b) L'image de synthèse, aide à la décision
L'image de synthèse permet de comparer des projets
différents, de tester en temps réel plusieurs options. Cette
facilité peut être illustrée à travers l'exemple de
la simulation des éclairages.
Encadré n° 14
LES SIMULATIONS D'ÉCLAIRAGE
Les techniques
Il existe deux familles d'images de synthèse appliquées à
l'éclairage : les images colorisées et les images
calculées.
Le premier mode consiste à "colorier" un objet à l'aide d'une
palette graphique, comme le ferait le pinceau d'un peintre pour
représenter l'effet d'un éclairage. La compétence
professionnelle, l'expérience permettent de prendre en compte
l'emplacement précis des projecteurs et, par conséquent, les
ombres liées à la géométrie spécifique de
l'objet illuminé. L'image obtenue, sans être une simple vue
d'artiste, reste néanmoins très proche de l'idée que le
concepteur a de l'illumination qu'il veut réaliser.
L'autre famille est celle des images calculées. La méthode est
radicalement différente, car l'illumination est alors calculée
par ordinateur. Le calcul porte sur l'éclairement (quantité de
lumière reçue par une surface, liée au nombre, la
puissance et la distance des projecteurs) et sur la luminance (degré de
luminosité d'une surface) qui intègre les qualités du
matériau (réflexion, absorption de la lumière),
l'interaction entre les sources lumineuses (source directe par projecteur,
sources indirectes par réflexion des façades et des
matériaux). Le calcul est effectué sur toutes les parties de
l'objet éclairé.
Le calcul est réalisé en trois étapes. Tout d'abord, il
part de la saisie de données (par relevés manuels ou par laser),
pour les bâtiments existants, ou par utilisation de plans pour les
bâtiments à construire. La seconde étape prend en compte
les caractéristiques des matériaux. La troisième
étape décrit le projet du concepteur (répartition spatiale
des projecteurs, puissance...). EDF, en collaboration avec le CRIN (centre de
recherche en informatique de Nancy) et le CRAI (centre de recherche en
architecture et informatique), a développé à cet effet un
"simulateur d'éclairage" (
Phostere
), logiciel de calculs
appliqués aux éclairages extérieurs. La juxtaposition
d'images de synthèse et d'images réelles (décor, immeubles
adjacents, personnages...) permet d'accroître le réalisme à
la représentation.
Le résultat est une image 2 D calculée qui repose sur des
valeurs objectives et traduit le projet du concepteur. Contrairement à
la palette d'images qui permet de montrer un projet -le projet que le
concepteur veut réaliser-, l'image calculée montre un
résultat -avec tel dispositif, l'illumination sera comme cela-.
L'utilisation des simulations d'éclairage
Le simulateur d'éclairage développé par EDF permet de
visualiser la conception d'une illumination adaptée aux
éclairages extérieurs. EDF ne réalise pas les
éclairages, mais réalise en images de synthèse les travaux
proposés par les concepteurs. Ces images, validées par ces
derniers, sont ensuite présentées aux maîtres d'ouvrage.
Plusieurs illuminations ont ainsi été préparées par
des simulations. La première réalisation a porté sur la
Cour Carrée du Louvre, suivie des illuminations des ponts de Paris
(notamment le Pont Neuf), la place Stanislas de Nancy, l'Institut de France.
La simulation présente un double intérêt pour le concepteur
et pour le maître d'ouvrage. Le concepteur peut vérifier la
validité de son projet, tester ses hypothèses. Le travail
réalisé sur la Cour Carrée du Louvre est un bon exemple
d'utilisation de la simulation. En effet, les statues et hauts-reliefs de la
cour présentent à dessein des dissymétries et des
déformations volontaires car elles ont été conçues
pour être vues du sol avec la lumière du soleil. Contrairement
à tout ce qui se faisait en matière d'éclairage
jusqu'alors, où l'on éclairait soit du bas, soit par projection
horizontale, l'architecte des bâtiments de France a souhaité
tester un éclairage vertical, rasant, par le haut. Seule la simulation a
permis de tester et de valider l'hypothèse, et de réaliser ce
type d'éclairage, alors totalement à contre courant des pratiques
habituelles.
EDF se considère comme le
leader
européen, voire mondial,
dans le domaine spécifique de la simulation des éclairages
extérieurs. Les États-Unis ont développé une
technique comparable, mais plus adaptée aux éclairages
intérieurs (logiciel
Light Scape
utilisé pour le projet
architectural d'extension du musée Van Gogh). Cette position de leader
doit cependant être relativisée car, en matière
d'éclairage, il existe des spécificités nationales et
surtout un savoir-faire typiquement français difficilement exportable
(dans beaucoup de pays, l'éclairage est direct, horizontal, massif, les
monuments sont plus "écrasés" que mis en valeur par la
lumière, et la simulation est alors superfétatoire).
Les limites de la simulation
La première limite est économique. Une image 2 D
calculée coûte entre 60.000 et 150.000 F. (L'image 3 D, avec
navigation dans l'image et calcul de l'éclairage en temps réel
selon le point de vue de l'observateur, coûterait 3 ou 4 fois plus.) Pour
EDF, la simulation d'éclairage ne peut être commercialisée
que pour des opérations dont le coût de réalisation est
supérieur à 2 millions de francs. Les travaux d'illumination sur
les monuments anciens nécessitant des techniques particulières
(exemple : pour le Pont Neuf, barges sur la Seine, travaux en suspension...)
représentent souvent des budgets très importants,
supérieurs à 5, voire 10 millions de francs. L'utilisation de la
palette graphique qui représente un coût sans comparaison (de
l'ordre de 3000 F) est plus adaptée aux petits projets.
Sur le plan technique, l'image réalisée reste une
représentation, n'est pas une garantie de réalisation et ne peut
a fortiori être contractualisée. Les conditions naturelles ou
atmosphériques (clarté de la nuit, pluie...) affecteront
l'éclairage réalisé et la perception de ce dernier
changera d'un individu à un autre.
Malgré cette limite, l'image de synthèse réalisée,
construite à partir des spécificités techniques des
matériaux, n'est en rien comparable avec une image
réalisée par palette graphique, où les sens artistique et
commercial comptent au moins autant, sinon davantage, que le réalisme.
Dans le cas de l'image de synthèse, si tout risque de manipulation est
écarté
52(
*
)
, le
risque de déception demeure.
Il convient donc de garder une certaine distance. L'illumination réelle
ne sera jamais exactement celle qui a été montrée.
L'illumination virtuelle ne reste qu'une représentation -la plus
parfaite possible- de la réalité, mais n'est pas la
réalité.
L'avancée française en matière d'illumination du
patrimoine architectural est importante. Mais les sociétés
américaines et japonaises investissent cette technologie. D'autres
secteurs se prêteraient parfaitement aux simulations du même type,
notamment les calculs de radioactivité et surtout le bruit, qui est un
domaine encore mal exploré mais très prometteur.