FAUT-IL UNE LOI POUR ORGANISER LA TÉLÉMÉDECINE ?

M. LE PRÉSIDENT - A ce moment précis et avant de donner la parole à mon ami et collègue le Professeur LARENG, je voudrais remercier de leur présence mes amis les Professeurs DUBOIS et Denis PELLERIN, représentants de l'Académie de Médecine - c'est d'ailleurs la première fois que, pour un rapport, l'Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Technologiques associe les Académiciens à leur réflexion -, et leur demander de nous dire en quelques mots comment la sagesse des Académiciens en la matière entend intervenir dans cette donnée d'une particulière nouveauté.

Nous aurons en effet à examiner la manière dont la télémédecine ouvre la porte à de nouvelles modalités de la nouvelle offre de soins. La problématique de la démographie médicale, que je me suis permis d'évoquer dès le début de cette réunion, pourrait trouver sous une forme qui reste à définir, des solutions immédiates, applicables sur le terrain autrement que dans le délai d'attente de la formation d'un médecin lié à l'augmentation du numerus clausus qui ne « flèche » pas pour autant l'installation de ces médecins dans des zones actuellement désertifiées et particulièrement appauvries en matière de présence médicale.

Merci aux Professeurs DUBOIS et PELLERIN, s'ils veulent bien, tout de suite en introduction, nous décrire leur vécu de cette problématique.

Pr. PELLERIN - Merci Monsieur le Président, cher Jean-Claude.

L'Académie de Médecine se préoccupe bien entendu au plus haut point de cette évolution tout à fait nécessaire de la médecine, en particulier en ce qui concerne la relation médecin malade et les aspects juridiques des formes nouvelles éventuelles de diagnostic ou de soins.

Je suis ici en tant que Président de la Commission d'Ethique de l'Académie de Médecine, par ailleurs je siège à ce titre au Comité Consultatif National d'Ethique.

J'exprimerai donc plus particulièrement nos soucis de la qualité, du respect de l'individu, de la personne et bien entendu de la préservation de la relation nouvelle médecin malade que, Monsieur le Président, vous avez évoquée il y a une seconde.

François DUBOIS, de l'Académie de Médecine, s'est particulièrement préoccupé du problème de la télémédecine, c'est la raison pour laquelle je suis heureux de lui passer la parole, en vous remerciant encore de votre accueil aux membres de l'Académie, merci.

Pr. DUBOIS - Nous vous remercions, Monsieur le Président, de nous accueillir et de bien vouloir recueillir nos avis.

Effectivement au sein de l'Académie de Médecine, la Commission des Biotechnologies que j'ai l'honneur de présider, s'intéresse cette année tout particulièrement à la télémédecine. C'est un énorme sujet puisqu'il concerne toute la médecine et c'est certainement non seulement un problème, mais également un problème d'avenir considérable.

Ce sujet concerne la médecine, à savoir l'enseignement, le télédiagnostic, le traitement et ce problème énorme de la responsabilité partagée des problèmes de financement.

En ce qui concerne l'enseignement, vous avez l'enseignement de base avec des téléprojections. C'est particulièrement valable en anatomie où grâce à des images en trois dimensions, nous pouvons maintenant enseigner l'anatomie sans avoir recours à ce dont nous avions besoin autrefois, à savoir la dissection, et qui est d'autant plus difficile d'un autre côté.

Il y a également les vidéoconférences, vous savez que leur prix diminue énormément et qu'elles seront donc de plus en plus facilement accessibles.

Un autre aspect que nous pouvons imaginer est la mise en place de téléexamens universitaires pour des régions comme la Nouvelle-Calédonie ou les territoires d'Outre-Mer, c'est-à-dire faire passer des examens sans forcer les personnes à venir dans des centres universitaires plus importants.

Il y a non seulement l'enseignement de base mais également ce qu'on appelle le « post graduate », l'information médicale continue ou le troisième cycle. Là, il y a des expériences, en particulier à Strasbourg avec Monsieur MARESCAUX que vous devez connaître, avec l'université virtuelle multilangues avec des experts absolument internationaux ce qui permet d'ouvrir la médecine sur le monde entier.

Pour la chirurgie puisque je suis chirurgien, il y a également le téléentraînement avec des interventions virtuelles. Depuis la vidéochirurgie, on peut beaucoup plus facilement enseigner la chirurgie alors qu'autrefois c'était vraiment sur le terrain avec les inconvénients que cela pouvait comporter.

Il y a d'autre part le télédiagnostic, le Professeur LARENG est beaucoup plus compétent que moi pour en parler, mais on dit actuellement que du fait du raccourcissement des séjours hospitaliers, l'enseignement clinique et très difficile à faire.

Certains ont envisagé de rallonger ces séjours - cela paraît cependant invraisemblable - pour enseigner. En revanche avec des téléconsultations, on peut à la fois ménager la pudeur des patients et enseigner la clinique à de nombreux étudiants à la fois.

Il y a les problèmes de transmission des dossiers que vous connaissez aussi très bien. Actuellement on peut imaginer, semble-t-il que le praticien découvre l'examen radiologique, ou scanner, en même temps que le radiologue qui le pratique puisqu'on peut le transmettre, d'où un gain de temps considérable avec une bonne qualité d'images avec le 3D, etc.

Ensuite - et c'est l'expérience de Monsieur LARENG en Midi-Pyrénées -, il a organisé des réseaux de consultants, en particulier pour éviter de transporter les prisonniers dans les centres ce qui implique une organisation très lourde.

Cela permet également de lutter un peu contre la désertification de certaines régions en France, les médecins étant moins isolés, acceptent plus facilement de s'installer.

En ce qui concerne le traitement, au point de vue médical, après un télédiagnostic, vous avez la possibilité de faire des prescriptions non seulement à un médecin, mais également éventuellement à du personnel paramédical voire peut-être même un jour directement au patient par Internet quoique ceci demande beaucoup de modération.

En ce qui concerne la chirurgie, elle a été transformée par la vidéochirurgie. Cette dernière a vraiment fait un peu changer d'air à certains domaines de la chirurgie grâce au partage de l'image, de la connaissance et du geste.

Il y a d'abord le téléentraînement. On peut s'entraîner la veille à faire une intervention qu'on réalisera le lendemain après avoir bien compris tout ce qui pouvait se produire, mais également pendant l'intervention, vous avez ce que Monsieur MARESCAUX - toujours à Strasbourg, qui est en pointe dans ce domaine - appelle la réalité augmentée.

Au moment où vous avez un organe, vous pouvez projeter son anatomie sur votre écran ainsi que la lésion que vous avez à opérer. En particulier pour le foie où il y a d'énormes variations anatomiques qui sont parfois très anxiogènes pour le chirurgien, si vous savez où se trouve la tumeur par rapport à telle ou telle artère ou veine, cela vous fait gagner beaucoup de temps et de sécurité. C'est donc très important.

Dans ce domaine, vous avez aussi le télémentoring qui est assez extraordinaire. C'est nouveau mais cela va sûrement se développer. Pendant qu'on opère, avec une flèche qui se projette sur votre écran, un expert peut vous montrer l'endroit où vous devez intervenir ou ne pas faire tel geste, etc. Il y a là énormément de possibilités de développement.

Il y également les opérations à distance, toute la presse a parlé de cette fameuse opération où Monsieur MARESCAUX était à New-York et opérait un malade qui était à Strasbourg. Ce n'est pas un problème tellement médical, mais plutôt un problème lié aux télécommunications. Cela a été avant tout un exploit formidable de France Télécom.

C'est quand même assez extraordinaire, cela avait intéressé les personnes de l'armée de la marine et je pensais au départ aux sous-marins. Ce n'est cependant pas possible, parce qu'on ne peut pas avoir un signal qui permettrait de le localiser. Mais pour les autres bâtiments ou pour les théâtres d'opérations extérieures, cela peut servir.

L'avantage de ces robots qui sont en plein développement - et l'année dernière, nous nous étions justement intéressés à ce problème des robots, ce n'est d'ailleurs pas un vrai robot, mais un télémanipulateur  - est que le chirurgien qui intervient par leur intermédiaire est qu'il peut être dans la salle d'opération, à côté ce qui est beaucoup plus relaxant, mais aussi à 5 000 km puisque, après, c'est un problème de transmission.

Le dernier problème évoqué - il n'est cependant pas spécifique - est l'énorme problème de la responsabilité partagée. C'est un problème avec l'Ordre des Médecins, les juristes et un problème de financement, car pour les télédiagnostics et autres, il faudrait que la Sécurité Sociale réfléchisse éventuellement au remboursement de ces prestations.

Je reste à votre disposition pour d'autres questions éventuelles.

M. LE PRÉSIDENT - Merci beaucoup. Vous avez posé un certain nombre de questions de grande importance et je vais demander maintenant à notre collègue et ami, le Professeur LARENG, responsable du Centre Européen de Télémédecine, de nous dire le vécu qui est le sien ne serait-ce qu'à travers l'expérience de Midi-Pyrénées qu'il a conduite.

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