LES PARTENARIATS PUBLIC-PRIVE : 11 AVRIL 2006
Au cours d'une troisième séance tenue dans l'après-midi , sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a procédé à l'audition de M. Noël de Saint-Pulgent, président de la mission d'appui à la réalisation des partenariats public-privé au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie , de M. Jean-Baptiste Gillet , directeur des affaires financières au ministère de la défense et de M. Claude Martinand , vice-président du conseil général des Ponts et chaussées , sur les partenariats public-privé .
Au préalable, M. Jean Arthuis, président , a rappelé que l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 avait créé une nouvelle modalité d'association du secteur public et du secteur privé, les contrats de partenariats, permettant à une collectivité publique de confier à une entreprise la mission globale de financer, concevoir, maintenir et gérer des ouvrages, des équipements et services concourant aux missions de l'administration, dans un cadre de longue durée, contre un paiement effectué par la personne publique, étalé dans le temps. Il a donc souhaité tirer un premier bilan de la relance des partenariats public - privé.
M. Noël de Saint-Pulgent a rappelé que les contrats de partenariat constituaient en matière d'achat public un troisième pilier, entre le marché public et la délégation de service public, et que leur champ d'application était extrêmement large, car ils pouvaient s'appliquer à d'autres projets qu'aux seuls projets immobiliers. Il a indiqué que les contrats de partenariat, passés en application d'une procédure de « dialogue compétitif », devaient être précédés d'une évaluation préalable. Il a ainsi expliqué la création de missions d'appui aux contrats de partenariat, en application de l'article 2 de l'ordonnance précitée du 17 juin 2004, l'une au sein du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, dont il assurait la présidence, l'autre au sein du ministère de la défense, ayant pour mission, outre la réalisation de guides ou de fiches pratiques sur le sujet, de rendre un avis sur les projets des gestionnaires. Il a fait valoir que 35 projets pilotes avaient été engagés et que, s'agissant de l'Etat, quatre projets avaient fait l'objet d'un avis de la mission d'appui : trois avis positifs, concernant la rénovation de l'Institut national du sport et de l'éducation physique (Insep), la formation initiale des pilotes militaires d'hélicoptères dans le cadre de l'école d'application de l'aviation légère de l'armée de terre (EA-ALAT) de Dax et la réalisation du pôle énergie du centre hospitalier de Roanne, et un avis négatif, relatif à un projet de la cité d'architecture et du patrimoine. Il a indiqué qu'un autre projet devrait prochainement faire l'objet d'un avis favorable de la mission : la gestion du système de billetterie du château de Versailles, et que trois autres projets concernant une réalisation de prison, la rénovation du zoo de Vincennes et la constitution d'un réseau de radio-téléphone étaient en cours d'examen. Il s'est félicité du lancement de projets portés par les universités, citant en exemple l'extension de l'université de Paris IV à Clignancourt, évoqué le cas des lycées français à l'étranger, comme celui du Caire, et noté que 15 à 20 collectivités territoriales avaient sollicité la mission d'appui, un projet, celui relatif à l'informatisation des collèges d'Eure-et-Loir, lancé par le président du conseil général, ayant fait l'objet d'une expertise plus poussée.
Il a conclu en considérant que les contrats de partenariats faisaient l'objet de beaucoup d'intérêt de la part des gestionnaires publics, mais que les délais de maturation des projets étaient longs, voire lents, se heurtant parfois à des obstacles juridiques, comme la procédure de déclaration d'utilité publique dans le cas de la rénovation du zoo de Vincennes. Rappelant que les partenariats public - privé représentaient 15 % de la commande publique au Royaume-Uni, il a considéré qu'il serait satisfait si la France parvenait à rattraper partiellement son retard, et à atteindre la moitié de ce pourcentage.
M. Jean-Baptiste Gillet a ensuite évoqué les partenariats public - privé relevant du ministère de la défense, soulignant que la loi de programmation militaire 2003-2008 avait expressément prévu des moyens de financement alternatifs pour la réalisation de certains équipements militaires. Il a indiqué que le ministère de la défense s'était doté d'un organisme expert dont la composition, à l'exception de son président, était complètement extérieure au ministère, et qu'il avait recours aux contrats de partenariat, comme à d'autres instruments, afin d'associer le secteur privé à ses investissements.
S'agissant des contrats de partenariat, il a cité les projets suivants :
- l'externalisation de la formation initiale des pilotes d'hélicoptères, pour un montant global de 50 millions d'euros, qui devrait avoir pour effet de réduire un parc vieillissant d'appareils, tout en assurant une meilleure disponibilité de ceux-ci. La mise en service des nouveaux appareils devrait avoir lieu en 2006 ;
- la rénovation de l'école interarmées des sports de Fontainebleau, dont les installations paraissaient dépassées, qui avait fait l'objet d'une évaluation préalable conduisant à s'interroger sur le réalisme financier d'un contrat de partenariat ;
- le déploiement d'un réseau de desserte Internet-protocole (RDIP) pour les bases de l'armée de l'air ;
- et, enfin, la mise en oeuvre du projet d'hélicoptères de transport NH90, et en particulier du simulateur destiné à l'entraînement des pilotes, qui pourrait faire l'objet d'une location à des pays partenaires.
Il a observé, par ailleurs, que d'autres projets associant le secteur privé étaient menés par le ministère de la défense dans le cadre plus traditionnel des marchés publics, citant :
- un projet de crédit-bail visant à renouveler un parc de 20.000 véhicules légers, en France métropolitaine, permettant à la fois un remplacement de véhicules âgés aujourd'hui, en moyenne, de sept ans, et une réduction des coûts de l'ordre de 15 % à 25 %, grâce, notamment, à une maintenance intégrée au contrat ;
- l'externalisation de la gestion des logements des gendarmes ;
- la délégation externe de la maintenance de la base école de Cognac ;
- et la location, avec option d'achat, d'avions de transport à long rayon d'action.
En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président , il a confirmé que l'intégration de la maintenance dans le contrat de renouvellement du parc automobile du ministère de la défense aurait pour conséquence des économies en termes d'effectifs.
M. Jean-Baptiste Gillet a tiré plusieurs enseignements de l'expérience acquise par le ministère de la défense dans les partenariats public - privé, notant, d'une part, que ces partenariats permettaient de prendre en compte les coûts sur l'ensemble du cycle de vie des matériels et que, d'autre part, ils faisaient ressortir des coûts cachés, coûts fiscaux, comme la TVA, mais aussi coûts d'assurance. Il a fait remarquer que ces coûts, que l'Etat éludait lorsqu'il assumait lui-même ces investissements, rendait plus difficile l'équilibre des opérations de partenariat avec le secteur privé.
M. Jean Arthuis, président , a considéré que, s'agissant de la TVA, le problème pouvait être résolu par un accord entre le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire et les ministres gestionnaires.
M. Jean-Baptiste Gillet a néanmoins indiqué que les difficultés liées au fait que la TVA devait être acquittée dans le cadre d'un contrat de partenariat public - privé pouvaient remettre en cause l'équilibre financier de l'opération.
Il a terminé en soulignant qu'il était difficile, dans une opération de partenariat public- privé concernant le ministère de la défense, de faire apparaître des « revenus tiers », liés à la mise à disposition d'équipements auprès d'autres partenaires, car les armées devaient avoir la totale maîtrise de la disponibilité de leurs équipements.
M. Claude Martinand a ensuite observé que le nouveau contrat de partenariat, s'il constituait un outil parmi d'autres permettant une gestion publique renouvelée, visait à satisfaire de nouveaux besoins, dans le domaine de l'investissement public. Il a souligné, en effet, la faiblesse du niveau d'investissement public en Europe, faute d'argent public, alors que d'importants volumes de capitaux privés étaient disponibles, à des taux extrêmement bas. Il a fait valoir l'intérêt des partenariats public - privé dans ce contexte, d'autant que ceux-ci, selon la doctrine d'Eurostat, n'avaient pas d'impact sur le niveau de la dette publique. Il a montré que les partenariats public - privé réalisés au Royaume-Uni avaient permis de mieux tenir les délais de réalisation que les investissements publics traditionnels, que ceux-ci étaient de nature à mieux identifier les coûts de maintenance des équipements et permettaient d'avoir la certitude que ceux-ci seraient correctement entretenus.
Il a fait remarquer que les partenariats public - privé permettaient, par ailleurs, de réaliser immédiatement des investissements nécessaires, citant le cas des digues de Camargue, sans étaler les travaux dans le temps, ce qui, sur un plan socio-économique, serait à la fois moins efficace et plus coûteux.
Enfin, il a souhaité que les collectivités territoriales, qui constituaient les plus gros investisseurs publics, puissent avoir accès à une mission d'appui aux contrats de partenariat, par l'intermédiaire des associations d'élus locaux.
Un débat s'est ensuite engagé.
M. Yves Fréville s'est félicité que les partenariats public -privé permettent de retrouver des préoccupations économiques qui avaient disparu des décisions d'investissement, rappelant qu'un investissement consistait à acheter la disponibilité d'un équipement sur longue durée, et que son coût devait ainsi être évalué de manière globale. Il a montré les vertus d'un mécanisme conduisant à comparer la rentabilité d'un investissement public par rapport à celui réalisé dans le cadre d'un partenariat public - privé.
M. Jean Arthuis, président , s'il s'est montré en accord avec cette analyse, a néanmoins considéré, s'agissant notamment du ministère de la défense, que l'absence d'arbitrage dans les projets d'équipement, et la sédimentation des programmes, pouvaient conduire à avoir recours des partenariats public - privé, non pas dans une perspective de rationalité économique, mais pour esquiver la contrainte budgétaire de court terme. Il s'est interrogé sur la prise en compte de ces investissements au regard des règles posées par Eurostat.
M. Jean-Baptiste Gillet a convenu que les modalités de financement d'un équipement étaient neutralisées en comptabilité nationale, grâce à Eurostat, puisque les biens étaient pris en compte au moment de leur livraison, et non plus de leur paiement, mais que cela n'était pas le cas en comptabilité budgétaire.
M. Jean Arthuis, président, a reconnu l'intérêt des partenariats public - privé pour achever des investissements informatiques dans des délais convenables, alors qu'ils auraient autrement été différés en raison de mesures de régulation budgétaire qui touchaient habituellement ce type d'investissements.
En réponse à une question de Mme Nicole Bricq , M. Noël de Saint-Pulgent a considéré qu'il n'y avait pas de véritables problèmes culturels au sein des collectivités territoriales les conduisant à hésiter à recourir aux partenariats public - privé, mais, qu'au contraire, l'adhésion des décideurs locaux à cette nouvelle formule était forte et que les décisions étaient souvent prises à l'unanimité au sein des assemblées délibérantes locales. Il a souligné que le contrat de partenariat public - privé ne dépossédait pas les collectivités territoriales de leurs prérogatives stratégiques, seule la gestion étant déléguée.
M. Eric Doligé a souhaité apporter son témoignage en indiquant que le lancement récent de la construction d'un collège dans le cadre d'un partenariat public - privé avait fait l'objet d'une décision unanime de l'assemblée départementale du Loiret, et que les avantages de cette formule se révélaient considérables, notamment s'agissant des délais de réalisation, habituellement de cinq ans, et ramenés dans le cadre d'un contrat de partenariat à deux ans.
M. Jean Arthuis a conclu en soulignant que le contrat de partenariat, utile sur le plan économique, ne devait pas être dévoyé par un « Etat impécunieux », qui verrait dans cet outil un moyen commode pour différer la réforme des administrations et éviter de réformer un code des marchés publics devenu trop complexe.