C. DES PAYS À LA FISCALITE NETTEMENT MOINS COMPÉTITIVE

Figurent dans cette dernière catégorie les pays qui, du fait de l'absence d'exonération particulière, ont un régime fiscal moins compétitif que l'Italie, la Suisse, la Grande-Bretagne ou la Belgique. Il s'agit de l'Allemagne, la France, l'Espagne et la Suède.

Cependant, cette classification doit être nuancée. En effet, comme nous le verrons dans l'étude des cas-types figurant ci-après, l'existence d'abattements importants conjuguée à un seuil élevé de revenus au-delà duquel est applicable le taux marginal, permet en pratique de réduire de façon non négligeable le taux effectif d'imposition. Les pays prévoyant de tels systèmes, comme l'Allemagne et la France, se distinguent à cet égard de la Suède ou de l'Espagne.

1. Une absence d'exonération compensée par des abattements importants et par une tranche marginale élevée : l'Allemagne et la France

Sans être particulièrement attractive, l'Allemagne se hisse en tête de cette catégorie.

Les droits de donation ou de succession sont calculés, de la même manière qu'en France, après déduction des abattements personnels, lesquels varient selon le lien de parenté mais sont en tout état de cause très substantiels.

En matière de donation, le conjoint bénéficie d'un abattement de 306.775 euros et les enfants d'un abattement de 204.516 euros. Les ascendants quant à eux bénéficient d'un abattement de 51.129 euros. Entre collatéraux et parents jusqu'au 4 ème degré, cet abattement s'élève à 10.225 euros et à 5.112 euros pour tout autre bénéficiaire.

De même qu'en France, ces abattements sont applicables tous les dix ans.

En matière de succession, l'abattement bénéficiant au conjoint survivant est porté à 562.461 euros. L'abattement applicable aux héritiers en ligne directe est majoré d'un abattement supplémentaire dont le montant décroît avec l'âge ; de 51.129 euros pour un enfant âgé de 5 ans à 10.225 euros pour un enfant âgé de 27 ans.

Il résulte ainsi de l'application de ces abattements que la succession d'un contribuable allemand marié sous le régime de la communauté légale avec deux enfants âgés de plus de 27 ans, n'est taxable que si le patrimoine net global du couple excède 1.983.886 euros.

Par comparaison, en France, la succession d'un contribuable marié sous le régime de la communauté légale réduite aux acquêts, avec deux enfants, est taxable dès lors que le patrimoine net global du couple excède 336.000 euros. Ce patrimoine ne représente que 17% du patrimoine non imposable en Allemagne.

Par ailleurs, les limites supérieures des tranches du barème de calcul des droits de mutation allemand entre conjoints ou au profit des héritiers en ligne directe ou ascendants, sont particulièrement importantes. En effet, le taux d'imposition, proportionnel, varie de 7 à 15% jusqu'à environ 511.000 euros, puis est de 19% entre 5 millions et environ 12,7 millions d'euros. La tranche marginale taxée à 30% est fixée à environ 25,6 millions d'euros.

Ces tranches également applicables en matière de donation sont les mêmes pour les mutations réalisées au profit des collatéraux ou parents jusqu'au 4ème degré et entre non parents, mais le taux applicable varie alors respectivement de 12 à 40% et de 17 à 50%.

Par comparaison, la tranche marginale d'imposition en France en matière de donation ou succession est atteinte dès 1,7 million d'euros après application des abattements, soit, en reprenant notre exemple d'un couple marié avec deux enfants majeurs, un patrimoine pour lequel aucun impôt ne serait dû en Allemagne.

On peut donc en conclure que malgré l'absence d'exonération spécifique, la pression fiscale s'appliquant sur les mutations à titre gratuit en Allemagne est largement compensée par les abattements très significatifs en ligne directe et entre époux ainsi que par une très lente progressivité du barème de calcul des droits.

A noter cependant, que la plus-value latente existant sur le bien au jour de la mutation n'est pas purgée du fait de la transmission, qu'il s'agisse d'une transmission entre vifs ou pour cause de mort.

Ceci doit toutefois être relativisé du fait de l'exonération en Allemagne des plus-values des particuliers. Seules les plus-values réalisées à l'occasion de la cession de biens immobiliers détenus pendant moins de 10 ans (le délai de détention courant à compter de l'acquisition par le donateur ou le défunt) ou de titres de société détenus pendant moins d'un an ou représentant une participation supérieure à 1% du capital sont taxables. Ces plus-values sont alors taxées selon un barème progressif (taux effectif marginal de 51%) mais après déduction d'un abattement de 50%.

Ces régimes des donations et successions, qui représentent respectivement 0,015% et 0,11% du PIB de l'Allemagne, placent ainsi cette dernière loin devant la France, et ce tout particulièrement s'agissant de l'imposition des successions.

En effet, en matière de donations, la compétitivité de la France est nettement améliorée par l'application des réductions de droit lorsque le donateur a moins de 75 ans révolus et en particulier lorsqu'il a moins de 65 ans (de 30% ou de 50%).

2. Une absence d'exonération conjuguée à des abattements faibles et à une tranche marginale d'imposition relativement basse : la Suède et l'Espagne

La Suède et l'Espagne constituent indubitablement les deux pays les plus défavorables en matière de transmission à titre gratuit.

En effet, les mutations sont particulièrement pénalisées dans ces pays par l'application de faibles abattements et par des tranches marginales d'imposition dont les seuils sont parmi les plus bas des pays étudiés après la Belgique.

En matière de donation, l'Espagne n'accorde aucun abattement. En Suède les donataires ne bénéficient que d'un abattement d'environ 1.083 euros (10.000 CS).

En matière de succession, les abattements applicables varient en Suède de 30.354 euros (280.000 CS) pour le conjoint survivant à 7.500 euros 55 ( * ) pour les descendants en ligne directe (70.000 CS). L'abattement applicable aux autres ayants droit n'est plus que de 2.275 euros.

En Espagne, les abattements applicables sont de 15.957 euros pour le conjoint survivant, les descendants en ligne directe 56 ( * ) et pour les ascendants. Les collatéraux jusqu'au 3 ème degré bénéficient d'un abattement de 7.993 euros.

Sur la base de l'exemple utilisé précédemment, la succession d'un contribuable suédois marié sous le régime de la communauté légale avec deux enfants majeurs, est taxable dès lors qu'elle excède 60.708 euros (560.000 CS). Il convient cependant de noter que ceci résulte en particulier des règles de dévolution successorale suédoises, lesquelles présentent la particularité qu'en l'absence de testament, le conjoint survivant recueille la totalité de la succession en pleine propriété 57 ( * ) , qui est alors intégralement taxée entre ses mains.

La succession d'un contribuable espagnol marié sous le régime de la communauté légale avec deux enfants majeurs, est quant à elle taxable dès lors qu'elle excède 95.742 euros.

A titre de comparaison, les seuils d'imposition représentent respectivement 3% et 4,8% du patrimoine maximal non imposable en Allemagne et respectivement 18% et 28,5% du patrimoine maximal français non imposable.

En outre, les tranches marginales d'imposition, taxées à 30% en Suède et à 34% en Espagne, sont respectivement de 650.000 euros et de 800.000 euros.

Il convient de noter qu'en Espagne, le taux progressif d'imposition est en outre multiplié par un coefficient variant en fonction de l'état de fortune préexistant du bénéficiaire de la mutation. Ce coefficient varie de 1 à 1,2 pour les transmissions réalisées au profit du conjoint et des héritiers en ligne directe et d'environ 1,6 à 2,4 pour les autres bénéficiaires.

Outre le fait que la transmission du patrimoine par donation ou succession est particulièrement imposée dans ces deux pays, la plus-value, non purgée par la mutation à titre gratuit (sauf en matière de succession en Espagne) et qui serait réalisée lors d'une transmission ultérieure à titre onéreux des biens ainsi reçus par le cédant, se trouverait alors significativement taxée.

En Suède, les plus-values sont en effet taxées selon un barème progressif dont le taux marginal est de 30 %. En Espagne, où seule la succession permet de purger la plus-value latente, les plus-values sont également taxées selon un barème progressif dont le taux varie de 15 à 39,6 % au niveau étatique et de 3 à 8,40 % au niveau régional.

Par ailleurs, à cette imposition prélevée aussi bien sur la mutation à titre gratuit que sur celle à titre onéreux s'ajoute en Espagne l'impôt sur la fortune. Sous réserve de certaines exonérations, notamment s'agissant des biens professionnels, le seuil d'imposition est de 167.129 euros et le taux correspondant de 0,2%. La tranche marginale d'imposition, taxée au taux de 2,5%, est atteinte au-delà de 10.695.996 euros.

S'agissant encore de l'Espagne, il est à noter que le régime décrit précédemment est celui applicable sur la majorité du territoire. Cependant, en raison de l'autonomie législative des régions espagnoles (« Communidades Autonomas »), les règles applicables peuvent varier sensiblement d'une région à l'autre et notamment, en Catalogne, en Navarre et dans le Pays Basque. En Navarre par exemple, les successions au profit des descendants en ligne directe sont totalement exonérées.

* 55 Majoré de 1.080 euros (10.000 CS) par enfant mineur et par année jusqu'à 18 ans.

* 56 Majoré de 3.991 euros par enfant mineur et par année jusqu'à 21 ans, sans toutefois pouvoir excéder 47.859 euros.

* 57 Il convient en outre de noter que la part du conjoint défunt dévolue au conjoint survivant sera alors de nouveau taxée entre les mains des descendants comme si elle avait appartenue en propre au conjoint survivant, i.e., sans pouvoir ainsi bénéficier deux fois des abattements ni bénéficier de la progressivité du barème.

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