CERTIFICATION DES SITES DE SANTÉ
M. DIONIS DU SÉJOUR - Je crois que la multiplication de l'information sur le net, est un fait objectif de même de dire qu'elle transforme et n'a pas fini de transformer la relation entre le médecin et le patient.
Globalement cela peut être très positif, mais comme vient de le dire Jean-Claude ÉTIENNE, il peut cependant y avoir des dérives très importantes.
La question que nous avons commencé à instruire dans le rapport, est celle de la certification et de la labellisation de certains sites de manière à pouvoir guider l'internaute.
Nous voudrions vous entendre sur l'approche qui pourrait être l'approche française d'évaluation et de certification sur le net. Nous avons entendu une approche très forte au niveau américain parce qu'ils se sont engagés de manière très forte dans cette voie, au niveau fédéral.
Ils nous ont dit par exemple - pour montrer que nous sommes à l'anglais - « No black lists but white lists. » Et il y a une approche « white list » très forte qui part du niveau fédéral et accrédite un certain nombre de personnes pour évaluer. Et cette accréditation d'agences d'évaluation se fait en liaison avec un certain nombre de sociétés savantes par discipline.
Quelle pourrait être l'approche française d'accréditation et de labellisation de l'information médicale sur le web ?
Nous voudrions vous entendre à ce sujet.
Docteur HAZEBROUCK, si vous voulez bien lancer le débat, sachant qu'après, nous vous perturberons puisque c'est notre rôle.
Dr HAZEBROUCK - C'est effectivement un sujet qui est étudié depuis de nombreuses années même en France puisqu'une sorte de consortium s'est monté, qui s'appelle Université Virtuelle Médicale Française, qui regroupe en gros l'ensemble des enseignants de médecine de France, du moins ceux qui s'intéressent aux nouvelles technologies, et qui a essayé de travailler sur ce sujet.
Plusieurs approches peuvent exister.
Premièrement, il existe déjà des réglementations qu'il suffirait d'appliquer avec suffisamment de rigueur et notamment le fait que les médecins n'ont pas le droit de dire tout et n'importe quoi. Cela figure dans le Code de Déontologie et je laisse les représentants de l'Ordre être plus explicite à ce sujet.
Je pense que nous pouvons parfaitement appliquer déjà la réglementation pour sanctionner des professionnels de santé qui se laisserait aller sur l'Internet à des choses traditionnellement interdites dans la presse ou sur leur papier à en-tête ou encore dans leurs publications.
Deuxièmement, un certain nombre de chartes internationales ont été publiées notamment en Suisse sur la qualité des sites médicaux. Un certain nombre de sites universitaires les appliquent déjà, elles sont déjà une sorte de charte minimale de qualité dont nous pourrions faire une meilleure promotion.
Troisièmement, les sites que nous trouvons sur Internet, ont de plus en plus tendance à s'organiser sous forme de réseaux, font du ring sur Internet. Sur un site, on fait référence à d'autres sites ce qui permet de cheminer d'un site à l'autre au sein d'un cercle de qualité défini.
Comme vous l'avez déjà dit, je pense que, là, nous pouvons faire confiance aux sociétés savantes, au collège d'enseignants universitaires pour faire un certain nombre de préconisations et de recommandations.
Je ne suis pas certain qu'il faille obligatoirement que cela devienne un arrêté du ministre chargé de la santé, mais nous pourrions imaginer d'inviter l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé à se pencher sur des recommandations issues des sociétés savantes et sur ces chartes internationales que j'ai précédemment citées, pour dire qu'il pourrait y avoir un label qui serait revendiqué par les sites qui respecteraient ces chartes et qui pourraient faire l'objet de contrôle a posteriori.
C'est ce que je voulais dire pour lancer le débat.
Dr LATAPY - L'ANAES peut effectivement très bien être sollicitée par une société savante.
C'est vrai que la spécificité Internet et le label de qualité sortent un peu de son champ, mais en ce qui concerne le contenu de l'information médicale qui pourrait être disponible, il est évident que nous pouvons très bien répondre aux sollicitations des sociétés savantes pour tenter d'établir dans l'avenir des recommandations sur le dossier ou l'information minimum.
Il faudrait préciser vraisemblablement le champ exact de la question parce que tel que je vous entends, il semble quand même assez large.
Dr CALLOC'H - J'introduis et je vais laisser la parole à mon ami LUCAS.
Tout de même, société savante certes, mais déontologie en toute chose, présence du Conseil de l'Ordre à toutes les étapes d'évolution de la réflexion.
Au-delà de cette protection du secret médical, dès lors que nous abordons la formation des médecins, nous participons à toutes les étapes de l'accréditation, nous sommes les notaires de cette validation de la compétence des médecins.
S'il faut sortir la formation de l'acte clinique pur et dur pour aller vers cette formation continue sur cette technologie appliquée à la santé, il y aura aussi des modules, et pour cette raison aussi, l'Ordre se doit donc de réfléchir à la valorisation des protocoles.
Une réglementation bien sûr, mais qui doit se faire, éclairée par certains aspects du Code de Déontologie pour savoir, notamment dans le cadre de la loi Kouchner, ce qui doit être contenu dans ce dossier médical en notant par exemple que le patient a un droit d'opposition à ce que soient insérées certaines choses.
Là aussi, avec le Conseil d'Etat et la CNIL, il nous faudra réfléchir.
Après ce préambule très court - je suis cependant obligé de compacter mon propos ce que je déplore très vivement - pour les questions de mise en application pratique, je laisse la parole à mon confrère Jacques LUCAS.
Dr LUCAS - Nous allons peut-être attendre la présence de Monsieur le Ministre pour parler du dossier médical partagé.
Premièrement, en ce qui concerne la certification, je crois bien sûr que l'Ordre, ou tout plaignant, peut saisir l'organe disciplinaire au regard d'une infraction déontologique d'un médecin qui créerait un site sur lequel il dirait n'importe quoi. Ce n'est pas le véhicule qui compte, mais le fait que le médecin ait dit n'importe quoi.
Deuxièmement, peut-être faut-il que la loi dont nous avons parlé tout à l'heure, porte aussi quelque part la notion d'un exercice illégal de la télémédecine.
Qu'est-ce que la télémédecine ?
Est-ce obligatoirement pratiqué par un médecin ou est-ce que Santé.com ne pourrait pas donner des informations médicales qui...?
A ce moment-là, il faut peut-être - c'est à la sagesse de la représentation nationale de le décider - créer le délit d'exercice illégal de la télémédecine.
Troisièmement, je mets en garde - je n'y ai cependant pas réfléchi - de ne pas ressusciter l'ORTF à propos de ces sites, c'est-à-dire une information officielle de santé qui serait sous le contrôle de l'Etat.
En revanche peut-être faut-il promouvoir notamment par des moyens, les sites officiels - le site de l'Académie, celui des Sociétés Savantes, celui des instances universitaires - parce que certains patients cherchent à avoir une pertinence de l'information.
Il y a cependant également des patients dont nous faisons partie qui vont chercher des informations ésotériques et que le site soit labellisé ou pas, ils iront précisément sur un site qui n'est pas labellisé au nom de l'ésotérisme de la magie, de...
Je ne crois pas beaucoup au fait qu'on puisse certifier et labelliser « France » un site fiable d'autant que comme son nom l'indique, la toile dépasse les frontières hexagonales et européennes.
Songez peut-être cependant à l'exerce illégal de la télémédecine, si cette proposition avait une quelconque pertinence.
M. LE PRÉSIDENT - Tout à fait, d'autant plus que n'importe qui peut se prévaloir d'ouvrir une perspective dans ce domaine.
Mme BOSSI - Jeanne BOSSI de la CNIL, je voudrais juste compléter les propos qui viennent d'être tenus parce qu'en matière de certification ou de labellisation pour les sites santé, un énorme travail a déjà été accompli, d'ailleurs en collaboration étroite avec le CNOM.
A la suite de l'étude faite par la CNIL en 2001 sur l'e-santé, nous avons pris une recommandation sur les sites de santé destinés au public, qui rappelle déjà un certain nombre de recommandations tout à fait précises sur ce que ces sites doivent respecter.
Pendant un an, nous avons conduit en étroite collaboration avec le CNOM des réunions pour mettre en place un système de certification de sites santé.
Je pense qu'il n'est donc pas non plus nécessaire de refaire tout un travail qui a déjà été fait. En revanche il me paraît important de le conclure aujourd'hui.
M. DIONIS DU SÉJOUR - Et aussi de l'officialiser, c'est tout le débat : faut-il le faire ou pas ? Il faut le trancher.
Je suis plutôt sur le fait qu'il faut le faire. Je vois notamment le vécu des patients sur certaines pathologies de base, ils recherchent véritablement - et ils ont vraiment envoyé un message très fort - des points de repère certifiés et aujourd'hui en ce qui concerne les pathologies de base, ce n'est pas net.
Vous le voyez peut-être Madame, parce que vous avez travaillé dans ce domaine, mais aujourd'hui la visibilité du label est encore balbutiante.
Je réagis à la notion de ring et autres, je crois qu'aujourd'hui les personnes chercheront une certification, une labellisation nationale. Qu'après elle s'appuie...
Dr LUCAS - Il est un tout un petit peu préoccupant que le malade soit à la recherche d'une information anonyme sur Internet alors qu'il aurait un médecin traitant qui est particulièrement d'actualité.
Je trouve quand même que la réflexion devrait être poursuivie.
Pr. VILLERS - En tant que spécialiste urologue et impliqué dans la cancérologie, depuis deux, trois ans, nous avons travaillé notamment avec l'ANAES. Je rebondis sur ce qui a été fait et je reprendrai un peu l'objectif de Monsieur le Député Jean DIONIS DU SEJOUR pour parler d'une liste d'excellence comme une autre approche de cette certification.
La liste d'excellence peut concerner les recommandations de bonnes pratiques cliniques - c'est ce que les sociétés savantes et l'ANAES font - et les documents d'informations destinés aux patients qui font partie exactement des mêmes missions et qui sont vus par les mêmes groupes de travail.
Déjà avec cela, de nombreux sites web sont répertoriés.
En ce qui concerne les sites d'excellence - je voudrais insister sur le mot de dialogue , nous dialoguons avec les sociétés savantes et nous ne demandons plus aux sociétés savantes d'être consultantes pour ce sujet.
L'ANAES et ces sociétés regroupées en association, se sont recensées elles-mêmes en tant que site d'excellence et notamment les sociétés savantes représentatives des médecins spécialistes ou généralistes. Nous avions donc déjà une structure de base efficace.
(Arrivée de Monsieur DOUSTE BLAZY, Ministre de la Santé.)
M. LE PRÉSIDENT - Merci Monsieur le Ministre, merci cher Philippe, de nous rejoindre.
Par-delà les liens d'amitié qui nous unissent, c'est souligner l'importance de la réflexion qu'avec Jean DIONIS DU SÉJOUR, nous conduisons avec les amis qui ont bien voulu s'impliquer dans ce dossier si important.
Pour résumer et être aussi court que possible de façon à laisser le maximum de temps à votre intervention et à celle de ceux qui le souhaitent après que vous aurez pris position, le centre de la question, l'épicentre même, est de savoir comment avec la nouvelle technologie de la télémédecine, nous pouvons introduire les éléments de réponses aux grandes questions qui se posent actuellement dans le domaine de la santé.
Parmi celles-là, figure la question de la démographie et de la désertification médicale dont nous savons que même si grâce à votre intervention, le numerus clausus s'est trouvé augmenté, il n'en reste pas moins que l'incidence ne se fera sentir concrètement sur le terrain que presque dans une décennie. Et encore, nous ne sommes pas sûrs que le fléchage permettra d'habiter des zones qui, aujourd'hui, sont encore très désertifiées en ce qui concerne l'installation des médecins.
Le deuxième aspect est naturellement au coeur de l'actualité de la réflexion conduite sous votre responsabilité dans le domaine de la refonte de l'assurance maladie et du dossier médical partagé qui en est certainement sinon le pilier, tout au moins un des piliers les plus importants.
Voilà brièvement résumé le coeur de la réflexion du rapport dont l'Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Technologiques a bien voulu nous saisir Jean DIONIS DU SEJOUR et moi-même et que nous assumons avec l'aide de ceux qui, ici entre autres, ont bien voulu être présents ce matin et en vous remerciant de votre présence parmi nous.