C. ONDES GRAVITATIONNELLES - PROJET LISA
Les ondes gravitationnelles sont des perturbations de la métrique d'espace-temps, qui se propagent à la vitesse de la lumière. Le rayonnement gravitationnel n'a jamais été détecté directement mais seulement de manière indirecte en astronomie (en particulier par l'effet de réaction qu'il induit sur le mouvement orbital du pulsar binaire PSR 1913+16). Si pour des objets ordinaires l'amplitude de l'onde gravitationnelle est en général très faible, dans le cas extrême de sources astrophysiques impliquant par exemple des trous noirs massifs et des systèmes binaires compacts, la puissance émise pourrait atteindre une valeur mesurable.
Des antennes gravitationnelles terrestres sont actuellement en construction en plusieurs sites, comme Pise pour le projet franco-italien Virgo. Ces détecteurs sont adaptés à des ondes de fréquence relativement élevées, allant de quelques Hz à plusieurs kHz. Il leur est très difficile, par principe, d'étendre leur sensibilité vers le bas en raison des mouvements du sol terrestre qui engendrent des gradients dynamiques de gravité donnant un bruit prohibitif à basse fréquence (< 1 Hz), et pratiquement, en raison de la limite de dimensions imposée par la taille des terrains disponibles, et donc des interféromètres.
L'idée de se libérer à la fois du bruit terrestre et des limitations d'emprise au sol par l'installation dans l'espace d'un interféromètre gravitationnel de très grande dimension a donné lieu à la proposition de projet spatial Lisa, dans le cadre du programme Horizons 2000 de l'ESA. Lisa détectera les ondes gravitationnelles dans la bande de fréquence entre 10-1 et 10-4 Hz inaccessible depuis le sol. Le principe de base consiste à établir entre des satellites très distants des liens optiques tels que la phase reçue soit en permanence mesurée par comparaison avec un oscillateur local. La comparaison de deux trajets optiques distincts entre plusieurs satellites (effectuée avec une précision correspondant à moins de 20 pm/Hz 1/2 ) donne l'information sur l'effet de l'onde gravitationnelle qui se propagerait entre les deux bras de l'interféromètre de Michelson. Il est nécessaire que les satellites renferment en leur sein des masses inertielles, en chute libre sous l'effet des seuls champs gravitationnels et soustraites à l'effet perturbateur de l'atmosphère résiduelle ou des pressions de radiation. Chaque masse définit l'une des extrémités des trajets optiques et constitue la référence du système de compensation de traînée nécessaire au contrôle du satellite autour d'elle. Le satellite, porteur du banc laser néodyme de deux watts environ et du télescope constitue ainsi une enveloppe protectrice pour la masse, sa position et son attitude relative étant asservies au moyen de micropropulseurs ioniques.
Lisa consiste en trois satellites contenant chacun deux masses inertielles associées à deux télescopes de 38cm d'ouverture et disposés aux sommets d'un triangle équilatéral de 5.106 km de côté. La configuration des trois satellites est sur une orbite héliocentrique de rayon 1 UA, suivant la Terre avec un retard de 20 jours.
La réalisation de ce projet nécessite des développements technologiques ardus, notamment dans le domaine des lasers ultrastables, des télescopes, des accéléromètres, des propulseurs ioniques et de la compensation de traînée. Des équipes françaises possèdent déjà des savoir-faire reconnus dans ces domaines grâce à leur participation à des projets spatiaux nécessitant des technologies analogues (Microscope) ou au projet terrestre de détection d'ondes gravitationnelles Virgo. Des actions de R&T sont en cours (microaccéléromètres électrostatiques à l'ONERA, stabilisation de lasers Yb: YAG asservis en fréquence à long terme à l'Observatoire de la Côte d'Azur, département Fresnel).