B. DES FACTEURS STRUCTURELS
Aux explications liées au contexte conjoncturel du développement économique du football, il faut ajouter la prise en compte d'éléments structurels pour tenter de comprendre les déséquilibres financiers du secteur. Dans l'hypothèse où de telles variables seraient en jeu, la relative morosité des perspectives de croissance pourrait modérer les anticipations des acteurs, elle ne signifierait pourtant pas que les facteurs de déséquilibres cesseraient d'agir. Il est donc important de les identifier afin de prévenir des crises chroniques.
1. Une activité de prototype soumise en tant que telle à aléas
Le football professionnel est, à plusieurs égards, une activité de prototype. Au plan opérationnel, cela signifie que, malgré certains repères, les acteurs évoluent dans un contexte structurellement expérimental , et donc largement aléatoire, marqué, en outre, par un risque permanent.
Sur le plan économique, les activités de prototype se caractérisent par l' instabilité de la fonction de production , qui est, en elle-même, à l'origine d'aléas . L' expérimentation y est de mise, et lorsque celle-ci est couronnée de succès, elle est, de façon chronique , à reprendre. Les coûts d'expérimentation sont élevés et les rendements sont aléatoires .
A ce constat s'ajoute celui que le football s'exerce encore dans un contexte intrinsèquement risqué qui ajoute aux incertitudes inhérentes à une activité de prototype. Par leur agencement, les gains envisageables incitent à des prises de risques mal maîtrisables. L'échec sportif, toujours possible, sanctionne lourdement des investissements qu'il conduit à réexaminer, parfois en presque totalité.
On objectera que les repères ne sont pas totalement absents du football et qu'une relation entre le niveau des budgets, celui des performances sportives et, in fine , celui des performances commerciales peut, idéalement, être identifiée.
Toutefois, cette relation manque de robustesse dans chacun de ses segments , du moins à court terme , et, comme on le verra plus après, elle peut jouer un rôle pervers en déclenchant une « course aux armements » , source de gaspillages pour les clubs individuellement et, pour l'économie du football, plus globalement.
2. Une gouvernance encore marquée par les caractéristiques originelles du football
Le spectaculaire développement commercial du football s'est déroulé très rapidement. Il s'est produit à partir d'une tradition singulière, celle d'une pratique d'amateurs, à la grande popularité et, ainsi, à la dimension politico-sociale affirmée.
En dépit de la professionnalisation des intervenants dans la sphère commerciale de ce sport, celui-ci reste marqué par ses origines.
La gouvernance du football , en dépit d'exemples contraires, reste souvent atypique pour une activité où la composante économique est désormais pleinement effective .
De ce qu'il n'existe pas toujours une parfaite adéquation entre les progrès de la « gouvernance » du football et le rythme de son essor commercial et économiques, les illustrations sont nombreuses.
Les structures en charge de la régulation ont pleinement pris conscience des intérêts financiers liés au développement commercial du football mais au détriment, trop souvent, d'une action de régulation économique du secteur. Comme on l'exposera plus en détail dans la seconde partie du présent rapport à propos des organismes internationaux de régulation, il existe de nombreuses raisons à cela. Les compétences juridiques des organismes en cause manquent souvent d'une définition précise et de la portée nécessaire, et le champ de leur intervention n'est pas toujours adapté aux problèmes à résoudre.
Plus fondamentalement, l'attribution d'une compétence de régulation à des organismes syndiquant les agents, qui sont les objets mêmes de la régulation, conduit à des confusions. Il existe un risque permanent de conflits d'intérêt entre la partie de leur activité vouée à la promotion et à l'exploitation commerciale, et celle vouée à la régulation. D'autre part, la définition des règles résulte d'arbitrages entre des intérêts particuliers, plus que d'une démarche de définition de normes considérées en fonction d'une conception politique de l'intérêt général.