CONCLUSION

Le domaine de l'aéromobilité est aujourd'hui unanimement reconnu comme très important au regard des besoins opérationnels , mais également très critique , en raison du manque d'appareils disponibles et de la dégradation annoncée des capacités de transport au cours de l'actuelle décennie.

Il était donc nécessaire, aux yeux de votre rapporteur, de souligner cette réalité au delà d'un cercle d'initiés, tout particulièrement en cette période de préparation d'un nouveau projet de loi de programmation militaire.

Les contraintes financières sont indéniables, et face aux problèmes soulevés, il n'y a pas de réponses évidentes qui s'imposent. Encore faut-il avoir poussé suffisamment loin la recherche de solutions.

Au delà des préoccupations immédiates que sont la nécessité d'un choix rapide sur une version optimale du Tigre, la recherche de réponses aux difficultés liées à l'arrivée tardive du NH 90 ainsi que l'impérative restauration de la disponibilité des matériels, votre rapporteur souhaite conclure sur une remarque plus générale relative à la place des forces aéromobiles dans nos armées.

Les hélicoptères remplissent aujourd'hui des fonctions clefs dans la gestion des crises. Il faut en utiliser pleinement les potentialités. L'initiative britannique visant à créer une brigade aéroterrestre associant des hélicoptères de combat et des unités d'infanterie légère est à cet égard intéressante. Renforcée au besoin par des hélicoptères de manoeuvre, notamment des hélicoptères lourds, cette unité serait de nature à permettre des opérations combinées héliportées à l'échelle d'une brigade, soit 1.000 à 2.000 hommes. Cette expérience mériterait d'être attentivement étudiée en France, en vue de renforcer, sur ce créneau particulier, notre capacité de projection de forces, et d'optimiser ce matériel précieux qu'est aujourd'hui l'hélicoptère.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 10 juillet sous la présidence de M. André Dulait, président, la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a entendu une communication de M. Serge Vinçon, rapporteur du budget de l'armée de terre, sur la situation des capacités aéromobiles de l'armée de terre.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin a souhaité obtenir des précisions sur la notion de furtivité, s'agissant de l'hélicoptère de combat Tigre. Il s'est interrogé sur les orientations retenues par les principales armées européennes en matière de forces aéromobiles. Il a demandé si des achats d'hélicoptères « sur étagères » étaient envisagés pour compenser la dégradation de nos capacités, et le cas échéant auprès de quels constructeurs. Enfin, il a évoqué la possibilité pour l'armée française de se doter de drones de combat du type de ceux engagés en Afghanistan par les Américains.

M. Didier Boulaud, répondant aux remarques du rapporteur sur l'exécution de la loi de programmation militaire 1997-2002, a estimé que sa mise en oeuvre devrait être appréciée au regard de l'application des lois précédentes. Il a ajouté qu'il serait particulièrement attentif aux conditions d'exécution de la prochaine loi de programmation. Il a ensuite demandé des précisions sur le coût unitaire d'un hélicoptère de transport NH 90.

M. Jean-Pierre Masseret a souhaité savoir si le choix d'une version « appui-destruction » (HAD) de l'hélicoptère de combat Tigre constituait une simple hypothèse de travail ou si elle avait fait l'objet d'une instruction déjà approfondie en vue d'une décision rapide. Il s'est par ailleurs interrogé sur le niveau d'un éventuel relèvement des crédits d'équipement des armées dans le futur projet de loi de programmation militaire, par rapport au projet déposé par le précédent gouvernement.

M. Emmanuel Hamel a demandé des précisions sur les raisons de l'entrée en service tardive de l'hélicoptère de transport NH 90 dans l'armée de terre française, alors que son homologue allemande en sera équipée dès 2004.

M. Robert-Denis Del Picchia, évoquant la dégradation des capacités de transport héliporté dans les prochaines années, a demandé si des possibilités d'achat «sur étagères» existaient, et si l'industriel pouvait prendre à sa charge, à titre d'avance, une partie du coût de développement et d'industrialisation du NH 90.

M. Michel Caldaguès a constaté que notre capacité de projection de forces, qui constituait l'un des axes centraux de la réorganisation des armées, était singulièrement mise à mal par les retards qui affectent la livraison du NH 90 et de l'avion de transport militaire A 400 M. Il s'est inquiété que dans ces deux domaines essentiels, notre force de projection ne soit que virtuelle. S'agissant d'une éventuelle livraison anticipée de l'hélicoptère de transport NH 90, il a estimé que seule une formule assurant un préfinancement bancaire disposant la garantie de l'État permettrait de contourner les contraintes budgétaires. Il a plaidé en faveur de cette solution tout en soulignant les résistances auxquelles elle se heurterait, compte tenu de son caractère dérogatoire par rapport aux procédures budgétaires habituelles.

M. André Boyer a demandé des précisions sur l'approche de nos partenaires européens en matière d'aéromobilité et s'est demandé si un renforcement de la coopération européenne ne permettrait pas de résoudre certaines difficultés. Il a par ailleurs demandé si certaines formations des pilotes d'hélicoptères se déroulaient aux États-Unis.

En réponse à ces différentes interventions, M. Serge Vinçon, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- la notion de furtivité, s'agissant de l'hélicoptère Tigre, concerne sa capacité à être moins facilement détectable par un adversaire que les appareils de génération précédente ;

- les forces aéromobiles britanniques ont un format légèrement inférieur à celui de l'ALAT française ; elles verront dans les prochaines années l'arrivée de l'hélicoptère de combat Apache et le renforcement de leurs capacités de transport lourd ; elles ont été réorganisées dans le cadre d'une brigade aéroterrestre regroupant les régiments d'hélicoptères et des unités d'infanterie, afin de valoriser l'utilisation de l'hélicoptère dans la manoeuvre du combat terrestre ;

- l'Allemagne accorde pour sa part une certaine priorité à l'aéromobilité, le format de ses forces aéromobiles étant actuellement supérieur d'environ 15% à celui de l'ALAT française ; elle recevra l'hélicoptère de combat Tigre dès 2002 et le NH 90 en 2004 ;

- l'achat « sur étagères » d'appareils neufs ou d'occasion en petite quantité a pour inconvénient de rendre le parc d'hélicoptères moins homogène, ce qui complique l'entretien et la réparation des matériels ; si une telle solution devait âtre envisagée, elle concernerait plutôt les hélicoptères lourds, cette capacité étant actuellement absente dans nos forces aéromobiles ; dans ce cas, il faudrait s'en remettre à des constructeurs américains ou russes ;

- les drones prennent une place accrue dans les opérations actuelles, comme en témoigne la campagne d'Afghanistan ; l'armée de terre française possède des drones d'observation, mis en oeuvre par l'artillerie ; plusieurs constructeurs étudient la mise au point de drones armés ;

- le niveau de la future loi de programmation militaire n'est pas arrêté ; le précédent gouvernement avait opéré, dans le cadre de la « revue de programmes » de 1998, une révision de la loi de programmation 1997-2002, mais dès 1999, les budgets successifs se sont avérés inférieurs à cet objectif révisé ;

- en l'état actuel des estimations, le coût unitaire d'un hélicoptère NH 90 est de l'ordre de 19 millions d'euros pour la version armée de terre ; il est compris entre 25 et 30 millions d'euros environ pour les versions commandées par la Marine ;

- l'armée de terre considère aujourd'hui que la version « appui-destruction » (HAD) de l'hélicoptère Tigre répond à son besoin opérationnel ; elle n'implique pas l'abandon de la capacité antichar, puisque cet hélicoptère polyvalent pourra changer rapidement de configuration et être équipé d'un missile antichar ; il diffèrera cependant de la version exclusivement antichar (HAC) qui concernait un hélicoptère équipé de 6 à 8 missiles antichar ;

- le recours à un préfinancement par des organismes bancaires, comme l'ont envisagé des pays étrangers, mérite d'être étudiée de manière approfondie pour un éventuel avancement de l'échéance de livraison du NH 90 ; il importe de mesurer les avantages et les inconvénients d'une telle solution par rapport au palliatif que constituerait la rénovation d'hélicoptères déjà anciens, dont la durée de vie restera limitée.

A la suite de ce débat, MM. Xavier de Villepin, Michel Caldaguès et Serge Vinçon, rapporteur, ainsi que M. André Dulait, président, ont évoqué le blocage actuel de la commande de l'avion de transport militaire A 400 M et le risque de voir le Royaume-Uni quitter le programme pour acheter des appareils américains.

La commission a ensuite autorisé la publication de la présente communication sous la forme d'un rapport d'information.

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