Présenté par M. Daniel Hoeffel, vice-président du Sénat, au Bureau du Sénat
IV. LA REPRÉSENTATION CONSTITUTIONNELLE DES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE
A. LA REPRÉSENTATION PARLEMENTAIRE DES FRANÇAIS EXPATRIÉS
Le
projet d'une représentation parlementaire spécifique des
Français de l'étranger remonte à la
IV
ème
République mais cette idée n'a
été consacrée pleinement que par le
« bonus » de la Constitution de 1958 qui, par son
article 24, dispose que « les Français établis
hors de France sont représentés au Sénat ».
Aujourd'hui, les sénateurs représentant les Français de
l'étranger sont au nombre de douze (ils étaient six avant
1983) : conformément au principe de l'universalité du
suffrage, ils sont élus à la représentation
proportionnelle par les cent cinquante membres
élus
du Conseil
supérieur des Français de l'étranger (CSFE), à
raison de quatre sénateurs lors de chaque renouvellement triennal du
Sénat.
En 2000, le ministère des affaires étrangères estimait
à 1 900 000 le nombre des Français expatriés.
La faiblesse de la participation électorale lors des scrutins du Conseil
supérieur des Français de l'étranger est un
problème majeur.
Le collège électoral est composé des personnes inscrites
sur les listes électorales à la date du scrutin. Il s'agit
principalement des citoyens français immatriculés ou en cours
d'immatriculation, dont l'inscription sur les listes est de droit, sauf refus
de leur part.
Or, dans certains pays d'Europe, notamment, à peine 50 % de la
population française résidante est immatriculé. Dans
l'ensemble des pays étrangers, on estime à 46 % le nombre
d'immatriculés.
Ainsi que l'a fait remarquer M. André Ferrand dans le rapport de la
mission commune d'information chargée d'étudier l'ensemble des
questions liées à l'expatriation des compétences, des
capitaux et des entreprises, il conviendrait de simplifier les
procédures d'immatriculation et de les rendre plus attractives. M. le
ministre des affaires étrangères, Président à ce
titre du CSFE, a créé en septembre 2000 une commission temporaire
chargée de la réforme du CSFE.
Au dernier renouvellement partiel du 18 juin 2001, le collège
électoral comptait 410 000 électeurs. Seuls 79 000 ont
participé au vote, soit un taux de 19,2 %.
En dehors de l'aménagement de la carte électorale, rendu
nécessaire par l'évolution de la répartition
géographique des Français de l'étranger, qui fait l'objet
d'une réflexion au sein même du CSFE, les modalités
d'exercice du droit de vote pourraient être aménagées.
Actuellement, le vote par correspondance est considéré comme un
mode d'expression normal du suffrage par les Français de
l'étranger. Peut-être sera-t-il envisageable un jour d'admettre le
vote par Internet, et ce d'autant plus qu'un effort important d'informatisation
des consulats a été réalisé
33
(
*
)
.
Comme l'a signalé l'excellente étude de droit comparé
réalisée par le service des Affaires européennes, la
France, avec l'Italie et le Portugal, sont les seuls pays de l'Union
européenne à prévoir une représentation
parlementaire de leurs compatriotes expatriés.
De plus, seuls l'Espagne, l'Italie, le Portugal et la Suisse disposent d'un
organisme équivalent au CSFE.
Les sénateurs représentant les Français de
l'étranger disposent des mêmes prérogatives et droits que
tous les sénateurs.
Mais ces sénateurs ont aussi pour vocation de traduire et de
répercuter les préoccupations particulières des
Français expatriés.
Une page spéciale a été créée sur le site
Internet du Sénat afin d'informer sur ce sujet, en
complémentarité du site du ministère des affaires
étrangères, tous les citoyens, et plus particulièrement
les expatriés ou les candidats à l'expatriation, notamment par le
recensement des questions écrites ou orales relatives aux
Français de l'étranger.
L'expérience d'un forum Internet sur l'expatriation menée par la
mission d'information du 19 février au 30 avril 2001 a donné un
résultat satisfaisant avec 423 messages reçus.
Les sénateurs représentant les Français établis
hors de France sont en quelque sorte les « sénateurs du
monde », élus d'une circonscription qui s'étend
à l'ensemble de tous les pays en dehors de la France, et qui ont, de ce
fait, une vision globale de la France à travers le monde.
A côté d'organisations internationales, comme l'Assemblée
parlementaire de la Francophonie, les sénateurs représentant les
Français établis hors de France sont les défenseurs
naturels de la place de la langue française dans le monde et du
rayonnement économique et culturel de la France.
*
* *
D'un
point de vue formel, le groupe de réflexion n'a été saisi
d'aucune proposition concernant les Français de l'étranger, ce
qui est plutôt un signe positif.
Mais par souci de parallélisme avec le bonus de la représentation
des collectivités territoriales, le groupe de réflexion a
estimé de son devoir de proposer d'office plusieurs pistes de
réflexions destinées à mieux marquer cette deuxième
spécificité sénatoriale que constitue la
représentation des Français éparpillés à
travers le monde : le Sénat est aussi la « Maison des
Français à l'étranger ».
B. LES PROPOSITIONS DU GROUPE DE RÉFLEXION
1. L'amélioration de la participation aux élections du Conseil supérieur des Français de l'étranger
Le
groupe de réflexion recommande tout d'abord de demander au ministre des
affaires étrangères une réflexion sur les voies et moyens
susceptibles de favoriser une
augmentation du taux de participation aux
élections au CSFE
.
Il suggère en deuxième lieu
l'abrogation de l'article 5 de la
loi du 7 juin 1982
qui prohibe toute propagande électorale
à l'étranger. Cette prohibition est un obstacle sérieux
à la mobilisation du corps électoral.
2. Une identification plus claire de la mission de représentation des Français de l'étranger
A
l'évidence, les douze sénateurs représentant les
Français établis hors de France ont vocation à assurer la
prise en compte des préoccupations ou des aspirations des
Français expatriés, raison pour laquelle le groupe de
réflexion s'est cantonné dans des propositions ou recommandations
de portée limitée, mais ces propositions ou recommandations
témoignent du souci du groupe de réflexion d'accorder toute son
importance à la représentation des Français
expatriés.
Pour mieux marquer ce bonus constitutionnel, le groupe de réflexion a
envisagé
quatre
pistes de réflexion
d'ordre
pratique, qui ne nécessitent aucune modification de textes en
vigueur
34
(
*
)
:
Développer des liens entre le Sénat et le Conseil
supérieur des Français de l'étranger
.
Prévoir chaque année, dans le cadre de la discussion
budgétaire,
l'audition par la commission des Affaires
étrangères du ministre des affaires étrangères
en sa qualité de Président du CSFE.
Publier selon une périodicité à définir
un
rapport d'information sur les problèmes des Français de
l'étranger
. Ce rapport serait établi par une mission interne
à la commission des Affaires étrangères ou par une mission
commune à cette commission et à plusieurs autres
commissions : les conclusions de ce rapport pourraient faire l'objet d'un
débat en séance publique.
Veiller, conformément à une suggestion du Président de la
commission des Affaires économiques, à ce que les
déplacements officiels de sénateurs à l'étranger
permettent d'étudier systématiquement, avec le concours du Quai
d'Orsay, la situation des Français établis dans le pays
concerné et donnent lieu à compte rendu dans les rapports
d'information des missions des commissions et des groupes d'amitié.
Le groupe de réflexion a, par ailleurs, évoqué la
possibilité pour
le Président du Sénat
de
parrainer
au Sénat une «
journée annuelle des
Français de l'étranger
».
* 33 Le 24 septembre 2001, le Président de la République a souhaité « que dès les prochaines échéances nationales, le vote par Internet puisse être expérimenté pour des milliers de Français expatriés qui, en raison de leur éloignement d'un consulat, sont privées de l'effectivité de leur droit de vote ».
* 34 M. Patrice GÉLARD a également évoqué la question des facilités de déplacement à l'étranger des assistants des sénateurs représentant les Français établis hors de France ; cette question a fait l'objet d'un courrier appelant l'attention du conseil de questure.