2. Les facteurs d'indisponibilité
Au cours de ces dernières années, les causes multiples de l'insuffisante disponibilité des matériels ont été identifiées. Ont été évoquées :
- les difficultés persistantes, depuis plusieurs années, dans l'approvisionnement en pièces de rechange pour des raisons techniques (rupture de la chaîne des approvisionnements), administratives (lourdeur des procédures, règles de passation des marchés) ou financières (érosion des crédits d'entretien programmé des matériels) ;
- les restructurations profondes menées par l'armée de terre, et notamment dans l'arme du matériel, qui auraient perturbé la continuité du service et entraîné des retards ;
- les conséquences sur les établissements du matériel du déficit général en personnels civils du ministère de la défense.
A ces facteurs généraux s'en ajoutent d'autres, plus spécifiques aux hélicoptères :
- l'utilisation intensive des matériels, notamment en opérations extérieures,
- le vieillissement des matériels,
- les exigences de sécurité croissantes qui imposent de ne prendre aucun risque avec la vie des équipages.
Ces différents facteurs se cumulent et interagissent, créant une sorte de spirale de l'indisponibilité.
Plus le parc d'hélicoptères vieillit, plus il nécessite de l'entretien, mais avec de vieux appareils, la maintenance obéit à la loi des rendements décroissants. Elle réclame davantage de crédits, car les réparations sont plus lourdes, sans pour autant que l'amélioration de la disponibilité soit plus sensible, car le risque de panne est plus élevé. Les crédits d'entretien programmé des matériels ayant souffert de la contrainte budgétaire ces dernières années, la réduction des ressources consacrées à l'entretien des hélicoptères s'est traduite par une diminution au moins équivalente, sinon plus forte, de la disponibilité.
Enfin, le « sur-emploi » des hélicoptères est à la fois une cause et une conséquence de l'indisponibilité des matériels. Plus le matériel s'use, plus il réclame d'entretien, plus les hélicoptères restant disponibles sont sollicités.
3. Un sous-entraînement des équipages combiné à une sur-utilisation des appareils
Une autre caractéristique de la situation actuelle est la chute de l'entraînement des équipages , le volume annuel alloué à chaque pilote, qui a atteint un point bas de 140 heures par an, se limitant actuellement à 150 heures par an, contre 200 à 250 heures par an il y à 10 ans.
On doit par ailleurs signaler que la forte contraction des crédits ayant affecté, dans l'application de la loi de programmation militaire, les programmes dits « de cohérence opérationnelle », a entraîné un report des livraisons des simulateurs de pilotages, ce qui également entravé ce type de formation.
On peut s'étonner que dans les indicateurs figurant au projet de loi de programmation militaire déposé par le gouvernement précédent, l'objectif se soit borné à ces 150 heures annuelles. Ce niveau est un plancher de sécurité, mais sur le plan de l'entraînement, il est considéré comme très insuffisant par les professionnels. Le seuil normalement admis dans l'OTAN en la matière est de 180 heures par an et par pilote .
L'augmentation du nombre de vols et la complexité accrue des missions justifient un relèvement significatif de l'entraînement, notamment pour le tir de nuit avec caméra thermique, le tir et le combat air-air, le vol de nuit sous jumelles de vision nocturne à très basse altitude ou encore le vol aux instruments.
Les volumes annuels alloués aux pilotes d'hélicoptères de l'armée de l'air et de la Marine sont d'ailleurs respectivement de 200 et 220 heures.
Il faudra donc revenir rapidement au niveau de 180 heures par pilote et par an et retenir cet objectif plancher dans la future loi de programmation.
On peut d'ailleurs observer qu'après avoir constaté une recrudescence des accidents, l'armée américaine, qui avait réduit le nombre d'heures de vol de ses pilotes de 180 à 120 heures par an, l'a relevé significativement. Pour les hélicoptères de combat Apache, l'objectif est revenu à 180 heures par pilote en 2001 et sera porté à 220 heures en 2003.
En Allemagne , les équipages d'hélicoptères antichar effectuent une moyenne de 180 heures par an. Le bilan est plus proche de la France pour les hélicoptères de transport Huey UH 1, avec environ 150 heures par équipage. Les équipages d'hélicoptères lourds n'effectuent que 127 heures par an sur Chinook CH 53, mais ils bénéficient d'un entraînement complémentaire sur hélicoptères légers.
C'est surtout avec le Royaume-Uni que l'écart des niveaux d'entraînement est frappant. Au cours de l'année 1999, le nombre moyen d'heures de vol par équipage était de 205 heures sur les hélicoptères de combat (192 heures sur les Lynx et 216 heures sur les Gazelle), de 236 heures sur les Puma et de 296 heures sur les hélicoptères lourds Chinook CH 47.
Nos forces aéromobiles cumulent par ailleurs ce sous-entraînement relatif des équipages et une sur-utilisation des appareils.
En effet, en ce qui concerne l' utilisation des machines , le potentiel annuel alloué par hélicoptère est de 250 heures de vol pour les Gazelle et de 300 heures de vol pour les Puma et les Cougar.
Aux Etats-Unis , le volume annuel est très inférieur pour les hélicoptères antichar (180 heures), en partie en raison de l'entraînement sur simulateur ( plus de 12% du temps d'entraînement des équipages). L'utilisation des hélicoptères de manoeuvre est analogue à celle de nos Puma et Cougar (312 heures par an), pour un niveau d'heures de vol par équipage bien supérieur (202 heures par an).
En Allemagne , le nombre d'heures de vol annuel par machine n'est que de 160 heures pour les hélicoptères de combat, alors que le nombre d'heures de vol des équipages dépasse largement le nôtre. Quant au vol sur hélicoptère de transport Huey UH 1 D, il n'est que de 220 heures par machine alors que les équipages volent, comme en France, 150 heures par an.
Au Royaume-Uni , le nombre d'heures de vol est en moyenne de 270 heures par hélicoptère de combat (20 heures de plus qu'en France), pour en moyenne 205 heures de vol par équipage (50 heures de plus qu'en France). Le Puma britannique totalise en moyenne 390 heures de vol par an (30% de plus que le Puma français), mais ses équipages volent 236 heures par an (57 % de plus que leurs homologues français).
Ces comparaisons internationales montrent que la disponibilité insuffisante de nos appareils et le niveau des missions qui leur sont demandées conduisent, par rapport à nos principaux partenaires, à une sur-utilsation des hélicoptères de combat, qui joue dans l'usure des machines et la fréquence des opérations de maintenance et de réparation.