PARTIE II : AUDITION POUR SUITE À DONNER DES REPRÉSENTANTS DU MINISTÈRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, ET DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, LE 3 OCTOBRE 2007
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M. Claude Belot, vice-président
Monsieur le Président, Messieurs les directeurs, Mesdames et Messieurs, mes chers collègues, nous sommes réunis pour une audition de suivi. Cet exercice est devenu fréquent dans cette maison. Il s'agit d'une mission de suivi d'enquête réalisée par la Cour des Comptes en application de l'article 58-2° de la LOLF. La question qui nous préoccupe en premier lieu, ce matin, concerne la gestion et l'efficacité des remboursements et dégrèvements d'impôts. Il s'agit d'un sujet dont nous ne lassons pas : Yves Fréville a rapporté le budget des charges communes durant de longues années à l'Assemblée Nationale. J'ai occupé la même fonction pendant neuf ans, ici même, au Sénat.
Il s'agit d'un sujet de grande actualité. Cette enquête a été conduite à la demande de notre collègue, Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale de la mission « Remboursements et dégrèvements ». A plusieurs reprises, dans le cadre de l'examen de plusieurs lois de finances, en particulier pour les années 2006 et 2007, ainsi que pour le projet de loi de règlement pour 2006, notre collègue a souligné les faiblesses de cette mission, tant au regard de l'architecture générale de la mission qu'au regard de la mesure de la performance des deux programmes dont elle se compose. En 2004, le président et le rapporteur général de la commission avaient également souligné, dans un rapport d'information sur la mise en oeuvre de la LOLF, le manque de pertinence du regroupement des crédits de la mission. Ils avaient préconisé la distribution de ces crédits entre les missions de leur rattachement naturel. Je tiens à rappeler que la mission « Remboursements et dégrèvements » est la plus importante des missions budgétaires de l'État en termes de volume de crédits, puisqu'elle représente 27 % des dépenses du budget général de l'État. La situation n'a guère changé en neuf ans. A l'époque, lorsque j'ai cessé d'être rapporteur du budget des charges communes, ce pourcentage était quasi identique. Cette mission retrace environ 72,2 milliards d'euros selon la loi de règlement pour 2006. Il s'agit, comme le prévoit l'article 10 de la LOLF, de crédits évaluatifs. En dépit de son importance en termes de volume de crédits, la présente mission pâtit d'un manque de stratégie globale et d'un dispositif de performance déficient. Les mots sont durs. Les crédits retracés par cette mission correspondent à des dépenses diverses, participant de politiques publiques hétérogènes. Les fonctions de support de la mission sont rattachées au programme d'une autre mission, ce qui interdit d'en mesurer l'efficience. L'objectif unique de la mission, qui se limite à permettre aux usagers de bénéficier de leurs droits rapidement, ne permet pas de mesurer la performance des dispositifs, et les indicateurs retenus ne peuvent évaluer, de manière satisfaisante, dans quelle mesure cet objectif est atteint. La préoccupation relative aux remboursements et dégrèvements d'impôts d'État et d'impôts locaux étant commune à la commission des finances et à la commission des lois, je suis très heureux d'accueillir les membres de la commission des lois ayant pu se libérer, respectant ainsi la tradition d'étroite coopération entre nos commissions.
Nous recevons pour la Cour des comptes, M. Christian Babusiaux, président de la 1 ère chambre, M. Emmanuel Duret, conseiller maître ainsi que Mme Sylvie Vergnet, conseillère référendaire. Le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique est représenté par M. Philippe Josse, directeur du budget ; M. Bruno Parent, directeur général des impôts (DGI) ; M. Alban Aucoin, chef du service des ressources et du réseau à la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) et M. Etienne Effa, sous-directeur de la quatrième sous-direction, de cette même direction. Nous entendrons, pour le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, M. Edward Jossa, directeur général des collectivités locales (DGCL). Les cabinets des deux ministres concernés n'ont pas donné de réponse positive à notre invitation. Cependant, M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, nous a fait parvenir, par écrit, ses observations, ainsi qu'un certain nombre de propositions sur lesquelles nous ne manquerons pas de revenir, très certainement.
Afin de préserver la tenue de dialogues et de débats, je demande que les interventions liminaires de la Cour des Comptes et des institutions concernées se limitent aux observations principales. Je donnerai ensuite la parole à notre rapporteure spéciale. Puis, chaque commissaire qui le souhaite pourra librement poser ses questions. Je rappelle aux membres de la commission des finances que nous aurons ensuite à prendre une décision sur la publication de l'enquête de la Cour des Comptes au sein d'un rapport d'information.
Je donne donc la parole à M. Christian Babusiaux, président de la 1 ère chambre, pour présenter les points principaux de l'enquête réalisée par la Cour des comptes sur la gestion et l'efficacité des remboursements et dégrèvements d'impôts.
M. Christian Babusiaux
Le Sénat connaît extrêmement bien ces sujets, comme vous venez de le rappeler. Pour présenter le sujet, je citerai d'abord quelques chiffres majeurs. Il s'agit de la première mission du budget de l'État avec 72 milliards d'euros en exécution 2006. La part majeure concerne les remboursements de crédits de TVA, représentant, à eux seuls, presque 40 milliards d'euros ou 54 %, soit plus de la moitié de l'ensemble. Puis viennent les restitutions d'impôt sur les sociétés pour environ 10 milliards d'euros, puis les remboursements de taxe professionnelle pour 9 milliards d'euros. Ces chiffres témoignent de l'importance budgétaire du sujet, donc de l'enjeu de notre réflexion.
Une deuxième donnée importante concerne l'extrême diversité du contenu de cette mission. D'une part, les origines sont variées : certains de ces remboursements et dégrèvements sont liés au mécanisme de collecte de divers impôts, tels que la TVA. Il peut s'agir d'erreurs de l'administration ou des contribuables. La rectification se traduit par des remboursements. Il peut aussi s'agir de textes de loi instituant des crédits d'impôts, d'accords avec des États étrangers, ou encore de règles de la comptabilité publique sur les admissions en non-valeur.
D'autre part, une diversité comparable existe dans l'acte qui provoque le déclenchement de ces remboursements et dégrèvements. Dans certains cas, le contribuable, qu'il s'agisse d'une entreprise ou d'un particulier, prend l'initiative. Dans d'autres cas, c'est le fait de l'administration fiscale ou du comptable, notamment pour les admissions en non-valeur.
Le troisième type de données à avoir à l'esprit concerne les particularités de cette mission qui ne se retrouvent pas dans les règles budgétaires usuelles des autres missions de l'État. Les crédits sont évaluatifs, et non limitatifs. Par ailleurs, il s'agit de dépenses sans ordonnancement préalable.
Cette mission, comme vous le savez, comporte, aujourd'hui, deux programmes différents, héritages de l'ancien budget des charges communes. Tous deux sont très massifs, mais chacun est hétérogène : l'un est afférent aux impôts d'État, l'autre aux impôts locaux. Ces deux programmes sont décomposés en plusieurs actions. Il s'agit, au total, d'une cinquantaine de dispositifs, retracés dans seulement neuf actions. Tous ne sont donc pas strictement homogènes dans ce qu'ils décrivent. Il existe, en particulier pour les impôts d'État, une action 5 qui s'intitule « Autres produits directs et divers », intitulé qui démontre le caractère quelque peu hétéroclite de l'ensemble.
Ces deux programmes présentent des caractéristiques communes. Aucun moyen de gestion ne leur est rattaché, et ces derniers se trouvent ailleurs, dans le programme 156. En outre, cette mission fait intervenir trois entités administratives différentes : la DGCP, la DGI et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI). Enfin, les deux programmes sont sous la responsabilité du directeur général des impôts.
Après ces rappels, je voudrais exposer les remarques que fait la Cour des comptes sur l'architecture de la mission, comme vous l'avez rappelé dans votre introduction, Monsieur le président. Le Sénat et l'Assemblée nationale ont eu l'occasion de s'interroger sur l'architecture de cette mission dès son origine. Cette architecture présente, par rapport aux prescriptions de la LOLF, des particularités, puisque l'article 7 de la loi organique indique, en premier lieu, que les missions comprennent un ensemble de programmes concourrant à une politique publique définie. Or, dans le cas présent, on ne voit pas à quelle politique correspond la mission. L'article 7 poursuit en rappelant que les programmes regroupent les crédits destinés à mettre en oeuvre une action, ou un ensemble cohérent d'actions. On voit alors le type de problème qui peut se poser pour cette mission. Elle souffre d'une sorte de « péché originel » en ce qu'elle ne répond pas aux caractéristiques normales des missions et des programmes. Les deux programmes sont peu lisibles, malgré l'effort fourni dans la décomposition des actions que je rappelais précédemment.
L'architecture présente un autre problème. Il existe de très gros dispositifs, contenus notamment dans le programme 200 sur les impôts d'État, qui écrasent l'ensemble. La TVA attire particulièrement l'attention en raison de son importance. Elle écrase les autres dispositifs, parmi lesquels certains se montent pourtant à plusieurs milliards, donc des enjeux non négligeables en termes de finances publiques.
En réalité, ces programmes et cette mission recouvrent deux types différents de remboursements et de dégrèvements. Certains sont des dispositifs purement techniques et mécaniques, d'autres relèvent de politiques publiques volontaristes.
Le premier type de dispositifs, les opérations techniques, recouvrent la majeure partie des opérations du programme 200. Ces remboursements et dégrèvements sont liés au fonctionnement intrinsèque de notre fiscalité. Il en est ainsi, par exemple, pour la TVA. L'action 3 du programme 200 comprend trois types de dépenses : les remboursements de crédits de TVA demandés par les redevables, les restitutions de sommes indûment perçues et, subsidiairement, les versements à la principauté de Monaco, au titre de la convention fiscale.
L'autre type de dispositifs contribue à des politiques publiques, ou, du moins, ont été conçues comme tels. Ces dispositifs appartiennent à la catégorie plus vaste des dépenses fiscales, étant entendu que c'est une partie plus ou moins importante de ces dépenses qui s'impute sur l'impôt dû par le contribuable. Ainsi, dans le cas de la prime pour l'emploi, la moitié de la dépense fiscale tient à un paiement à des personnes qui ne paient pas l'impôt sur le revenu, l'autre moitié à une imputation sur le montant dû au titre de l'impôt des autres bénéficiaires. Il existe une cinquantaine de dispositifs au total. Pour les particuliers, il s'agit principalement de la prime pour l'emploi, du crédit d'impôt garde d'enfants et du dégrèvement de la taxe d'habitation. Pour les professionnels, il s'agit essentiellement du plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée et du crédit d'impôt recherche. Ce dernier est évidemment un élément notable de ces dispositifs de remboursements et dégrèvements qui participent à des politiques publiques. Vous n'ignorez pas qu'il est cependant resté, jusqu'ici, inférieur à un milliard d'euros.
Face à ce constat de l'hétérogénéité des dispositifs regroupés dans la mission « Remboursements et dégrèvements », quelles solutions pouvons-nous envisager ? La réponse n'est pas évidente, comme le rappelle clairement la Cour des Comptes dans son rapport. Nous avons été sensibles, sur ce point, aux explications qui nous ont été fournies par les administrations. Nous ne pensons pas qu'un simple coup de baguette magique permette de trouver une solution parfaite et nous sommes, à cet égard, prudents par rapport à ce qui est envisagé par le ministre dans la lettre qu'il vous a fait tenir récemment. Cependant, nous pensons que l'hétérogénéité même du système, sa diversité, son poids dans les finances publiques obligent à lui prêter une attention particulière. Nous sommes donc particulièrement sensibles aux arguments qui nous ont été présentés.
En effet, les dispositions de l'article 10 de la LOLF interdisent de faire coexister des crédits évaluatifs et des crédits limitatifs dans un même programme. Si certains éléments de la mission « Remboursements et dégrèvements » en sont enlevés et sont rattachés à d'autres missions de l'État, ce qui, intellectuellement, est certainement souhaitable, il faudra créer, dans chacune de ces missions, de nouveaux programmes, sauf à ouvrir, via la fongibilité, des jeux dont nul ne peut raisonnablement analyser les conséquences dès aujourd'hui.
Le deuxième type d'inconvénients d'une réduction du périmètre de la mission « Remboursements et dégrèvements » concerne l'émiettement qu'elle induirait. La solution actuelle est quelque peu frustre, rudimentaire, intellectuellement pas très noble. Elle permet cependant un regroupement. Si cet ensemble était réparti entre les autres missions, l'émiettement serait considérable. Le suivi deviendrait alors particulièrement difficile, en dépit de la présence, éventuelle, d'un fascicule annexe qui pourrait permettre de retrouver l'ensemble.
Le troisième type de difficultés, et je pense pour ma part qu'il est extrêmement important dans le cas de certains impôts locaux, porte sur des dispositifs visant simultanément plusieurs objectifs. On peut, par exemple, considérer le plafonnement de taxe professionnelle comme une aide aux entreprises et donc le rattacher à une mission de ce type. Mais on peut également considérer qu'il concerne l'aménagement du territoire, dans la mesure où il aide certaines collectivités locales, et ainsi de suite. La nature complexe de certains avantages rendrait complexe leur rattachement à une mission particulière. Enfin, sur le plan technique, il existe un pilote incontournable qui est, en l'occurrence, le directeur général des impôts. Lui seul peut mettre en oeuvre les dispositifs de connaissance, de suivi, de statistiques nécessaires au premier stade de l'évaluation de cet ensemble, et le périmètre actuel de la mission « Remboursements et dégrèvements » traduit cette réalité opérationnelle.
Ce que l'on peut, en fait, envisager, ce sont trois types de solutions partielles, au moins à titre expérimental :
- le premier type de solutions consisterait à sortir de la mission quelques dispositifs dont la taille serait suffisante pour constituer, à eux seuls, un programme et dont le rattachement s'imposerait de lui-même. La prime pour l'emploi, qui représente près de trois milliards d'euros, le crédit d'impôts recherche et le crédit d'impôt garde d'enfants seraient ainsi concernés ;
- la deuxième solution partielle envisageable serait de rattacher le programme 201 à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Cette solution aurait cependant des conséquences majeures, car le programme 201 est quatre fois plus important que l'actuelle mission concernant les collectivités territoriales ;
- enfin, la troisième solution consisterait à reconfigurer la structure de la mission elle-même, à périmètre inchangé, en reconfigurant ses programmes. La TVA, par exemple, pourrait sortir du programme 200, et deviendrait un programme à elle seule, de manière à ne pas écraser par sa masse l'ensemble du programme 200.
Ces aménagements sont concevables, mais ils montrent que nous appelons à une grande prudence. Il ne faut pas risquer de faire pire que mieux.
Après ces réflexions sur l'architecture budgétaire, le deuxième type de remarques porte sur le dispositif de performance. Nous remarquons que les indicateurs actuels sont extrêmement rudimentaires. Le seul objectif pris en considération est la rapidité. Du point de vue de gestionnaire de la DGI, et du point de vue des entreprises et des particuliers, cet objectif est essentiel. Il ne devrait cependant pas être le seul. Il n'est d'ailleurs pas adapté dans le cas de nombreux dispositifs, notamment la PPE . Nous estimons qu'il devrait également exister des indicateurs de qualité de service plus raffinés, afin de rendre compte plus précisément de certains aspects de ces dispositifs. Ainsi, la fiabilité des conditions dans lesquelles interviennent les remboursements et dégrèvements ne pourrait-elle pas faire l'objet d'un indicateur ? Il est en effet nécessaire de parvenir à un équilibre, dans la pratique, entre fiabilité et rapidité.
Des indicateurs d'efficience sont également nécessaires. A cet égard, le rattachement des moyens consacrés aux remboursements et dégrèvements au programme 156 ne simplifie pas les choses. Nous revenons là sur une observation déjà émise par la Cour des comptes, dans d'autres domaines, portant sur le problème de la comptabilité analytique à la DGI et à la DGCP. Il nous semble que, sur des masses aussi considérables de moyens et d'effectifs, le recours à une comptabilité analytique suffisamment développée et claire se justifie afin de connaître le coût des dispositions fiscales et, pour ce qui concerne notre sujet aujourd'hui, le coût du dispositif « Remboursements et dégrèvements ». Elle permettrait de mesurer le coût de cette complexité des dispositifs, et aussi d'éclairer utilement le débat, que vous connaissez bien, sur le poids des frais d'assiettes et de recouvrement, sur lequel on ne dispose pas actuellement d'un éclairage suffisant.
Enfin, le troisième type d'indicateurs qu'il nous semble utile de développer serait des indicateurs d'efficacité socio-économique. Ceux-ci devraient être incontournables pour tout ce qui relève des dispositifs contribuant à des politiques publiques, notamment pour la PPE et pour le crédit d'impôt recherche. Cela suppose un travail en commun entre la DGI et d'autres administrations. La DGI a engagé ce processus, avec le secteur « industrie » de Bercy, concernant le crédit d'impôt recherche. Nous espérons que ces travaux aboutiront. Pour notre part, il nous semble que si le périmètre de la mission « Remboursements et dégrèvements » n'est pas modifié, il faudrait du moins que des indicateurs d'efficacité socio-économique figurent dans les missions auxquelles, intellectuellement, ces dispositifs-là se rattachent directement.
Nous considérons aussi qu'il y a matière à développer, de manière très générale, différents types d'indicateurs. Monsieur le président, j'ajoute simplement que la lettre que Monsieur Woerth vous a adressée le 27 septembre nous a été communiquée et que son contenu mérite un examen extrêmement précis. L'objectif commun doit être de respecter la LOLF et l'impératif de sincérité budgétaire.
M. Claude Belot, vice-président
Je vous remercie Monsieur le Président. La parole est maintenant à l'administration. Lequel d'entre vous souhaite intervenir en premier ?
M. Bruno Parent
Monsieur le président, si vous le voulez bien, je me propose de dire quelques mots, en tant que responsable du programme actuel que Monsieur Babusiaux a très clairement décrit. Concernant l'architecture et la manière d'envisager l'avenir, Monsieur Woerth a tracé des pistes d'études. Je remercie le Président Babusiaux d'avoir souligné qu'aucune solution ne s'imposait d'elle-même. Nous sommes tous en recherche sur ce sujet, et je laisserai à Philippe Josse le soin d'apporter son éclairage. Je souhaiterais faire quelques commentaires sur les deux programmes tels qu'ils existent actuellement.
La présentation de Monsieur Babusiaux est éclairante. Par définition, nous sommes face à deux programmes parfaitement atypiques, si nous les comparons aux programmes que nous connaissons par ailleurs. En tant que responsable de ces programmes, il me semble que nous ne devons pas commettre l'erreur de leur appliquer les mêmes clefs de lecture. C'est la raison pour laquelle je souligne le caractère très hétérogène des crédits. Leur nature technique, évaluative et non limitative, entraîne cette juxtaposition et cette hétérogénéité. Nous sommes donc dans une situation inédite.
L'appellation même de « Remboursements et dégrèvements » ne doit pas prêter à confusion. Personne ne s'y trompe dans cette enceinte. Je crois cependant utile de rappeler que, pour l'essentiel, il ne s'agit pas de dysfonctionnements, mais d'allègements prévus par la loi. Comme l'a exposé avec pertinence le président Babusiaux, nous sommes, pour l'essentiel des crédits, en train de décrire ce que sont les mécanismes fiscaux en eux-mêmes. C'est parfaitement typique concernant les 40 milliards d'euros de remboursements de crédits de TVA, puisqu'il s'agit, par définition, d'un paiement fractionné, où les entreprises sont alternativement créditrices et débitrices. Le programme dont nous parlons, d'ailleurs, n'en traite qu'une fraction, qui n'a aucune signification en elle-même au sens économique du terme. Nous ne parlons que des remboursements. Or la TVA constitue un tout : sa réalité économique n'est pas sécable. En cela, nous observons à nouveau le caractère atypique du sujet qui nous occupe. Il en est de même pour l'impôt sur les sociétés, dont le montant - 10 milliards d'euros -, représente une part importante dans la masse des sommes évoquées. Imaginons un instant que le mécanisme d'acquittement de l'impôt sur les sociétés ne comporte pas d'acompte. L'essentiel du programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État », en l'occurrence les restitutions dues aux entreprises ayant versé trop d'acomptes, disparaîtrait. Or l'impôt sur les sociétés, dans ses fondamentaux, dans son assiette, dans ses enjeux économiques, en dehors des aspects de trésorerie, resterait inchangé. Le caractère indissolublement lié, pour l'essentiel des crédits, de ce programme avec le mécanisme de l'impôt, me semble transparaître de manière évidente à travers ces deux exemples. Pour le reste, bien entendu, nous sommes dans la sphère des politiques publiques identifiées, ou des allègements prévus par la loi.
Pour ajouter à cet atypisme et l'assumer comme tel, nous pouvons en déduire que ces deux programmes n'ont pas pour objet de mesurer l'efficacité de l'action publique, non seulement pour les raisons énoncées, mais également parce qu'ils ne retracent pas la globalité des opérations. Ils parlent de remboursements et non d'imputations. La Cour des comptes vient de rappeler très justement à quel point, dans le cas de la prime pour l'emploi, la part de ce qui est imputé, et dont les crédits évoqués ici ne mentionnent même pas l'existence, est importante comparée à la part remboursée. L'efficacité économique ne peut être étudiée qu'avec la prise en compte conjointe du remboursement et de l'imputation. Or, d'après ce programme, la mesure de l'action publique serait étudiée de façon paradoxale sous un seul aspect, et non en fonction des deux caractéristiques indissociables de la notion de dépense fiscale, concept bien connu de votre commission, qui, par définition, prend en compte le remboursement et l'imputation, et permet de fonder une analyse intéressante. Pour ces raisons, l'atypisme suppose des clefs de lecture quelques peu différentes de celles habituellement appliquées aux autres programmes.
Je me permets, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, de revenir sur un point que la Cour des comptes n'a pas eu le temps d'évoquer. En tant que responsable de programme, mon but est d'atteindre les objectifs qui me sont fixés. Dans notre univers, où l'enjeu principal porte sur l'amélioration des performances de l'administration, la culture de résultat et l'atteinte des objectifs, je me dois de rappeler que les cibles fixées à ces deux programmes étaient ambitieuses et ont été atteintes. Monsieur Babusiaux a souligné que l'objectif de célérité était primordial. L'atteindre était donc essentiel pour nous. Rembourser plus de 80 % des crédits de TVA remboursables dans un délai d'un mois est une performance dont mon administration n'était absolument pas coutumière, il y a encore quelques années. Personne ne conteste la pertinence d'un tel objectif, dans le management interne et pour ajouter à la visibilité externe de mon administration d'une part, en raison de l'importance pour les trésoreries d'entreprises d'être remboursées rapidement d'autre part. Cette démarche se justifiait également en raison de l'importance des sommes en jeu et la nécessité d'effectuer le remboursement dans de bonnes conditions de sécurité. Cet objectif était donc absolument stratégique. Chaque programme comporte une stratégie, un objectif qui appelle des priorités. Nous avons présenté cet objectif comme prioritaire car, en amont, selon l'analyse des ministres, des progrès restaient à faire. Ce point de vue s'est révélé juste puisque nous avons pu faire ces progrès et atteindre cet objectif. Le président Babusiaux a eu raison d'insister sur la sécurité, tout en rappelant qu'un équilibre est nécessaire. En matière de sécurité des procédures, d'après notre diagnostic en amont, notre niveau était satisfaisant, bien que perfectible. Aussi avons-nous choisi de donner priorité à la célérité. Le sens de la LOLF est également de déterminer les priorités de l'action publique. Il me semble que les entreprises, en attente de progrès sur ce point, sont désormais satisfaites.
Le traitement des réclamations a également bénéficié de cette procédure. Plus de 95 % des contestations en matière d'impôt sur le revenu ou de taxe d'habitation sont traitées dans un délai inférieur ou égal à un mois. Les citoyens interrogés reconnaissent la rapidité d'action de l'administration fiscale. Or cette mesure prend effet dans un contexte particulier qui voit croître le nombre de réclamations dues à la PPE. Cette augmentation est également due au changement de mode de recouvrement de la redevance audiovisuelle, même s'il se révèle plus efficace par ailleurs. Je suggère par conséquent que nous replacions ce programme au regard des objectifs fixés et du contexte.
Nous parlons d'une administration qui coûte, chaque jour, moins cher au contribuable, en raison du rythme élevé et récurrent des suppressions d'emplois, au fil des ans. Son taux d'intervention s'améliore sans cesse en commun avec la direction générale de la comptabilité publique, comme notre rapport de performance en rend compte.
Pour ces diverses raisons, il me semble juste et important de souligner que nos objectifs ont été atteints. Nous avons déjà eu, avec la Cour des comptes, un échange sur la mesure de l'efficience. Doit-elle être menée de manière très fine, dès lors qu'il est question de processus intégrés ? J'ai souligné à quel point le crédit de TVA était indissociable du contrôle de l'imputation. Nous nous situons dans la sphère du contrôle fiscal, la discussion peut être infinie, mais cela me paraît normal de s'interroger.
D'un point de vue technique, je m'interroge également sur la pertinence d'un découpage très fin, alors que nous raisonnons plutôt en matière de performance globale. Certaines tâches sont difficiles à isoler. Des clefs peuvent être imaginées avec tout ce qu'elles risquent de comporter d'arbitraire. En tant que directeur général des impôts, je ne suis pas sûr que la définition d'outils statistiques adéquats, qui aurait également un certain coût, permettrait à cette administration de franchir des étapes supplémentaires spectaculaires, en termes d'efficacité dans le management. Ce point fait cependant débat entre nous, ce qui est parfaitement normal.
En conclusion, je tenais à souligner que les objectifs qui m'ont été fixés avaient leur pertinence et qu'ils ont été atteints, ce qui est une manière de rendre hommage aux milliers de fonctionnaires qui ont permis cette réussite. Chacun ici, aujourd'hui, peut être sensible à cela.
M. Claude Belot, vice-président
Monsieur le directeur général, je vous remercie. Monsieur le directeur du budget, Philippe Josse.
M. Philippe Josse
Après les propos de Messieurs Babusiaux et Parent, je me limiterai à quelques compléments en évoquant les questions d'architecture de la mission et de ses programmes, ainsi que quelques voies de progrès possibles.
En premier lieu, la ventilation des dépenses retracées dans la mission « Remboursements et dégrèvements » entre les différentes missions du budget général, en fonction des finalités des politiques publiques poursuivies par ces remboursements et dégrèvements, et par ces missions, peut sembler légitime. Pour autant, je m'interroge sur la modification de l'architecture de cette mission en tant que voie de progrès. Je ne fais que reprendre là ce qui a déjà été versé au débat.
En effet, cette solution ne pourrait concerner que les dégrèvements dits législatifs, ayant une finalité de politique publique, par le biais d'un dégrèvement d'impôt local ou d'un crédit d'impôt. Elle ne pourrait prendre en compte les dégrèvements dits « ordinaires » et exigerait la création de programmes isolés au sein des missions du budget général concernées. En effet, la LOLF nous interdit de mélanger au sein d'un même programme les crédits évaluatifs et les crédits limitatifs. Enfin, pour des motifs de faisabilité technique, cela ne pourrait concerner que certains grands dispositifs isolés et non tous les dispositifs de dépense fiscale, à moins d'envisager une multiplication des programmes du budget général, ce que personne ne souhaite. La commission des finances ne nous donne pas cette orientation lorsqu'elle évoque les questions de nomenclature.
Le sujet ainsi recentré reste, cependant, complexe. Agir par le biais d'une modification de l'architecture des programmes ne paraît ni évident, ni intéressant. En premier lieu, le fait de créer des programmes retraçant les différentes dépenses fiscales ne serait pas pertinent au regard de l'effort de l'État sur les dispositifs de crédits d'impôts qui fondent ces dégrèvements. Bruno Parent a rappelé tout à l'heure les deux faces d'une même réalité : d'une part l'imputation, d'autre part le remboursement. La partition entre les deux n'a de pertinence ni d'un point de vue économique, ni d'un point de vue politique, puisqu'elle dépend des fondements de la dynamique de chacun des impôts. Pour un impôt dynamique pendant une année, les remboursements diminueront, sans pertinence en termes de moyens alloués par l'État à la politique considérée.
En deuxième lieu, un problème, déjà soulevé lors de précédents débats, peut se poser au regard de l'esprit de l'article 40 de la Constitution. J'ai lu le rapport de Madame Beaufils, rédigé l'année dernière. Il traite de cette question en profondeur. Il indique que des amendements tendant à basculer des crédits d'un programme évaluatif vers un programme limitatif seraient irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution, ce qui me paraît encourageant, car cela exclut les solutions de facilité. Il subsiste un problème cependant au regard de l'article 40 de la Constitution, mais ce point n'est pas déterminant. En revanche, il est déterminant de connaître les conséquences de la modification de l'architecture missions/programmes au regard de la politique budgétaire. Actuellement, lorsque le gouvernement présente la norme de dépense qui fonde sa politique budgétaire au Parlement, tout ce qui relève des crédits budgétaires est inclus dans la norme à l'exception des dépenses en atténuation de recette. Il s'agit, en l'occurrence, des dégrèvements et des remboursements dont nous parlons aujourd'hui. La situation actuelle est donc simple et lisible. Les débats parlementaires ont évoqué à de nombreuses reprises les insuffisances de la norme, les années précédentes. Or, pour 2008, le gouvernement présente un projet de loi de finances construit avec une norme élargie intégrant les prélèvements sur recette et les affectations de recettes.
Faut-il brouiller cette visibilité avec des remboursements et dégrèvements ventilés entre les différentes missions du budget général, qui seraient pourtant en dehors de la norme ? J'en doute. Si nous ventilons les remboursements et dégrèvements dans des missions et des programmes spécifiques, nous ne pourrions, pour des raisons de clarté et de transparence, faire autrement que les intégrer dans la norme de dépense. Nous aurions alors un véritable problème de politique budgétaire, en termes de prévisibilité puisqu'il existe une variabilité entre l'imputation sur l'impôt dû et le remboursement. Nous serions confrontés également à un problème de capacité à évaluer à ex-ante . Nous savons qu'il est moins fiable d'évaluer les choses pour ce type de mesure que pour les dépenses du budget général. Nous serions également confrontés à un problème de « pilotabilité ». Je vous prie d'excuser ce néologisme abominable. Il s'agit de droits ouverts par la loi, qui ne se maîtrisent pas facilement en cours d'année, et ne se prêtent pas bien à l'intégration dans la norme de dépenses, pivot de la politique budgétaire.
De nombreuses voies de progrès sont cependant envisageables. Elles peuvent être ouvertes à la suite des observations répétées de la commission des finances et du rapport que vient de faire la Cour des comptes. Trois séries d'esquisses de propositions sont possibles :
- nous pouvons envisager de faire dégonfler quelque peu les masses, en agissant avec prudence, comme l'a souligné le Président Babusiaux. Il faut examiner ce que nous faisons au regard de la LOLF. Nous ne devons pas oublier que les crédits dont nous parlons sont prévus par l'article 10 de la LOLF. La catégorie « remboursements et dégrèvements » doit être tracée de manière précise par le biais de dépenses, ces dernières pouvant être extrêmement spécifiques. Il existe peut-être des domaines où nous pouvons légitimement prévoir une imputation directe sur les recettes. Il nous faudra y travailler, car cette méthode ne peut se généraliser. Une autre voie de progrès pour dégonfler les masses consiste à traiter une catégorie particulière, les admissions en non-valeurs, non plus par le biais de la comptabilité budgétaire mais par le biais de la comptabilité générale. Nous disposons en effet d'une comptabilité générale digne de ce nom. Il peut donc s'agir d'un moyen de traiter ces questions ;
- la deuxième voie de progrès concerne une plus grande aptitude à retracer les différents dispositifs pour donner aux parlementaires l'information à laquelle ils peuvent très légitimement prétendre. Ceci suppose de parfaire les outils informatiques dont nous disposons. Les applications informatiques nouvelles, tels que Copernic et Chorus, une fois entrées en fonction, nous permettrons d'aller plus loin et de vous communiquer une information encore plus précise et exacte ;
- la troisième voie est capitale. Elle concerne la performance. Il est capital d'évaluer correctement la performance des différents dispositifs de dépense fiscale. Il nous faut, en effet, évaluer la performance de ces dépenses fiscales, qu'elles se traduisent par des imputations ou par des remboursements. Un premier exercice, prescrit par la LOLF, a été réalisé. Il consiste à ventiler les différentes dépenses fiscales dans les PAP qui les concernent. Ce point est acquis. Depuis cette année, nous faisons mieux encore, sans que la LOLF le requière. Nous avons une expérimentation partielle tendant à créer des indicateurs de performance pour mesurer l'efficacité d'un certain nombre de dépenses fiscales. Elle ne concerne qu'une quinzaine de dispositifs aujourd'hui. Nous reconnaissons que ces résultats sont contrastés. Plusieurs fois, nous avons cherché sans les trouver, des outils de mesure fiable pour évaluer la performance des dispositifs. Mais cette voie a bien fonctionné dans d'autres domaines et je crois que nous devrions à nouveau l'emprunter, pour faire mieux et donner satisfaction aux demandes légitimes de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président
Merci, Monsieur le directeur du budget. Mesdames et Messieurs, je vous prie de pardonner mon arrivée tardive. Je remercie Monsieur Claude Belot d'avoir accepté de présider cette audition pour suite à donner.
Après avoir entendu la Cour des comptes, les directeurs ici présents prennent la parole. Monsieur Jossa, pour la DGCL.
M. Edward Jossa
Je serai assez bref, compte tenu de l'ensemble des éléments indiqués par mes collègues et dont je partage l'essentiel des conclusions. Je voudrais cependant ajouter qu'au-delà du fait que ces dégrèvements et remboursements figurent dans une mission à part, ils figurent également dans le document retraçant l'effort de l'État en faveur des collectivités locales, présenté chaque année au comité des finances locales et au Parlement. Ces dégrèvements sont d'ailleurs regroupés avec la rubrique des exonérations. Leur part relative est aujourd'hui bien supérieure à celle des exonérations. Elle représente 13 milliards d'euros, tandis que les exonérations se montent à 3,5 milliards d'euros. Cette distinction est quelque peu factice. Ces dernières années, en effet, une dizaine de milliards d'euros ont été intégrés dans la DGF. De fait, si l'on regarde l'histoire des relations entre l'État et les collectivités locales, ces quinze dernières années, l'effort a, en réalité, été partagé à peu près équitablement entre la technique de l'exonération, par exemple la part « salaires », et la technique de dégrèvements. Nous pouvons cependant remarquer que les dégrèvements sont une technique qui se développe plus fortement et plus récemment. Ainsi, entre 1997 et aujourd'hui, nous avons pratiquement doublé le niveau de dégrèvements. L'évolution des relations entre l'État et les collectivités locales sont marquées par le fait que l'État tend à proposer, finalement, une assiette de substitution, telle que la valeur ajoutée pour l'impôt sur les entreprises, le revenu pour la taxe d'habitation. Cette substitution se prête davantage au mécanisme du dégrèvement qu'à celui de l'exonération. De nouvelles évolutions pourraient se dessiner en raison du bouclier fiscal. Des techniques équivalentes pourraient voir le jour pour les entreprises.
La question du suivi des dégrèvements est donc une problématique dont l'ampleur augmente rapidement. Sa bonne compréhension est fondamentale pour les collectivités locales. Son emplacement budgétaire exact est peut-être secondaire. Il me semble cependant que l'analyse économique sur la pertinence et le bien-fondé de ces dégrèvements doivent être développés aujourd'hui. Les rapports de l'Inspection générale des finances et de la Cour des comptes le montrent. Nos difficultés d'identification sur l'origine des dégrèvements nuisent à la qualité de leur analyse exacte. La sensibilité de la question s'est accrue avec l'introduction du « ticket modérateur », qui a fondamentalement modifié la donne. Nombre d'élus, désormais, souhaitent savoir si les entreprises se situant dans leur collectivité sont susceptibles de basculer sous le régime des plafonnements à la valeur ajoutée. Ils souhaitent obtenir plus d'informations sur le dégrèvement des entreprises et comprendre les mécanismes de fond. Aussi, le sujet majeur porte sur le développement de systèmes informatiques, permettant de savoir où se situent les dégrèvements et exonérations, d'où elles viennent et à quelle entreprise elles doivent s'imputer.
Plusieurs solutions sont possibles pour savoir où peuvent se placer ces dégrèvements :
- la première, comme l'ont évoqué les différents orateurs aujourd'hui, serait de les sortir du système mission/programme/action, comme c'est déjà le cas pour les exonérations, et les basculer en prélèvements sur recettes. Cette possibilité doit être évoquée pour mémoire. Les prélèvements sur recette sont intégrés dans la norme de dépense actuellement. Il ne s'agit pas, cependant, de prélèvements sur recettes, mais d'absence de recettes pour l'État. Cette différence de nature constitue la principale objection à cette solution ;
- la deuxième solution évoquée proposait le rattachement à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Je suis réservé vis-à-vis de cette solution. D'une part, cette mission « Relations avec les collectivités territoriales », rattachée au ministère de l'intérieur, est quelque peu factice car elle regroupe environ 3 milliards d'euros sur les 46 milliards du contrat de croissance et de solidarité. Nous proposons d'ailleurs quelques mesures pour réajuster les choses. En effet, la DGD, la DGE font partie de cette mission, contrairement à la DGF. Elle pose donc un problème de calibrage et je ne vois pas quels progrès y apporterait l'introduction des dégrèvements ;
- enfin, est-ce que l'objectif réel de ces dégrèvements est de soutenir les collectivités locales ? S'agit-il d'un soutien aux ménages et aux entreprises ? Il s'agit, en réalité, des deux.
M. Jean Arthuis, président
Ces observations suscitent-elles un bref commentaire du rapporteur général ?
M. Philippe Marini, rapporteur général
Comme chacun le sait, notre commission des finances, lorsqu'elle a été consultée, dés l'origine, sur l'architecture des missions et des programmes selon la LOLF, a critiqué cette mission « Remboursements et dégrèvements ». Nous la considérons toujours comme une mission illégitime, une commodité que le pouvoir exécutif s'est donnée sans notre accord et un moyen de « noyer le poisson ». Face à ces politiques interventionnistes qui se traduisent par, d'une part, des dépenses budgétaires et, d'autre part, des dépenses fiscales, l'État devrait être capable de sérier ses objectifs, ses priorités, et de les présenter en coûts complets. Sinon, la LOLF ne présente plus aucun intérêt.
Je me permets de le rappeler avec une certaine force. Madame la rapporteure spéciale a beaucoup de mérite d'être entrée dans les détails d'une mission dont l'appellation est aussi peu attractive. Monsieur le président de la commission des finances, qui organise régulièrement des confrontations de ce type, invite habituellement la presse. J'ignore si de nombreux représentants des médias sont présents aujourd'hui. Mais ils doivent alors être très avertis de ces sujets. Il faut, en effet, être particulièrement compétent pour savoir ce qui se cache derrière l'appellation « remboursements et dégrèvements ». Je me permets de rappeler, à l'instar de Monsieur le directeur du budget, qu'un euro de dépense fiscale vaut un euro de dépense budgétaire, au regard des objectifs du solde. Il n'existe aucune raison valable pour que nous nous cachions derrière des « rideaux de fumée » et des terminologies inadéquates.
M. Jean Arthuis, président
Nous étions absents, vous et moi, Monsieur le rapporteur général, lorsque Monsieur le directeur du budget s'exprimait, mais je ne serai pas étonné qu'il ait indiqué que désormais la dépense fiscale serait dans le zéro volume.
M. Philippe Marini, rapporteur général
Ce serait une bonne idée.
Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale
Il ne l'a pas dit.
M. Philippe Josse
Je ne l'ai pas dit, Monsieur le président.
M. Jean Arthuis, président
Je pensais que, peut-être, vous l'aviez dit.
M. Philippe Josse
Ceci nous pose un problème. L'objectif est légitime, mais, malheureusement dans ce cas précis, l'intendance ne peut suivre. J'ai indiqué les raisons qui empêchaient une ventilation efficace, puisque c'est là ce que vous souhaitiez.
M. Jean Arthuis, président
C'est la raison pour laquelle il faut bloquer la dépense fiscale.
M. Philippe Josse
Cette option serait effectivement intéressante.
M. Jean Arthuis, président
Elle est intéressante en raison, notamment, de sa pluriannualité.
M. Philippe Josse
Je m'étais permis de souligner que la solution ne passait pas nécessairement par la confusion des remboursements et des dégrèvements avec les autres dépenses. En effet, lorsque nous sommes en dépense fiscale, notamment en crédit d'impôts, une partie est imputée sur l'impôt et affecte la recette, l'autre partie est remboursée. Le partage entre les deux est variable selon des paramètres propres à l'impôt, et selon une dynamique qui lui est propre. Il n'est donc pas pertinent de mesurer le poids de l'effort fourni par l'État à travers la dépense fiscale. Cependant, comme Monsieur le rapporteur général et vous-même, Monsieur le président, l'avez formulé à juste titre, les dépenses fiscales doivent être cantonnées. C'est là un objet de politique budgétaire.
Nous explorons actuellement une voie, qui n'est pas encore pleinement opérationnelle. Elle consiste à évaluer la performance d'un certain nombre de grands dispositifs. Nous avons besoin que vous nous encouragiez dans cette direction qui pourrait ouvrir la voie à des collaborations plus fructueuses, avec un certain nombre de nos partenaires, notamment les ministères gestionnaires.
Le cantonnement de la dépense fiscale peut, lui, passer par certains biais. Une première idée, assez séduisante, serait de n'avoir que des dispositifs autodestructibles, ce qui nous oblige, au moins à période régulière, à réexaminer leur légitimité et à les revoter. Cette idée a parfois été esquissée et reste séduisante.
Une autre voie concerne le plafonnement global que peut retirer un contribuable de la somme des avantages fiscaux résultant des différents dispositifs.
M. Jean Arthuis, président
C'était le « pré-projet » de loi de finances pour 2006.
M. Philippe Josse
Il s'agissait effectivement d'un projet, et non d'une loi.
M. Jean Arthuis, président
Qui a vécu quelques heures...
M. Philippe Josse
Quelques mois, Monsieur le président.
M. Jean Arthuis, président
A peine ! Pour savoir si tout cela est faisable, nous allons interroger maintenant Monsieur Aucoin, de la direction générale de la comptabilité publique.
M. Alban Aucoin
Je ne pourrais que faire écho aux propos du responsable du programme et du directeur du budget, sur la question essentielle de l'architecture budgétaire. Aussi, je me focaliserai sur trois aspects plus mineurs, mais qui, selon moi, revêtent une certaine importance. Il s'agit de l'information et des outils dont nous disposons :
- les outils de comptabilité analytique, évoqués par Monsieur Babusiaux, existent, mais la question est de savoir si ce découpage des coûts entre l'impôt et les dégrèvements a un sens. Je ne prendrai qu'un exemple, qui démontre le caractère consubstantiel de la plupart des remboursements et dégrèvements aux impôts auxquels ils se rapportent. Ainsi, le dégrèvement en faveur des personnes âgées à faible revenu fait partie de la taxe d'habitation. Pour nous, le coût de gestion de ce dégrèvement est nul. Il fait partie de la gestion globale de l'impôt et, de ce fait, nous ne pouvons pas l'appréhender spécifiquement ;
- les admissions en non valeur ont été évoquées par le rapport de la Cour des comptes, qui regrette qu'elles ne soient pas éclatées par impôt. Cette donnée nous manque en comptabilité, mais nos outils de gestion nous permettent de la faire apparaître. Nous proposons donc de vous communiquer cet éclatement des admissions en non valeur par impôt dont nous disposons en gestion ;
- la Cour des comptes évoque, dans son rapport, la mise en place d'un indicateur afférant au recouvrement lors des remboursements d'impôts. La Cour des comptes a souhaité que soit menée une réflexion sur ce point. Nous y sommes favorables et tout à fait prêts à nous y engager, afin d'améliorer la connaissance de ces recouvrements grâce aux remboursements d'impôts.
M. Jean Arthuis, président
Techniquement, nous pouvons tout faire à condition de savoir ce que nous voulons politiquement. Il existe, par exemple, un prélèvement sur les avis d'imposition locale. Ceci génère une recette globale pour le budget de l'État. Puisque qu'il s'agit de financer les non valeurs, il serait intéressant de regrouper cette recette avec les admissions en non valeur relatives aux impôts locaux. Cette solution est-elle possible ?
M. Alban Aucoin
A partir du moment où nous pouvons éclater ces admissions en non valeur par impôts, nous devons être capables de le faire.
M. Jean Arthuis, président
Vous devez pourvoir facilement les regrouper.
M. Alban Aucoin
Nous pouvons le faire, non sur la feuille d'impôts, mais de manière globale.
M. Bruno Parent
Avec la permission de la Cour des comptes, je souhaitais rappeler son rapport très intéressant sur ce sujet des frais d'assiette et de recouvrement perçus par l'État au titre des impôts locaux, qui mettait en regard ces différents paramètres. Il a été communiqué à votre commission. J'espère ne pas commettre d'erreur en le mentionnant.
M. Philippe Josse
Il s'agit d'un micro complément, mais ce prélèvement vise à financer les admissions en non valeur ainsi que tous les autres remboursements et dégrèvements.
M. Jean Arthuis, président
Tous ces éléments pourraient être rassemblés dans la présentation analytique.
La Cour des comptes a-t-elle des observations à formuler avant l'intervention de la rapporteure spéciale ? Le rapporteur général s'est déjà exprimé, et a notamment évoqué toute l'admiration qu'il portait à Madame la rapporteure spéciale qui s'est saisie de cette mission.
Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale
Je remercie le rapporteur général d'avoir dit que cette mission était difficile à présenter. Il nous semble ardu, en effet, d'être confronté à des informations très techniques. Je trouve d'ailleurs que vos réponses, encore ce matin, ont été très techniques. Vous ne répondez pas à l'attente politique qui est la nôtre. Nous souhaitons simplement savoir, à partir du moment où un certain nombre de décisions ont été prises en termes d'imposition qui visent essentiellement à appuyer une politique publique décidée, la manière dont cette dernière se met en oeuvre et les moyens dont nous disposons pour mesurer son efficacité.
Notre attente est là, globalement. Les handicaps techniques que vous nous présentez nous semblent être - j'essaie de mesurer mes mots - des éléments sur lesquels le travail a peut-être été insuffisant. Nous avons l'impression que vous dressez, devant nous, des barrières techniques, afin de ne pas nous donner tous les éléments nous permettant de l'apprécier. C'est ce que je ressens et j'ai l'habitude de dire les choses comme je les pense. Plusieurs pistes démontrent que vous êtes capables de dire les choses. La Cour des comptes nous en donne des exemples, comme le cas du crédit d'impôt sur les véhicules à GPL. Cet exemple propose des possibilités d'analyse. La Cour des comptes évoque également certains cas de collaboration entre services, permettant ainsi une meilleure appréciation des politiques publiques. Nous aimerions que cette manière de faire porte sur tous les aspects des politiques publiques. Nous apprenons qu'il existe trop de mesures en matière d'imposition et qu'il est impossible de s'y retrouver. Les services fiscaux eux-mêmes risquent d'avoir des problèmes à gérer une multiplicité de mesures profitant à certains contribuables et non à d'autres. Nous sommes confrontés à une multiplicité de lois qui enlève toute lisibilité pour le contribuable. Or nous ne possédons pas les outils nous permettant de décider de réviser une politique dont le manque d'efficacité se révèle à l'usage. Sans cet outil, nous ne pouvons être nous-mêmes performants dans l'analyse des propositions qui nous sont faites.
C'est la raison pour laquelle nous avons voulu aborder la question des indicateurs. Je conçois que vous soyez dans l'obligation de répondre plus rapidement aux assujettis à l'impôt et je reconnais la performance réalisée dans le cadre de la réduction des effectifs. Je n'ai d'ailleurs émis aucune remarque sur cet aspect. Je souhaitais simplement savoir si cette politique est toujours pertinente, sachant que nous manquons d'éléments pour juger la manière dont cette mission est présentée, ce qui nous pose un problème.
Vous nous parlez de la complexité du rattachement des crédits retracés par la mission « Remboursements et dégrèvements » à leur mission de rattachement naturel. Vous nous dites que certaines solutions seraient envisageables, mais que votre marge de manoeuvre est malaisée car il s'agit de crédits évaluatifs. Cependant, si ces crédits ne sont pas mis en rapport avec la politique publique à laquelle ils se rattachent, comment pourrons-nous être efficaces et déterminer si ces crédits viennent se surajouter aux autres aspects de la politique ? Cet aspect semble quelque peu oublié lorsque nous traitons des autres missions dans leur forme actuelle. Ce point me paraît essentiel et je voulais attirer votre attention, car il s'agit du fondement de notre demande.
M. Jean Arthuis, président
Il semble, Madame la rapporteure spéciale, que vous fassiez preuve de beaucoup d'abnégation. Vous seriez particulièrement satisfaite si votre mission disparaissait.
Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale
Cela me semblerait plus efficace.
M. Jean Arthuis, président
Notre objectif est donc de convenir avec le gouvernement de la disparition de cette mission dans un délai d'une année, puisque, techniquement tout semble possible.
Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale
La situation est un peu plus complexe, apparemment.
M. Jean Arthuis, président
Messieurs, avez-vous des objections à formuler sur les propos de Madame Beaufils ? Monsieur Josse semblait sceptique sur le principe d'une disparition de la mission.
M. Philippe Josse
Je reste sceptique, Monsieur le président, pour plusieurs motifs. Les trois quarts des masses en cause concernent des dégrèvements et des remboursements ordinaires qui ne sont pas liés à des dispositifs législatifs.
M. Jean Arthuis, président
Vous les imputez directement sur les recettes.
M. Philippe Marini, rapporteur général
Vous les mettez de côté.
M. Philippe Josse
Deux possibilités s'offrent à nous : soit nous les imputons sur les recettes perçues, soit nous maintenons la mission telle qu'elle est. Il nous faudra voir ce qui garantit la traçabilité maximale auprès du Parlement.
M. Philippe Marini, rapporteur général
Une mission représente un objectif de l'action de l'État. S'agit-il d'un objectif de l'action de l'État ? Sommes-nous dans la logique de la LOLF ?
M. Jean Arthuis, président
Votre argumentation repose sur le maintien de règles de comptabilité publique antérieures à la LOLF, or dans la présentation des comptes publics, dans le respect de la philosophie de la LOLF, les remboursements s'imputent directement sur les recettes.
M. Philippe Josse
Monsieur le président, j'étais au temps zéro de ma démonstration. Sur cet aspect des choses, j'aurais tendance à m'en remettre à l'opinion conjointe de la Cour des comptes et du Parlement.
Par ailleurs, concernant les dispositifs prévus pour des motifs de politique publique, je comprends parfaitement l'objectif de parvenir à une mesure exacte de la performance, encore faut-il pour cela que les outils de mesure soient exacts. La mesure à partir du remboursement est fausse, car elle ne prend en compte qu'une partie du phénomène. Le seul bon outil est celui des dépenses fiscales, qui se décompose en deux masses : l'une est remboursée, l'autre est imputée. Cette dernière, par définition, ne peut pas être traitée comme un instrument de crédit budgétaire. La bonne voie de progrès serait, me semble-t-il, d'évaluer les performances des dépenses fiscales, et non des remboursements, dans les PAP, politique par politique. Je ne pense pas qu'elle se traduise par la disparition de la mission. Nous avons d'ailleurs commencé, cette année, sans qu'aucun texte ne l'exige. Quinze dépenses fiscales ont fait l'objet d'un processus d'évaluation. Cela apparaît dans les PAP. Il ne s'agit que d'une expérience, la marge de progression est encore importante avant de parvenir au coût complet. Or ce dernier ne représente pas uniquement le remboursement mais aussi la dépense fiscale.
M. Jean Arthuis, président
Certes, mais techniquement, vous pouvez appréhender les imputations. Lorsqu'un contribuable impute sur le montant de l'impôt dont il est redevable, pouvez-vous appréhender cette situation ?
M. Philippe Josse
Nous pouvons l'appréhender ex-post . Le problème, en politique budgétaire, est de posséder un compteur à la fois ex ante et ex post . Il est impossible de fonder la politique budgétaire avec un compteur simplement ex-post .
M. Philippe Marini, rapporteur général
Puis-je, Monsieur le président, faire une remarque technique ? Je comprends bien que certaines répartitions soient difficiles ex-ante et que des éléments apparaîtront plus facilement ex-post . Cependant, il est tout à fait concevable, comme nous le ferions dans une entreprise, d'avoir, au stade du budget, une sorte de « compte d'attente », et des imputations qui se révèlent dans la loi de règlement, dans le compte-rendu de gestion et le passage de l'un à l'autre. Je crois que ce serait une façon de revaloriser, comme nous le souhaitons, le « compte-rendu de gestion » qu'est la loi de règlement. Il ne faut pas que la difficulté, ou même l'impossibilité technique, au moment de répartir une dépense prévisionnelle selon les objectifs, soit un obstacle à l'application des principes de la LOLF.
Par ailleurs, si nous disposons, dans l'avenir, d'une séquence d'années suffisante de rapprochements « prévisions/réalisations », « prévisions/prévisions » et « réalisations/ réalisations », nous progresserons. A cet égard, plusieurs sujets très intéressants ont été soulevés. La pire des solutions serait de rester dans la nomenclature actuelle, qui est, je me permets de le répéter, un déni de LOLF. Sur 250 milliards d'euros, 72 milliards représentent un quart des dépenses. Cette situation n'est pas supportable, nous ne pouvons continuer ainsi. Ce n'est pas possible.
M. Jean Arthuis, président
Considérant que la loi de règlement est la seule loi de finances de « vérité budgétaire », nous nous accommoderons très bien d'estimations de la loi de finances initiale. L'effort, à l'avenir, consistera de réduire le temps de discussion des lois de finances initiales et de passer beaucoup plus de temps sur les lois de règlement. Nous allons dans la bonne direction.
Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale
Ce n'est pas tout à fait mon opinion de l'exercice parlementaire. Il me semble que nous devons passer plus de temps en lois de finances initiale que nous n'avons tendance à le faire actuellement. Je souhaite que ceci soit acté.
M. Jean Arthuis, président
Cependant, eu égard au temps passé sur la loi de finances initiale, en termes de performance, cela ne me semble pas extraordinaire...
Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale
Nous avons parlé, par exemple, des impôts locaux. Il me semble que la manière de traiter les impôts locaux, dans les budgets, est assez particulière. Nous parlons de la taxe professionnelle dans les remboursements et dégrèvements, mais nous ne parlons jamais de la taxe professionnelle qui reste dans le budget de l'État. Un travail spécifique est nécessaire pour comprendre ce que l'État reçoit directement de cette taxe. Il n'est pas normal que la lisibilité ne soit pas plus nette dans ce domaine. Il s'agit de tout un ensemble de choses à traiter.
M. Jean Arthuis, président
C'est la raison pour laquelle il faudrait retrouver ces opérations sur la taxe professionnelle dans le budget des collectivités territoriales. Nous sommes au coeur même des relations entre l'État et les collectivités territoriales. Monsieur Jossa serait très heureux d'avoir des indications précises à ce sujet.
Nous allons entendre rapidement, compte tenu de l'heure, Yves Fréville.
M. Yves Fréville
Je souhaite vous faire part d'une remarque optimiste. Lorsque j'ai découvert le budget des charges communes, en 1993, seuls deux chapitres existaient, puisqu'il n'y avait pas de distinction entre les dégrèvements d'impôts locaux et les dégrèvements d'impôts d'État. Les deux seules catégories existantes concernaient les impôts directs et les impôts indirects. Aujourd'hui, nous voyons ce que contient ce groupe, et je tiens à rappeler que d'énormes progrès en comptabilité ont été faits.
Concernant les questions de lisibilité, j'estime que quatre masses doivent être distinguées. Cette distinction découle de la norme de dépense, qui est un objectif politique :
- la première masse regroupe tous les dégrèvements techniques concernant les impôts d'État, comme la TVA, l'IS et la TIP. Il est normal de les déduire cela du montant des impôts, puisque les chiffres qui nous intéressent sont le montant de la TVA net et le montant de l'IS net. La mission semble obligatoire au regard de l'article 10 de la LOLF. Aussi, je suis favorable à la création d'un programme qui lui serait intégré, pour ces dégrèvements techniques. Eux seuls doivent être déduits du montant des dépenses, de manière à obtenir les dépenses nettes dépendant de la norme ;
- la deuxième catégorie s'impose clairement. Il s'agit des dégrèvements d'impôts locaux, hors admission en non valeur. Il n'existe aucune raison de ne pas créer un programme qui les retrace. Nous devons, bien sûr, en mesurer l'efficacité au regard des autres mesures concernant les collectivités locales. Cependant, la majeure partie des opérations concernant les collectivités locales sont des prélèvements. Rassembler ces opérations avec la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne me paraît pas particulièrement intéressant. C'est notre rôle, à travers la loi de règlement, de totaliser les prélèvements, les dégrèvements, les exonérations et les dépenses résiduelles de l'État ;
- la troisième masse, les admissions en non valeur, doit rester résiduelle, car elle dépend de la politique de recouvrement de l'État. Déterminer s'il s'agit d'admission en non valeur d'impôts locaux ou d'État me paraît difficile, car cela ne dépend pas de mesures législatives ;
- la quatrième masse, évoquée par Monsieur le directeur Josse, représente une difficulté majeure. Il s'agit des dépenses fiscales partagées en deux. C'est là que réside le véritable problème de présentation. Je ne vois pas d'autre solution que de disposer, par exemple, d'états annexes dans les différents PAP, pour obtenir la somme des deux. La difficulté tient à l'interdiction d'additionner les dépenses fiscales les unes aux autres, car elles peuvent se recouvrir. Si nous souhaitons mesurer la norme de dépense de l'État en additionnant toutes ses dépenses les unes aux autres, nous parvenons à un total supérieur au coût réel. Aussi ai-je toujours préconisé, lors du calcul de la charge nette de l'État, que l'on déduise uniquement les dégrèvements d'impôts locaux.
M. Jean Arthuis, président
Merci, Monsieur Fréville. La parole est à M. Charles Guené.
M. Charles Guené
Nombre de choses ont été dites depuis que j'ai manifesté mon désir de prendre la parole. Cependant, je tiens à souligner que je n'ai pas été choqué de la singularité de la mission, dans la mesure où la performance fonctionnelle a été privilégiée.
Je suis davantage gêné par la confusion entre certaines dépenses représentant une réalité économique, telle que la gestion de l'IS ou les remboursements de crédits de TVA qui dépendent essentiellement de l'exportation, et les dépenses correspondant à des décisions fiscales.
Une réintégration dans les missions d'origine me semble intéressante. Peut-être pourrions-nous nous contenter, en gardant ce type de mission, d'un renseignement, avec des indicateurs, dans les missions originelles, qui nous permettrait de travailler tout en gardant le suivi de la performance fonctionnelle des remboursements ? Autrefois, le délai des remboursements de crédit de TVA s'élevait à quatre mois. Le réduire à un mois est très intéressant sur le plan fonctionnel. Je rejoins Yves Fréville en considérant que, si nous arrivons à renseigner l'intérieur des missions avec les imputations et les remboursements sur chacun des programmes, cela permettrait d'assurer le suivi des missions concernées.
M. Christian Babusiaux
Je tiens à souligner quelques points qui me paraissent importants. D'une part, chacun, y compris l'administration, semble s'accorder sur la nécessité de progresser dans la mesure de la performance. Ce point me paraît fondamental. Dès lors qu'il y a dépense, même s'il s'agit de dépense fiscale, il doit y avoir des indicateurs de performance de cette dépense.
D'autre part, il faut prendre garde à ne pas aller à l'encontre de l'objectif fondamental de maîtrise des dépenses publiques. Sur ce point, et c'est le sens du rapport de la Cour des comptes, nous restons attentifs à la préoccupation qui animait le directeur du budget.
Par ailleurs, des progrès d'architecture au sein de la mission sont nécessaires, notamment pour y distinguer la TVA du reste.
Enfin, je me permets d'attirer votre attention sur l'articulation de la nomenclature budgétaire avec les sujets de comptabilité générale. Nous pourrons, si le Sénat le souhaite, vous adresser une note complémentaire sur ce sujet. Cependant, il est important de mettre en cohérence le traitement budgétaire et le traitement comptable. A l'arrière plan, il y a les indicateurs de Maastricht. Par ailleurs, qu'il s'agisse des sujets évoqués ce matin, ou de ceux soulevés dans la lettre du ministre, il faut veiller à assurer la cohérence entre les trois types de comptabilité - budgétaire, générale et maastrichtienne -, sans venir en perturber l'articulation normale.
M. Jean Arthuis, président
Cependant, Monsieur le président, la LOLF prescrit la constatation des droits acquis et des dettes engagées. Le budget n'est plus uniquement appuyé sur les flux de trésorerie en recettes et en dépenses. En fin d'exercice, Monsieur Josse tient compte des factures impayées pour évaluer le niveau de dépenses. Le bilan est donc dissocié. Nous devons affiner ces notions, sinon la LOLF est vaine. Nous serons confrontés à des opérations de trésorerie sur le FFIPSA ou sur autre chose. Cette ambiguïté devra être dissipée.
Nous devons conclure compte tenu de l'heure avancée mais il me semble, d'après les diverses interventions, que, techniquement, nous pouvons presque tout faire. Nombre de remboursements, tels que la TVA, peuvent être imputés directement sur les recettes. S'agissant des imputations pour les dépenses fiscales, cela ne peut se faire que dans un second temps. Ce traitement est-il effectif ou implicite, Monsieur Josse ?
M. Philippe Josse
Je vous le concède, nous pouvons progresser largement dans la connaissance des dépenses fiscales ex ante et ex post . Nous progressons sur la mesure de la performance. En revanche, nous ne saurons jamais intégrer les dépenses fiscales dans une politique budgétaire pour laquelle nous avons besoin d'un compteur ex ante et ex post . Or le compteur fiscal concernant les dépenses fiscales ne peut exister qu' ex post . Ce point est très important. En l'oubliant, nous risquons, si nous voulons mesurer les politiques publiques à travers le prisme imparfait des remboursements, d'altérer considérablement la politique budgétaire. C'est la raison pour laquelle j'incite à la méfiance. Concrètement, sur une politique publique donnée, tout ce qui baissera sera recyclé, tout ce qui montera sera payé.
M. Philippe Marini, rapporteur général
Cela militerait pour qu'il y ait le moins de dépenses fiscales, parce que cela semble compliqué.
M. Jean Arthuis, président
Nous avons tous constaté qu'il existe une tension budgétaire telle que les orientations visent le zéro volume. La tentation est très forte, à partir du moment où nous sommes en zéro volume des crédits, de multiplier des dépenses fiscales, car elles n'affectent pas immédiatement le budget. Cela pèse sur les recettes des exercices futurs, mais le gouvernement ayant réaffirmé les vertus de la pluriannualité, nous devons absolument tenir compte des dépenses fiscales et tenter de les contenir. Puis-je rappeler que le rapporteur général avait proposé que les dispositions de l'article 40 de la Constitution, qui s'appliquent aux dépenses, s'appliquent également aux dépenses fiscales ? Ce sujet est donc particulièrement sensible. Il n'est pas imaginable que nous puissions continuer à travailler avec une mission budgétaire qui regroupe, à elle seule, 72 milliards d'euros de crédits. Nous avons besoin d'éclater cette somme et de l'affecter aux missions et aux programmes. Si des « sas » de transition sont nécessaires, nous devons pouvoir nous réunir sur l'objectif de disparition de la mission que rapporte Marie-France Beaufils.
Je remercie nos invités : le président de la 1 ère chambre et les conseillers maîtres ici présents ; je remercie les directeurs généraux qui nous ont rejoints ce matin pour nous apporter de précieuses indications et qui nous ont confirmé que ce que nous souhaitons est faisable dans un avenir proche. Je remercie Marie-France Beaufils et souhaite vous consulter, mes chers collègues, pour autoriser notre rapporteure spéciale à publier le rapport d'enquête et les débats qui viennent d'avoir lieu.
La décision est prise à l'unanimité.