TRAVAUX DE LA COMMISSION : AUDITION POUR SUITE A DONNER À L'ENQUÊTE RÉALISÉE PAR LA COUR DES COMPTES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 58-2° DE LA LOLF, SUR L'AGENCE NATIONALE DE VALORISATION DE LA RECHERCHE (ANVAR) ET SA TRANSFORMATION EN OSEO-ANVAR
Présidence de M. Denis
Badré,
vice-président
Séance du mercredi 7 février 2007
Ordre du jour
Audition de M. Bertrand FRAGONARD, président de la 2 ème chambre de la Cour des comptes, de M. Jean-Pierre DENIS, président directeur général de l'OSEO et, notamment, de représentants du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, du ministère des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales, du ministère délégué à l'industrie et du ministère délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, pour suite à donner à l'enquête sur l'Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR) et sa transformation en OSEO-ANVAR, transmise par la Cour des comptes en application de l'article 58-2° de la LOLF.
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La séance est ouverte à 10 heures 10
M. le président - Messieurs les présidents, Mesdames et Messieurs les directeurs, Mesdames et Messieurs, mes chers collègues, je vous présente les excuses du président Arthuis, qui n'a pu être parmi nous. Retenu à l'extérieur, il m'a demandé de présider notre séance.
Nous voici donc à nouveau réunis pour une audition de suivi d'une enquête réalisée par la Cour des comptes en application de l'article 58-2 de la LOLF.
Il s'agit aujourd'hui d'une enquête sur l'Agence nationale de valorisation de la recherche, l'ANVAR, établissement public créé en 1967, qui soutient l'innovation dans les PME.
Aujourd'hui, l'ANVAR est devenue une société anonyme, filiale à 100 % de l'établissement public OSEO et qui, après s'être appelée OSEO-ANVAR, a été tout récemment rebaptisée OSEO Innovation.
Elle dispose, pour remplir sa mission en faveur de l'innovation en 2007, de 167 millions d'euros de crédits en provenance de l'Etat. Ces dotations ont varié assez fortement au cours des dernières années.
Notre collègue Maurice Blin, rapporteur spécial de notre commission des finances pour la mission « Recherche et enseignement supérieur », dont relève OSEO Innovation, s'est interrogé quant à la gestion de l'ancien EPIC ANVAR et quant aux conditions de sa transformation en OSEO-ANVAR.
C'est ce qui a conduit la commission des finances à solliciter de la Cour des comptes, le 25 janvier 2006, une enquête sur ce thème, laquelle lui a été transmise le 20 octobre 2006.
La présente audition, comme les précédentes qui ont été organisées après livraison d'enquêtes de la Cour des comptes, a pour objet principal de faire en sorte que les travaux réalisés et les rapports publiés connaissent une suite effective, ce dont nous souhaitons nous assurer.
Cette préoccupation, s'agissant de l'ANVAR, est commune à la commission des finances et aux commissions des affaires culturelles et des affaires économiques. Je suis donc très heureux de recevoir les membres de ces deux commissions qui ont pu se libérer. Je vous prie d'accepter également les excuses des présidents Emorine, des affaires économiques et Valade, des affaires culturelles, retenu à Munich.
Nous ne pouvons que nous réjouir du développement d'une étroite coopération entre nos commissions.
Nous recevons, pour la Cour des comptes, M. Bertrand Fragonard, président de la 2 ème chambre, M. Jean-Loup Arnaud, président de section, M me Laurence Fradin, conseiller-maître et M. Paul Serre, magistrat ayant participé à l'enquête.
Le groupe OSEO, qui a intégré l'ANVAR en son sein, sera représenté par son président-directeur général, M. Jean-Pierre Denis.
Les tutelles et les représentants de l'Etat au sein du conseil d'administration ont également été conviés.
Ainsi, pour le ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, nous entendrons M. Jean-Philippe d'Issernio, conseiller budgétaire du ministre.
Le ministère chargé de l'industrie sera représenté par M. David Bouchoucha, conseiller technique au cabinet du ministre et par M. Luc Rousseau, directeur général des entreprises.
Le ministère des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales sera représenté par M. Laurent Moquin, sous-directeur de la direction du commerce, de l'artisanat, des services et des professions libérales.
M. Guilhem Blondy, conseiller technique, parlera au nom du ministère du budget, ainsi que M. Guillaume Gaubert, sous-directeur à la direction du budget.
Pour la direction générale de la comptabilité publique, nous entendrons M. François Tanguy, sous-directeur.
Enfin, M me Delphine d'Amarzit, sous-directrice, interviendra au nom de la direction générale du trésor et de la politique économique.
Afin de préserver une possibilité effective de dialogue et de débat, je demande que les interventions liminaires de la Cour des comptes et d'OSEO se limitent aux observations principales, d'autant que tous nos collègues ont déjà été destinataires de cette enquête.
Ensuite, je donnerai prioritairement la parole à notre rapporteur spécial.
Enfin, chaque commissaire pourra poser toutes les questions qu'il souhaitera.
Je rappelle aux membres de la commission des finances que nous aurons ensuite à prendre une décision sur la publication de l'enquête de la Cour des comptes au sein d'un rapport d'information.
Pour commencer, je donne la parole à M. Bertrand Fragonard, président de la 2 ème chambre de la Cour des comptes, pour présenter les points principaux de l'enquête réalisée par la Cour des comptes sur l'ANVAR.
M. Bertrand Fragonard - Monsieur le Président, je me permets de rajouter à la liste des personnes que vous avez présentées, Francine Roulet qui a été, avec Paul Serre, rapporteur de ce dossier.
La communication que vous avez demandée à la Cour porte sur le fonctionnement de l'ANVAR. Ce titre traduit votre intérêt d'une part pour les conditions dans lesquelles cette Agence joue son rôle dans le secteur de l'innovation et, d'autre part, pour les conditions de changement de statut de cette Agence en 2005.
Je rappellerai d'abord, pour situer l'objet de mon propos, que l'ANVAR a versé, en 2005, 210 millions d'euros d'aides au soutien de l'innovation dans les PME, dont 77 ont été financés sur crédits d'État. Son effectif était de 470 équivalents temps plein et ses crédits de fonctionnement s'élevaient à 41 millions d'euros.
Je souhaiterais ensuite préciser le contexte et la méthode de la communication de la Cour.
Nous avons fait un premier contrôle en 2005. Il a été engagé dans le cadre classique des contrôles de la Cour sur ce type d'organismes. Il a porté sur la période 1998-2003 et a donné lieu à un rapport particulier qui a été transmis aux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat en décembre, accompagné d'un référé aux ministres compétents.
Les constatations faites dans ce rapport et les changements intervenus sur le plan statutaire et politique nous ont amenés à faire un deuxième contrôle en 2006 -fait inhabituel- sur la période 2004-2005, c'est-à-dire jusqu'à la réforme de l'ANVAR et sa transformation en OSEO ANVAR. Ce contrôle a donné lieu à un rapport particulier transmis à votre commission en janvier 2007.
Tout ceci a été synthétisé dans la communication que nous avons faite le 20 octobre 2006, au titre de l'article 58-2° de la LOLF, conformément à votre demande.
Les observations de la communication qui vous a été adressée ont toutefois une limite.
Tout d'abord, nous travaillons sur le passé, même si nous cherchons à actualiser. L'essentiel de nos observations porte sur la période durant laquelle l'ANVAR était un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), c'est-à-dire jusqu'au 8 juillet 2005. Si nos observations font état des engagements de la direction de la S.A. OSEO ANVAR, elles ne peuvent pas évaluer les décisions prises depuis mi-2005. A la date de votre demande d'enquête et à celle du lancement de l'instruction de la Cour, les comptes d'OSEO ANVAR et d'OSEO n'étaient d'ailleurs pas produits et donc incontrôlables par la Cour.
Nos observations portent sur trois sujets : la définition des missions de l'Agence dans son environnement, les désordres de la comptabilité de l'EPIC ANVAR et les questions relatives à l'orientation des actions de l'ANVAR et à leur évaluation.
Première série d'observations : nous pensons qu'on pourrait mieux définir les missions de l'Agence. Tout d'abord, les textes de 1997 relatifs à l'EPIC ANVAR ne définissaient pas avec assez de précision les missions de l'agence et nous considérons que les textes de 2005 ne sont pas assez précis et aboutis sur ce point.
Ne sont définies aujourd'hui ni la cible des interventions de l'agence -même si, de fait, les PME sont au coeur de l'activité- ni la notion d'innovation. Il est vrai qu'il est quelquefois difficile de préciser ce type de concept. Les fonctions et la place de l'Agence se sont précisées, dans les deux cas, moins sur la base de textes que peu à peu, de façon empirique, ce qui ne facilite pas une claire définition de son rôle.
Nous pensons donc souhaitable un cadrage plus explicite des missions de l'Agence, d'autant que le contexte dans lequel OSEO ANVAR a inscrit son action est plus complexe que celui de l'EPIC : rapprochement avec la Banque de développement des petites et moyennes entreprises (BDPME), création de plusieurs agences intervenant en matière d'innovation et de recherche -Agence nationale de la recherche (ANR), Agence de l'innovation industrielle (AII), pôles de compétitivité et, tout récemment, dispositif France Investissement de la Caisse des dépôts et consignations.
Enfin, nous pensons que l'Agence doit améliorer sa performance internationale, mieux aider les PME à accéder aux crédits communautaires et rattraper le retard français en matière de recherche et d'innovation.
Elle doit aussi tirer systématiquement parti des bonnes pratiques des homologues étrangers de l'agence, examiner si des leçons pertinentes peuvent être tirées de l'exemple américain.
Deuxième série d'observations de la Cour, plus techniques et qui n'engagent pas la politique même de l'institution, même si cela en gêne quotidiennement la marche : nous avons constaté des défaillances comptables de l'EPIC très caractérisées.
Le fonctionnement comptable de l'agence a été gravement perturbé, entre 2001 et 2004 par des éléments internes et externes à l'agence.
Il y a d'abord eu l'incapacité de l'Agence à mener à bien deux réformes clefs qu'elle avait engagées, la réforme comptable et la réforme des systèmes d'informations. La Cour considère toutefois que ce n'est pas pour autant que les défaillances comptables de l'Agence peuvent être imputées exclusivement au système comptable.
Deuxième phénomène : l'Agence a éprouvé de grandes difficultés à absorber le transfert massif d'aides du ministère de l'Industrie, dont la gestion lui a été confiée puis retirée.
Nous signalons avec regret l'absence de réactions de la majorité du conseil d'administration face aux erreurs des comptes : le conseil d'administration a approuvé chaque année les comptes de l'EPIC, malgré leur erreurs, jusqu'à l'exercice 2004.
Au-delà des aspects procéduraux, ces dysfonctionnements ne sont pas neutres sur la façon dont l'équipe de direction peut gérer sa maison. Faute d'instruments comptables cohérents, elle s'expose à quelques erreurs ou incompréhensions.
C'est ce que nous avons décrit dans le rapport. Les dirigeants de l'EPIC ont pris conscience de ces faiblesses et entamé un processus de redressement. Les moyens attribués pour ces lourdes défaillances n'ont pas été suffisants pour permettre leur correction.
Une cellule de recherche et de régularisation comptable a été mise en place ; elle a bien fonctionné de fin 2005 à juin 2006, mais les moyens promis, en temps et en ressources humaines, ne lui ont pas été attribués. Elle n'a pu procéder qu'à des corrections partielles.
Quant à la S.A. OSEO ANVAR, devant la difficulté de ce problème, elle s'est davantage souciée de la qualité des comptes de la société anonyme que de la régularisation des comptes de l'établissement public. Les comptes, entre 2001 et 2005, sont donc sans signification. Ils ne donnent pas une image fidèle de l'organisme. Ils ne sont ni sincères, ni réguliers, comme le dit l'avis rendu par la Cour dans son rapport particulier de décembre 2005.
En ce qui concerne le compte 2004, la Cour l'a renvoyé à la direction générale de la comptabilité publique pour qu'il soit mis en état d'examen.
Quant au compte 2005 du dernier exercice de l'EPIC, jusqu'au 8 juillet 2005, il n'a été ni arrêté, ni approuvé par le ministre délégué au budget, comme il aurait dû l'être en application de l'ordonnance du 28 juin 2005, et n'est donc toujours pas produit à la Cour. La Cour n'a donc pu émettre d'avis sur le compte 2004, ni sur le compte 2005.
Cette situation a des conséquences sur l'EPIC, mais aussi sur la société anonyme.
L'EPIC ANVAR a dû ainsi passer de 262 millions d'euros de provisions exceptionnelles à la clôture 2004, creusant un déficit exceptionnel et diminuant d'autant les capitaux propres.
La société a établi avec raison un bilan d'ouverture au 1 er janvier 2005 mais dont le degré de fidélité est incertain.
Enfin, le refus par les administrateurs, au printemps 2006, d'arrêter les comptes 2005 de la S.A. a obligé l'Agence à lancer un chantier supplémentaire de redressement ou de régularisation comptable sur les aides pour compte de tiers. Le premier compte de la société OSEO ANVAR portant sur l'année civile 2005 a finalement été certifié par les commissaires aux comptes avec réserves et approuvé par le conseil d'administration en juillet 2006.
La clarification du régime fiscal applicable à OSEO ANVAR a amené cette société à renoncer au droit de reporter son déficit de l'année 2004, comme l'auraient permis les règles de l'impôt sur les bénéfices.
Ces défauts comptables nous semblent très significatifs et nous ne pouvons que souhaiter que le redressement entrepris soit mené à son terme.
Troisième série d'observation de la Cour : l'orientation des actions de l'ANVAR et leur évaluation doivent être améliorées.
La politique d'aide aux entreprises suivie par l'agence de 1998 à 2005 a souffert d'un manque de définition préalable par l'organisme et ses tutelles. C'est leur communauté d'action qu'il faut juger. On n'a pas déterminé de façon suffisamment efficace la part des aides avec retour par rapport aux subventions. Les bons de souscriptions lancés en 2000 ont dû faire l'objet d'une procédure d'extinction en 2006.
Enfin, le développement des actions déléguées par des tiers (ADT) peut être jugé comme traduisant surtout la volonté pour l'organisme de compenser la réduction des crédits versés par l'État dont vous avez, Monsieur le Président, souligné l'irrégularité.
En second lieu, les critères de sélection des projets aidés doivent être déterminés selon une approche d'ensemble que l'on peut améliorer.
Quelle place pour les entreprises récentes et de petite taille dans la priorité stratégique des dernières années de l'EPIC, et comment les justifie-t-on ?
Quelle mesure et quelle prise en compte des critères de potentiel de croissance et de création d'emploi dans l'attribution des aides ?
Troisième point : la rémunération que perçoit l'Agence pour gérer les aides pour compte de tiers exige une attention accrue. Nous avons le sentiment que les coûts complets de gestion de ces aides ont été sous-estimés, ce qui n'est pas pertinent.
Enfin, l'évaluation de la performance a été et reste insuffisante.
Les indicateurs mis en place dans le passé sont peu significatifs et ceux d'aujourd'hui ne sont pas encore tous renseignés.
Nous pensons que l'Agence a encore quelques difficultés à connaître les coûts et à mesurer son efficience. Cela renvoie pour partie aux défaillances du système d'information que j'ai indiquées tout à l'heure.
Enfin, il faudra attendre le prochain contrôle pour savoir si le mouvement engagé a porté ses fruits.
Quelques mots de conclusion. Les problèmes qui se sont posés ont été correctement analysés par la société OSEO ANVAR. Ils demeurent, pour une bonne partie d'entre eux, encore à résoudre, tant par l'organisme que par ses tutelles. Ceci étant, nous avons le sentiment que les démarches entreprises vont dans le bon sens et c'est dans cet esprit que nous espérons que la communication que nous vous avons faite aidera les dirigeants et les tutelles à poursuivre leur action.
Je vous remercie.
M. le président - Merci pour cette intervention liminaire claire et forte, que vous avez tenu à centrer sur un état de la situation : en même temps, vous avez tenu à vous tourner vers l'avenir, en essayant de montrer que nous pouvions trouver des voies pour qu'il soit le meilleur possible.
La parole est à M. Jean-Pierre Denis.
M. Jean-Pierre Denis - Je voudrais tout d'abord revenir sur les principaux constats que l'équipe de direction d'OSEO a été amenée à faire fin 2004-début 2005, puis sur le travail de remise à niveau entrepris depuis lors et les résultats obtenus, qui me paraissent particulièrement significatifs et enfin consacrer un peu de temps à l'orientation des missions d'OSEO Innovation et du groupe OSEO de façon générale, l'ensemble de ses composantes ayant vocation à accompagner les entreprises innovantes dans leur parcours.
Premier des constats de l'équipe de direction effectués durant le second semestre 2004 : la comptabilité de l'ANVAR, dans sa forme ancienne, était une « comptabilité de caisse », malgré la mise en place d'une comptabilité dite patrimoniale en 2001.
L'objectif de la comptabilité se résumait au suivi des dotations budgétaires de l'année et l'ANVAR était au fond pilotée avec pour seule préoccupation le calibrage au plus juste des dotations, le maintien d'un volant de trésorerie minimale dans l'organisme et la quête, un peu formelle, de l'équilibre du compte de résultat, au prix d'un certain nombre de pratiques contestables et en particulier des reports de charges d'un exercice sur l'autre, voire de suspensions du versement d'aides aux entreprises.
Ce mode de pilotage, à horizon de l'année, nous est apparu totalement incompatible avec la durée du cycle d'exploitation de l'ANVAR -je pense à la gestion des avances remboursables, qui s'inscrivent dans des cycles de 7 à 8 ans en moyenne. Ce dispositif était incompatible avec les exigences qu'impose le suivi comptable et financier d'une entité comme l'ANVAR, établissement gérant des ressources publiques.
L'informatique de gestion était, au moment de la création d'OSEO, en cours d'installation et s'avérait très imparfaitement documentée à son démarrage, durant l'été 2004. Des retards avaient été pris en ce domaine.
Je voudrais également souligner la modicité, pour ne pas dire plus, des budgets d'investissement de l'établissement, notamment informatiques. Moins de 1 million d'euros par an n'est pas suffisant pour produire une informatique de qualité.
J'ajoute que le transfert des aides à l'industrie en 2004, puis leur retour en 2005, a entraîné un certain nombre de sujétions supplémentaires qui ont ajouté à la désorganisation de l'établissement.
Sur le plan purement technique, s'agissant de la comptabilité, je voudrais évoquer les anomalies principales qu'elle comportait.
Concernant les comptes au 31 décembre 2003, la comptabilisation injustifiée d'une créance sur l'Etat devenue sans objet pour un montant de 140 millions d'euros n'était pas négligeable au regard du total du bilan de l'ANVAR EPIC, de l'ordre de 800 millions d'euros.
Au titre des anomalies, je voudrais également évoquer la multiplication des comptes de suspens, l'absence totale de pistes d'audit et l'inexistence évidente de contrôle interne dans l'établissement.
J'ajouterai aussi l'existence d'un certain nombre d'investissements non financés ou de ressources consommées par anticipation par rapport aux emplois qu'elles étaient censées financer.
Au plan organisationnel, le système d'information comptable était non seulement complexe et très largement dépendant de la sous-traitance extérieure mais surtout déconnecté par rapport au cycle de l'exploitation et aux équipes de gestion. Ce cloisonnement allait bien au-delà de ce que requiert le principe, par ailleurs pleinement justifié, de la séparation des ordonnateurs et des comptables.
Pour terminer, sur le plan des hommes, la succession en quelques mois de trois agents comptables, entrecoupée de périodes de vacances à la tête de l'agence comptable, a été profondément perturbante et préjudiciable au bon fonctionnement de l'ANVAR EPIC dans cette période de transition.
Dès la fin 2004, quelques mois avant la transmission du rapport de la Cour, la nouvelle équipe en charge de l'ANVAR s'est attachée à identifier les zones de vulnérabilité et à constituer, sous la responsabilité du conseil d'administration (CA) qui arrêtait les comptes, un certain nombre de provisions qui nous paraissaient se justifier sur le plan comptable.
La correction la plus forte a porté sur le provisionnement des constats d'échec sur les avances remboursables ; c'était un point fondamental pour donner une image sincère et fidèle de la réalité comptable de l'établissement.
Les comptes non documentés ou incertains ont également fait l'objet de provisions complémentaires.
Malgré cela, les commissaires aux comptes n'ont pas été en état de donner leur aval au bilan d'ouverture d'OSEO au 1 er janvier 2005, ni de certifier les comptes à la fin 2005.
Cette position ne traduisait pas un désaccord avec la direction générale d'OSEO mais était le résultat de l'existence de zones de flou, d'incertitudes dans le système comptable et d'insuffisances de pistes d'audit interne, d'absence de contrôle interne.
J'ajoute que les désalignements observés entre les données de gestion et la comptabilité, anomalies particulièrement graves quand on veut donner une image fidèle et sincère d'un d'établissement, portaient sur un nombre considérable de lignes -plus de 9.000 sur 25.000. Ces désalignements ont tous été corrigés ; les corrections se sont achevées début 2006.
Au second trimestre 2006, un travail d'inventaire d'une ampleur exceptionnelle a été réalisé pour mettre à jour les données comptables relatives aux financements partenaires, c'est-à-dire les opérations gérées pour le compte de tiers, notamment les régions. Nous avons été amenés à constituer des provisions nécessaires.
Cette période a été également consacrée à repenser l'architecture comptable de ce qui allait devenir la société anonyme OSEO Innovation afin de rendre ces comptes significatifs et lisibles.
Nous l'avons fait avec le souci de segmenter le compte de résultats en deux sections, une section fonctionnement et une section intervention. Nous l'avons fait aussi en reclassant un certain nombre de données de bilan qui n'étaient pas comptabilisées à la bonne place dans le dispositif comptable antérieur.
Je voudrais insister sur les résultats obtenus et sur le saut qualitatif appréciable qui a été fait par la société du point de vue de sa gestion comptable et financière durant cette période.
S'agissant du compte 2005 de la société anonyme OSEO ANVAR, le travail considérable réalisé a permis d'arrêter les comptes 2005 le 21 juillet 2006, dans des conditions telles que les commissaires aux comptes les ont certifiés en y mettant simplement deux réserves : la première portait sur le bilan d'entrée de la société anonyme, la seconde sur l'absence de contrôle interne. Un contrôle interne ne se met pas en place en quelques semaines, ni même quelques mois.
S'agissant des comptes 2006, la clôture s'effectue dans des conditions normales, standards, qui n'ont rien à voir avec celles de l'an passé, et dans le respect des délais légaux.
Les prévisions de clôture de comptes 2006 donnent satisfaction à nos commissaires aux comptes qui devraient pouvoir les certifier sans réserve. Les comptes de la société OSEO Innovation seront, en 2006, globalement à l'équilibre, différence marquante par rapport au passé.
Désormais, grâce à l'appui des équipes d'audit du groupe OSEO, OSEO Innovation met en place un dispositif de contrôle interne.
OSEO Innovation est d'ailleurs dotée depuis quelques semaines d'un contrôleur permanent qui assure, au-delà du contrôle périodique de l'inspection générale, le suivi des chaînes de décisions et d'engagement dans la maison.
La gestion des opérations dans le réseau territorial est elle-même en cours de réforme. Nous mettrons en place une nouvelle organisation à partir de mars, en séparant complètement les fonctions d'expertise et commerciales des fonctions de gestion administrative, ce qui permettra de dérouler un vrai contrôle interne.
Reste à mettre en place un suivi de trésorerie fin pour OSEO Innovation, à déployer un nouveau logiciel comptable. Ces opérations figurent au plan de travail 2007 et sont d'ores et déjà lancées.
Je ne veux toutefois pas donner le sentiment de critiquer la gestion antérieure, produit d'une évolution historique sur plusieurs années. J'en assume les conséquences, même si j'ai pris la responsabilité de cet établissement en août 2004, au moment où les pouvoirs publics avaient souhaité rapprocher l'ANVAR et la BDPME.
Je voudrais tirer quatre conclusions, de mon point de vue, de ce qui s'est passé.
En premier lieu, les lacunes de la comptabilité ont été mises en évidence non seulement grâce à la mission de la Cour des comptes, que je remercie sincèrement de nous avoir aidés à y voit plus clair, mais également à la faveur du passage à un statut de société anonyme et à une comptabilité privée, ce dont nous pouvons nous satisfaire aujourd'hui en termes de qualité de comptes.
En second lieu, je voudrais insister sur le fait que ces insuffisances ont été portées à la connaissance des administrations de tutelle, des autorités de surveillance -Cour des comptes mais aussi Commission bancaire- et à la connaissance de nos conseils d'administration dès le dernier trimestre 2004.
Nos administrateurs ne se sont pas distanciés -bien au contraire- des difficultés que pouvait connaître l'organisme et se sont beaucoup impliquées. En 2006, notre conseil s'est réuni cinq fois avec un ordre du jour très substantiel portant sur la situation comptable et financière de l'établissement. Le comité d'audit, pour ce qui est du groupe OSEO, s'est réuni lui-même trois fois et, à chaque fois, a été amené à examiner en détail la situation comptable et financière d'OSEO Innovation.
En troisième lieu, ce travail considérable a été conduit sans que l'organisme ne cesse d'exercer ses missions, dans un contexte où il a été amené à développer fortement son niveau d'activité. Ce n'était pas une période simple -il s'agit d'un organisme de quelques centaines de personnes. Il y avait là des sources de tension, mais nous les avons maîtrisées.
J'en viens au travail de reconstitution historique exercice par exercice pour régulariser les comptes passés de l'EPIC.
Je considère qu'il s'agissait, dans la période de transition qui était la nôtre, d'une tâche matériellement impossible qui n'aurait pu être assumée par une cellule de régularisation, même fortement étoffée.
Il faut avoir l'honnêteté de le dire ; c'est en tout cas l'analyse que j'ai faite de la situation. Une telle opération de reconstitution historique aurait eu pour effet de retarder un peu plus le travail de réparation comptable nécessaire à l'arrêté des comptes au 31 décembre 2005. Il fallait choisir entre la remontée dans les comptes ou le travail qui nous attendait sur l'instant. L'impossibilité de clôturer les comptes de la société anonyme OSEO ANVAR nous a amenés à bloquer le processus d'arrêté des comptes d'OSEO, compagnie financière notamment au regard de la Commission bancaire. Voilà les raisons qui nous ont amenés à faire des choix en termes d'affectation de moyens.
Je ne voudrais pas que les sujets comptables, quelle qu'en soit l'importance, occultent ce qui a été fait depuis deux ans pour améliorer la qualité du service rendu aux missions innovantes, à travers OSEO Innovation mais aussi, de façon plus générale, à travers la création d'OSEO. C'est bien là l'essentiel.
Je voudrais mentionner à ce titre un certain nombre de choses.
La première, c'est le rapprochement entre la BDPME, sa filiale Sofaris et l'ANVAR qui a donné naissance, dans les faits, à un nouvel établissement réellement intégré, avec trois métiers -aide à l'innovation, garantie, financement des investissements et du cycle d'exploitation des PME- et un réseau territorial unique. La Cour nous appelait, dans une de ses observations, à aller dans le sens d'une fusion des réseaux territoriaux. C'est fait depuis le mois d'octobre 2006, dans des conditions optimales. Ce ne sont pas des opérations simples, mais elles ont été gérées comme il fallait.
Autre élément fort s'agissant de ce nouvel établissement : nous avons désormais fonctionnellement une direction générale unique, des services siège totalement unifiés et un pilotage de l'ensemble des métiers ouverts par le groupe qui se fait de façon intégrée.
Les PME innovantes disposent d'un interlocuteur unique et global, s'agissant en tout cas de l'Etat, pour les accompagner et les financer sur l'ensemble de leur parcours. Ce n'est pas un mince acquis de la période.
La seconde chose qui a été faite a été de simplifier l'offre aux entreprises innovantes. Nous avons veillé à recentrer l'aide à l'innovation, pour suivre certaines recommandations de la Cour, sur les principales procédures : aide au développement de projets, aide au recrutement, aide à la faisabilité.
Ce sont les objectifs que nous poursuivons, étant précisé qu'un certain nombre de dispositifs spécifiques subsistent du fait de leur ciblage particulier. Nous gérons par exemple des aides aux sociétés de recherche sous contrats ; nous gérons, pour les petites opérations de sensibilisation à l'innovation, les prestations technologiques de réseaux (PTR) ; nous gérons, pour le ministère de la recherche, la mise en oeuvre du concours à la création de la jeune entreprise innovante. Ce sont des missions spécifiques qui font partie des missions importantes de l'établissement mais l'essentiel demeure l'aide à l'innovation, pour lesquelles nous nous sommes recentrés sur les principales procédures.
L'offre aux entreprises innovantes du groupe OSEO tient aujourd'hui dans un recueil d'une petite vingtaine de pages, simple d'accès et de compréhension. C'est un travail de simplification qui s'imposait.
Je voudrais également insister sur le fait que la création du groupe OSEO a été l'occasion de mettre en place de nouvelles solutions de financement -c'est d'ailleurs une demande des pouvoirs publics- à fort effet de levier, là où le marché ne remplit pas tout à fait son rôle.
Je citerai à ce titre ce qui est fait désormais par le groupe dans toutes ses composantes, grâce à un travail entre les différents savoir-faire au titre du financement de l'amorçage des jeunes entreprises innovantes, du financement des investissements immatériels des PME innovantes -fonds de garantie innovation, contrat de développement innovation- et au titre de l'aide à l'export et du développement international de nos PME.
Je voudrais citer aussi ce que nous faisons au titre des partenariats européens et ce que nous allons faire de plus en plus à travers le fonds de garantie export, qui s'adresse principalement aux entreprises innovantes, que nous avons mis en place à partir du 1 er janvier 2007.
Ces produits nouveaux importants n'auraient pas été mis en place sans que les différent savoir-faire puissent dialoguer entre eux.
Nous poussons actuellement les feux, au rythme de 30 à 40 % de progression annuelle, en matière de gestion déléguée pour le compte des régions, qui ont une place croissante sur le plan de l'animation du développement économique local. Ceci nous a paru pertinent, dans un souci de simplification et de mutualisation des moyens, des expertises et des ressources, tout comme le développement des formes d'action conjointes, sur des priorités communes, et des actions cofinancées, dans le cadre de fonds régionaux de garantie ou pour l'innovation. Tout le monde y gagne et l'efficacité de la dépense publique, nationale ou locale, aussi.
Je voudrais également souligner, au titre de l'exigence d'évaluation qui repose sur l'organisme, la création d'une direction du développement et de l'évaluation chez OSEO, ce qui n'existait pas auparavant.
Je voudrais souligner encore la mise en oeuvre d'un programme d'évaluation courant 2006, qui développera ses effets en 2007, avec un certain nombre de focales qui parleront à certains ; nous travaillons beaucoup sur les indicateurs de la LOLF, pour évaluer des produits nouveaux en phase de lancement -contrats développement-innovation, prêts participatifs d'amorçage. Nous venons de lancer une enquête sur les entreprises labellisées fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI).
Par ailleurs, dans le prolongement de ce que nous a dit la Cour des comptes sur les coûts de gestion que nous supportons, à raison des activités gérées pour comptes de tiers, nous mettons en place une comptabilité analytique pour permettre à OSEO Innovation de facturer ces opérations à leur juste prix.
Ce que je dis de l'activité 2005-2006 ne serait pas complet si je n'insistais pas sur l'élément essentiel qu'est le fort développement de l'activité sur cette période, avec notamment les gains de productivité opérationnelle induits particulièrement notables.
L'essentiel de la croissance de l'activité du groupe en 2006 -plus 20 % sur les aides à l'innovation, plus 17 % sur les activités de garantie, plus 15 % sur le financement- a été essentiellement tiré par les produits de financement et d'accompagnement des entreprises innovantes. Ce n'est pas un élément neutre, à l'heure où l'on fait un premier bilan de la création d'OSEO. Cette création a profité presque exclusivement aux entreprises innovantes. On peut s'en réjouir du point de vue de ce qu'étaient les missions de l'ex-ANVAR.
En 2007, l'activité, par rapport à 2006, devrait croître à nouveau de près de 30 % au titre des aides à l'innovation et de 15 % sur la garantie, du fait de la montée en régime des fonds de garanties qui ont été créés -fonds de garantie innovation créé en 2006 et fonds de garantie développement à l'international lancé cette année.
Il est à noter que la forte augmentation de l'activité sur deux ans, supérieure à 50 %, va se réaliser avec des effectifs, s'agissant d'OSEO Innovation, en diminution de 6 à 7 %. Ceci donne la mesure des gains de productivité considérables par rapport à la situation antérieure.
En conclusion, la création d'OSEO est pour moi le cadre de référence, au-delà de la société OSEO Innovation qui, de mon point de vue, n'est qu'une composante, certes importante, du groupe. La création d'OSEO a été l'occasion de faire évoluer sensiblement les interventions de l'Etat en faveur des PME innovantes, avec un certain nombre d'évolutions notables, qui rejoignent des recommandations de la Cour.
Quatre évolutions principales sont à noter et tout d'abord une approche de l'innovation qui ne se résume pas à sa seule dimension technologique, même si l'innovation, au sens technologique, est essentielle. Nous accordons une place croissante à l'innovation de services, l'innovation dans les process, autour des produits. L'innovation prend aujourd'hui des formes diverses qui côtoient les investissements immatériels.
La seconde évolution remarquable et importante est l'élargissement des interventions en direction de nouvelles catégories d'entreprises, notamment des entreprises appartenant à des secteurs jugés traditionnels, hors nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), sciences du vivant, biotechnologies, etc. La focalisation est particulièrement marquée, à partir de fin 2006-début 2007, sur des entreprises de plus grande taille. Il est vrai que notre économie souffre d'un déficit d'entreprises à potentiel de croissance parmi les grosses PME. Nous allons leur réserver un traitement prioritaire.
La troisième évolution que je tiens à souligner est vraiment fondamentale. Au-delà du continuum de financement que nous améliorons, nous mettons en oeuvre une approche qui permet de proportionner le montant de l'aide publique aux besoins des PME innovantes, avec une gradation de l'aide publique en fonction du niveau de risque et de l'effet de levier que nous recherchons. Nous disposons pour ce faire d'une palette complète d'outils de financement, qui vont des subventions aux prêts bancaires partagés avec le système bancaire privé, en passant par les avances remboursables, notamment pour les phases amont de recherche et de développement (R et D), les opérations de garantie sur des prêts ou des opérations en fonds propres.
Notre offre, au sein du groupe OSEO, s'agissant des entreprises innovantes, va bien au-delà des financements et intègre des logiques d'accompagnement, des prestations en ligne pour faciliter l'accès des PME à la commande publique ou aux grands comptes privés. Les services en ligne vont, par exemple, nous permettre de mettre en place cette année un espace « investisseurs » qui va permettre à ceux qui cherchent un financement par le capital risque de s'en rapprocher via Internet.
Dernier enseignement : il me semble que des progrès importants peuvent être réalisés en termes de qualité de gestion dès lors que l'on fait en sorte qu'un établissement public fonctionne selon des standards privés. Au moment de la création du groupe OSEO, la question s'est posée de savoir si l'on maintenait ou non un comptable public. Je me suis engagé à l'époque pour qu'on le supprime, non par hostilité de principes, mais parce que je pense que cela ne constituait pas le meilleur référentiel pour gérer un des établissements comme le nôtre.
Avec le recul, je regrette de ne pas avoir été plus insistant encore au moment où je plaidais pour cette suppression. Je crois qu'on y a vu beaucoup plus clair ensuite. C'est en tout cas le sentiment de l'équipe qui m'entoure en même temps qu'une conviction personnelle.
M. le président - Merci de cette analyse très complète.
La parole au rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général - Notre collègue, le rapporteur spécial Maurice Blin, a analysé ce dossier de la manière la plus approfondie et la plus percutante qui soit.
Il est très rare, au cours de nos auditions et lors de l'examen de sujets de finances publiques, de rencontrer des observations aussi sévères que celles faites par la Cour des comptes dans son rapport -observations matérielles, observations portant sur le système d'information et sur le système comptable.
De ce point de vue, notre audition de ce matin n'est pas une formalité car, même si certain remèdes sont apportés, si certaines réformes ont lieu, si certaines réactions s'expriment, prendre acte de faits aussi graves sur le plan de la qualité des informations, de la régularité des contrôles, de la gestion des fonds publics, de l'absence d'évaluation de nombreuses procédures, n'est pas anodin. Je crois qu'il faut commencer par cette remarque.
Je voudrais simplement relever deux aspects parmi les remarques de la Cour, en m'écartant de la stricte régularité comptable.
Le premier aspect concerne la dilution des actions de l'ANVAR et le grand nombre de dispositifs.
M. Jean-Pierre Denis est intervenu sur ce point mais j'aurais souhaité qu'il puisse nous apporter, de manière concrète, des exemples qui nous permettent de mieux comprendre comment les choses se sont éventuellement redéployées.
Dans les généralités, nous sommes en état d'infériorité car, dans la description générale des procédures, du mode de fonctionnement d'OSEO ANVAR, nous ne pouvons que vous écouter avec intérêt. Il faudrait nous apporter des éléments plus concrets montrant que cette tendance à la dilution a bien été contrariée.
De même, l'équilibre entre avance remboursable et subvention est un sujet considérable, posé à bon escient par la Cour. Il serait utile de nous montrer quelle a été votre réaction à la lecture de ces observations et comment vous opérez pour que les bonnes modalités d'intervention s'appliquent aux sujets qui nécessitent un financement soit par une avance remboursable, soit par une subvention.
Naturellement, les indicateurs de performance, dans le respect de la loi organique, sont pour nous des repères essentiels ; il serait bon que le président Jean-Pierre Denis nous dise concrètement les progrès qui peuvent être faits par rapport à la situation relevée par la Cour.
M. le président - Nous donnerons également la parole aux représentants de l'Etat, qui sont ici très nombreux. Ce fait même peut nous faire réfléchir sur la façon dont l'Etat intervient auprès de l'établissement. Il y a là une mine de réflexions, pour le passé comme pour l'avenir.
La parole est au rapporteur spécial.
M. Maurice Blin, rapporteur spécial - Ce qui a conduit la commission des finances à s'intéresser aux difficultés que rencontrait l'ANVAR tient à un fait très simple.
L'Etat, en France, joue un rôle qui durera, quoi que l'on dise et quoi que l'on fasse, car c'est une constante de son histoire. Dans le même temps, ses PME n'ont pas la place qu'elles méritent, ni dans l'hexagone, ni à l'extérieur. C'est l'un des points faibles de l'économie française. Comment,dans des conditions optimales, réussir à surmonter ce déficit ? C'est une question qui, pour l'instant, n'a pas eu de réponse satisfaisante.
Les Etats-Unis -éthique libérale affichée, sinon toujours pratiquée- ont mis en place dès 1953 un organisme puissant et apprécié, la « Small business administration ». De la part de l'Etat, il offre un soutien financier important aux stat up. Ce n'est pas tout à fait conforme à l'éthique libérale ; pourtant, cela lui apporte le dynamisme que l'on sait. Or la France dans ce domaine capital, est mal équipée.
L'enjeu est clair : comment nouer des liens fructueux pour les PME entre, d'un côté, un Etat, avec sa lourdeur et quelquefois son manque de lucidité - l'histoire de l'ANVAR en est un bon exemple - et les petites entreprises qui se sentent à l'abandon.
C'est un vrai défi. Je souhaiterais, que grâce aux efforts que dépense la nouvelle équipe d'OSEO, nous puissions progresser dans une voie où nous avons un retard alarmant.
Première observation à l'adresse des nombreux représentants de l'Etat : le budget de l'ANVAR a connu au cours des dernières années des coups d'accordéon spectaculaires. Je m'interroge sur leur origine. L'Etat se serait-il rendu compte que l'ANVAR n'allait pas très bien et qu'il fallait calmer le jeu ? C'est plus que douteux. Il a plutôt servi, quand il le fallait, de régulateur budgétaire. Ce n'est pas motivant et n'a fait qu'obscurcir un peu plus l'horizon.
Seconde observation : le financement même de l'ANVAR est complexe. Inscrit dans le budget de l'Etat, il bénéficie aussi des procédures bien connues dont la plus simple consiste à se procurer, grâce à certaines voies extrabudgétaires ou occasionnelles -par exemple les privatisations- des ressources dont l'ANVAR avait besoin. En outre, la confusion a régné entre les avances remboursables et les simples subventions
Telles sont les désordres qui sont à la source de sa mésaventure.
Mais il en est d'autres. Par exemple, le conseil d'administration de l'ANVAR est composé de membres représentant chacun des ministères différents -PME, recherche, budget-, auxquels s'ajoutent des organismes spécialisés tels que la comptabilité publique et le trésor public.
Comment, en dépit de cette triple tutelle, des dévoiements aussi nombreux ont-ils pu se produire ?
Cette défaillance grave pose une question de principe : l'Etat peut-il se contrôler lui-même ? Je sais que Bercy y réfléchit et le recours à des audits est un commencement de réponse à un problème particulièrement sensible dans un pays où l'Etat joue un rôle capital.
S'agissant de l'évaluation de la performance, comment a-t-on pu laisser se dévoyer un organisme comme l'ANVAR sans mieux apprécier ses résultats et donc son utilité ? Là, le problème n'est plus seulement comptable ou financier. Il est politique. Il s'agit en effet du sort de PME pourvoyeuses privilégiées d'emplois et dont beaucoup mènent une vie difficile.
Par ailleurs, M. Denis a dit qu'il avait avec les régions des rapports particuliers. Je le crois volontiers mais alors comment a-t-on pu, dans le passé, aussi mal gérer les ADT ? Elles sont loin d'avoir été suivies comme elles le méritaient. C'est ainsi que certains dossiers auraient mis dix ans avant d'aboutir. Il y a là quelque chose de totalement contraire à la notion d'innovation, de créativité et de souplesse.
Le président de l'ANVAR a esquissé les perspectives dans lesquelles il convient d'engager un organisme qui a beaucoup coûté et dont les défaillances affectent l'image de l'administration. J'ai lu qu'il y avait dix-sept modalités différentes d'aide aux entreprises. C'est vraiment beaucoup. Ne pourrait-on simplifier ?
D'autre part, comment vont s'établir demain les relations entre OSEO et des organismes tels l'ANR ou l'AII, qui remplissent un office relativement complémentaire ? Allons-nous, comme dans les collectivités locales, multiplier les échelons au risque de compliquer et alourdir encore un univers d'où l'innovation doit surgir ?
Enfin, trop de tutelle ne tue-t-il pas la tutelle ? Trois ministères, cela pourrait être pire mais c'est quand même beaucoup. En tout cas, on le constate, ils n'ont pas pratiqué à l'époque le minimum de veille indispensable.
Dernière question : vous avez évoqué, Monsieur le Président, la distinction qu'il convient de faire entre les start up. N'y a-t-il pas eu, dans le passé, des aides consenties à des sociétés établies depuis longtemps ? Ne conviendrait-il pas de favoriser les sociétés jeunes qui affrontent une évolution accélérée de la technologie ?
Les déboires de l'ANVAR comportent en tout cas une leçon. Le monde de la recherche est par essence aléatoire et comporte un droit à l'échec. Raison de plus pour imposer à ceux qui le soutiennent et le guident dans cette aventure, rigueur et contrôle. Malheureusement, à l'évidence, cela n'a pas été le cas.
M. le président - La parole est aux commissaires.
M. Francis Grignon - J'ai plutôt l'habitude d'être assez positif. Je voudrais donc retenir l'effet très constructif de ce rapport produit par la Cour des comptes. Ce n'est malheureusement pas toujours le cas mais on a bien vu combien les choses sont prises en compte dans l'organisation et les objectifs.
J'aborderai ce rapport sous deux angles, celui des objectifs et des résultats sur le terrain et celui de l'organisation et du coût de gestion de ces actions.
Je viens d'Alsace ; les élus, les entreprises, les organismes de développement y ont toujours été très satisfaits de l'action de la BDPME et de celle d'OSEO maintenant.
En second lieu, je voudrais faire quelques remarques sur l'organisation et le coût de gestion des dossiers.
En 1997, j'avais produit pour la commission des affaires économiques un rapport sur la SBA, à l'intérieur de laquelle une dizaines de personnes appartenant à l'Advocacy Agency examine tous les textes législatifs et réglementaires ; ils produisent un rapport au président des Etats-Unis et veillent à ce que l'on ne complique pas la vie des entreprises. J'avais proposé ce rapport dans la loi Dutreil I sur les PME mais il n'a jamais vu le jour.
J'avais observé à l'époque qu'il y avait autant de monde à la BDPME qu'à la SBA, avec un rapport de puissance économique entre les Etats-Unis et la France, si l'on considère le nombre d'habitants au PIB, de l'ordre de 5 à 7. Aux Etats-Unis, l'instruction des dossiers n'est pas faite par la SBA. Il existe une différenciation entre le contact avec les entreprises, l'avenir, les objectifs et la gestion et les banques ont mandat pour instruire les dossiers. Où en est-on aujourd'hui dans cette nouvelle organisation ? Le contact avec le client et la gestion du dossier sont deux démarches différentes.
Autre exemple : nous avons en Alsace une société de crédit-bail qui consent des avances remboursables. Leur coût financier est de 20 %. Or, en page 39 de l'enquête, je lis que, dans le cas de l'ANVAR, le coût des avances remboursable représente les deux-tiers du montant des aides et que ces coûts apparaissent très élevés. Dans mon exemple alsacien, il y a une dissociation entre le pouvoir politique -le conseil général- qui dit s'il est d'accord ou non et la prise de responsabilités par la société de crédit-bail.
J'ai l'impression que l'on a tendance chez nous à mélanger les fonctions et les responsabilités. En matière de fonctionnement interne, va-t-on vers cette dissociation des responsabilités et des débats internes pour avancer sur les dossiers ?
M. le président - La parole est à M. Denis et aux représentants des différents ministères.
M. Jean-Pierre Denis - Plusieurs intervenants ont évoqué la question des avances remboursables. Elles occupent en effet une place forte dans le dispositif des interventions du groupe OSEO et de sa filiale OSEO Innovation, pour une raison simple : l'avance remboursable comporte un effet de levier sur l'argent public, ce que ne comporte pas la subvention. C'est plutôt une bonne chose.
M. Philippe Marini - Si elle peut être remboursée, c'est mieux !
M. Jean-Pierre Denis - Une innovation ne se décrète pas a priori et se constate « après coup ».
Nous sommes aujourd'hui sur des taux de remboursement de l'avance remboursable de l'ordre de 50 %. Le remboursement est un élément important. Nous travaillons à modifier la relation avec les entreprises pour améliorer les taux de remboursement sur les avances.
Il serait de 80 %, on me reprocherait de ne pas prendre assez de risques auprès des entreprises réellement innovantes qui ont des coefficients de succès en général inférieurs à 50 %. Ce taux de remboursement serait de 20 %, on pourrait me reprocher de prendre trop de risques, avec des perspectives de retour sur investissement trop faibles.
Je vous laisse apprécier le chiffre de 50 % ; c'est un chiffre qui se tient, qui a une certaine cohérence et qui a l'avantage de nous donner les moyens de réalimenter la capacité d'engagement de l'établissement sur la base des opérations antérieures.
M. Philippe Marini - Personne ne peut contester ce qu'a dit Jean-Pierre Denis en termes d'équilibre global mais j'ai noté dans les travaux de la Cour, pour le passé, que les créances détenues par le groupe OSEO au titre des avances susceptibles d'être remboursées n'ont pas toujours été suivies avec toute la rigueur nécessaire.
Il faut donc nous assurer que, quelles que soient les proportions globales, une créance reste une créance et que l'établissement public qui consent une telle avance, parce qu'il croit à la valeur potentielle d'un dispositif innovant, n'en reste pas moins conscient de la nécessité de recouvrer sa créance et est en mesure de la suivre de manière aussi rigoureuse que possible, pour rendre compte des conditions dans lesquelles il est possible de la recouvrer.
Je ne veux pas en dire davantage -et je n'en suis d'ailleurs pas capable.
M. Jean-Pierre Denis - Je m'en suis exprimé avant votre arrivée : je porte le même diagnostic sur la gestion comptable de l'ex-ANVAR. L'effort de recouvrement qui est fait en gestion sur les avances remboursables versées aux entreprises n'a pas été critiqué par la Cour. Il y a eu des débats sur la traduction comptable de l'effort de recouvrement et j'ai parlé des déficiences -pour ne pas dire des graves défaillances du système comptable antérieur. Je ne conteste pas ce point ; en revanche, il y a bien un effort de recouvrement et nous cherchons à l'améliorer encore pour alimenter la capacité de réintervention de l'établissement.
M. Bertrand Fragonard - Dans la mesure où notre audition est publique, je voulais apporter un complément à ce qu'a dit M. Grignon.
Il a cité la page 39 de notre rapport, en disant que le coût des avances remboursables serait de deux-tiers de ce qui a été avancé.
Je voudrais le renvoyer à la page 39 ; nous donnons deux ratios. Dans le premier cas, le coût des avances remboursables est de l'ordre des deux-tiers du montant des aides qui ont donné lieu à remboursement ou du tiers si l'on prend en compte l'ensemble des aides attribuées par l'Agence.
Cela ne retire rien au fait que nous estimons qu'il s'agit d'un ratio élevé mais je pense que celui qui est le plus représentatif est celui d'un tiers.
Mme Nicole Bricq - J'admets que les avances remboursables produisent un effet de levier. Cela me paraît indéniable mais est-on capable, dans le système actuel, qui n'est pas comparable au SBA américain, d'apprécier celui-ci ?
Le rapport de la Cour, en page 20, dans un paragraphe bien fait, décrit très rapidement les effets de levier du système américain, notamment par l'intermédiaire du capital risque et de ce que l'on peut y investir. On mesure tout à fait l'effet de levier ; là, je ne l'ai pas entendu.
M. Jean-Pierre Denis - Les avances remboursables représentent un peu plus de 80 % des engagements de l'établissement. On peut toujours porter une appréciation sur cet équilibre ou sur ce déséquilibre. Il est vrai qu'en Europe, un certain nombre de pays font le choix d'intervenir selon des modalités plus subventionnelles. Ce n'est pas absurde.
Il faut évidemment préserver les effets de levier mais parfois, sur les phases amont de R et D, il est plus efficace, plus pertinent et peut-être plus intéressant pour la collectivité publique, d'intervenir en subventions.
Ce n'est sans doute pas « politiquement correct » de s'exprimer ainsi mais c'est la réalité. Les choses sont souvent plus compliquées qu'on ne peut le dire en globalisant les problèmes.
Il faut aujourd'hui apprécier les interventions de l'OSEO Innovation dans l'ensemble des interventions d'OSEO, sans quoi on commet une erreur d'analyse.
Je l'ai dit en introduction : ce qu'il y a de fondamental dans notre approche aujourd'hui, c'est de rechercher le meilleur effet de levier possible à travers une gradation de nos interventions en fonction du niveau de risques. La subvention, l'avance remboursable, le prêt, la garantie sont autant d'outils disponibles pour financer les PME innovantes. Tout l'enjeu est de bien proportionner la dose d'intervention publique, évidemment très forte sur une subvention, beaucoup plus faible sur la garantie et quasi nulle sur l'activité bancaire lambda.
Le vrai enjeu du groupe est de proportionner ses interventions et de les choisir en fonction du degré de risques qu'il s'agit d'accompagner.
Pour ce qui est de l'évaluation, nous mettons en place une équipe d'une dizaine de personnes, avec un programme lancé depuis mi-2006, qui se traduira par des contributions sous forme d'indicateurs, notamment les indicateurs LOLF, en termes d'enquête sur les produits et auprès de la clientèle ; nous aurons l'occasion de faire ressortir un certain nombre de données sur les effets de levier.
Je peux d'ailleurs, dans le prolongement de cette audition, vous faire passer une analyse sur le sujet, avec des tableaux reconstitués, sur les effets de levier sur les programmes accompagnés et sur les investissements induits à travers les programmes que nous accompagnons. Les niveaux obtenus sont loin d'être dérisoires.
S'agissant de la question de la simplification, je ne conteste pas la nécessité de présenter aux entreprises une offre aussi compréhensible et simple que possible. Il y avait des progrès à faire et nous essayons de les faire. La Cour avait pointé, s'agissant des recrutements, quatre formes d'aides : aide au recrutement de docteurs, aide au recrutement d'ingénieurs, aide au recrutement de techniciens et aide au recrutement de post-docs. Nous avons fusionné ces quatre dispositifs en une seule procédure.
Aller plus loin signifie supprimer l'aide au recrutement. Je ne suis pas sûr que les autorités de tutelle qui sont les nôtres ou nous-mêmes y trouvions notre compte !
Nous avons maintenu une procédure unique d'aide au recrutement -et je pourrais prendre d'autres exemples de simplification qui font que l'aide au recrutement, l'aide aux projets et l'aide à la faisabilité représentent près de 90 % des intégrations.
Pour le reste -je parle de la version de l'offre- arriver à faire tenir sur un document de ce format, compréhensible et lisible pas des entreprises, l'offre du groupe OSEO en matière d'innovâtes me paraît être suffisant. On ne peut résumer l'intervention d'un groupe comme le nôtre à une, deux ou trois procédures. On viserait très large et je ne suis pas sûr qu'en termes d'efficacité sur la dépense publique, on y gagne beaucoup. C'est un sentiment personnel.
S'agissant des catégories d'entreprises que nous accompagnons, je voudrais redire que l'inflexion que l'on a donnée depuis un an et demi consiste à ne pas réserver l'essentiel de nos interventions aux jeunes entreprises innovantes. C'était un moment de l'histoire de l'ANVAR, notamment dans des conditions de forte restriction budgétaire. La tendance a été de concentrer l'effort sur des entreprises en début de vie.
Nous considérons aujourd'hui que nous devons monter en gamme et en degré de maturité, viser les entreprises moyennes à potentiel de croissance et d'innovation, celles-ci s'entendant dans une définition beaucoup plus large que par le passé. Cela va nous amener à nous intéresser à des entreprises appartenant à des secteurs plus traditionnels, sans pour autant, bien sûr, déserter le front des jeunes entreprises innovantes.
Pour ce qui est de la SBA, je ne suis pas sûr que tout soit transposable en France. Pour autant, le ministre de l'économie et des finances, qui a annoncé ce rapprochement, faisait référence à la SBA. L'idée est de regrouper, au sein d'un même établissement, un certain nombre de métiers ou de procédures à destination des entreprises.
C'est ce que nous avons fait avec la constitution d'OSEO, qui est organisée en trois lignes de métiers. Pour autant, il est très important de ne pas devenir un généraliste de la PME. Nous restons un spécialiste de l'aide à l'innovation, du financement bancaire et de l'octroi de la garantie aux établissements bancaires et aux organismes de fonds propres qui y ont recours.
Ceci étant, il y a dans la capacité à communiquer entre les métiers des qualités d'interventions nouvelles. Je citais l'exemple du financement de l'amorçage ; nous n'aurions pas pris position sur le financement de l'amorçage comme nous l'avons fait si nous n'avions pas réuni, au sein du groupe OSEO, des compétences en matière de financements, d'aide à l'innovation et de gestion de la garantie.
Le prêt participatif d'amorçage, aujourd'hui, touche un nombre important d'entreprises en situation de risques maximum. Ce sont des entreprises en début de vie, qui cherchent des capitaux risqueurs.
Je précise que le groupe OSEO, à travers l'activité de garantie, a accompagné l'année dernière 93 % des entreprises de moins de 7 ans financées en capital-risque.
M. Maurice Blin - J'évoquais dix-sept dispositifs d'aide aux entreprises. N'est-ce pas beaucoup ? Pourquoi cette floraison ? Plus il y en a, moins c'est bon. Je souhaiterais, me référant à l'excellent travail de la Cour des comptes, que vous vous reportiez à la page 27 du rapport.
M. Jean-Pierre Denis - On n'en est plus là. Sur la base de quatre aides au recrutement, nous sommes passés à une aide au recrutement.
M. Maurice Blin - Il n'y a pas que l'aide au recrutement. Il y a tout le reste !
M. Jean-Pierre Denis - On est passé de dix-sept à quatorze et ainsi de suite. Toutes les entreprises que l'on accompagne n'ont pas les mêmes besoins. Une avance remboursable de plusieurs centaines de milliers d'euros correspond à un certain cas de figure. Ce que l'on appelle une prestation technologique de réseau pour des entreprises plus petites va au maximum jusqu'à 5.000 euros. C'est autre chose.
Ce sont deux procédures différentes, gérées différemment. On ne consacre pas le même soin à l'analyse d'un dossier d'avance remboursable à 500.000 euros et à une prestation technologique de réseau à 3.000 euros, mais il existe des procédures dont l'existence -sauf à réduire sensiblement la gamme de nos interventions- se justifie pleinement au regard des cibles que nous accompagnons.
Le concours à la création d'entreprises innovantes est un dispositif plus épars. Supprime-t-on cette intervention ? Il faudrait se tourner vers le ministère de la recherche. Il me semble que l'on apporte là, avec le recul des cinq ou six années de collaboration avec le ministère de la recherche, des réponses très appréciées sur les territoires.
Les sociétés de recherche sous contrat, dispositif spécifique -les SRC- contribuent beaucoup, notamment pour les petites PME qui n'ont pas une capacité propre de R et D, à l'effort de R et D dans les PME. Supprime-t-on cette procédure ?
La simplification, c'est bien jusqu'à un certain point ; après, on risque d'affaiblir la capacité d'intervention et son intérêt.
M. Francis Grignon - Je suis président du comité d'expansion économique de mon département.
Notre travail est d'orienter les entreprises dans le maquis des aides. Il n'y a pas que vous ! Il y a la région, l'Europe, le département, etc. Ce n'est pas seulement OSEO ANVAR mais tout le système qui est compliqué et complexe.
M. Jean-Pierre Denis - Nous ne sommes pas seuls à intervenir, je le concède volontiers. Les régions interviennent notamment à travers des dispositifs nourris, à destination des PME innovantes en particulier.
Depuis deux ans, nous sommes passés d'une situation où on comptait quatre intervenants -BDPME, SOFARIS, ANVAR, régions- à pratiquement des dispositifs coordonnés en région. Nous avons mutualisé nos ressources et nos capacités d'expertise avec les régions. Si ce n'est pas de la simplification...
M. le président - Vous êtes donc sur le bon chemin !
M. Jean-Pierre Denis - Cela me paraît une évolution appréciable. On regroupe dans des dispositifs communs les moyens d'intervention des régions et ceux qui, par ailleurs, étaient dispersés au sein des sociétés qui composent le groupe OSEO. C'est de la vraie simplification.
M. Adrien Gouteyron - Est-ce vrai dans toutes les régions ?
M. Jean-Pierre Denis - Les fonds de garantie régionaux existent dans toutes les régions, les fonds régionaux pour l'innovation dans quatorze régions sur vingt-trois -mais nous avons des discussions pour aller en ce sens dans toutes les régions.
M. Philippe Marini - Pourquoi continue-t-on à parler de subvention ? Ne serait-il pas préférable de parler d'apport en fonds propres ? On est dans une logique d'entreprise et non de guichet administratif, à la mode des années 40, 50 ou 60 !
Même si les questions d'innovation ont un traitement particulier en droit communautaire, j'ai l'impression que plus on parle de subvention, plus on se tire une balle dans le pied ! Ce n'est pas une bonne image. Ce sont des illusions que l'on entretient. On ne montre pas qu'en face de ces apports de fonds, il y a dans le cadre du capital-risque une valorisation possible !
Une subvention, c'est un versement sans contrepartie. Un apport en fonds propres peut se traduire par une perte totale mais aussi par une valorisation de l'actif public.
La loi organique sur les lois de finances nous incite et vous incite, dans tous les organismes financés par le budget de l'Etat, à raisonner de manière plus patrimoniale. C'est pour ces différents raisons qu'il serait bon que l'on essaie de redéfinir les dispositifs, en raisonnant moins sur des logiques administratives et plus sur des logiques d'entreprise.
M. Jean-Pierre Denis - La sémantique ne fait pas d'OSEO un guichet. Il faut assumer le terme de subvention. Tous les pays qui nous entourent, y compris les plus libéraux, l'assument. Une subvention, ce n'est pas un don sans contrepartie. Une aide au recrutement, c'est une subvention qui s'accompagne d'un recrutement. On peut considérer que ce n'est pas pertinent d'aider au recrutement de chercheurs et de techniciens dans les PME mais c'est bien une contrepartie.
Il peut y avoir un débat sémantique sur la notion de subvention. « Apport en fonds propres » ou « contribution à l'effort d'innovation » serait peut-être plus actuel et plus vendable. Je retiens la suggestion et on va travailler en ce sens ; pour le reste, il y a bien des contreparties.
M. Maurice Blin - Je souhaiterais que l'on n'évite pas d'évoquer le problème qui, intellectuellement et politiquement, est le plus important. Je parle sous le contrôle de M. le rapporteur général. Nous en avons débattu lors du dernier budget. On voit se multiplier les agences qui ont un statut à la marge du budget et auxquelles l'Etat confie, fort raisonnablement, des tâches qu'il ne sait pas conduire comme il faudrait. Nous sommes donc dans le cadre d'une agence et je réitère ma question, qui est capitale. J'aimerais qu'on entende les représentants des ministères : comment trois ministères -et quelques autres- présents dans le conseil d'administration ont-ils pu, entre 1998 et 2004, constater ce dévoiement grave, coûteux et humiliant pour l'Etat ?
Cela me heurte ! Je respecte l'Etat quand il est respectable. Or, voilà un exemple éclatant de l'incapacité où se sont trouvés les représentants de l'Etat de gérer avec vigilance une opération difficile. Je reconnais qu'aider des milliers d'entreprises est difficile ...
M. Philippe Marini - Faire des comptes qui tombent juste est le minimum !
M. Adrien Gouteyron - Je ne voudrais pas non plus que l'on oublie la coordination entre l'Agence de l'innovation industrielle et l'Agence nationale pour la recherche, avant que les représentants de l'Etat ne prennent la parole.
M. le président - On a ici un Etat protéiforme et très silencieux depuis le début de nos travaux. Jean-Pierre Denis parlait des autorités de tutelle. Qui peut réagir sur les interpellations successives qui se sont multipliées depuis deux heures ?
M. David Bouchoucha - Je peux peut-être commencer à apporter quelques éléments pour le compte du ministère délégué à l'industrie.
Vous avez dit que l'Etat avait été très silencieux ; nous avons aussi à coeur d'écouter. Je voudrais me joindre aux remerciements adressés à la Cour des comptes pour les éclairages qu'elle a apportés dans son rapport, très précieux pour la conduite de ces agences.
S'agissant de la cohérence du système mis en place entre les différentes agences et des objectifs visés par l'Etat pour l'avenir, l'action menée depuis deux ans qui coïncide avec l'annonce de la fusion d'OSEO met l'accent sur le concept de PME et d'innovation.
On constate que les PME contribuent à 16 % de l'effort de recherche nationale, ce qui est peu par rapport à nos voisins. On a donc besoin de mettre plus de moyens sur ce sujet.
En second lieu, le tissu de PME est plus faible que dans les autres pays européens. Nous avons deux fois moins d'entreprises moyennes que l'Allemagne par exemple.
Le but des agences qui ont été mises en place a été de faire plus en répondant aux différents besoins qui ont émergé. Dans ce cadre, la fusion opérée pour créer le groupe OSEO est un des maillons essentiels. Il répond pour l'Etat à la problématique des PME innovantes.
Par ailleurs, suite au rapport que Jean-Louis Beffa a remis au Président de la République, est apparu un besoin qui s'inscrit dans une échelle différente en termes de taille de projet. Cette agence se distingue donc, par rapport aux actions d'OSEO Innovation, par la taille des projets, qui sont beaucoup plus importants, ce qui ne veut pas dire que les PME en sont exclues, au contraire.
Je laisserai le soin à mon collègue de la recherche de parler de l'ANR mais je voudrais insister sur le fait que tous ces besoins ont été mis en place parce qu'on a estimé que certains étaient non couverts -financement de projets de recherche, grands programmes industriels, PME innovantes.
La cohérence d'ensemble du dispositif est une question que nous mettons, en tant que tutelle, au coeur de chacune des agences. Nous avons demandé à l'établissement et à la S.A. OSEO ANVAR d'organiser un plan stratégique. Celui-ci, à partir de 2007, met au coeur de ses réflexions l'interface de l'agence par rapport aux autres structures qui existent. Il en va de même avec l'Agence de l'innovation industrielle.
Enfin, le souci est évidemment que, dans les régions, dans les territoires, les interlocuteurs soient bien identifiés. La question de la réorganisation territoriale que souhaitaient les tutelles est une réponse importante. De la même manière, dans chaque agence, on souhaite organiser des réponses au plus près du terrain sur ces sujets.
M. Jean-Philippe d'Issernio - S'agissant du coup d'accordéon et des moyens budgétaires, des choses importantes sont intervenues. On a constaté -le rapport de la Cour le montre très bien- une baisse des moyens d'OSEO jusqu'en 2004. Depuis est intervenu le vote de la loi-programme sur la recherche le 18 avril 2006, qui a encadré les évolutions budgétaires et l'organisation en se penchant très sérieusement, pour les années à venir, sur l'augmentation des moyens de l'Agence nationale pour la recherche et d'OSEO.
On est revenu, en 2007, à un montant d'intervention raisonnable, qui correspondait à ce qu'il était par le passé et qui continuera à progresser dans les années à venir.
Je n'épiloguerai pas sur le point évoqué rapidement sur la nature extrabudgétaire des moyens attribués à ces agences ; il y a assez peu de marges de manoeuvre à mon échelle sur ce sujet.
J'aimerais par ailleurs rappeler que l'ANR se situe dans la poursuite de dispositifs existants. Certaines choses qui n'étaient pas satisfaisantes ont été réformées -FNS, FRT, fonds particuliers. On a augmenté les moyens mais l'ANR est une modernisation de ces affaires.
L'articulation avec OSEO est un sujet important, sur lequel on travaille régulièrement. Il existe forcément des adhérences entre les politiques de recherche et d'innovation.
Je rappelle que l'ANR est un dispositif qui fonctionne à partir d'appels à projets. Ceux-ci sont thématiques dans leur très grande majorité, nationaux et sélectifs.
Ces projets s'adressent à la recherche plus fondamentale ou moins finalisée que les interventions d'OSEO, qui sont plus centrées sur le terrain. On voit donc mal les difficultés d'interaction. Il faut que les organismes se parlent. Sur des procédures européennes, il y a eu des travaux en commun et il faut les approfondir mais on n'a pas de difficultés à séparer les interventions. Il faut éviter toute prestation pour compte de tiers.
M. le président - Comment la tutelle fonctionnait-elle dans les années difficiles ?
M. Philippe Marini - Personne ne s'en souvient !
M. Laurent Moquin - Les tutelles, qui étaient présentes au conseil d'administration et travaillaient en étroite liaison avec l'établissement, avaient un dialogue très régulier avec les responsables de l'établissement ; elles n'ont aucunement eu le sentiment qu'on leur donnait des informations erronées ou insuffisantes. A l'époque, les outils comptables ou budgétaires dont nous disposions ne nous laissaient pas penser que nous étions dans la situation que la Cour des comptes a mise en évidence, notamment parce qu'un certain nombre d'hypothèses ont été ensuite infirmées par la réalité. Je tiens à le souligner pour que ce soit clair.
On peut estimer a posteriori que les tutelles ont joué un rôle insuffisant mais elles n'avaient pas le rôle de contrôle sur pièce et sur place et a posteriori qu'a eu la Cour des comptes dans cette affaire.
Les tutelles étaient avant tout soucieuses de l'intérêt des entreprises ; on n'a peut-être pas assez souligné, au-delà des financements et des apports financiers de l'ANVAR, que cette dernière réalise un accompagnement de projets, dans le cadre d'une mission de service public d'information d'accueil des chefs d'entreprises, qui sont confrontés à des problèmes difficiles et qui ont besoin d'une orientation dans un environnement industriel et économique complexe. Ceci nous semblait être important à préserver. Cela a été un point non négligeable des discussions des conseils d'administration.
Enfin, le ministère des PME se félicite de ce que les moyens donnés à l'ANVAR, désormais OSEO Innovation, permettent de mieux traiter que par la passé les PME d'une certaine taille - ce que l'on appelle parfois les gazelles - et aussi de s'intéresser davantage aux entreprises de moins de vingt personnes qui ont besoin de cet appui fourni par le réseau d'OSEO sur tous les volets de l'innovation.
M. Philippe Marini - J'aurais souhaité citer le bas de la page 54 du rapport de la Cour.
Il est dit que la Cour avait déjà dû émettre une réserve générale sur la gestion des comptables entre 1998 et 2000. Antérieure à la réforme comptable, cette réserve n'a été levée qu'en 2006.
Même si l'initiative du rapport de la Cour vient de notre commission des finances, il n'en reste pas moins que la Cour entreprenait des travaux avec continuité et, sur la question de la gestion de l'ANVAR, avait déjà eu l'occasion, son attention ayant été à plusieurs reprises attirée sur des problèmes de sincérité comptable et de procédures comptables, de réaliser des investigations, d'approfondir, de préparer toutes sortes de dossiers.
En outre, il me semble -là encore en me fondant sur le rapport- que le fait que les comptes 2004 ne soient pas en état d'examen, que les comptes 2005, sauf erreur de ma part, n'aient pas été produits, ne pouvait échapper aux administrateurs.
Quand on en arrive à ce point de défaillance, cela ne relève plus d'investigations sur pièce et sur place.
Je ne souhaite accabler personne et il est difficile de se mettre à la place de responsables qui ont été à un endroit donné, dans une situation donnée, pour exercer des responsabilités données mais le minimum, quand on est dans un conseil, est de s'assurer qu'il y a des comptes, qu'ils sont susceptibles de recevoir l'approbation ou au moins de ne pas susciter de réserves significatives du commissaire aux comptes ou de ce qui, dans le monde public, peut en tenir lieu.
Je me permets donc de réitérer ma surprise quant aux dysfonctionnements assez manifestes des organes de direction, de gestion et de contrôle de l'ancien établissement public.
M. Guilhem Blondy - L'organisation actuelle des tutelles compte aujourd'hui un commissaire du Gouvernement, représentant du ministre de l'industrie. C'est à lui que revient la charge de la coordination des tutelles ; un certain nombre de ministères sont également représentés : l'économie, les finances et l'industrie, la recherche et la composante budgétaire. On peut dire qu'il y a trop de monde mais qui enlever ? La réponse est difficile.
La coordination entre la recherche publique et la recherche dans les entreprises étant une priorité de ce Gouvernement, il ne paraît pas opportun d'enlever le ministère de la recherche.
A priori, OSEO est destinée à recevoir des financements publics ; il paraît donc difficile d'en retirer la composante financière.
M. le président - La question n'est pas de savoir quoi retirer. Vous dites que vous avez fait ce qu'il fallait pour que cela marche. Espérons que tel sera le cas ! Pourquoi cela ne marchait-il pas hier ?
M. Guilhem Blondy - Je voudrais revenir sur l'historique. Dans un premier temps, avant 2000, nous avions une comptabilité qui tombait juste mais qui ne donnait pas une image fidèle. C'est l'époque à laquelle fonctionnait une pure comptabilité de caisse -la preuve en est que le comptable est déchargé par la Cour- l'essentiel de l'activité étant une activité d'avances remboursables. Dans une comptabilité de caisse, vous ne pouvez retracer des engagements d'avances remboursables.
Intervient, en 2001, une réforme importante qui est une très bonne idée à la base. Il s'agit de mettre en place une comptabilité d'engagements qui retracent les avances remboursables. A partir de là, il y a eu deux difficultés majeures. La première était informatique. On a fait la bonne réforme mais pas avec les bons outils. On a voulu faire une réforme et on n'a eu un outil qu'en 2004 ; cet outil était imparfait, le lien entre l'agence comptable et les données de gestion n'étant pas adéquat.
L'autre difficulté a été évoquée par Jean-Pierre Denis. On s'est retrouvé avec un établissement qui avait une culture de projets, qui regardait techniquement les dossiers mais dont la culture administrative n'était pas à cette époque pas suffisante.
Je crois que l'effort qui est fait aujourd'hui est de ce point de vue très important. De là viennent les difficultés.
Mme Delphine d'Amarzit - Je voudrais revenir sur le rôle du conseil d'administration.
Tout d'abord, le fait qu'il y ait un certain nombre de représentants de l'Etat au conseil d'administration ne signifie pas automatiquement que tout le monde soit tutelle ou que les tutelles s'expriment de manière désordonnée. Il y a un conseil d'administration avec un certain nombre de représentants des administrations concernées. Il y a également au conseil d'administration d'OSEO, aujourd'hui, des chefs d'entreprise qui nous apportent une expertise importante en tant qu'utilisateurs et connaisseurs du monde des entreprises.
Comme cela a été indiqué, il y avait une réforme en cours, ce qui est toujours délicat. Il faut s'adapter aux changements de référentiels.
Le conseil d'administration est dans un rôle de contrôle et de surveillance. Le management produit des comptes, sur lequel le conseil d'administration doit détecter d'éventuelles incohérences, poser des questions et revenir dessus tant qu'il n'a pas de réponse. La prise de conscience peut difficilement être immédiate. On n'est pas dans une situation de contrôle sur pièce. Ce n'est pas le rôle d'un administrateur de suppléer la gestion et parallèlement, la machine doit continuer à tourner et rendre des services aux entreprises. On voit, à travers les procès-verbaux des conseils d'administration, que la prise de conscience a bien eu lieu, que les questions se font plus nombreuses.
Je soutiens ce qu'a dit Jean-Pierre Denis sur les problèmes de réparation comptable. S'agissant de la comptabilité, le conseil d'administration a clairement indiqué en 2005 et 2006 à la direction qu'il souhaitait que la priorité soit donnée au rétablissement de la qualité des comptes de l'exercice 2005, pour pouvoir produire la meilleure comptabilité...
M. Philippe Marini - Il ne s'agit pas de qualité mais de l'existence même de comptes !
Mme Delphine d'Amarzit - Le conseil d'administration a toujours reçu des comptes, y compris avant 2004. Ce n'est qu'a posteriori que les comptes de l'ancien EPIC ANVAR n'ont pu être produits à la Cour.
Au début de l'année 2006, les commissaires aux comptes nous ont informés qu'ils ne seraient pas en mesure de certifier les comptes. Le comité d'audit était pleinement capable de poser toute une série de questions : avait-il plutôt intérêt à essayer d'arrêter les comptes sans certification ou d'utiliser le temps -même si l'on était hors délai par rapport au décret nous imposant d'approuver les comptes avant la fin mars 2006- pour faire porter la priorité sur l'amélioration de la qualité des comptes de manière à ce qu'ils soient certifiables ?
En résumé : pour les exercices 2004 et précédents, ceux de l'EPIC, la prise de conscience a été progressive. A partir de la transformation de l'EPIC en société anonyme, il fallait « gérer » deux séries de comptes : les comptes historiques de l'EPIC ANVAR et les comptes de la société anonyme. Nous étions face à une équipe qui essayait de redresser les choses pour produire des comptes de la société anonyme. Nous étions face à une équipe qui essayait de redresser les choses pour produire des comptes de la société anonyme 2005 puis 2006 corrects. La volonté était donc d'être constructifs, même si nous étions conscients que la réparation historique des comptabilités de l'établissement public ANVAR qui n'ont pu être produites à ce jour en serait affectée.
M. François Tanguy - La direction générale de la comptabilité publique partage le constat selon lequel la comptabilité de l'ANVAR, sur la période examinée, n'est pas satisfaisante. L'absence de rigueur dans la tenue des comptes, la négligence dans la tenue de certains dossiers, la défaillance dans le suivi des régies sont des éléments sur lesquels le constat de la Cour des comptes est partagé et pour lequel on peut, je crois, essayer de retracer une partie de l'origine.
Je crois que cela a été une demande de votre part, Monsieur le Président. Pour ma part, il me semble qu'une partie des difficultés rencontrées ne tient pas à une cause unique mais à un faisceau d'origines. Je n'aurai pas la prétention de les hiérarchiser, ni d'être exhaustif mais j'en citerai quelques-uns.
L'absence de contrôle interne a probablement été un facteur de difficultés en ce domaine. Les difficultés liées au système d'information, qui ont été citées, sont également un des éléments qui a pu probablement être un facteur de fragilisation de la tenue des comptes de l'établissement.
Je rappellerai la multiplicité des outils composant le système d'information de l'établissement et la difficulté à faire communiquer ces outils entre eux, ce qu'un audit informatique réalisé en 1999 avait mis en évidence.
Au-delà, la priorisation insuffisante accordée à la comptabilité au sein de l'établissement est peut-être un élément qui a aggravé la situation. Dans son propos introductif, le président Denis m'a demandé par avance mon indulgence concernant son propos relatif au comptable public ; il me semble qu'il y a dans ce domaine effectivement eu un point de faiblesse dans les procédures et dans le comportement de certains acteurs. Il faut l'admettre ; je l'assume au nom de la direction générale de la comptabilité publique.
Une fois ce constat indiqué, je souhaiterais souligner que, lorsqu'elle a été alertée de ces difficultés, la direction générale de la comptabilité publique a nommé, en 2004, au sein de l'Agence comptable de l'établissement, un receveur des finances confirmé qui a entamé une procédure de redressement des comptes, s'appuyant sur un audit interne réalisé par la recette générale des finances, qui a pointé assez précisément les difficultés de nature comptable.
L'agent comptable a immédiatement adressé une note en ce sens à la direction de l'établissement et, conjointement avec l'établissement, entamé des mesures de redressement sur un certain nombre de points prioritaires : les comptes de subvention de l'Etat, les comptes de tiers ont fait partie des premiers éléments de redressement auxquels se sont attelés l'établissement et son agent comptable.
Au-delà, l'Agence comptable a été renforcée par l'octroi de moyens supplémentaires, notamment de cadres supérieurs du trésor public. Une cellule de recherche et de régularisation a été mise en place à la fois pour détecter des erreurs ou les irrégularités qui ont pu être observées dans les comptes et formuler toute proposition de régularisation des écritures au sein de l'établissement.
Cette cellule, je tiens à le préciser, a été créée à un moment où l'EPIC ANVAR n'existait plus juridiquement. C'est dire si la direction générale de la comptabilité publique et le ministère du budget ont souhaité, au-delà de la présence d'un comptable public au sein de d'établissement, continuer à aider celui-ci dans sa procédure de redressement de la situation comptable de l'établissement.
Je ne citerai qu'un chiffre pour témoigner de l'effort entreprise par cette cellule : plus de 4.000 écritures de régularisation ont été passées à l'initiative de cette cellule durant son activité et ont permis d'initier ce redressement de la comptabilité, qui a abouti récemment à la production des comptes 2005, qui ont été approuvés par le ministre et adressés à la Cour des comptes au début de cette semaine.
Au-delà, la direction générale de la comptabilité publique continue à souhaiter tirer les enseignements de cette situation et continue à accompagner les établissements publics dotés de comptables publics pour rechercher davantage de sincérité, de régularité et de transparence dans les comptes, à la fois en leur donnant un cadre méthodologique dans lequel elles peuvent s'inscrire pour préparer la certification de leur comptes, en application de la loi sur la sécurité financière du 1 er août 2003, en assurant un accompagnement sur la mise en place du contrôle interne dans ces établissements et en étant présent dans la procédure de fiabilisation du bilan de ces établissements.
M. Philippe Marini - Je voudrais adresser à la comptabilité publique et à Cour des comptes une question technique.
Quelles vont être les conséquences pour le groupe OSEO et, le cas échéant, pour l'Etat budget quand tout sera vérifié et que l'on aura une situation patrimoniale définitive issue des gestions passées ?
Il y a manifestement un risque latent. A combien faut-il l'estimer ? Appartiendra-t-il à l'Etat de le financer ? Je pense que ce sujet doit être clairement identifié. En d'autres termes, quel est le bouclage ?
Mme Delphine Amarzit - De ce point de vue, il y a un travail de réparation pour reconstituer des comptabilités passées de l'établissement public ANVAR, mais, aujourd'hui, nous avons des comptes certifiés d'OSEO Innovation, société anonyme, dont un certain nombre de provisions se déboucleront progressivement et seront passées le cas échéant en pertes. L'exercice 2005 a été déficitaire mais cela a pu être supporté par le bilan.
Il y a aura une vie comptable, au cours des prochains exercices, qui est aujourd'hui parfaitement, je le crois sous le contrôle de la direction d'OSEO. On est plutôt dans un dimensionnement de provisionnement prudentiel du niveau de provisionnement, de telle sorte qu'il n'y a pas de trous qui seraient rémanents et que l'Etat devrait venir éponger in fine.
M. Jean-Pierre Denis - Je voudrais rappeler que nous avons été amenés à passer un certain nombre de provisions substantielles qui ont fait que le résultat comptable de l'exercice 2004 s'est élevé à moins 261 millions d'euros. Je pourrais donner le détail des provisions mais je considère que l'on est aujourd'hui couvert des risques identifiés grâce au travail en profondeur réalisé sur la période.
Je ne voulais pas être amené à parler de calendrier mais je vais le faire malgré tout en conclusion. Les dates ont leur importance. J'ai la responsabilité d'un établissement qui marche aujourd'hui selon les standards non seulement d'une société privée mais également d'une compagnie financière soumise au contrôle de la commission bancaire. Je le dis parce que la teneur de la discussion m'amène à préciser le calendrier et à identifier les périodes. Toutes ne se confondent pas et il est pour moi fondamental de dire ce que je vais dire à présent.
J'ai dit ce que je pensais, avant votre arrivée, Monsieur le rapporteur général, des défaillances -pour ne pas dire davantage- du système comptable antérieur et je ne crois avoir été plus indulgent que le président Fragonard.
On ne peut imaginer pour l'ex-ANVAR qualité de comptes plus dégradée. C'était là la situation historique qui prévalait de 1998 à 2003.
J'ai été personnellement nommé président de l'ANVAR EPIC, tout en cumulant les fonctions de président de la banque des PME, le 17 août 2004. Je voudrais, car c'est important pour le fonctionnement des conseils dont j'ai eu la responsabilité en tant que président, rappeler que, lors du conseil d'octobre 2004, j'ai attiré l'attention des administrateurs sur nos premiers constats, nos premières interrogations, à tel point que l'on a demandé à un cabinet extérieur, le cabinet Price, de conduire une mission entre le mois de novembre 2004 et le mois de mars 2005 pour entreprendre la remise à niveau qui s'imposait et notamment calibrer au bon montant les provisions qui se révélaient indispensables. On a fait un travail en profondeur. Je ne dis pas que l'on s'est bordé largement mais on a identifié les risques et on les a provisionnés en conséquence, quitte à faire ressortir le résultat net pour 2004 à un niveau négatif extrêmement spectaculaire.
Depuis, nous avons fait un travail de remise à niveau extrêmement sérieux, méticuleux. En 2005, on a été amené à différer la date d'arrêté des comptes au-delà des délais légaux mais les comptes ont finalement été arrêtés le 21 juillet 2006, avec la certification des commissaires aux comptes, qui ont maintenu deux réserves « historiques » en quelque sorte : le bilan d'entrée de la société anonyme d'un côté -qui par définition n'était pas purgé de toutes les anomalies antérieures- et une réserve sur l'absence de contrôle interne, point que je ne discute pas.
Nous avons d'ailleurs pris depuis, en liaison avec la commission bancaire, toutes les dispositions utiles et nous sommes équipés d'un véritable contrôle interne, avec un contrôle permanent au sein de l'activité OSEO Innovation, bien au-delà de l'activité bancaire.
Aujourd'hui -et c'est un point auquel je tiens absolument car je suis là pour développer l'activité de l'établissement public OSEO et de ses différents filiales- nous sommes en mesure d'assumer, dans des conditions de régularité absolue et en rendant compte comptablement et sincèrement de ce que nous faisons, les missions qui nous sont confiées par l'Etat mais aussi par les tiers qui nous font confiance.
Je pense en particulier aux régions avec lesquelles nous développons un courant d'affaires important. Nous pouvons aussi être amenés à intervenir sur les fonds européens de développement régional (FEDER) et sur des politiques structurelles européennes.
Il ne faudrait donc pas que ce qui s'est dit ce matin donne le sentiment d'un désordre qui subsisterait. Je crois que la remise à niveau s'est faite. Les comptes 2006 seront arrêtés avant la fin du mois de mars. Les commissaires les certifieront sans réserve selon moi. Ce sont d'ailleurs des comptes totalement équilibrés pour ce qui est de la société OSEO Innovation. Les comptes d'OSEO Financement, pour ce qui le concerne, et de l'EPIC, seront des comptes évidemment excédentaires, avec un résultat heureusement positif.
Je ne voudrais pas que le long débat et la montée dans les dernières années donnent le sentiment que le travail de remise en ordre n'a pas été fait. Ce serait dur à accepter pour nos collaborateurs et l'ensemble des conseils qui nous ont accompagnés dans cette vaste entreprise de remise à niveau, qui a été conduite en dix-huit mois, en allant au bout des choses.
Nous sommes aujourd'hui dans une situation irréprochable, avec la capacité à gérer l'argent public comme il faut. Je ne suis pas moins sensible que les parlementaires à cette exigence.
M. Philippe Marini - C'est une bonne chose d'avoir changé de nom !
M. Jean-Pierre Denis - ... Et de référentiels complets par ailleurs !
OSEO, dans toutes ses composantes, constitue aujourd'hui une compagnie financière. Je me tiens à votre disposition, Monsieur le rapporteur général, pour vous en faire un peu plus la démonstration si nécessaire.
C'est le sens de ce qui a été fait il y a dix-huit mois qui est en cause.
M. le président - Je veux remercier le président Fragonard et les magistrats de la Cour, ainsi que le président Denis, ses collaborateurs et les représentants des différents ministères.
Je m'adresse à mes collègues de la commission des finances : êtes-vous d'accord pour que l'on publie dans un rapport d'information l'enquête de la Cour et nos travaux de ce matin ? Personne n'y voit d'inconvénient ? Je vous en remercie. Ainsi en est-il décidé.