2. Des modalités de répartition très différenciées de droits difficilement comparables
La référence à des chiffres moyens , qui est celle choisie par la plupart des études consacrées au football professionnel, doit être dépassée. Elle tend, en effet, à réduire optiquement une dispersion qui, en réalité, au niveau des clubs, est nettement plus accusée et dont les effets sont majeurs. De fait, la très grande inégalité des moyens financiers des acteurs du football professionnel en Europe est un phénomène essentiel et qui tend à s'accentuer. Elle a des conséquences considérables sur le fonctionnement économique du football professionnel .
Plusieurs éléments permettent de rendre compte de cette disparité : le montant des droits à répartir qui sont très inégaux ; les modalités de répartition des produits de cession des droits de retransmission télévisée des championnats nationaux qui diffèrent selon les pays et opposent des systèmes plus ou moins égalitaires à des systèmes fortement inégalitaires ; les retours obtenus par certains clubs européens du fait de leur participation à des compétitions européennes.
On se concentrera dans cette section sur le premier et le deuxième de ces éléments.
a) Une nette hiérarchie des chiffres d'affaires des championnats de niveau supérieur
Comme on l'a indiqué, un constat majeur s'impose. Les chiffres d'affaires moyens des clubs de première division varient beaucoup en fonction de leur pays d'appartenance, en relation directe avec la hiérarchie des chiffres d'affaires générés par le football dans les différents pays européens en raison, en particulier de fortes disparités de prix des droits de retransmission télévisée.
La France est le pays où ce chiffre d'affaires est le plus bas , avec 143 millions de francs en moyenne par club pour la saison 1998-1999 . En attribuant au chiffre d'affaires moyen des clubs français l'indice 100, on observe que l'Allemagne et l'Espagne sont à l'indice 152, l'Italie à 179 et l'Angleterre à 234 . Autrement dit, le chiffre d'affaires moyen des clubs allemands et espagnols est de 50 % supérieur , celui des clubs italiens est près de 80 % plus élevé et celui des clubs anglais représente 2,3 fois le chiffre d'affaires moyen d'un club français de l'élite .
Ces données, même si elles ne portent que sur des moyennes, établissent déjà le constat qu'il existe en Europe une hiérarchie tranchée des moyens financiers des clubs de l'élite, en fonction du cadre national.
Plus encore, même si des éléments plus récents que ceux sur lesquels elle est basée pourraient atténuer cette conclusion, il apparaît, au vu de la croissance moyenne du chiffre d'affaires des différents championnats européens au cours de la fin des années 90, que ces inégalités , plutôt que de se réduire, ont tendu à se creuser .
X 6,0
X 3,0
X 2,5
Source : DELOITTE & TOUCHE, décembre 2001.
b) Des systèmes de gestion des ressources plus ou moins inégalitaires
Sur cette toile de fond vient se surimposer l'effet de conditions de répartition des produits entre les clubs fortement différenciées . Les systèmes appliqués en Europe sont plus ou moins égalitaires.
DROITS TV CHAMPIONNATS D1
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FRANCE |
ALLEMAGNE |
ANGLETERRE |
ESPAGNE |
ITALIE |
Critères de répartition entre les clubs |
73 % à parts égales
|
50 % à parts égales
|
50 % à parts égales
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1998 - 2003 : Vente individuelle |
1999 - 2005 : Vente collective pour les extraits en clair et les droits internationaux Vente individuelle pour le reste |
RATIO premier/
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NOTES :
1. France, Allemagne, Italie, Espagne : saison 2000-2001 ; Angleterre : saison 1999-2000. Pour la France, une évolution importante, détaillée plus loin dans le rapport, est intervenue.
2. Les données pour l'Italie et l'Espagne sont des estimations Deloitte & Touche.
3. Ratio entre le club recevant le plus de droits TV au titre du Championnat et celui en recevant le moins.
Source : DELOITTE & TOUCHE, décembre 2001.
En conséquence, les échelles des produits distribués sont à leur tour très différenciées.
Echelle des produits distribués au titre des compétitions nationales
(en millions d'euros)
|
Allemagne |
Angleterre |
Espagne |
Italie |
France |
Concurrence |
Club le + rétribué (A) |
24,7 |
39,5 |
24,0 |
49,0 |
15,2 |
34,3 |
Club le - rétribué (B) |
9,4 |
16,6 |
4,6 |
7,5 |
9,1 |
9,5 |
Source : Rapport Denis.
Les évolutions intervenues depuis 47 ( * ) ne remettent pas fondamentalement en cause les conclusions auxquelles conduit le tableau ci-avant. En Espagne et en Italie, les produits engendrés par les ventes des droits de retransmission télévisée sont répartis de façon très inégalitaire, et une plus grande solidarité existe dans les autres championnats, la France étant, au vu des données mentionnées, le pays le plus solidaire , même si, de ce point de vue, sa situation s'est rapprochée de celles observées en Allemagne et en Angleterre.
Enfin, il faut prendre en compte l'effet des modalités de distribution des produits engendrés par les compétitions nationales sur la répartition des autres recettes mobilisables par les clubs . La concentration des premières entraînant une concentration de celles-ci et vice versa . On relèvera tout particulièrement que les « retours » encaissés du fait de la participation aux compétitions européennes amplifient généralement l'avantage comparatif des clubs les mieux dotés par les systèmes distributifs nationaux.
* 47 En particulier en France, où un nouvel accord a été conclu en 2002 sur lequel on revient dans la suite de ce rapport.