B. L'UTILITÉ DE L'HOMME DANS L'ESPACE
1. La mise en oeuvre d'expériences scientifiques en microgravité
Il y a une quinzaine d'années, certains espéraient que la microgravité permettrait la production commerciale de matériaux : alliages métallurgiques, cristaux parfaitement purs ou de substances pharmaceutiques impossibles à obtenir sur Terre en raison des effets perturbateurs induits par la pesanteur. Cela ne s'est pas révélé viable et les travaux menés dans l'espace sont désormais exclusivement du domaine de la recherche et non de la production.
Les recherches en sciences de la matière et sciences de la vie en micropesanteur sont détaillées dans le chapitre consacré à la recherche scientifique spatiale.
En ce qui concerne l' « implication » de l'homme dans la mise en oeuvre des expériences, on peut faire deux remarques :
- Le coût de ces recherches est généralement élevé ; l'intervention des opérateurs humains en orbite est une ressource rare et coûteuse. Il convient donc d'utiliser systématiquement les moyens automatiques ou robotiques disponibles et d'utiliser les compétences humaines en complément de ceux-ci. Ainsi, la communauté scientifique qui étudie les sciences de la vie en microgravité a recours à deux types d'outils : les vaisseaux automatiques russes (Biocosmos, Photon) permettant de réaliser automatiquement des expériences de biologie cellulaire et du développement, de physiologie animale (primates, rongeurs, batraciens, etc.), de radiobiologie pour des missions de courte durée (15 jours en moyenne), mais aussi les systèmes habités avec présence d'astronautes à bord pour des durées de 7 jours à plusieurs mois (6 mois en moyenne), voire plus d'une année.
- Lorsque l'astronaute agit en tant qu'opérateur, le fait qu'il soit un être humain et non un robot constitue à la fois un avantage et un inconvénient.
Pour la plupart des expériences réalisées à bord de stations orbitales, l'intervention humaine est réduite (régler un thermostat, mettre une cartouche de produit dans un four, etc.) mais elle peut être, dans certains cas, indispensable : un astronaute français réussit ainsi, en rebranchant des câbles, à sauver une expérience au cours du vol LMS de Spacelab en juin 1996. De même, l'intervention de l'homme peut s'avérer indispensable pour placer et réparer des très grands équipements en orbite tels que les télescopes Hubble ou Chandra, à condition naturellement qu'ils soient sur une orbite accessible et qu'ils aient été prévus pour cela.
En revanche, la présence de l'être humain peut être une gêne lorsqu'une expérience fait appel à des matériaux toxiques, ou simplement parce que la présence des hommes à bord des stations engendre des accélérations et des vibrations qui peuvent perturber certaines manipulations.
Les expériences en sciences de la matière et en sciences de la vie réalisées dans l'espace peuvent aboutir à des résultats tout à fait intéressants, mais leur coût est très élevé.
Les expériences scientifiques en microgravité ne peuvent, à elles seules, justifier la présence d'opérateurs humains dans l'espace.
C'est en tant qu'objet d'expérience que l'homme est intéressant.
2. La médecine spatiale
La véritable justification de la présence de l'homme dans l'espace est l'étude des agressions diverses qu'il peut y subir et des réponses à apporter. C'est une étape indispensable à franchir si l'on considère que l'homme sera appelé à faire, dans l'avenir, des séjours prolongés dans l'espace pour atteindre des planètes éloignées.
L'environnement spatial est un environnement hostile pour l'homme et plus généralement pour les objets vivants pour les raisons suivantes :
- l'absence de pesanteur (ou microgravité) responsable d'une égalisation de la pression veineuse dans l'ensemble du corps humain, d'une absence de poids entraînant des efforts peu intenses et d'une limitation des mouvements,
- l'existence d'une situation de confinement et d'isolement à l'origine de toute une série de problèmes psycho-sociaux, pouvant aboutir à de conséquences psycho-pathologiques,
- l'existence d'un niveau élevé de radiations ; pour certaines d'entre elles, on ne connaît pas les effets biologiques (les ions lourds en particulier),
- enfin, lors des sorties extravéhiculaires, l'absence d'atmosphère et les chocs thermiques qui résultent des changements de la position de la station spatiale par rapport au soleil.
Les expériences et observations réalisées sur les astronautes permettent de mieux connaître ces différents phénomènes et d'y trouver des solutions. Elles peuvent avoir des retombées pour le médecin « terrestre ».
L'absence de pesanteur constituant la caractéristique principale de ce milieu, l'étude des effets physiologiques induits par celle-ci a permis de déceler et de découvrir des mécanismes de régulation du métabolisme.
En microgravité, l'organisme humain présente tous les symptômes du vieillissement : troubles de la circulation, perte d'équilibre, atrophie musculaire, ostéoporose.
L'observation de ces phénomènes et des moyens mis au point pour tenter de les contrer est indispensable dans l'optique de séjours de très longue durée dans l'espace et, par ailleurs, contribue à résoudre certains problèmes médicaux terrestres, notamment l'ostéoporose liée à la ménopause.
On songe par exemple à utiliser des substances actives ayant pour cible les récepteurs spécifiques à la gravité au niveau des cellules osseuses. En novembre 1998, à bord de la navette Discovery, un protocole d'expérience de stimulation de croissance osseuse a été testé sur des cultures cellulaires grâce à une molécule développée par la compagnie canadienne de biotechnologie Allelix et le groupe pharmaceutique suédois Astra.
Dans d'autres domaines aussi, les appareils et tests mis au point pour les cosmonautes sont utilisés dans les cabinets médicaux et les hôpitaux afin de parfaire les approches diagnostique et thérapeutique : locomètre, oculomètre, système de stimulation vibratoire pour lutter contre l'ankylose articulaire des membres plâtrés, kinésigraphe, scanner portable pour évaluer la déminéralisation osseuse, caisson à dépressurisation pour certains insuffisants cardiaques en attente de greffe, pompe à insuline implantables, holter pour l'enregistrement continu de l'activité électrique du coeur...