2. Des singularités bien connues du système américain
Il faut d'abord souligner la force de la culture de la propriété intellectuelle aux Etats-Unis. Le fondement du droit américain des brevets d'invention est constitutionnel : la section 8 de l'article I de la Constitution de 1787 accorde au Congrès le « pouvoir de promouvoir le progrès des arts utiles et des sciences en garantissant pour un temps limité aux auteurs et inventeurs un droit exclusif sur leurs écrits et découvertes ».
Dans leur réponse très complète au questionnaire de votre rapporteur, les services d'expansion économique dans ce pays soulignent que « les droits de propriété intellectuelle sont considérés par les sociétés américaines comme des éléments de leur capital qu'il faut, au même titre que celui-ci, faire fructifier et protéger. Cette conception se traduit par une forte augmentation du nombre des brevets déposés par les entreprises américaines, tendance accentuée par la nouvelle économie ».
Traditionnellement sensibles à cet enjeu, les Etats-Unis ont, en outre, mis en oeuvre, dans les années 1980, une politique offensive en matière de propriété industrielle, qui s'est notamment traduite par l'instauration d'une cour d'appel unique au niveau fédéral, par un alourdissement de la sanction des contrefaçons ou encore par l'instauration de tarifs préférentiels (deux fois moins chers) pour les « petites entités » (les PME). Les singularités du système américain des brevets sont bien connues : votre rapporteur se contentera d'en évoquer les grands traits. Quatre points méritent particulièrement d'être soulignés.
a) Le système du « premier inventeur »
Alors que pour déterminer la priorité d'un inventeur, les autres régimes juridiques d'octroi de brevets reposent sur la notion de premier déposant (« first to file »), le régime américain s'articule autour de la priorité du premier inventeur (« first to invent »), ce qui a des conséquences très importantes en matière de preuve de l'invention en cas de litige. Ce système, complexe, qui est destiné à favoriser une meilleure équité entre inventeurs, est générateur d'insécurité juridique pour le déposant.
En présence de deux inventeurs différents revendiquant chacun la paternité d'une même invention, le droit américain privilégiera donc les droits du premier inventeur, ce qui implique qu'un inventeur ayant déposé en second une demande de brevet peut se voir accorder la titularité du brevet définitif s'il a été le premier à exécuter pratiquement l'invention.
Conséquence directe de ce principe du « premier inventeur », une procédure « d'interférence » peut être mise en oeuvre pour désigner qui est, aux yeux de la loi, le premier et véritable inventeur quand deux inventeurs concurrents revendiquent la même invention. Cette procédure est complexe et lourde et son déroulement s'inspire de celui des actions judiciaires (une phase d'instruction et une phase de jugement). Elle est en outre coûteuse pour le déposant.
Ces règles juridiques obligent l'inventeur -et notamment les déposants français- à s'entourer de précautions supplémentaires en matière de preuve d'antériorité.
En outre, l'entrée en vigueur des accords du GATT sur la propriété intellectuelle (les accords ADPIC), le 1 er janvier 1996, soumettent l'inventeur étranger à deux régimes probatoires distincts :
- pour les inventions antérieures à cette date, les éléments de preuve de la mise au point de son invention (témoignages, cahiers de recherche...) recueillis en dehors du territoire américain ne sont pas pris en compte, la date de conception de l'invention étant assimilée à celle du dépôt du brevet national d'origine. Pour cette raison, il est recommandé aux déposants étrangers d'envoyer à un correspondant résidant aux Etats-Unis ces éléments de preuve, ou à l'Office américain des brevets ;
- pour les inventions postérieures, ces éléments de preuve sont pris en compte, même s'ils n'ont pas eu lieu sur le territoire américain.