3. Pour les clubs de l'élite, une nette hiérarchie

Les situations des clubs de l'élite , au regard du niveau de leurs recettes, varient très sensiblement . Une hiérarchie financière des clubs, plus ou moins nette, peut être partout repérée .

a) Une métamorphose qualitative, source d'inégalités

Aux données quantitatives précisées ci-après, on peut, en préambule, ajouter la considération de quelques tendances plus qualitatives, mais tout aussi fondamentales.

Certains auteurs, Andreff en particulier, mettent en évidence la coexistence de deux modèles de financement du football professionnel en Europe.

Le modèle traditionnel - SSSL - pour Subventions-Spectateurs-Sponsors-Local , ne conserve une certaine effectivité que pour les clubs les moins développés financièrement. Il est, de plus en plus, supplanté par le modèle MMMMG , pour Médias-Magnats-Marketing-Marchés-Global , qui modifie la donne financière et économique du football.

Ainsi au modèle de financement traditionnel relativement stable, égalitaire et donnant accès à des ressources limitées, est venu s'ajouter un modèle aux propriétés différentes. Nettement moins égalitaire et beaucoup plus volatile, contrepartie d'un élargissement des ressources mobilisables, ce second modèle est fondamentalement marqué par le recours à des capitaux privés.

Votre rapporteur relève, en premier lieu, que tous les clubs ne profitent pas de la même manière du passage du modèle SSSL au modèle MMMMG, ce qui renforce encore l'impact inégalitaire lié à l'apparition de ce dernier.

Il veut, en second lieu, souligner, avant que d'y revenir, qu'une nuance importante doit, à ses yeux, enrichir l'analyse ici mentionnée. Le modèle MMMMG lui semble devoir être décomposé en deux sous-modèles. Les clubs pour lesquels la part des ressources apportées par les magnats prend une place fondamentale tendant à devenir de plus en plus nombreux, avec des conséquences financières et économiques aussi essentielles que perturbantes.

b) Des hiérarchies financières accusées

Cette observation s'applique tout particulièrement aux championnats étrangers qui, comme on le verra, ont adopté des systèmes de financement moins égalitaires que la France.

Le tableau ci-après concerne l'Italie. Il permet de vérifier la forte inégalité des moyens des clubs. Même en considérant des données globales relatives à différents groupes de clubs, ce qui a pour effet de masquer l'ampleur de la hiérarchie individuelle, d'importants écarts sont déjà observables.

Composition des recettes par groupe de clubs en 2001
Série A italienne

(en milliers d'euros)

 

Groupe I

Groupe II

Groupe III

Total

Championnat

31 541

20 240

16 540

68 321

Coupes d'Europe

12 372

8 399

-

20 771

Coupe d'Italie

7 991

2 582

2 600

13 173

Abonnés

49 291

14 010

21 355

84 656

Recettes aux guichets (A)

101 195

45 231

40 495

186 921

Sponsors

104 342

27 062

22 511

153 915

Droits TV

370 936

147 547

100 126

618 609

Publicité et dérivés

39 892

16 837

6 256

62 985

Autres

80 606

21 065

26 575

128 246

Autres (B)

595 776

212 511

155 468

963 755

Total A + B

696 971

257 742

195 963

1 150 676

Les recettes du groupe 1 , qui ne compte que les cinq clubs aux plus gros budgets sont 3,6 fois plus importantes que celles dégagées par le groupe 3 qui regroupe les 8 équipes à plus faibles budgets du championnat.

Les écarts s'expliquent principalement par une nette hiérarchie des retours au titre des « droits-télé » et des recettes de sponsoring.

Une pareille situation se vérifie également dans notre pays, à un moindre degré.

Le classement 10 ( * ) de la Ligue Nationale de Football (LNF) distingue, pour la Ligue 1, les quatre groupes de clubs suivants : le groupe 1 avec des charges inférieures à 146 millions de francs (22,26 M€) (Bastia, Guingamp, Lille, Sedan et Troyes) ; le groupe 2 avec des charges comprises entre 146 et 183 millions de francs (entre 22,26 et 27,90 M€) (Auxerre, Metz, Saint-Etienne et Strasbourg) ; le groupe 3 avec des charges comprises entre 183 et 349 millions de francs (entre 27,90 et 53,2 M€) (Bordeaux, Lens, Nantes et Rennes) et le groupe 4 , où les charges sont supérieures à 349 millions de francs (53,2 M€) (Lyon, Marseille, Monaco et Paris).

Recettes moyennes des clubs de la Ligue 1 par groupe de clubs

( en milliers d'euros )

PRODUITS

MOYENNE
GROUPE 1

%

MOYENNE
GROUPE 2

%

MOYENNE
GROUPE 3

%

MOYENNE
GROUPE 4

%

MOYENNE
2000-2001

%

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Matches championnat à domicile

16 115

13

21 384

15

38 761

16

49 239

11

30 477

13

Matches coupes d'Europe

103

0

115

0

2 253

1

16 743

4

4 527

2

Autres matches

836

1

2 219

2

2 098

1

4 598

1

2 343

1

Sponsors -publicités

12 919

10

31 856

23

66 155

27

70 075

16

43 349

18

Subventions Collectivités
territoriales

6 932

5

5 026

4

8 739

4

18 209

4

9 562

4

TV & LNF

84 601

66

70 370

51

113 608

46

215 760

48

118 939

51

Autres produits

6 457

5

7 344

5

16 909

7

76 337

17

25 567

11

TOTAL :

127 963

100

138 314

100

248 523

100

450 960

100

234 765

100

Source : LNF - Statistiques saison 2000-2001.

Avec une moyenne de 234,8 millions de francs , les ressources varient de 128 à 451 millions de francs . Il existe ainsi un rapport de 1 à 3,5 entre les clubs moyens du bas et du haut de l'échelle 11 ( * ) .

En outre, la structure des recettes des clubs varie, sinon nettement, du moins significativement . Si, dans tous les cas, la part des « droits-télé » est prédominante , son importance s'accroît en raison inverse des recettes. Ils représentent 48 % des recettes pour le groupe 4 (les clubs aux budgets élevés) et 66 % des recettes du groupe 1.

La dépendance des « petits clubs » au mode de financement géré collectivement que constituent les « droits-télé » est donc particulièrement forte.

Par ailleurs, si, en moyenne, les clubs aux plus gros budgets bénéficient plus que les autres des recettes engendrées par la commercialisation des droits de retransmission télévisée, la répartition de ces droits modère les inégalités globales de ressources entre clubs .

L'échelle des recettes totales va de 1 à 3,5 entre le groupe 1 et le groupe 4 , mais elle ne va que de 1 à 2,6 si l'on ne considère que ces droits . Pour un indice 100 pour les clubs du groupe 1, ils passent à 83,2 pour le groupe 2, 134,3 pour le groupe 3 et 255,1 pour le groupe 4. D'ores et déjà, on peut relever que la gestion collective des recettes tirées des droits TV limite la dispersion des recettes des clubs de l'élite. Ainsi, il n'existe pas de stricte proportionnalité entre les « recettes-TV » et les autres recettes des clubs.

Les postes pour lesquels la hiérarchie des recettes est la plus dispersée sont les postes « sponsors-publicités » et « autres produits ». La nomenclature très agrégée de présentation des comptes interdit toute analyse fine de ces recettes mais deux observations peuvent être proposées :

- tout d'abord, l'échelle des recettes liées aux opérations de parrainage et de publicité est sensiblement plus élevée que celle des recettes tirées des matches à domicile . Pour les « annonceurs », l'audience des clubs semble dépasser de beaucoup celle qu'indique la fréquentation respective de leurs stades par les spectateurs. Ils ont une tendance à accorder une prime aux clubs jouissant de la plus forte image. Ce phénomène réplique celui observé en matière de publicité télévisée, où la prime à l'audience obéit à des mécanismes non-linéaires .

- la seconde observation vise à souligner la concentration des « autres produits » sur quelques clubs . En moyenne, chacun des quatre clubs du groupe 4 perçoit à ce titre 17 fois plus de recettes que chacun des cinq clubs du groupe 1. A défaut d'une présentation détaillée de ce poste, il faut se hasarder. Il est possible qu' une partie de cette différence s'explique par des éléments dont la pérennité reste à apprécier. On songe ici en particulier aux engagements financiers pris par Canal+ à l'égard de six clubs de L1 évoqués plus loin dans le présent rapport.

* 10 Ce classement concerne la saison 2000-2001.

* 11 Ce rapport est presque analogue à celui observé en Italie. Cependant, les données ne sont pas homogènes. En Italie, elles concernent des groupes de clubs, dont les recettes sont agrégées. En France, les chiffres mentionnés concernent la moyenne des recettes des clubs appartenant aux différents groupes. La présentation des données relatives à l'Italie « écrasent » davantage la hiérarchie des clubs que celle des données concernant la France.

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