b) "Sensibiliser"
La sensibilisation aux images doit faire appel à ceux
dont c'est le métier. Comme on l'a vu, des initiatives ont
été prises en ce sens, mais restent limitées. Pourquoi pas
une émission sur l'image à une heure de grande
écoute ? Le docteur Serge Tisseron, psychanalyste,
spécialiste de l'image, a d'ailleurs construit un intéressant
projet en ce sens :
" Il est indispensable que les classes publiques prennent en charge
l'organisation d'émissions diffusées aux heures de grande
écoute expliquant comment sont construites et fabriquées les
images
(...)
Une émission de ce type pourrait être
articulée autour de plusieurs séquences :
1. présentation de la séquence telle qu'elle est
montrée,
2. étude de la construction formelle,
3. étude des interprétations des spectateurs, pour montrer
que chacun entre dans l'image avec ses préoccupations propres,
4. mise en scène d'autres plans visuels possibles, pour montrer
comment la même scène peut être montrée
différemment,
5. nouvelle présentation de la séquence, avec plan
différent,
6. présentation de la séquence d'origine et étude des
nouvelles réactions du spectateur invité à voir
différemment ce qu'il a vu au début. "
c) "Faire faire"
"Travaux pratiques" chez les
jeunes
La meilleure façon de comprendre les manipulations d'images est
assurément d'en faire soi-même. Il paraît en effet illusoire
d'expliquer au plus jeunes les différences entre vrai/faux,
réel/virtuel, information/manipulation... En revanche, lorsque chaque
élève aura mis une fausse barbe à un portrait ou aura
rapproché deux personnages sur un écran, il aura compris en une
minute ce qu'est une manipulation d'image et combien elle est facile à
réaliser.
La pédagogie de l'expérimentation dans les collèges, si
nécessaire en sciences, et dont le retour doit être salué,
pourrait parfaitement s'appliquer aux technologies de l'image. La nouvelle
impulsion donnée aux "leçons de choses", aux
expérimentations dans l'enseignement des sciences à
l'école offre une occasion exceptionnelle d'appliquer ces
recommandations.
" Manipuler pour comprendre le réel.
Manipuler pour
comprendre le virtuel
"
. La démarche est la même et,
dans les deux cas, nécessaire et prometteuse.
L'usage collectif des images
La vision collective des images est assurément un moyen de
prévenir les risques de "désocialisation" qui ne sont pas
négligeables. L'analyse montre en effet que ces risques sont moins
liés à l'utilisation de l'image en tant que telle, qu'à
l'utilisation
solitaire
de l'image. Spontanément, un enfant qui
voit un film au cinéma cherche à en parler. Les mots maintiennent
l'équilibre entre le virtuel et le réel, entre l'écran et
l'entourage, entre l'image et la famille, dans une relation enfants/parents...
Les parents sont souvent très réservés à
l'égard des jeux vidéos et irrités par l'usage excessif
qu'en font les enfants. Ils ont raison, car, quand l'enfant joue au jeu
vidéo, il se complaît dans son isolement, et l'image, au lieu
d'être un motif d'échanges, devient un refuge. La faute n'en
revient ni à l'image elle-même, ni à l'enfant, mais
plutôt à l'adulte qui laisse s'établir une cloison entre
l'image et le monde réel.
Sans aller jusqu'à inciter les parents à jouer aux jeux
vidéo en famille, il est souhaitable qu'ils s'y intéressent, afin
d'établir une relation nécessaire à la construction de
l'identité de l'enfant, et d'éviter qu'il évolue vers le
déracinement et un isolement progressif.