B. UNE ADHÉSION MOTIVÉE ESSENTIELLEMENT PAR DES RAISONS POLITIQUES
Alors que, pour la plupart des pays candidats, la recherche de sécurité justifie leur volonté d'intégrer l'OTAN, ce n'est pas le cas pour Chypre, dès lors que la Turquie, comme la Grèce, participe à cette alliance. L'Union européenne est donc perçue avant tout comme une garantie de sécurité face à une éventuelle agression turque . Pour les autorités chypriotes, l'adhésion à l'Union européenne doit également constituer une incitation forte à la réunification de l'île. Elles considèrent que si Chypre adhère à l'Union, la partie turque de l'île sera incitée à en faire de même, et s'engagera nécessairement dans des négociations visant à une réunification de l'île. Dans cette conception, l'adhésion à l'Union européenne est donc quelque peu " instrumentalisée " au profit de la politique intérieure de Chypre . Il convient de rappeler à ce sujet, que, dans sa déclaration d'ouverture des négociations avec Chypre, l'Union européenne avait rappelé que l'adhésion " devait bénéficier à toutes les communautés, y compris la communauté chypriote turque, et concourir à la paix civile et à la réconciliation dans l'île ". Chypre a donc proposé d'ouvrir les négociations d'adhésion aux chypriotes turcs, sur une base paritaire, et espère qu'un rapprochement entre la Grèce et la Turquie conduise le président de la " République turque de Chypre du nord " à participer à cette démarche.
Cependant, pour le moment, la " République turque de Chypre du nord " s'est refusée à tout rapprochement avec l'autre partie de l'île. Il n'est en effet pas concevable pour elle de participer d'une manière ou d'une autre à un processus d'adhésion à l'Union européenne tant que la candidature de la Turquie continuera de susciter des réserves de la part des Etats membres de l'Union. Il convient par ailleurs d'indiquer que la Turquie, de par sa position de membre de l'OTAN et de candidat à l'Union européenne, est à même de bloquer les négociations entre l'Union européenne et l'OTAN, en raison de la règle de décision au consensus.
Or, si les autorités grecques souhaitent que toute l'île de Chypre adhère à l'Union européenne, ils entendent bien bloquer en revanche l'adhésion de la Turquie. En réponse, les dirigeants turcs menacent d'accéder aux demandes des autorités de la " République turque du nord de Chypre " qui envisagent de fusionner leur Etat non reconnu par la communauté internationale au sein de la Turquie.
Les chypriotes grecs et turcs en sont à leur quatrième round de " pourparlers indirects " sous l'égide de l'ONU. Ces négociations sont totalement infructueuses . En décembre, le président de la " République turque du nord de Chypre ", Rauf Denktash, a quitté la table de négociation, exigeant comme préalable que la " République turque du nord de Chypre " soit reconnue comme une entité politique indépendante, avec un statut identique à la partie grecque de l'île.
Lorsque les négociations d'adhésion de la République de Chypre à l'Union européenne arriveront à leur terme, la Turquie sera contrainte soit de laisser les seuls Chypriotes grecs bénéficier de l'adhésion, soit de s'opposer à cette adhésion par tous les moyens, au risque de fragiliser davantage sa propre candidature à l'entrée dans l'Union, soit enfin de favoriser un compromis entre les deux parties de l'île, ce qu'elle s'est refusée à faire jusqu'à aujourd'hui.
En tout état de cause, la population de la " République turque du nord de Chypre " ne souhaite pas une intégration à la Turquie et préfère, selon un sondage 8 ( * ) , une confédération avec la partie grecque de l'île (32 %) ou l'indépendance complète (23 %). Seulement 8 % de la population souhaite une intégration à la Turquie, et 5 %, une île réunifiée. En revanche, selon le même sondage, 90 % des chypriotes-turcs sont favorables à l'entrée dans l'Union européenne, considérée comme la seule solution au sous-développement économique de cette partie de l'île .
* 8 Cité dans un article de " the Economist " du 24 février 2001, " The Cyprus conundrum ".