ALLOCUTION DE CLÔTURE
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'Industrie
Tout au
long de la journée, les mythes et réalités du secteur
postal en Europe ont été évoqués. Je voudrais
à mon tour vous livrer ma propre vision de ces mythes et
réalités, et je voudrais, pour la clarté et la
commodité de mon exposé, opposer à trois mythes, trois
réalités très prégnantes et, à mon avis,
évidentes.
D'abord, nous avons le mythe des postes en déclin ; face aux
nouvelles technologies, il y a l'internationalisation des échanges.
J'oppose à cela la réalité de postes qui peuvent utiliser
ces évolutions comme des réservoirs de développement.
Au mythe d'une poste française en repli, j'opposerai la
réalité de quatre ans de croissance et de dynamisme. Au mythe
d'une volonté européenne de libéralisation à
tout-va du secteur, j'opposerai la réalité d'un Parlement
européen et de ses décisions, et d'un large ensemble
d'États membres décidés à faire prévaloir un
service public dynamique, efficace, solidaire, un service public qui
évolue, mais qui ne quitte pas les valeurs sur lesquelles les postiers,
et avec eux les Françaises et les Français, l'ont construit.
Ce sont ces réalités, ancrées dans la vie
économique, nourries d'un dialogue régulier avec les dirigeants
de La Poste et avec son personnel, qui sont les nôtres depuis quatre ans.
Tout d'abord, le développement des échanges et les nouvelles
technologies sont un moteur de croissance nouveau pour les postes
européennes. Le ministre de l'Industrie, que je suis, perçoit
quotidiennement la réalité de la « nouvelle
économie », que je préfère appeler
l'économie du savoir ou de la connaissance. Elle n'a jamais
été pour moi un phénomène purement boursier ou
sectoriel, mais une révolution qui touche tous les secteurs
économiques et donne une nouvelle approche de la relation avec la
clientèle par la fidélisation, que permet une offre de plus en
plus sur mesure. Elle implique aussi de nouvelles relations avec les
fournisseurs, avec les sous-traitants, une nouvelle manière de produire
et de vendre. Les postes se trouvent au coeur de cette évolution, et je
suis particulièrement satisfait que, dès le contrat d'objectifs
et de progrès signé en 1998 entre La Poste et l'État, nous
ayons pu faire du développement de La Poste dans la
société de l'information, une de nos priorités.
La Poste a d'ailleurs pris une longueur d'avance au plan européen avec
les 1000 bornes d'accès à Internet, y compris dans les tout
petits villages ruraux. Les bureaux de poste connaissent bien cette
fréquentation d'Internet à partir de ces 1000 postes.
Je citerai aussi la création de la lettre suivie, le
développement d'une offre complète de service au cyber-marchand,
le lancement des services
Postecs
qui permettront des échanges
électroniques sûrs à l'échelle internationale. C'est
donc une nouvelle poste que nous avons en face de nous : innovante,
moderne, projetée dans l'avenir.
Le développement des échanges offre aux opérateurs postaux
des potentialités de développement nouvelles pour la livraison de
produits. Toutes ces entreprises européennes ont pris la mesure de ces
enjeux. L'enjeu, c'est de constituer des réseaux capables de transporter
des objets à une échelle européenne et mondiale. C'est la
réalisation du marché antérieur, entreprise depuis 1992
par l'Union, qui trouve ainsi une matérialisation physique. Là
encore, dans le cadre du contrat d'objectifs et de progrès, la poste
française construit sérieusement son avenir. Elle s'est
affirmée en quelques mois comme l'un des trois premiers
opérateurs de colis en Europe. Deuxième opérateur en
Allemagne, quatrième au Royaume-Uni, leader en France, présente
dans une quinzaine de pays européens, disposant d'un accord commercial,
que j'ai encouragé avec l'intégrateur Fedex. C'est un motif de
satisfaction qui doit conduire La Poste à poursuivre dans cette voie,
elle est aujourd'hui le premier opérateur de l'Union européenne
par son trafic, elle est le deuxième par son chiffre d'affaires, elle a
donc de très sérieux atouts pour son développement.
En premier lieu, les mythes : celui du déclin inéluctable
des postes a ainsi été pulvérisé. Je vais
maintenant m'attacher à détruire le second, celui d'une poste
française en repli. La poste française va beaucoup mieux qu'il y
a cinq ans. Cinq chiffres illustrent ce propos. De 1996 à 2000, le
chiffre d'affaires de La Poste a augmenté de 18 milliards de
francs, soit 5 % de croissance annuelle pour atteindre, en 2000,
105 milliards de francs. En 2000, les résultats de La Poste sont
positifs pour la quatrième année consécutive avec
945 millions de bénéfices. 24 milliards de francs ont
été investis sur quatre ans, soit deux fois et demi de plus que
sur les quatre années précédentes. Le poids des frais
financiers du groupe a été divisé par deux depuis 1997 par
rapport à la capacité d'autofinancement. Le prix du timbre n'a
pas augmenté, j'en ai pris la décision il y a quelques
années, et nous nous maintenons sur ce cap, conformément
d'ailleurs au contrat d'objectifs et de progrès, signé en
juin 1998, alors que le prix du timbre avait augmenté de 7 %
entre 1993 et 1996. Je voudrais en profiter pour dire combien nous
sommes satisfaits du travail des personnels de La Poste et des dirigeants.
Réussite belle, magnifique, que j'explique par quatre facteurs. D'abord
la capacité de La Poste à se projeter dans l'avenir, celui de
nouveaux potentiels de développement, celui de la recherche, de la
satisfaction des attentes de ses clients. La Poste incarne un peu l'excellence
du service public. La relation qui s'établit entre le public et les
postiers est affective et profonde. C'est ce capital que La Poste doit toujours
mieux mobiliser au service de la modernité.
Deuxième raison de la réussite, La Poste a su associer son
personnel à ce projet et à des avancées importantes :
mise en oeuvre des 35 heures, embauche de 5000 emplois-jeunes, de
20 000 personnes au total sur les années 1999 et 2000
pour satisfaire l'aménagement réduction du temps de travail,
amélioration de la situation des agents contractuels, négociation
en cours d'un contrat d'intéressement. Il me paraît essentiel que
les personnels de La Poste soient en effet associés au niveau
territorial approprié, à la définition et à la mise
en place de nouveaux projets, comme la mise en place de Soft par exemple. Cela
a été la clé du succès de l'aménagement
réduction du temps de travail. Le personnel de La Poste est en fait
très soudé et très motivé par des valeurs communes.
C'est sur cette motivation et cette mobilisation, sur des objectifs
partagés que l'ensemble des équipes de La Poste peut se projeter
en avant comme une véritable entreprise européenne et mondiale.
Troisième raison, La Poste a approfondi son dialogue avec les
élus en matière de présence postale territoriale. Il
existe une Commission départementale de présence postale
territoriale, et je dois dire qu'elle doit continuer de faire oeuvre
d'inventivité, d'écoute, de créativité dans ses
relations avec les élus pour adapter constamment la présence
postale territoriale et à la nouveauté que permettent les
technologies et à la présence renouvelée dans ses aspects
que souhaitent les différents élus.
Quatrième raison, l'État a accompagné ce mouvement avec
détermination, conformément au contrat d'objectifs et de
progrès qui, par exemple, a stabilisé les charges de La Poste en
termes de retraite de ses agents, et c'est un effort considérable de
l'État, en mettant fin à la centralisation des fonds des
chèques postaux au Trésor, en donnant à La Poste pleine
compétence en matière immobilière avec la réforme
du régime domanial de La Poste actuellement en cours d'examen au
Parlement. C'est dans cet esprit que je viens de lancer avec mon
collègue des finances, M. Fabius, et La Poste, les travaux
préparatoires au prochain contrat d'objectifs et de progrès qui
devra, dans le cadre du statut de La Poste, poursuivre et amplifier la
dynamique acquise.
La raison de se satisfaire de la situation est que l'Europe, d'un service
universel postal dynamique, efficace et solidaire, existe. C'est le
troisième mythe que je veux détruire, c'est celui de
l'ultralibéralisme au plan européen. Il existe des forces de
propositions qui font de la mise en place d'une concurrence pure et parfaite
sur le marché postal, un objectif qui se traduirait par une forte hausse
des tarifs, par une réduction drastique des implantations postales et
par une baisse de la qualité du service, si j'en crois les
investigations qui ont été menées dans le pays de l'Europe
du Nord à l'avoir pratiquée. Cette Europe n'est pas celle que
nous construisons ensemble avec nos partenaires et pour laquelle le Premier
ministre vient de tracer des perspectives d'évolution.
J'appuie mon propos sur quelques réalités très tangibles.
Parmi elles, c'est le vote décisif du Parlement européen du
15 décembre 2000, avec une forte mobilisation des élus
français. Ce vote a récusé la perspective du tout
libéral. Il n'a pas récusé les évolutions, ni les
ouvertures, ni les modernisations, bien au contraire. C'est un
élément essentiel parce que des directives dans le domaine postal
sont soumises à une procédure de codécision entre le
Parlement européen et le Conseil, et le rôle du Parlement
européen est décisif pour avancer. Nous voulons avancer. Les
postes européennes et la poste française doivent constamment
s'adapter, c'est une entreprise qui sert le grand idéal et les valeurs
du service public, qui a une vocation européenne et qui a une vocation
internationale, mais c'est une entreprise qui doit bouger. C'est pourquoi nous
avons défendu aux sommets de Nice et de Stockholm une certaine
conception des choses. Nous avons confirmé le calendrier de travail qui
doit être le nôtre. Nous avons insisté sur la
nécessaire prise en compte du vote du Parlement européen. Nous
avons insisté sur la spécificité des missions
économiques, ou d'intérêt économique
général en Europe. Je pense que nous avons été
entendus puisque les récents sommets européens ont tous
confirmé la légitimité de l'existence des valeurs et du
concept de service public, que l'on traduit autrement dans le langage
européen, mais dont le contenu seul compte. Ce service public sera
d'autant plus fort qu'il saura évoluer constamment et toujours à
la pointe de la technologie, qu'il saura donner des réponses toujours
plus adaptées aux demandes des clients.
Enfin, nos partenaires au sein du Conseil de télécommunications,
qui sont nombreux à partager les vues défendues par la France,
comme dix opérateurs postaux européens, comme de nombreux
syndicats, ont pu s'associer à la vision d'un service public dynamique,
efficace et solidaire.
C'est pourquoi, je suis ce soir d'un optimisme raisonné et
réaliste sur l'évolution de nos travaux au plan communautaire
dans les prochains mois. Nous devons disposer d'un cadre juridique clair et
lisible. Nous devons maintenir dans la durée un périmètre
suffisamment large de service réservé aux opérateurs de
service universel, pour permettre de financer les charges liées au
service universel. Là est le noeud du problème et de la
réflexion, car nous voulons assurer la desserte postale en tout point du
territoire à un prix unique, c'est notre tradition, ce sont nos valeurs,
c'est notre conception du service public. Ces objectifs doivent guider, selon
la France, l'élaboration, d'une nouvelle directive. Je pense pouvoir
obtenir de nos partenaires un accord sur ces objectifs qui n'excluent pas des
évolutions, mais qui ne peut pas réduire la capacité de
financement du service universel de manière récessive et
même de manière tendancielle, ce qui tuerait la conception
même du service public que nous avons toujours défendue. Là
est l'équilibre que nous devons maintenir, savoir évoluer, avoir
un comportement d'entreprise pour La Poste, être une entreprise
internationale, européenne, forte sur un certain nombre de
marchés et en même temps, garder la capacité forte de
financer le service public. Nous pouvons réaliser cet équilibre,
et les concepteurs des propositions de la Commission doivent être
certains que cette conception-là n'est pas une originalité
française. La vraie question est de savoir comment maintenir nos valeurs
tout en modernisant l'entreprise. N'est-ce pas par un mélange d'utopie,
de volonté politique, de souci constant du développement de
l'entreprise et du développement économique, au service des
peuples européens ?
Je vous remercie beaucoup.
M. Gérard Larcher
Merci, Monsieur le Ministre, merci à tous les intervenants.