ANNEXE I - DÉCENTRALISATION : LE DOUTE DES ÉLUS LOCAUX - PAR M. DOMINIQUE REYNIÉ, PROFESSEUR DES UNIVERSITÉS À L'INSTITUT D'ÉTUDES POLITIQUES DE PARIS

L'enquête que nous avons réalisée pour le compte de l'Observatoire de la décentralisation du Sénat vise à saisir le point de vue des élus sur la décentralisation. L'institut TNS-SOFRES a interrogé un échantillon de 505 élus entre le 4 et le 27 janvier 2007 : 453 maires, 41 présidents de Conseils généraux et 11 présidents de Conseils régionaux. Les entretiens ont eu lieu par téléphone.

Le principal enseignement de cette enquête est d'une grande netteté : les élus sont largement acquis au principe de la décentralisation, mais la manière dont elle est mise en oeuvre provoque chez eux une déception confinant parfois à une forme de mécontentement et pouvant conduire à une certaine démobilisation. Il va sans dire que la décentralisation ne saurait être réussie sans le soutien des élus locaux. Mais lorsque ce soutien existe, ce qui est le cas aujourd'hui, il ne suffit pas pour autant. Les responsables élus de nos collectivités locales ont en quelque sorte mis leurs compétences et leur vocation au service du législateur décentralisateur. Ils demeurent dubitatifs en ce qui concerne les moyens affectés aux nouvelles missions qui leur ont été confiées. Ils attendent aussi une forme de reconnaissance publique, plus qu'une compensation.

I. NOS ÉLUS LOCAUX SONT CONVAINCUS PAR LA DÉCENTRALISATION

Ils en approuvent le principe, les mécanismes et les politiques publiques qui en découlent.

A. LE PRINCIPE EST PLÉBISCITÉ

Dans son principe, la décentralisation est plébiscitée par les élus locaux. Plus des trois quarts d'entre eux (78 %) s'y déclarent très attachés ou plutôt attachés. De plus, il faut noter que la proportion de ceux qui se disent très attachés (27 %) est nettement supérieure à celle de ceux qui se considèrent « pas attachés du tout » (4 %). Autrement dit, le soutien au principe de la décentralisation est non seulement particulièrement large, mais il est aussi particulièrement marqué.

B. LES MÉCANISMES SONT APPROUVÉS.

Plus concrètement, les élus estiment que les dispositions de l'Acte II ont produit de nombreux changements positifs. Ils approuvent ainsi largement le principe selon lequel ce sont :

- les collectivités territoriales plutôt que l'Etat qui prennent les décisions pour les compétences qui peuvent être mises en oeuvre à leur échelon (75 %) ;

- le transfert aux régions des TER (67 %) ;

- le transfert aux départements du schéma gérontologique (66 %) ;

- le droit à l'expérimentation (58 %), dont l'approbation doit être regardée comme particulièrement symptomatique de la culture décentralisatrice ;

- le principe d'autonomie financière des collectivités territoriales (54 %),

- ainsi que le droit de pétition (52 %)

- et le référendum local décisionnel (51 %).

Sujet particulièrement sensible, le transfert de personnels (TOS et DDE) est cependant apprécié comme un changement plutôt positif par une majorité relative (42 %) des élus interrogés, tandis qu'une forte minorité (37 %) exprime un avis contraire.

On notera que le jugement positif demeure majoritaire mais avec une force sensiblement moins grande pour quelques changements plus spécifiques aux départements. Ainsi, selon les élus, les dispositions de l'Acte II ont induit des changements à peine plus positifs (49 %) que négatifs (40 %) en ce qui concerne

- la gestion des politiques sociales ;

- un équilibre presque parfait entre les opinions positives (45 %) et les opinions négatives (44 %) en matière de gestion des infrastructures routières.

La politique de décentralisation combine l'ambition de réformer la gestion publique pour la rendre plus efficace, avec l'ambition d'en favoriser la compréhension et le contrôle par les citoyens pour la rendre plus démocratique. De ce point de vue, les élus interrogés établissent un bilan mitigé, faisant apparaître les premiers signes d'une inquiétude sinon d'un doute.

Ainsi, une majorité (54 %) juge que la décentralisation a permis de renforcer le lien de la population avec les élus, mais 46 % de ceux qui sont interrogés affirment leur désaccord sur ce point.

Une majorité plus courte (51 %) considère que la décentralisation a permis aux Français de mieux connaître leurs élus, mais une proportion presque équivalente (48 %) ne le pense pas.

Il en va de même lorsqu'il s'agit de savoir, élément pourtant crucial, si l'on a pu ainsi offrir aux citoyens la possibilité de mieux exprimer leurs attentes. Les élus sont là aussi très partagés : 51 % le croient, contre 48 % qui ne le croient pas...

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