B. LES UTILISATIONS COMMERCIALES ET LES LOISIRS
Parmi les utilisations commerciales et de loisirs, deux viennent immédiatement à l'esprit : le cinéma, et d'une façon générale les métiers de l'image, et les jeux. Mais il existe aussi des utilisations plus nouvelles et certainement prometteuses : le sport et la publicité.
1. L'image de synthèse et les métiers de l'image
Les images de synthèse sont avant tout des images, et intéressent par conséquent, en premier lieu, les métiers de l'image. Les ressources mathématiques sont devenues de puissants instruments pour générer des images avec un degré de perfection extraordinaire. La qualité de l'image dépend seulement du nombre de pixels et du nombre de calculs sur chacun. De surcroît, l'image numérique est indéfiniment remodelable. Qualité et possibilités d'animation ont conduit au développement inévitable des images de synthèse au cinéma et dans les autres métiers liés aux images. Cette utilisation porte un nom : les effets spéciaux.
a) Les effets spéciaux
"Repoussant les limites de l'illusion ou les
plaisirs du
visible, à volonté hilarants ou terrifiants, indécelables
ou ravageurs"
16(
*
)
,
telles
sont les caractéristiques des effets spéciaux, désormais
totalement intégrés dans la réalisation des films. Le
marché est d'ailleurs exponentiel avec des taux de croissance à
trois chiffres depuis quelques années.
On distingue deux types d'effets spéciaux : les effets visibles et les
effets invisibles.
Les effets visibles
. Les effets visibles sont
appelés ainsi non parce qu'ils sont sommaires ou maladroits - bien
au contraire, ils atteignent une perfection technique ahurissante -, mais
parce qu'ils sont revendiqués expressément comme des effets
spéciaux et qu'ils répondent au talent des créateurs.
Depuis
La lune
de Méliès, les réalisateurs ont
toujours souhaité réaliser ce qu'on appelait encore, il y a
quelques années, des trucages ,qui sont, aujourd'hui,
réalisés par les effets spéciaux.
L'effet spécial visible utilise principalement deux
caractéristiques : la possibilité de création, sans
limite, d'images de synthèse parfaitement mêlées aux images
réelles, et la possibilité d'animer, de déformer les
images, notamment les images de visages (procédé dit du
"morphing"
). Les effets sont toujours spectaculaires.
Le potentiel paraît infini, et n'a pour principale limite que
l'imagination du réalisateur et de l'infographiste. Tout est une
question de calculs, donc de coût. Il paraît inutile de
développer longuement ce point ; il suffit de rappeler que, depuis le
succès de la trilogie
La guerre des étoiles
en 1977, qui a
marqué le lancement des effets spéciaux de grande envergure, le
marché a véritablement explosé, tant pour les films qui se
rattachent à la tradition des films dits - jadis - de "science
fiction" (
Independance Day
) ou des "films catastrophe"
(
Twister
17(
*
)
), que pour
les films où apparaissent des "créatures" venues d'ailleurs...
Cette explosion du marché a fait émerger de véritables
vedettes, moins connues du grand public, mais plus recherchées par les
professionnels et (presque) aussi bien payées que les acteurs
18(
*
)
. Les grandes sociétés
américaines ne pouvant satisfaire la demande, une partie des effets
spéciaux est sous-traitée en Europe, notamment en France,
où la qualité des artistes (concepteurs) infographistes est
reconnue
19(
*
)
.
Les effets invisibles
. Les effets dits invisibles
s'apparentent à la retouche d'images, ne se revendiquent pas comme
effets, doivent être discrets et indécelables, et ont pour but
d'apporter une solution technique à moindre coût, pour
améliorer un plan, une séquence.
Les applications sont extrêmement nombreuses. Ce peut être le
gommage de détails (suppression du filin auquel était suspendu le
héros dans la scène de rêve du
8e jour
), la
multiplication de personnages ou d'animaux (face à face des troupes
anglaises et écossaises dans le film
Brave Heart
, foules dans
Beaumarchais
, nuées de corbeaux dans
Le hussard sur le
toit
), la recolorisation (plans tournés au printemps, prenant,
après traitement, les couleurs de l'automne), le changement ou la
reconstitution complète de décors (château du
Roi des
Aulnes
), la modification des mouvements (mouvement des lèvres des
animaux de la ferme dans
Babe
), l'"habillage" d'un objet en
changeant sa
texture (une sphère peut devenir la terre, une bille, une orange...), la
juxtaposition d'images (deux plans sont tournés à deux moments
différents, puis mêlés :
cf.
Alain Chabat dans
Didier
tourné dans un stade vide, puis le stade est filmé
plein lors d'une rencontre sportive, les deux images sont ensuite
juxtaposées). Le procédé le plus commun est
l'incrustation, dans un plan, d'images réelles ou de
synthèse
20(
*
)
... Les
effets possibles sont certainement infinis.
Les quelques exemples donnés ci-dessus permettent de voir que le
numérique est un remarquable outil de création à la
disposition du réalisateur puisqu'il permet de s'affranchir des
contraintes d'espace et de temps (rencontres de personnages qui ont vécu
à deux époques différentes :
cf
.
Forrest Gump
où l'acteur antihéros
rencontre plusieurs présidents américains successifs, dont
Kennedy, décédé 30 ans auparavant...). L'image peut
s'appliquer dans n'importe quel décor, du gigantisme au minuscule : le
détourage de la fumée d'une allumette tournée sur fond
bleu peut parfaitement être utilisé pour l'explosion d'un missile
ou d'une navette spatiale... C'est cette caractéristique qui permet de
faire abstraction de toutes les contraintes physiques, réelles, qui est
pleinement utilisée dans cette catégorie d'effets spéciaux.