II. LE DÉBAT ENTRE DROIT D'USUFRUIT ET PLEINE PROPRIÉTÉ

A partir du même constat -notre droit successoral est particulièrement défavorable au conjoint survivant-, les deux propositions de loi soumises à l'examen de notre Délégation suggèrent des voies d'amélioration différentes, qui illustrent le débat récurrent entre solutions d'usufruit et de pleine propriété.

A. LA PROPOSITION DE LOI VIDALIES

En passant, selon son auteur, « d'une logique du sang à une logique de l'affection », la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale vise à améliorer la situation du conjoint survivant en lui reconnaissant la pleine propriété :

- du quart de la succession en présence d'enfants ou de descendants du défunt ;

- de la moitié si, à défaut d'enfants ou de descendants, le défunt laisse ses père et mère, et des trois-quarts s'il ne laisse que l'un d'entre eux ;

- de la totalité de la succession dans les autres cas.

Le conjoint survivant, qui ne vient actuellement qu'après les frères, soeurs, neveux et nièces, et ne prime guère que sur les oncles, tantes et cousins, verrait ainsi sa place nettement revalorisée dans l'ordre successoral ; il serait en concours avec les héritiers réservataires du défunt que sont ses descendants et ses parents. Les collatéraux privilégiés du défunt seraient écartés de la succession, tout comme ses grands-parents. Il est toutefois prévu que les grands-parents qui se trouveraient dans un état de dénuement pourront bénéficier d'une créance d'aliments contre la succession, les aliments étant accordés en proportion respective de leurs besoins et de ceux du conjoint survivant.

B. LA PROPOSITION DE LOI ABOUT

La proposition de loi de notre collègue Nicolas About fait de la présence ou non de descendants une distinction fondamentale et suit, ce faisant, les recommandations du rapport Dekeuwer-Défossez 6 ( * ) :

- en l'absence de descendants, le conjoint survivant hériterait en pleine propriété de la moitié des biens de son époux, « à égalité » avec les parents de ce dernier, et, dans l'hypothèse où un des parents ou les deux parents seraient prédécédés, il recevrait par transfert de leurs parts respectives la propriété des trois-quarts ou de la totalité des biens ;

- en présence de descendants, le conjoint survivant recevrait la totalité de l'usufruit des biens, les enfants pouvant réclamer, s'ils le souhaitent, leur part d'héritage au moment de la succession, mais en abandonnant en contrepartie leurs droits dans la quotité disponible.

Autrement dit, la proposition de loi About suggère d'accorder au conjoint survivant des droits en pleine propriété non pas dans tous les cas de configuration familiale comme la proposition Viladies, mais dans la seule hypothèse où le défunt n'a pas de descendance. Dans les situations les plus fréquentes, c'est-à-dire en présence d'enfants, elle privilégie l'octroi de la totalité de l'usufruit.

* 6 « Rénover le droit de la famille. Propositions pour un droit adapté aux réalités et aux aspirations de notre temps ». Rapport au Garde des Sceaux, ministre de la Justice - novembre 1999.

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