3. Les incertitudes liées à l'élasticité des recettes à la croissance
Comme votre rapporteur général l'avait souligné lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2003, la difficulté particulière de la prévision de recettes cette année tient non seulement aux incertitudes de la croissance économique, mais également aux incertitudes quant à l'impact du ralentissement économique sur les rentrées fiscales.
Dès l'automne 2001, votre rapporteur général avait mis en valeur l'importance à accorder au coefficient d'élasticité des recettes fiscales à la croissance, en indiquant notamment : « si l'élasticité en volume des recettes fiscales s'est révélée bien supérieure à 1 depuis 1999, elle était comprise entre 0,4 et 0,6 de 1994 à 1996 et plus récemment en 1998. Sans remonter aux années d'élasticité négative (1992 et 1993), force est de constater que l'affaiblissement de la croissance s'est souvent accompagné d'une diminution sensible de l'élasticité des recettes fiscales alors que la période de forte croissance en 1999 et 2000 avait vu au contraire une « explosion » du coefficient d'élasticité fiscale ».
De fait, le gouvernement indique que l'élasticité des recettes fiscales de l'Etat s'est révélée particulièrement faible en 2002, de l'ordre de 0,1, alors qu'elle est en moyenne de 1 sur la longue période. Il est vraisemblable que la même tendance sera observée au premier semestre 2003.
Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
Comme le souligne le rapport du gouvernement, la prévision des recettes fiscales est un exercice entaché d'importantes incertitudes.
Les impôts indirects (TVA et TIPP) réagissent à la conjoncture de l'année courante alors que les impôts directs sont calculés sur une assiette afférente à l'année passée.
Par ailleurs, la TVA dépend de la croissance mais également du partage entre consommation finale et investissement, ou entre demandes intérieure et extérieure. L'impôt sur les sociétés dépend des résultats des entreprises, de leurs contraintes de trésorerie et du jeu solde/acomptes. L'impôt sur le revenu dépend de la dynamique des impôts catégoriels (traitements et salaires pour l'essentiel) avec une élasticité marginale supérieure à l'unité du fait de son barème progressif.
Les grandeurs macro-économiques issues de la comptabilité nationale n'approchent que très imparfaitement les assiettes des impôts . Comme le souligne le rapport du gouvernement en vue du présent débat d'orientation budgétaire, en matière d'impôt sur les sociétés, l'excédent brut d'exploitation n'est qu'un indicateur relativement médiocre de l'évolution du bénéfice fiscal des sociétés. Concernant la TVA, l'évolution de la consommation des ménages ne suffit pas à prévoir l'évolution du produit de cet impôt : il faut élaborer un « indicateur d'emplois taxables » pour tenir compte de la répartition entre les différents taux d'imposition. En matière d'impôt sur le revenu, on réalise des hypothèses d'évolution de chaque type de revenu (salaires, pensions, revenus mobiliers ou immobiliers, etc.) qui peuvent être très indépendants de la conjoncture générale ou au contraire soumis à une forte volatilité, comme par exemple les plus-values boursières.
Enfin, la prévision des recouvrements effectifs sur les entreprises fait intervenir des facteurs non strictement économiques : la situation de trésorerie des entreprises ou des ménages peut avoir une incidence sur la solvabilité des redevables et contribuer à l'étalement des recouvrements, la faculté offerte aux entreprises de moduler les acomptes d'impôt sur les sociétés rend plus difficile la prévision de recouvrement annuel et vient donc amplifier l'effet de la variation du bénéfice fiscal.
Les estimations d'élasticité fiscale : une prévision aléatoire 48 ( * )
Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
L'ensemble de ces considérations explique que l'élasticité des recettes fiscales à la croissance est difficile à prévoir . De fait, la comparaison entre les estimations de la loi de finances initiale et les réalisations montre que tous les gouvernements ont très mal anticipé les évolutions de la conjoncture. Les périodes de faible croissance comme les périodes de forte croissance sont celles pendant lesquelles l'élasticité est la moins bien évaluée.
* 48 A noter que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie fait valoir les nombreuses limites du concept d'élasticité. Celui-ci serait essentiellement un indicateur de statistique descriptive sans signification structurelle, par ailleurs sensible au retraitement par l'inflation. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit de la seule notion permettant aujourd'hui de comparer, d'un point de vue global, la croissance du PIB et l'évolution des recettes fiscales.