II. L'ÉVOLUTION DE LA CONCEPTION DES PRODUITS : VERS LES PRODUITS-SERVICES
Le paradigme du musée imaginaire est assez utile pour visualiser les apports sociaux du progrès technique : il s'agit de juxtaposer dans une pièce les objets quotidiens d'époques différentes ; par exemple, ceux des années 1900, 1930, 1950, etc.
Si on se livrait à cet exercice en faisant cohabiter des objets de grande consommation du début des années quatre-vingt et des objets d'aujourd'hui ou qui seront mis sur le marché d'ici cinq à dix ans, on observerait quelques différences morphologiques, mais peu d'évolutions décisives en apparence.
Pourtant, par rapport aux outils de la vie quotidienne, personnelle et professionnelle d'il y a vingt ans, qui matérialisaient les progrès de la miniaturisation des composants électroniques, ceux d'aujourd'hui sont d'essence différente : ils associent à leur fonction principale des possibilités d'ubiquité et d'instantanéité de transmission de l'information, indépendamment de sa forme (voix, image, texte) et de son volume.
Cette transformation n'est pas toujours perceptible, parce que ce service est offert de façon, encore imparfaite, notamment aux particuliers.
Mais l'important est qu'elle s'accompagne d'une évolution de la destination des objets qui les supportent. De façon croissante, ceux-ci, qu'il s'agisse ou d'un ordinateur ou d'une automobile (par exemple), autant que des produits de stockage et de traitement de l'information ou de déplacement dans les cas cités, deviennent aussi des produits-services .
Et, de façon progressive, la concurrence s'établira tout autant sur la fonction principale de l'objet que sur sa fonction dérivée de fournisseur et d'intégrateur de services .
Le nouveau logiciel XP de Microsoft 10 ( * ) est très représentatif de cette nouvelle génération de produits :
- mode personnalisé d'activation de la base qui permet de vendre directement les actualisations du logiciel,
- intégration poussée de diverses sources (images, photos, vidéo numérique),
- aide à distance,
- possibilité offerte de location de logiciel à la demande,
- identification sur l'Internet,
- personnalisation qui permet d'organiser des limites d'utilisation - en particulier pour les enfants, etc.
En quelque sorte, on ne vend plus un système d'exploitation d'ordinateur, mais un système de télécommunication avec le monde extérieur, permettant de travailler, de communiquer et de se distraire. Et un produit qui permet d'en louer d'autres. En d'autres termes, un produit-services .
Mais, s'il est assez normal que les produits informatiques soient le creuset de cette évolution vers les produits-services, cette transformation peut être observée dans d'autres secteurs comme l'automobile, ou projetée - mais à plus long terme - dans les nouveaux domaines d'intelligence ambiante.
A. L'AUTOMOBILE
L'industrie est probablement un secteur d'expansion prometteur des nouvelles technologies de télécommunications. Au-delà du fait que l'électronique y représente une part de plus en plus importante, plusieurs catégories de facteurs y concourent :
- La convergence de plusieurs technologies liées à l'informatique et aux télécommunications comme le positionnement, les micro-télécommunications, les interfaces homme-machine et la recherche de l'adaptation des microprocesseurs en milieux thermique et mécanique plus exigeants ;
- la pertinence du modèle tarifaire :
Les coûts d'achat d'un véhicule automobile sont élevés. Dans ces conditions, l'inclusion, dans le prix d'achat, de systèmes de télécommunications n'aura qu'un effet d'élasticité modeste sur les comportements des acquéreurs.
De même, les coûts d'utilisation de l'automobile étant relativement importants, le prix d'un abonnement à des réseaux de guidage ou d'assistance pourra paraître relativement mesuré.
- la perméabilité d'acquisition des usages : celle-ci découle à la fois de la progressivité de ces acquisitions et d'un effet de démonstration.
Même si la période de cinq ans que l'on comptait, il y a quelques années, du début de la conception d'un véhicule à sa mise sur le marché s'est raccourcie, les progrès dans l'automobile sont introduits par vague, modèle après modèle.
Ce rythme de production facilitera probablement une acquisition, progressive et donc maîtrisée, de l'apport des services de télécommunications. Par là même, il constituera une sûreté pour les industriels qui n'auront pas à procéder à des anticipations aléatoires, reposant sur le degré d'acceptation de ces nouveaux produits.
Par ailleurs, l'automobile est un des produits qui fait l'objet de forts comportements de démonstration de la part de ses acquéreurs. Dans un marché où la différence entre les véhicules repose moins qu'auparavant sur la puissance mécanique, le degré d'équipement en systèmes de télécommunication peut constituer un argument d'achat non négligeable.
Les croisements entre l'industrie automobile et les télécommunications s'effectuent dans plusieurs domaines dont les techniques peuvent, le cas échéant, se compléter :
1. les prolongements des techniques de positionnement satellitaire
Déjà mentionnés dans le rôle qu'ils jouent dans l'automatisation de la chaîne logistique, les systèmes de positionnement permettent également de gérer des flottes de véhicules individuels (parc de location, taxis) et d'apporter une aide à la navigation des particuliers.
On peut distinguer :
- les systèmes de navigation et de guidage qui sont déjà proposés sur des modèles de véhicules en vente,
- les systèmes de secours et d'assistance - lien avec un réseau de réparation, déclenchement automatique d'un secours à l'occasion d'un choc, qui commencent à être proposés,
- les systèmes antivol ou anti-perte de clé de contact,
- les systèmes d'orientation et d'information touristique (emplacement des commerces et des services, localisation et documentation sur les lieux à visiter, etc.),
Il faut bien mesurer l'importance que peut avoir l'abonnement à un service de ce type. Il ne conduit pas seulement à une utilisation linéaire du réseau.
Plus l'utilisation de ce service sera répandue, plus, en parallèle, l'offre se constituera.
En particulier de la part des commerçants locaux qui présenteront à une clientèle automobile de passage ou à une clientèle résidente leurs nouveautés ou leurs ventes promotionnelles.
* 10 indépendamment des problèmes qu'il pose en termes de concurrence et de préservation des libertés individuelles