou de fonction par exemple). Par ailleurs, le régime de sécurité sociale et de retraites de ces élus pourrait également être remis à plat pour être aligné sur les standards en vigueur pour les cadres qui exercent des responsabilités similaires dans le secteur public ou privé.
Synthèse des réponses des
sénateurs
La plupart des sénateurs qui ont répondu au questionnaire estiment que la décentralisation a permis de mieux identifier les grandes missions des différents niveaux de collectivité (en particulier la prise en charge de la dépendance par les départements) et de mieux associer les populations à la prise de décision. Pour autant, certains estiment que la relation entre élus et citoyens pourrait être encore renforcée par davantage de personnification des élections locales et un effort supplémentaire de clarification des compétences qui pourrait passer par une réflexion sur la clause générale de compétences des collectivités territoriales. Les opinions sont diverses sur l'intérêt d'élire les chefs d'exécutifs au suffrage universel direct. Alors que beaucoup considèrent le système actuel comme satisfaisant, plusieurs sénateurs reconnaissent que le recours au suffrage universel permettrait d'accroître la légitimité des élus et de renforcer le lien avec les citoyens tout en s'interrogeant sur les modalités d'application. L'ensemble des sénateurs ayant répondu au questionnaire se retrouve pour exprimer son inquiétude face aux évolutions de l'intercommunalité. Concernant l'évolution du statut de l'élu, plusieurs sénateurs appellent de leurs voeux une réflexion « globale » qui ne se limite pas à la question du cumul des mandats, cette dernière question apparaissant comme une conséquence de l'absence de statut de l'élu. L'élu local qui préside une collectivité doit devenir un véritable « professionnel de la gouvernance locale » qui exerce un mandat unique à temps plein et reçoit pour ce faire un véritable salaire, plaide ainsi un sénateur. A propos du cumul des mandats, les opposants les plus déterminés mettent en évidence que la décentralisation a profondément transformé la nature de la mission de l'élu local qui doit maintenant se consacrer à plein temps à ses responsabilités locales. Le cumul entre les fonctions de maire et de président de structure intercommunale est également sur la sellette. Un sénateur estime que l'interdiction du cumul des mandats est la mesure déterminante pour accroître la légitimité des élus, il considère par ailleurs qu'à l'heure de la décentralisation, il n'est plus nécessaire d'être parlementaire pour défendre son territoire à Paris. En contrepartie de l'interdiction du cumul entre une fonction exécutive et de parlementaire, plusieurs sénateurs préconisent d'accorder un statut « social » équivalent aux maires des villes de plus de 50.000 habitants et aux présidents des autres collectivités territoriales. Pour autant, l'interdiction du cumul des mandats exécutifs et parlementaires ne fait pas l'unanimité, plusieurs sénateurs manifestant leur attachement au régime actuel qui leur apparaît équilibré. Ils mettent en valeur la complémentarité des mandats locaux et nationaux afin d'améliorer la qualité de la législation et de mieux défendre leur collectivité. Si le cumul des mandats provoque un débat nourri, il n'en est pas de même de l'idée de limiter le nombre des mandats successifs des élus locaux qui ne suscite que peu d'intérêt. Par ailleurs, plusieurs sénateurs se déclarent favorables à l'adoption d'une loi sur le statut de l'élu qui revaloriserait les indemnités des maires dans les petites communes et améliorerait les dispositifs de retraite. Les sénateurs estiment, également, qu'une amélioration des rapports entre l'Etat et les élus est indispensable pour améliorer l'exercice de la décentralisation, par exemple, à travers la limitation des interventions de l'Etat dans le champ des compétences transférées et l'amélioration de l'information des élus quant aux décisions qu'il prend. Ils souhaitent aussi le développement du recours à des contrats pluriannuels entre l'Etat et les collectivités territoriales. Enfin, en matière de relations financières un sénateur propose de recourir à un contrat de législature qui serait actualisé chaque année lors d'une conférence des finances publiques tandis que la plupart demandent de revenir sur la pratique des financements croisés. |
2. D'autres expériences apparaissent encore éloignées de nos usages locaux
L'organisation de la démocratie locale, comme celle de la démocratie nationale, s'inscrit également dans une tradition politique et un contexte historique qu'il convient de respecter. Voilà pourquoi certaines modalités d'organisation de la démocratie locale en Europe qui s'inscrivent dans une logique de véritable « gouvernement local » n'apparaissent pas, aujourd'hui, compatibles avec nos habitudes et nos pratiques. Elles méritent néanmoins d'être évoquées et discutées car elles constituent des pratiques de plus en plus communément exercées dans les démocraties modernes.
a) Une limitation du nombre des mandats successifs
La France apparaît comme un des pays où le renouvellement des élus et leur rajeunissement sont les plus faibles. La moyenne d'âge des élus y est plus élevée qu'ailleurs en Europe et la durée d'exercice des mandats y est plus longue qu'ailleurs. Ces limites au renouvellement des élus, ce faible « turn over » pourrait-on dire, n'est pas sans lien avec les retards que l'on peut constater dans la représentation de la diversité (femmes, minorités visibles...) parmi les élus français. La question est donc importante. Pour l'instant, le législateur a préféré recourir à des mécanismes de sanction financière ou des contraintes concernant la composition des listes pour favoriser la mixité. Il n'est pas inutile de constater que l'instauration de mécanismes favorisant le renouvellement des candidatures aurait permis de favoriser la diversité sans donner le sentiment, à tort ou à raison, de favoriser des formes de « communautarisme ». L'Italie a ainsi décidé de limiter à deux le nombre des mandats successifs que pouvaient exercer les élus locaux.
Parmi toutes les réformes envisageables pour moderniser notre gouvernance locale, l'idée de limiter le nombre des mandats successifs ne semble pas susciter le même intérêt que les précédentes auprès des élus et notamment parmi les sénateurs qui ont répondu au questionnaire qui leur a été adressé sur la gouvernance locale. Votre rapporteur a donc seulement souhaité, à ce stade, l'évoquer comme une piste intéressante pour des avancées ultérieures qui permettraient d'approfondir encore la démocratie locale.
b) Des adjoints choisis en dehors du conseil élu
En France, l'article L. 2122-2 du CGCT prévoit que « le conseil municipal détermine le nombre des adjoints au maire sans que ce nombre puisse excéder 30 % de l'effectif légal du conseil municipal » .
Dans notre système local qui reste encore largement inspiré du « régime parlementaire », les adjoints sont donc issus de la majorité qui siège au conseil élu et la répartition des postes répond autant à des considérations de compétence qu'à des règles subtiles de dosage politique. Cette pratique est de nature à fragiliser la cohérence et l'action de l'équipe, ceci d'autant plus lorsque certaines compétences sont confiées à des responsables politiques qui peuvent incarner des choix minoritaires au sein de la majorité.
Le fait de donner au chef de l'exécutif local la possibilité de recruter ses adjoints en dehors du conseil élu, comme cela se pratique par exemple en Italie, aux Pays-Bas et en Espagne (14 ( * )) , permettrait d'échapper à ce risque et de renforcer la cohérence de l'action locale et la légitimité de l'élu du suffrage universel direct. A l'instar des ministres qui peuvent ne pas être issus du Parlement, le chef de l'exécutif local pourrait recruter des spécialistes sur des critères uniquement liés aux compétences. Une telle pratique permettrait, en outre, de favoriser le renouvellement du personnel politique local puisque ces responsables locaux pourraient, par la suite, chercher à obtenir la reconnaissance du suffrage universel. Comme en Espagne, ces recrutements d'adjoints en dehors du conseil élu pourraient être limités à un tiers du nombre des adjoints.
Pour autant, la tradition française est encore très attachée au fait que les adjoints puissent disposer de la légitimité du suffrage universel. Par ailleurs, si la professionnalisation des fonctions exécutives est de plus en plus admise comme une nécessité, il n'en est pas de même des fonctions d'adjoints qui apparaissent comme une garantie pour permettre aux citoyens de participer pleinement à la démocratie locale. L'ensemble de ces considérations amène votre rapporteur à ne pas recommander l'adoption de ce principe de limitation des mandats successifs.
c) Un conseil élu qui n'est pas présidé par le chef de l'exécutif
En Allemagne et en Italie, la démocratie locale applique les règles de la séparation des pouvoirs exécutif et délibératif. La ville de Milan est ainsi gouvernée par un maire et par un conseil municipal qui a son propre président.
Cette modalité d'organisation des institutions locales s'inscrit dans une tradition institutionnelle récente, influencée par la pratique américaine, favorable à la limitation stricte des pouvoirs. Elle n'est donc pas familière aux pratiques françaises sauf en Corse où le statut de la collectivité territoriale prévoit que l'Assemblée de Corse désigne son président qui est distinct du président de l'exécutif.
Votre rapporteur n'a pas souhaité préconiser une évolution vers la séparation des pouvoirs au niveau local car elle ne lui semble pas constituer une condition nécessaire à ce stade au renforcement de la légitimité des élus. Pour autant, il convient d'observer qu'une telle organisation n'est pas sans avantage puisqu'elle permet à l'assemblée délibérative de voir son rôle évoluer vers davantage de contrôle et d'évaluation, voire vers la constitution de « majorités de projet » particulièrement adaptées à la réalité de la politique locale.
d) Une procédure de destitution du chef de l'exécutif
C'est une particularité des institutions locales allemandes. Dans une dizaine de Länder, le maire et le président du Landrat peuvent faire l'objet d'une procédure de destitution. Dans la majorité des Länder, il existe deux procédures concurrentes, l'une laissée à l'initiative du conseil élu, l'autre qui recourt au référendum. Dans le Brandebourg, en Saxe et au Schleswig-Holstein, une procédure d'initiative populaire est également possible.
Si l'on perçoit bien la logique d'une telle procédure, qui s'inscrit dans le prolongement de la pratique du « recall » américain (15 ( * )) , elle apparaît contraire à l'attachement de la culture politique française pour la démocratie représentative. C'est pourquoi votre rapporteur a souhaité l'évoquer avant tout pour souligner son caractère inopérant dans le cadre d'une démarche visant précisément à renforcer la légitimité des élus et non à les affaiblir en les menaçant en permanence d'un vote sanction.
* ( 11 ) Il conviendrait sans doute de déterminer un seuil en nombre d'habitants concernant les communes au-delà duquel le maire devrait exercer ses fonctions à temps plein.
* (12) On peut rappeler, pour mémoire, que l'indemnité de base d'un sénateur s'élevait au 1 er février 2007 à 5.400,32 €.
* (13) Un questionnaire sur la gouvernance locale a été envoyé aux sénateurs. Les réponses synthétiques sont présentées en annexe du présent rapport.
* (14) La loi 57/2003 relative à la modernisation du Gouvernement local a prévu la possibilité pour le Maire de désigner pour faire partie du Conseil du Gouvernement local un certain nombre de membres non élus dans la limite d'un tiers du total des membres. Ces membres n'ont toutefois pas le statut de Conseiller.
* (15) Dans 23 Etats fédérés américains, les citoyens ont la possibilité de mettre un terme prématurément au mandat d'un élu par la voie d'une initiative populaire. Ces procédures ont été instituées au XIXème siècle à une époque où les mécanismes de la démocratie représentative étaient contestés.