2. Un éclairage sur les grands enjeux de la prochaine réforme française : des questions à trancher par le pouvoir politique
a) Faut-il envisager une réforme structurelle ou une simple réforme paramétrique ?
En 1998 et en 2001, la Suède a fait le choix d'une réforme structurelle , en transformant radicalement son système d'assurance vieillesse. A l'inverse, en 2003, comme d'ailleurs en 1993, la France a mis en oeuvre une réforme des retraites certes profonde, mais de portée purement paramétrique . En dépit de son volume (116 articles législatifs nécessitant la parution de plus de soixante-dix décrets d'application) et de son champ d'application, englobant la quasi-totalité des régimes sociaux français, la loi du 21 août 2003 n'a pas refondé le cadre général de l'assurance vieillesse conçu en 1945 .
La question de la nature de la réforme à conduire se reposera en 2008, voire en 2012 ou 2016, à l'occasion des prochaines clauses de rendez-vous de la loi du 21 août 2003. A la lumière des projections du conseil d'orientation des retraites, faisant apparaître une tendance inéluctable à la dégradation des comptes, il est probable que les décideurs publics et les assurés sociaux s'interrogeront de plus en plus sur la capacité de la technique des annuités à faire face au défi du vieillissement de la population.
Dans le cadre du rôle de réflexion imparti à la Mecss, vos rapporteurs se borneront à souligner ici que le format et la portée de la prochaine réforme des retraites nécessiteront un débat public préalable avant de se prononcer sur le détail des mesures envisagées.
b) La France peut-elle, comme la Suède, « donner du temps au temps » pour régler définitivement la question des retraites ?
Les interlocuteurs rencontrés par la Mecss se sont tous félicités de la qualité du processus d'élaboration qui a débouché in fine sur le vote de la loi du 8 juin 1998. Pour autant, ainsi que l'a souligné Ole Settergren, « le processus de réforme du système de retraite suédois a été d'une longueur décourageante. »
Vos rapporteurs ne cachent pas qu'ils retiennent sur ce point de leurs échanges avec les responsables suédois une impression ambivalente . Compte tenu de l'ampleur du déficit actuel de l'assurance vieillesse, il est évident pour tous les observateurs que la France ne pourra pas se permettre d'attendre pendant quinze ans l'issue d'un processus de concertation.
Ce constat ne semble toutefois pas condamner la gestion du problème des retraites à l'élaboration d'un « monument » législatif de plusieurs dizaines d'articles, rédigé en quelques mois seulement, au début de chaque législature. Un tel mode opératoire qui a prévalu grosso modo en 2002/2003 renforce, il est vrai, par pure réflexe de conformisme intellectuel, la perspective de l'adoption de mesures paramétriques. Or, le mode de gouvernance de l'assurance vieillesse accorde désormais, en France comme en Suède, une large place à la concertation avec les partenaires sociaux, qui ont de surcroît la responsabilité de gérer les régimes complémentaires. Les syndicats de salariés sont en outre fortement représentés au sein du conseil d'orientation des retraites, créé en 2000 à l'initiative du gouvernement de Lionel Jospin, dont l'expertise fait largement autorité.
Par conséquent, en ce qui concerne aussi bien la forme que la méthodologie de la prochaine réforme des retraites, vos rapporteurs ont la conviction que notre pays pourrait lui aussi mener à bien, à l'avenir, une modernisation de grande ampleur de l'assurance vieillesse . La réflexion et la concertation dans le domaine des retraites sont désormais fondées sur des bases solides. Sur le plan technique, les conditions sont donc réunies pour lancer une réforme importante en France qui ne nécessiterait pas une phase d'élaboration aussi longue qu'en Suède. Tout est une question de volonté politique des pouvoirs publics et des partenaires sociaux.