CONCLUSION
La loi de sécurité financière du 1 er août 2003 est une bonne loi . Elle manifeste une certaine unité conceptuelle et a permis la mise en place de réformes structurelles et attendues : rationalisation des autorités de contrôle, unification du régime du démarchage bancaire et financier, modernisation de certains instruments financiers, consolidation de l'indépendance des commissaires aux comptes, renforcement du gouvernement d'entreprise. Entre la sécurité normative et la responsabilité par l'autorégulation, elle trouve une voie médiane - que d'aucuns jugeront peut-être trop rigide et formaliste par certains aspects (le régime du démarchage et des conventions courantes par exemple), trop souple par ailleurs - qui permet à notre pays de disposer d'un système de régulation à la fois sûr et compétitif.
La LSF comporte des dispositions plus ou moins détaillées, dont l'application donne lieu à des mesures d'application gouvernementales et à des interprétations par les praticiens. Cette mise en oeuvre peut être jugée globalement rapide et efficace :
- de façon générale, mais plus encore dans un domaine aussi changeant et réactif que celui des marchés financiers, l'efficacité et la crédibilité de la loi étaient largement tributaires de la célérité que manifesteraient l'exécutif et les professionnels dans la conception et l'adoption des mesures d'application. Le bilan est à cet égard assez satisfaisant : les acteurs se sont rapidement appropriés la loi et en ont respecté l'équilibre, et tous les décrets auront été publiés d'ici quelques mois. Alors que le principal volet de la LSF - la mise en place de l'AMF - s'est concrétisé dès novembre 2003, on peut estimer que la loi sera pleinement opérationnelle d'ici la fin de l'année , ce qui constitue un délai décent et de nature à conforter la crédibilité de ce pan de l'action gouvernementale.
Certaines dispositions se heurtent néanmoins à des facteurs de blocage ou d'inertie qui devront être levés : la lente installation de la CCAMIP - dont les débuts sont pour l'heure moins convaincants que ceux de l'AMF -, le droit d'ester en justice des associations d'investisseurs ou l'autonomie financière du H3C ;
- la compréhension de la loi par les professionnels a parfois donné lieu à d'intenses débats doctrinaux et divergences d'appréciation , en particulier sur la complexité du régime du démarchage, la portée du rapport sur le contrôle interne et le périmètre des services auxiliaires de conseil que peuvent fournir les cabinets d'audit. Cela n'a rien de surprenant, compte tenu de l'impact de certaines dispositions sur le fonctionnement des entreprises et de la vocation de la loi à fixer des principes. Si certaines critiques ont parfois été vives, on constate aujourd'hui, comme on pouvait l'escompter, que ces divergences s'aplanissent et que des interprétations et coutumes se mettent en place. L'effort de promotion de pratiques de place conformes à l'esprit de la loi tend ainsi à l'emporter sur les réactions épidermiques.
Certaines objections soulevées et le mouvement perpétuel d'amélioration de la loi légitiment de possibles aménagements de niveau législatif , parmi lesquels :
- des clarifications sur le régime du démarchage ;
- la poursuite de la sécurisation des opérations de titrisation de créances futures ;
- une clarification de l'utilisation des rachats par les sociétés de leurs propres titres, dans le respect des principes posés par le rapport Esambert ;
- l'allègement du dispositif d'information du conseil d'administration sur les conventions courantes ;
- des ajustements tendant à une meilleure utilisation de l'action ut singuli ;
- une mise en oeuvre raisonnable de la dépénalisation du droit des sociétés, en substituant des nullités facultatives et des injonctions à un certain nombre de nullités obligatoires ;
- une plus grande transparence des flux financiers avec les territoires offshore non coopératifs, par la responsabilisation du conseil d'administration, des commissaires aux comptes et de l'AMF.
Il ne saurait donc être question pour l'heure de mettre en place une révolution juridique interne, d'autant que la récente ordonnance sur les valeurs mobilières vient de procéder à une refonte de grande ampleur de pans essentiels de notre droit financier. A cet égard, votre rapporteur général regrette, d'une part, que cette réforme certes technique ait éludé toute consultation digne de ce nom des milieux parlementaires concernés, et d'autre part, qu'elle se révèle à certains égards proche de la contradiction avec l'esprit de la LSF, en étendant singulièrement le pouvoir du conseil d'administration ou du directoire en matière d'autorisation d'émissions de fonds propres.
A court et moyen terme, des évolutions majeures seront en revanche certainement à attendre de la transposition de plusieurs directives adoptées dans le cadre du Plan d'action pour les services financiers : les directives sur les marchés d'instruments financiers, « abus de marché » et « prospectus » nous conduiront à adapter certains principes structurants de notre droit financier.
Notre droit doit évoluer, mais il faut résister à la tentation de le bouleverser en permanence. La LSF sera pérenne et crédible si les autorités de contrôle qu'elle institue, l'AMF en premier lieu, font preuve de rigueur et de réactivité. La pertinence des choix effectués se mesurera également à la capacité de l'AMF de peser dans les débats internationaux et à prêter une attention équivalente aux investisseurs individuels et aux professionnels des marchés.
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