c) L'image de synthèse au service de la justice
Quel peut être le rôle de la réalité
virtuelle et, d'une façon générale, de l'image
numérique dans la procédure judiciaire ? En d'autres termes,
la réalité virtuelle peut-elle être un moyen de
preuve ? En France, la preuve est libre, ainsi qu'en dispose l'article 427
du code de procédure pénale :
" Hormis les cas où
la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies
par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime
conviction. "
Le juge ne peut fonder sa décision que sur des
preuves qui lui sont apportées. L'image fait partie de ces preuves. Les
photographies prises par les cinémomètres, comme les films
vidéo sont utilisés comme moyens de preuve devant les tribunaux,
et sont même préconisés. "
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Les technologies de réalité virtuelle sont utilisées non
comme moyens de preuve, mais comme aide à l'investigation dans les
domaines techniques. C'est en particulier le cas dans les enquêtes ou les
catastrophes aériennes : les enquêteurs recueillent les
paramètres de vol, tracent des courbes et produisent un film sur
écran. Cette représentation a pour seul objectif de rendre plus
claire aux profanes la situation de l'avion avant l'accident. Elle est
d'ailleurs assortie d'un avertissement sur l'absence de valeur probatoire. Il
est arrivé que la reconstitution en images de synthèse soit
projetée devant le tribunal toujours avec une simple valeur
d'information.
Cette technique intervient en complément des autres moyens de preuve.
Savoir si elle est susceptible de permettre une manipulation intellectuelle
pour convaincre est une question qui n'est pas de nature juridique. Il
n'existe, en France, aucune doctrine ni aucun contentieux sur la valeur de
l'image de synthèse comme preuve.
Si l'image de synthèse se présente différemment du film
vidéo, qui présente une réalité, rien ne semble
interdire son utilisation. Chaque avocat restant libre de contester la
modélisation, les paramètres, et de demander une nouvelle
modélisation, comme il peut demander aujourd'hui une contre-expertise.
Ainsi, de façon paradoxale, l'utilisation des techniques de
réalité virtuelle devrait progresser tant par les
potentialités qu'elles offrent que par les limites qu'elles comportent.
En revanche, la réalité virtuelle peut-elle aller jusqu'à
se substituer à une reconstitution ? Cela ne semble pas être
le cas car les deux techniques ont deux objets distincts. Dans une
reconstitution, on fait refaire à un individu les actes qu'il
prétend avoir commis et on cherche des incohérences avec ce qu'il
a dit. La réalité virtuelle permettrait tout au plus de faire
agir un individu virtuel d'après ses déclarations et de
rechercher des incohérences avec l'environnement.