2. Des relations financières qui restent complexes
a) Le principe du « paquet » de recettes fiscales affectées à la sécurité sociale n'a pas pour autant clarifié les domaines de compétences respectifs du PLF et du PLFSS
Ainsi que votre rapporteur général l'a indiqué supra , l'article 56 de la loi de finances initiale pour 2006 avait pour objet de régler une fois pour toute la question du financement des exonérations de charges sociales décidées par l'Etat en affectant à la sécurité sociale un ensemble de recettes fiscales dynamiques destinées à compenser, à l'euro pour 2006, puis sur la base du calcul d'une perte de recettes potentielle pour l'avenir, les allègements généraux de charges sociales. A compter de 2007, l'Etat ne devrait donc plus assurer la compensation intégrale et les éventuels écarts constatés entre les recettes fiscales et le coût des allègements généraux auront donc un impact (positif ou négatif selon les cas) sur les comptes des organismes de sécurité sociale.
Toutefois, force est de constater que ces dispositions n'ont pas pour autant entièrement clarifié, voire assaini, les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, qui restent complexes et marquées par l'imbrication persistante des domaines de compétence du projet de loi de finances d'une part, du projet de loi de financement de la sécurité sociale d'autre part .
Lors de son audition devant la commission des affaires sociales du Sénat le jeudi 26 octobre 2006, le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, M. Jean-François Copé, a d'ailleurs indiqué qu'il était regrettable que les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale soient aussi complexes et opaques car cette situation alimente les critiques et les contradictions. Il a jugé nécessaire d'apporter plus de transparence et de simplicité à ces relations et il a tenu à souligner, car cet aspect des choses était insuffisamment mentionné, que certaines politiques menées par l'Etat accroissaient les ressources de la sécurité sociale.
Ainsi, pour 2007, les articles 23 du projet de loi de finances et 14 du projet de loi de financement de la sécurité sociale constituent une illustration de cette imbrication persistante.
Deux articles « miroir » du projet
de loi de finances et du projet de loi de financement
L'article 14 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 et l'article 23 du projet de loi de finances pour 2007 doivent être lus en parallèle. En effet, tous deux modifient les dispositions de l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale institué par l'article 56 de la loi de finances initiale pour 2006 précitée et qui dispose qu'à compter du 1 er janvier 2006, le financement des allègements généraux de cotisations et contributions sociales est assuré par une affectation à la sécurité sociale d'impôts et taxes. D'une part, l'article 23 du projet de loi de finances pour 2007 prévoit d'affecter à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) le surplus de recettes constaté en 2006 au titre du financement des allègements généraux de charges patronales. En effet, le produit des recettes transférées à la sécurité sociale en vertu des dispositions précitées de l'article 56 de la loi de finances initiale pour 2006 est supérieur de l'ordre de 300 millions d'euros aux pertes de recettes liées à ces allègements de charge. Cet écart devrait, en outre, faire l'objet d'une régularisation définitive en 2007, sur la base des comptes définitifs. D'autre part, l'article 14 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 modifie également les dispositions de l'article L. 131-8 précité du code de la sécurité sociale afin de préciser qu' à compter de 2007 et de façon pérenne , en cas d'écart positif entre le produit des impôts et taxes affectés à la sécurité sociale et le montant de la perte de recettes liée aux allègements généraux de charges sociales, le montant correspondant à cet écart est affecté à la CNAMTS selon des modalités fixées par les ministres chargés du budget et de la sécurité sociale. Cet article permet donc, encas d'excédent de recettes fiscales par rapport aux allègements généraux, de l'affecter à la CNAMTS. Ce montant est évalué à 250 millions d'euros pour 2007. |
En outre, et toujours malgré le principe de l'affectation au régime général de la sécurité sociale d'un panier de taxes antérieurement affectées à l'Etat décidé en loi de finances initiale pour 2006, il faut préciser que l'Etat, par le biais de mesures incluses dans le projet de loi de finances pour 2007, contribue à l'amélioration des comptes sociaux pour un montant total de 1,3 milliard d'euros .
La contribution de l'Etat au relèvement des comptes sociaux en projet de loi de finances pour 2007 : 1,3 milliard d'euros 1. L'effet de la réforme fiscale sur la CSG sur les revenus fonciers : 500 millions d'euros La réforme de l'impôt sur le revenu engendrera en 2007 une importante redistribution des prélèvements fiscaux et sociaux sur les revenus fonciers entre l'Etat et la sécurité sociale. La suppression de l'abattement de 14 % pour frais sur les revenus fonciers au titre de l'impôt sur le revenu, en cohérence avec l'intégration dans le barème de l'abattement de 20 %, conduira mécaniquement à augmenter de 500 millions d'euros le rendement de la CSG assise sur les revenus du patrimoine et affectée à la sécurité sociale. La CSG étant assise sur les revenus nets de frais, la suppression de l'abattement de 14 % augmente le revenu imposable et élargit l'assiette de la CSG. Pour le contribuable, cette hausse de la CSG est compensée par la baisse du taux de l'impôt sur le revenu et la suppression de la contribution sur les revenus locatifs (CRL), l'une à l'autre à la charge du budget de l'Etat. 2. La prise en charge des frais financiers sur les sommes restant dues par l'Etat à la sécurité sociale : 160 millions d'euros Ces frais financiers sont estimés à 160 millions d'euros pour le régime général en 2006. Ils seront pris en charge par une affectation d'une fraction de droits sur les tabacs au régime général de la sécurité sociale. 3. Le financement des allègements supplémentaires de charges patronales pour les entreprises de moins de 20 salariés : 320 millions d'euros Ainsi que l'a annoncé le gouvernement, les employeurs de moins de 20 salariés seront exonérés à compter du 1 er juillet 2007 de l'ensemble des cotisations de sécurité sociale au niveau SMIC (hors cotisations accidents du travail et maladies professionnelles). Le taux d'exonération de cotisations sur les bas salaires passera ainsi de 26 % à 28,1 % au niveau du SMIC, pour un coût de 320 millions d'euros en 2007. Ces allègements supplémentaires de charges patronales seront financés par affectation aux organismes sociaux concernés d'une fraction des droits sur les tabacs. 4. L'affectation à l'assurance maladie du surplus de recettes liées au financement des allègements généraux de charges patronales : 320 millions d'euros Depuis le 1 er janvier 2006, le financement des allègements généraux est assuré par une affectation à la sécurité sociale d'impôts et taxes antérieurement affectés à l'Etat. Le produit des recettes ainsi transférées est supérieur de l'ordre de 330 millions d'euros aux pertes de recettes liées à ces allègements de charges. Cet écart fera l'objet d'une régularisation définitive en 2007, sur la base des comptes définitifs. Dans le projet de loi de finances pour 2007 (article 23), il est prévu d'abandonner cette créance de l'Etat sur la sécurité sociale en affectant à la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) le surplus de recettes constaté en 2006. Dans ce contexte, la clé de répartition des droits sur les tabacs est modifiée pour affecter 230 millions d'euros de droits de consommation sur les tabacs au Fonds de couverture maladie universelle complémentaire (CMUC). Au total, l'assurance maladie reçoit 100 millions d'euros de recettes supplémentaires au titre de l'année 2006. En outre, en 2007, il est également prévu que le produit des recettes transférées au titre du financement des allègements de charges sera supérieur de l'ordre de 220 millions d'euros aux pertes de recettes liées à ces allègements. Ce surplus sera intégralement affecté à la CNAMTS. |
b) La question des dettes de l'Etat à l'égard de la sécurité sociale
Si la contribution de l'Etat à l'amélioration du solde du régime général de la sécurité sociale est avérée au travers de diverses dispositions contenues dans le projet de loi de finances pour 2007, à l'inverse, il convient de rappeler que la question de l'apurement des dettes de l'Etat à l'égard de la sécurité sociale est loin d'être réglée .
Ces dettes sont très importantes, puisqu'elles atteignaient, au 31 décembre 2005, 3,6 milliards d'euros à l'égard du régime général et plus de 5,1 milliards d'euros à l'égard de l'ensemble des régimes obligatoires de sécurité sociale . A titre de comparaison, les dettes nettes au 31 décembre 2005 représentaient ainsi plus de 37 % du déficit prévisionnel 2006 du régime général (31 % du déficit constaté en 2005).
En outre, ainsi que le souligne le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) de septembre 2006, « l'apurement de ses dettes par l'Etat à la fin du premier semestre 2006 apparaît très modeste : il a en effet été payé 254 millions d'euros sur les 5.271 millions d'euros dus qui ressortent de la situation nette au 31 décembre 2005, ce qui représente un peu moins de 5 % ».
Seules la CNAF et la CNAV profitent véritablement de ces apurements qui portent sur le champ des prestations logement (84 millions d'euros), l'exonération relative aux jeunes entreprises innovantes (59 millions d'euros) et les cotisations vieillesse pour certains militaires (101 millions d'euros).
Par ailleurs, d'après le rapport de la CCSS précité, sur la base de l'examen des dotations budgétaires 2006 consacrées aux remboursements par l'Etat des principales prestations versées par les organismes de sécurité sociale pour son compte, et à la compensation des exonérations spécifiques (hors allègements généraux), les dettes de l'Etat pourraient s'alourdir en 2006 .
Sur le champ des exonérations spécifiques , le rapprochement entre le coût estimé des dispositifs (3.465 millions d'euros) et les dotations budgétaires initiales (2.880 millions d'euros) fait apparaître une sous-budgétisation de 585 millions d'euros. Les principaux dispositifs sous financés sont les exonérations DOM (206 millions d'euros), l'apprentissage (153 millions d'euros) et les exonérations liées aux services à la personne (132 millions d'euros).
S'agissant du champ des prestations sociales, l'insuffisance actuelle de financement s'établit à 660 millions d'euros et concerne en particulier l'aide médicale d'Etat (257 millions d'euros), l'allocation aux adultes handicapés (65 millions d'euros), l'allocation de parents isolées (175 millions d'euros) et les aides au logement (161 millions d'euros).
Dès lors, le rapport précité de la CCSS précise que, « hors mesures éventuelles figurant dans la loi de finances rectificative pour 2006, ce seraient donc 1.250 millions d'euros de dettes supplémentaires qui interviendraient en 2006, soit + 25 % par rapport à la situation fin 2005 ».
Etat semestriel des dettes de l'Etat envers les régimes obligatoires au 30 juin 2006, par nature de dettes (situation nette)
(en millions d'euros)
Prestations versées pour le compte de l'Etat ou prises en charge par l'Etat |
1.175,52 |
Champ logement |
11,07 |
Champ santé-solidarité |
1.164,45 |
Dont |
|
Allocation de parent isolé (API) |
232,68 |
Allocation aux adultes handicapés (AAH) |
98,64 |
Allocation spéciale d'invalidité (ASI) |
118,97 |
Aide médicale d'Etat (AME) |
653,98 |
Exonérations de cotisations sociales |
3.095,90 |
Exonérations ciblées |
1.417,45 |
Allègements généraux |
1.678,45 |
Divers autres dispositifs |
746,02 |
Total général |
5.017,43 |
Source : commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2006)
Etat semestriel des dettes de l'Etat envers les régimes obligatoires au 30 juin 2006, par caisse ou régime (situation nette)
(en millions d'euros)
Régime général |
3.432,55 |
CNAMTS-AM |
1.676,46 |
CNAMTS-AT |
174,88 |
CNAF |
906 |
CNAVTS |
675,21 |
Autres |
1.584,88 |
Dont |
|
CCMSA |
503,27 |
FFIPSA |
648 |
CRPCEN |
49,73 |
SNCF |
91,6 |
RATP |
2 |
CANAM |
139 |
CANCAVA |
55,63 |
ORGANIC |
86,68 |
Total général |
5.017,43 |
Source : commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2006)
Il faut toutefois signaler que ces dettes ne pèsent pas sur les comptes du régime général , qui possède une comptabilité en droits constatés, mais uniquement sur sa trésorerie. Elles entraînent toutefois des frais financiers qui s'élèvent à plusieurs dizaines de millions d'euros.
Cette photographie permet également de faire ressortir les insuffisances des prévisions budgétaires et la sous-évaluation manifeste de certaines dépenses en loi de finances initiale : allocation de parent isolé, allocation adulte handicapé, allocation spéciale d'invalidité, aide médicale d'Etat, etc.
Signalons que l'aide médicale de l'Etat représente à elle seule presque la moitié du montant des dettes du champ santé-solidarité et que le montant de la dette sur ce poste de dépenses est près de trois fois supérieur au montant des dépenses inscrites en loi de finances initiale : 654 millions d'euros contre 233 millions d'euros. En effet, si les crédits dédiés à l'AME sont inscrits au sein de la mission « Solidarité et intégration » du budget de l'Etat, les dépenses afférentes à ce poste sont supportées par l'assurance maladie qui reçoit ensuite le remboursement par l'Etat des prestations en nature servies à certaines catégories de personnes qui ne peuvent fournir d'effort contributif et pour lesquelles aucun employeur n'est susceptible de cotiser à l'assurance maladie .