C. ... DONT LES EFFETS ET LA SIGNIFICATION DOIVENT ÊTRE RELEVÉS
S'agissant des effets des écarts d'inflation, on doit relever que du fait de leur persistance, les pays de la zone euro ont connu une divergence au regard de la compétitivité-prix . Entre janvier 1999 et décembre 2004, l'Allemagne et, dans une moindre mesure, la Finlande, la France, la Belgique et l'Autriche ont vu leur compétitivité-prix augmenter tandis que cette dernière s'est dégradée pour les autres pays de la zone euro.
Ces évolutions ont des répercussions sur les
performances du commerce extérieur des différents pays. Par
exemple, l'Allemagne a engrangé des capacités de financement
(prévision de +6 points de PIB en 2006) alors que l'Espagne accumule des
besoins de financement très élevés (prévision
de
-8,9 points en 2006).
Ces phénomènes de divergences entre pays européens posent de sérieux problèmes de coordination . Ils ne reflètent pas seulement des écarts de compétitivité-prix. Ils sont aussi le fruit d'écarts importants de croissance entre les pays. Mais, ces deux catégories d'écarts ne peuvent pas être considérées comme sans lien les unes avec les autres. En schématisant, on peut distinguer trois groupes de pays.
On peut estimer que l' effort de compétitivité-prix de l'Allemagne s'est « payé » par une croissance qui, jusqu'à présent, a été anormalement faible puisqu'il déprime la demande domestique. A l'inverse, la situation de l'Espagne serait vraisemblablement insoutenable si ce pays n'était pas intégré à la zone euro.
Par rapport à ces deux situations extrêmes, la France tient une place médiane . Sa compétitivité-prix résiste, sauf face à l'Allemagne, et elle subit le rattrapage compétitif allemand et les effets d'une demande domestique plus dynamique qu'elle. A l'inverse, la modération salariale qu'elle s'impose est-elle un frein à sa croissance ?
La divergence des trajectoires économiques fait donc cohabiter trois « modèles » qui apparaissent inégalement soutenables.
- Le modèle du « passager clandestin » , qui est celui d'un pays avec forte inflation et creusement des besoins de financement, ne semble « tenable » qu'un temps. Immunisé contre les effets sur son taux de change et ses taux d'intérêt d'un déficit extérieur explosif, le « passager clandestin » bénéficie des efforts de ses partenaires dont la maîtrise de l'inflation permet de contenir les taux d'intérêt nominaux dans la zone euro.
Au demeurant, il en bénéficie plus qu'eux :
- d'une part, les taux réels y sont plus bas que dans le reste de la zone euro du fait d'une inflation plus forte ;
- d'autre part, le supplément d'inflation qu'il connaît favorise le respect, par lui, des disciplines budgétaires du pacte de stabilisation et de croissance.
Ce modèle « payant » à court terme bénéficie aussi aux partenaires quand le pays qui le pratique est ouvert à leurs exportations. Toutefois, à terme, il doit buter sur la perte de compétitivité résultant d'une appréciation du taux de change réel.
Autrement dit, une régulation naturelle est susceptible de discipliner le « passager clandestin » .
- Le modèle du « prédateur » est celui d'un pays qui pratique la désinflation compétitive. La prédation touche ses partenaires à qui il s'agit de prendre des parts de marché et sa population puisque le renforcement de la compétitivité-prix suppose une austérité salariale.
Cela n'est pas sans gains pour les partenaires puisque la faiblesse de l'inflation assure le maintien de taux d'intérêt modérés (dont le pays en cause bénéficie moins car les taux d'intérêt réels y sont plus élevés) et permet aux partenaires commerciaux de se fournir à bas prix.
Une telle croissance est-elle durable ?
Dans un sens oui, si le pays accumule des capacités de financement ce qu'avec la monnaie unique il peut faire sans craindre une appréciation de son taux de change.
Dans un autre sens non, car il est difficile de connaître durablement une croissance sans distribution de ses fruits.
Cependant, le « prédateur » paraît pouvoir échapper plus durablement à des phénomènes de régulation spontanée que le « passager clandestin ». A supposer qu'un tel modèle soit jugé non souhaitable, il appelle ainsi plus que ce dernier à une régulation volontariste.
La situation médiane, celle de la France , est celle qui gêne le moins les partenaires et paraît la plus équilibrée et donc la plus soutenable. Cependant, on peut souligner que le fait, pour la France, d'appartenir au groupe de pays de la zone euro ayant les taux d'inflation les moins élevés, sans réduction drastique de la croissance du pouvoir d'achat des ménages ou de leur demande est transitoirement pénalisant. En effet, par rapport à des pays comme la Grèce, l'Espagne, l'Irlande ou le Luxembourg, à taux d'intérêt nominal égal, l'économie française subit un taux d'intérêt réel plus élevé et, à l'inverse de l'Allemagne, elle ne profite pas d'une dépréciation de son taux de change réel.