5. PRÉPARATION DE L'AVENIR EN EUROPE
De toute évidence, l'Europe gagnera à développer, suivant des cycles plus courts (pour coller au plus près du marché) à des coûts réduits et en prenant des risques limités, une véritable gamme de lanceurs économiquement compétitifs.
Ceci ne peut être obtenu qu'en prévoyant :
ð Une famille de lanceurs construits à partir de systèmes propulsifs communs, ce qui conduira à une réduction de coût et à une augmentation de la fiabilité par augmentation des cadences de production des éléments communs.
ð Des démonstrations et des développements fondés sur des "briques technologiques" nécessaires à plusieurs éléments de la gamme de lanceurs.
Les programmes conduits par le CNES pour le compte de l'ESA sont de plus en plus contraints financièrement, en raison des diminutions des dépenses des Etats. Ce constat impose de trouver des stratégies technologiques répondant à la fois aux préoccupations de préparation de l'avenir, de développement de produits nouveaux à coût / délais / risques minimaux et d'amélioration continue des produits existants.
Ces stratégies existent.
I. 5.1. DES PROGRAMMES DE RECHERCHE ET TECHNOLOGIE SOLIDES
Les programmes de R&T conduits par le CNES et par l'ESA, au niveau national ou européen, permettent de développer des technologies qui servent à la fois à améliorer les performances des moteurs, et à explorer des solutions moins coûteuses.
En réunissant les équipes de recherche (plus de 100 laboratoires en France et en Europe) et les équipes d'ingénieurs dans l'industrie (les travaux sont cofinancés par les industriels), ces activités ont contribué à bâtir un réseau de spécialistes aptes à répondre aux problèmes inévitables de la vie opérationnelle d'un lanceur, notamment dans le domaine de la propulsion, et ont forgé la compétence incontestable des experts français 47 ( * ) .
La très grande sensibilité des lanceurs aux gains d'efficacité sur sa propulsion 48 ( * ) , plaide pour des efforts d'amélioration de la technologie disponible.
II. 5.2. DES DÉMONSTRATEURS EN PROLONGEMENT DE LA R&T AMONT
Afin de diminuer les risques en développement, de valider les technologies issues de la R&T amont, d'être en mesure d'anticiper les difficultés, les démonstrateurs exploratoires ou les démonstrateurs produits sont au coeur des stratégies actuelles de préparation de l'avenir.
Dans le domaine de la propulsion, le test en vol n'est pas systématiquement nécessaire. Bien des résultats sont atteints par des essais moins coûteux mais répétés au sol, lors desquels différentes configurations et de larges plages de fonctionnement sont explorées, avant les vols.
Cette stratégie a été depuis les années 60-70 largement adoptée aux Etats-Unis, et a débouché sur les moteurs de la navette spatiale (début des années 80), ou encore sur la validation plus récente, dans le cadre de programmes militaires, de technologies mises en oeuvre actuellement pour des moteurs civils.
En Europe la situation est cependant contrastée.
Le moteur-fusée HM4, conçu au début des années 60 et qui n'a jamais volé, peut en effet être considéré comme un démonstrateur qui a permis de mettre au point le moteur-fusée d'étage supérieur HM7. Ce dernier a fait le succès d'Ariane 1 à 4, et sera encore employé en intérim sur Ariane 5 (ESCA) avant qu'un moteur moderne qui puisse être produit à bas coût soit disponible (Vinci).
On peut regretter qu'entre temps aucun démonstrateur n'ait pu contribuer aux évolutions nécessaires pour la gamme des moteurs de très hautes performances d'étages supérieurs de lanceurs. Tant les risques, que les coûts en auraient été diminués plus facilement.
Aujourd'hui, afin de prendre en compte les contraintes budgétaires spécifiques de l'Europe, l'approche qui assure une continuité entre la R&T amont et les démonstrateurs exploratoires, peut servir aussi à des mises en oeuvre opérationnelles rapides et opportunes de composants au sein d'une politique « lanceurs », et jouer sur une utilisation multiple qui diminue les coûts de production par effets d'échelle : c'est la notion de « briques technologiques ».
* 47 Cette activité stratégique a été renforcée en France, dans la seconde moitié des années 80, après les échecs d'Ariane 1 aux vols V15 et V18 qui nécessitaient des travaux de compréhension. Elle a permis au CNES de mener une politique d'innovation progressive dans le domaine des lanceurs et aux industriels, de répondre aux problèmes opérationnels
* 48 Améliorer de 1% l'efficacité du Vulcain d'Ariane 5, permet d'augmenter la charge utile de 350 kg en orbite de transfert géostationnaire (soit près de 800 kg en orbite basse)