2.3. POUR LA SOCIÉTÉ
2.3.1. LA FORMATION PROFESSIONNELLE
2.3.1.1. Les biologistes
Voici
quelques recommandations pour adapter la formation des biologistes aux nouveaux
besoins :
- Favoriser l'éclosion de " vocations " pour la
biologie :
il conviendrait, dans cette optique, d'offrir à tous
les étudiants de médecine et de pharmacie qui ne sont pas
reçus au concours de fin de première année, à cause
du
numerus clausus
, la possibilité de passer directement en
deuxième année du DEUG de biologie, à condition d'avoir
obtenu soit une moyenne de 10 dans toutes les matières enseignées
en première année de médecine ou de pharmacie, soit une
moyenne de 12 en biologie. Des passerelles de ce type existent aujourd'hui
mais :
elles sont inégalement mises en oeuvre en fonction des
différentes facultés ;
elle ne tiennent pas compte de façon spécifique de la note
en biologie ;
elles ne font pas toujours l'objet d'une information bien diffusée
chez les étudiants ;
elles offrent un nombre limité de places générant un
" gâchis " intellectuel considérable. Il serait
très profitable, en effet, aux facultés de biologie, de recruter
ces étudiants qui ont suivi une formation scientifique au cours de leur
première année de médecine ou de pharmacie.
- Encourager l'enseignement de la biologie dans les universités
situées près des biopôles
. Ainsi, l'Université
d'Évry a créé un DEUG de sciences de la vie, une licence
de biologie moléculaire et physiologie, ainsi qu'une maîtrise de
biologie moléculaire (mention génétique humaine) ;
elle envisage aussi d'orienter vers la biologie certaines matières
déjà enseignées comme l'informatique ou les
mathématiques. Ce type d'initiative favorise considérablement la
synergie entre les universités et les biopôles.
- Instituer une option " informatique " dans tous les cursus
de biologie
afin de faciliter le dialogue entre biologistes et
informaticiens et, éventuellement, de susciter des vocations de
bio-informaticiens chez certains biologistes.
- Créer des écoles doctorales de biologie qui proposent
des spécialisation en GÉNOMIQUE, BIOTECHNOLOGIE, BIOLOGIE
STRUCTURALE, RECHERCHE THÉRAPEUTIQUE et BIO-INFORMATIQUE
. Les
écoles doctorales sont les structures administratives chargées,
au sein des universités et des grandes écoles, de l'organisation
des DEA et des thèses. Depuis deux ou trois ans certaines écoles
doctorales en biologie, outre leurs fonction administrative, proposent à
leurs étudiants des enseignements les préparant aux
métiers des biotechnologies. Mais ces initiatives ne sont pas
systématiques et dépendent des directeurs de ces écoles.
Sur une vingtaine d'écoles doctorales françaises, un quart ne
propose aucun enseignement de ce type, alors qu'un autre quart offre un cursus
très intéressant à ses étudiants.
LES ÉCOLES DOCTORALES LES PLUS DYNAMIQUES EN 1997-1998 |
|||
Écoles |
Nombre d'étudiants |
Organisation des enseignements |
Les " plus " |
École doctorale " sciences de la vie et de la santé " de Toulouse |
280 |
- 25 modules.
|
Biostatistiques, législation européenne |
École doctorale " biochimie et biologie moléculaire " de Paris-VII |
400 |
- 17 modules.
|
Protection et valorisation des recherches, cours d'économie à l'université de Paris-Dauphine |
École doctorale " biologie et santé " de Vandoeuvre-les-Nancy |
400 |
- Accompagnement sur 3 ans du thésard |
Initiation à la démarche qualité |
Collège d'études doctorales " sciences et santé " d'Amiens |
115 |
- 11 modules.
|
Gestion de projets, création d'entreprises en collaboration avec l'UTC Compiègne |
(89( * ))
Il est
indispensable de systématiser et d'officialiser la mission
d'enseignement des écoles doctorales. Il faut également en
créer un certain nombre, pour les matières
précitées, dans les universités situées près
des biopôles. Elles devraient dispenser une double formation et permettre
aux étudiants de 3
e
cycle d'étudier,
parallèlement à leur spécialité, des
matières destinées à développer leur " culture
entrepreneuriale " : veille technologique et intelligence
économique, propriété industrielle, réglementation,
communication, capital-risque, connaissance des marchés, gestion des
ressources humaines...).
Cette double formation doit pouvoir être reconnue et il convient donc de
modifier les titres universitaires décernés en fin de cursus pour
que les étudiants puissent se prévaloir de cette double
compétence.
2.3.1.2. Les médecins et les pharmaciens
- À l'issue de la première
année
,
il faut
, ainsi que cela a été
exposé ci-dessus,
favoriser la reconversion en biologie
.
-
Dès le second cycle, les étudiants doivent aborder la
génomique
. Cela a semblé particulièrement important
à la Commission " Génétique et Pharmaciens "
instituée au Conseil national de l'Ordre des Pharmaciens.
" La Commission estime qu'il est important d'organiser, au niveau de la
formation commune de base des pharmaciens, un enseignement de sensibilisation
à la génétique.
Actuellement, ces formations sont très disparates, que ce soit en nombre
d'heures de cours ou selon les thèmes abordés.
L'enseignement est majoritairement réalisé par des professeurs de
différentes disciplines.
Il semble souhaitable de fixer à la fois un minimum d'heures de
formation, de définir un contenu plus précis des formations et
d'en donner la responsabilité à une ou deux disciplines
biologiques définies. "
Quant aux médecins, il est indispensable de leur faire connaître
l'essor des tests génétiques, leur réalisation sur des
biopuces et de les sensibiliser aux problèmes que posera la
médecine prédictive à tous les praticiens, quelle que soit
leur spécialité.
-
Au niveau du troisième cycle
, comme le préconise la
Commission " génétique et pharmaciens ",
il faudrait
organiser
une formation spécialisée de
génétique
permettant aux pharmaciens biologistes
d'accéder à une formation diplômante de
génétique
.
Une autre de ses propositions est également intéressante :
" La commission souhaite pouvoir
organiser un rapprochement entre le
DES de génétique
, lequel n'est actuellement ouvert qu'aux
médecins,
et le DES de biologie médicale
. Ainsi pourraient
être associés aux 4 semestres d'enseignement polyvalent du
DES de biologie médicale, 4 semestres spécialisés en
génétique biologique, enseignement partagé avec les
étudiants du DES de génétique.
Cet enseignement nouveau permettrait la reconnaissance, pour les pharmaciens et
médecins biologistes, de compétences en génétique
jusqu'à présent inexistantes. "
Par ailleurs, il convient de revitaliser la recherche sur le médicament
en France et d'assurer un enseignement de haut niveau, favorisant l'application
des découvertes en génomique au domaine des médicaments.
Le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Belgique, la Suisse, l'Italie et l'Allemagne
l'ont déjà fait. En France, il est nécessaire de
créer un troisième cycle de recherche sur le
médicament, ouvert aux pharmaciens, aux médecins et aux
biologistes
.
-
Dans le domaine de la formation continue, il conviendrait de proposer
des " sessions de génomique " aux médecins et
pharmaciens
.
Les pharmaciens biologistes devront bénéficier de cours
renforçant leurs compétences dans les méthodes relevant de
l'analyse des acides nucléiques (biologie moléculaire).
Quant aux 22 000 pharmaciens d'officine qui auront
éventuellement à dispenser des produits d'une nature nouvelle, il
devront compléter leur formation soit par des cours, soit par la
consultation d'une documentation très précise. La façon
dont ils se sont adaptés à la dispensation des
antirétroviraux augure bien de l'avenir.
2.3.1.3. Les bio-informaticiens
- Le besoin urgent de bio-informaticiens
La
formation massive de bio-informaticiens est l'enjeu majeur des années
à venir
. Elle est l'un des moyens que la France doit
impérativement utiliser pour retrouver la place qu'elle occupait dans le
secteur de la génomique au début des années 1990.
L'urgence s'évalue à la lumière de l'initiative prise par
les National Institutes of Health (NIH) américains pour
accélérer considérablement le séquençage du
génome humain dont la première ébauche sera
communiquée au printemps 2000.
Une énorme quantité d'informations brutes, sans aucune
annotation, sera mise à la disposition de l'ensemble de la
communauté internationale. Il faut se garder d'une excessive
naïveté : ces informations ne pourront être
valorisées scientifiquement (articles) et économiquement
(brevets) qu'après avoir été triées,
comparées et analysées. Ces tâches ne peuvent être
accomplies que grâce à la bio-informatique
. C'est pourquoi les
États-Unis peuvent faire preuve de générosité en
offrant ces données brutes à la communauté
internationale ; ils sont très avancés dans le secteur
bio-informatique et vont accroître leurs capacités : en juin
1999, un conseil consultatif fédéral a recommandé aux NIH
d'investir lourdement dans l'informatique et de créer une vingtaine de
centres de formation
90(
*
)
.
Au niveau européen a été fondé le European
Bioinformatics Institute (EBI), situé à Cambridge et placé
sous l'égide du Laboratoire européen de biologie
moléculaire d'Heidelberg.
Au Royaume-Uni et en Allemagne d'intenses efforts ont été faits
depuis 1993.
La France a pris conscience du problème plus récemment. En 1995,
a été créé un Groupement d'Intérêt
Scientifique " Informatique appliquée à l'étude des
biomolécules et des génomes " (INFOBIOGEN), à
l'initiative du ministère de l'enseignement supérieur et de la
recherche, et de l'Association française contre les myopathies.
OBJECTIFS
Les missions de INFOBIOGEN sont :
1.
de développer des activités de transfert et de service
visant à :
assurer la production, la maintenance, la normalisation, la mise en ligne des
logiciels et banques de données thématiques produits par
l'ensemble des équipes françaises travaillant dans le domaine des
génomes et de la structure des molécules ;
permettre à l'ensemble de la communauté scientifique
française un accès interactif aux bases de données, en
particulier en développant la connexion des utilisateurs aux
réseaux nationaux et internationaux et en facilitant l'accès
à des données biologiques actualisées (accès aux
séquences quotidiennes de l'EMBL et des autres grandes bases de
données internationales) ;
fournir une assistance informatique aux équipes françaises dans
leurs projets de cartographie, d'analyse de séquences et des
macromolécules biologiques ;
mettre à leur disposition des programmes d'analyse et de recherche
rapide de similitudes dans les séquences de biomolécules et de
génomes.
2.
d'exercer des actions de formation
;
3.
de coordonner le réseau national des activités de
bio-informatique et de participer à la concertation et à la
coordination nationale et internationale ;
4.
De favoriser la valorisation des logiciels et des banques de
données biologiques produites en France ;
5.
d'avoir une activité de recherche propre comportant en
particulier la création de logiciels d'analyse des génomes et de
biomolécules, la recherche sur les modalités de mise en relation
de bases de données et le développement d'outils d'acquisition de
données, de stockage et d'analyse ;
6.
de proposer des méthodes d'expertise et d'évaluation
dans le domaine de la bio-informatique.
PARTENAIRES DU GIS INFOBIOGEN
Quatre EPST :
le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) ,
l'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche
médicale) ,
l'INRA (Institut national de la recherche agronomique) ,
l'INRIA (Institut national de la recherche informatique et automatique).
Quatre universités parisiennes :
Université de Paris V ;
Université de Paris VI ;
Université de Paris VII ;
Université de Paris XI.
Généthon avec le soutien de l'AFM (Association
française contre les myopathies)
le MENRT (Ministère de l'éducation nationale, de la
recherche et de la technologie)
(91( * ))
Le GIS
INFOBIOGEN a été doté de 15 millions de francs en
1999 au titre des actions prioritaires pour les sciences du vivant
définies par le Comité interministériel de la recherche
scientifique et technologique (CIRST).
Cette impulsion doit être complétée par des actions
tendant à faire connaître aux informaticiens français
l'intérêt de la bio-informatique et à leur
offrir,
dans un premier temps des formations courtes en biologie
. INFOBIOGEN
pourrait, par l'intermédiaire d'Internet, envoyer des messages aux
écoles, IUT et facultés qui enseignent l'informatique ainsi
qu'aux agences de l'emploi (afin, notamment, de réorienter après
janvier 2000 les informaticiens dont la tâche aura été
de gérer le bogue de l'an 2000). Cette activité d'information
doit être accompagnée d'un effort du système
éducatif pour mettre en place des sessions courtes d'initiation à
la biologie.
Compte tenu de la demande et de l'urgence, ces formations pourraient être
partiellement financées par les industries pharmaceutiques et
biotechnologiques.
- Les actions à plus long terme
La
formation d'experts en traitement de l'information génomique doit
devenir l'une des priorités de l'enseignement supérieur, cycle
long et filières professionnalisées confondus. Deux types
d'action peuvent être parallèlement menés :
permettre aux scientifiques d'acquérir des compétences
informatiques de bon niveau
. Ainsi, l'Institut de formation
supérieure en informatique et communication de l'Université de
Rennes propose un DESS de compétence complémentaire en
informatique qui accueille des scientifiques de tous horizons ;
proposer un module de formation " biologie
moléculaire " dans tous les enseignements d'informatique
:
IUT, universités, écoles d'ingénieur, afin que les
informaticiens soient en mesure de dialoguer avec les biologistes pour mieux
adapter leurs programmes aux recherches menées.
L'essentiel est en effet de faciliter les contacts entre deux mondes
très différents mais qui sont devenus
complémentaires : le domaine du vivant et celui de l'ordinateur.
2.3.1.4. La formation des citoyens
Tous les
Français doivent pouvoir acquérir un minimum de connaissances sur
la génétique et ses diverses applications, tant médicales
qu'agro-alimentaires.
une " école de l'ADN " :
des initiatives de
ce type ont été prise outre-Atlantique il y a plus de dix ans. La
plus célèbre, le " DNA Learning Center " de Cold Spring
Harbor (New-York) a eu plus de 150 000 visiteurs en dix ans et
accueille 5 000 stagiaires par an.
À Nîmes, une école de l'ADN a été
créée tout récemment, dans les murs du Muséum
d'Histoire naturelle, à l'initiative de Philippe BERTA, professeur de
biologie (détaché de l'INSERM) à l'université de
Montpellier-Nîmes. Elle s'est dans un premier temps consacrée
à un public de jeunes de l'enseignement secondaire ou supérieur
en proposant, dans quatre ateliers de niveaux différents, de
découvrir l'ADN dans le cadre du laboratoire, avec des
expériences génétiques.
Cette école de l'ADN a connu un tel succès qu'elle envisage,
outre sa fonction d'information, de développer des activités de
formation permanente (pour des juristes, des policiers, des industriels de
l'agro-alimentaire) et de devenir un lieu de débat (bioéthique,
aliments transgéniques...).
Une seconde école de l'ADN pourrait, par exemple, être
créée au sein de la Cité des Sciences et de l'Industrie,
dans le cadre du programme " les défis du vivant " qu'elle va
lancer au printemps 2001
.
Ne serait-il pas pertinent de créer
un parc à
thème, ludique et pédagogique
,
GÉNOSCOPIA
?...