s) M. Georges de MONESTROL, Président de la Fédération nationale des associations francaises d'inventeurs (FNAFI) - Mardi 22 mai 2001
M. Georges de Monestrol - Les adhérents de la FNAFI soutiennent à une écrasante majorité le projet d'accord de Londres sur le régime linguistique du brevet européen, dont ils demandent depuis longtemps une simplification du régime linguistique, ainsi que la création d'un brevet communautaire. La « solution globale » un temps proposée par l'OEB était une piste intéressante. Nous regrettons que les Conseils en propriété industrielle l'aient contrée. Les marges que ces derniers réalisent sur les traductions en doublent le prix.
M. Francis Grignon, rapporteur - Quelle est la part relative des traductions dans le coût total d'un brevet européen ?
M. Georges de Monestrol - Pour un brevet de 20 pages, traduit en 4 langues, 40 % me paraît une bonne estimation de ce coût. Si le système envisagé de traduction par l'INPI était retenu, nous souhaiterions soit des traductions automatiques par ordinateur -certes imparfaites, mais donnant déjà une première idée- ou une traduction déléguée au moins-disant en matière de prix.
Les taxes de l'OEB représentent aussi une partie importante du coût du brevet européen. En outre, les délais de délivrance sont beaucoup trop longs. L'OEB se refuse, malgré l'engorgement actuel, à sous-traiter l'examen de la délivrance aux offices nationaux, ce qui est regrettable. Le personnel y est deux fois plus nombreux qu'à l'USPTO, et les taxes deux fois plus élevées. En outre, l'USPTO accorde 50 % de réduction aux petites entités, mais pas l'OEB. Je suis partisan d'une sous-traitance de l'examen des demandes déposées à l'OEB. En outre, le déposant ne dispose du rapport de recherche qu'au bout de 9 à 10 mois, ce qui ne lui laisse que peu de temps (2 à 3 mois) pour décider, en bénéficiant du droit de priorité de 12 mois, d'une extension dans le cadre européen. Cette extension nécessite le paiement des taxes de dépôt et de recherche à l'OEB, alors que ce court délai ne permet pas d'apprécier réellement les perspectives de commercialisation.
Le régime européen de la « nouveauté absolue », qui empêche de déposer un brevet dès lors qu'il y a divulgation de l'invention, gène les PME et les inventeurs indépendants. Il empêche de communiquer à l'extérieur pour faire appel à des experts, pour réaliser des études de marché... Dans la plupart des pays industrialisés existe une possibilité, ouverte pendant 6 à 12 mois, de communiquer sur l'invention avant de faire la demande de brevet (« délai de grâce »). J'ajoute deux faiblesses supplémentaires du système européen :
- l'absence d'assurance « protection juridique » pour les exploitants de brevet ;
- le manque de capital-risque initial pour évaluer puis lancer les innovations.
M. Francis Grignon, rapporteur - Combien de brevets sont déposés chaque année par les inventeurs indépendants ?
M. Georges de Monestrol - Par la voie française, 4.000 par an, soit 30 % du total des dépôts par la voie nationale. le brevet français ne coûte pas cher.
M. Francis Grignon, rapporteur - Pourquoi un faible nombre de dépôts par les déposants français ?
M. Georges de Monestrol - A mon avis pour plusieurs causes :
- un manque de culture et de formation au brevet ;
- un régime rarement incitatif pour les salariés inventeurs, contrairement à l'Allemagne et au Japon, où ils sont systématiquement récompensés ;
- un système judiciaire critiquable à plusieurs titres : pas assez spécialisé (2 ou 3 tribunaux compétents suffiraient) ; une absence de juges « techniciens » dans les formations de jugement, contrairement à l'Allemagne, aux Etats-Unis et au Japon ; des délais de jugement excessifs (3 ans pour la première instance) ; des indemnisations trop faibles, parfois simplement égales au prix de la licence d'exploitation que le contrefacteur aurait dû payer, et donc non dissuasives ; un remboursement insuffisant des frais de procédure.
Les PME connaissent les failles du système juridictionnel, ce qui les dissuade de déposer des brevets. Dans le système du brevet communautaire, les procédures judiciaires devraient être plus efficaces. En France, le système actuel n'est pas satisfaisant.
Pour les inventeurs indépendants, le régime fiscal des revenus de leur brevet n'est pas incitatif :
- soumis au régime des plus values à long terme, les royalties subissent une imposition à 16 % puis à la CSG et à la contribution RDS, soit 26 % ;
- en outre, l'URSSAF prélève des cotisations sociales (plus de 30 % avant impôt) sur ces sommes, considérées comme des revenus réguliers.
Beaucoup d'inventeurs tentent d'échapper à cette fiscalité pénalisante en percevant leurs redevances à l'étranger ou en créant des sociétés.
M. Francis Grignon, rapporteur - Avez-vous des données plus précises sur le profil des déposants en France ?
M. Georges de Monestrol - Un tiers sont des inventeurs indépendants, un tiers des PME et 40 % sont des entreprises de plus de 500 salariés. Le ministre actuellement chargé de l'industrie, comme son prédécesseur, est attaché à faire progresser la propriété industrielle.