4) aider au financement des travaux de traitement et d'enlèvement de l'amiante
Face à l'obligation nouvelle que l'Etat a
créée à la charge des propriétaires, dans un souci
de santé publique, il importe de s'interroger sur l'aide que la
collectivité peut apporter au financement de ces travaux. Il est en
effet de l'intérêt bien compris de la collectivité que ces
travaux soient accomplis de la manière la plus "sûre" possible.
Mettre en place des instruments fiscaux et budgétaires adéquats
permettra à la fois d'alléger la charge financière des
propriétaires (personnes privées, entreprises ou
collectivités locales) et d'assurer une exécution des travaux par
des entreprises qualifiées assujetties à la TVA, et donc
d'éviter le développement de chantiers "sauvages".
Ayant interrogé M. Jean ARTHUIS, Ministre de l'Economie et des Finances,
sur les mesures à envisager à cet égard, j'ai reçu
le 4 avril dernier une réponse qui prend en compte les problèmes
posés par l'amiante, en clarifiant les règles fiscales
applicables aux contribuables en la matière (annexe 2). Par ailleurs,
dès le 16 octobre 1996, les mesures d'aide aux collectivités
locales avaient été précisées par circulaire.
a) la mise en place d'instruments fiscaux spécifiques au risque amiante
- l'impôt sur les bénéfices
Les dépenses liées aux coûts d'enlèvement de
l'amiante des bâtiments professionnels bénéficieront de
mesures de déductibilité des dépenses et des provisions.
·
S'agissant des travaux d'enlèvement de l'amiante,
les entreprises pourront comprendre ces dépenses parmi les charges
déductibles de l'exercice au cours duquel elles sont engagées et
les déduire de leur bénéfice imposable.
Elles pourront également constituer en franchise d'impôt des
provisions pour grosses réparations destinées à faire face
à ces dépenses, dès lors que celles-ci s'appuieront sur
une programmation détaillée des travaux à entreprendre,
assortie d'une estimation précise de leur coût.
· S'agissant des entreprises qui ont commercialisé des
produits amiantés et qui se sont retrouvées avec des stocks
invendables du fait de la décision d'interdiction de l'amiante
applicable au 1er janvier 1997, elles peuvent constituer des provisions pour
dépréciation de stocks de produits contenant de l'amiante d'un
montant égal à la valeur des produits frappés
d'interdiction qu'elles avaient encore en stock au 31 décembre 1996.
De même, elles peuvent constituer des provisions destinées
à faire face aux charges occasionnées par l'obligation de mise en
décharge de ces produits.
- la taxe professionnelle
Les dépenses liées aux opérations de retrait d'amiante et
non immobilisées ne seront pas comprises dans la base d'imposition des
redevables, et ne viendront pas augmenter leur taxe professionnelle. De plus,
elles pourront être prises en compte pour la détermination de la
valeur ajoutée retenue pour le plafonnement des cotisations de taxe
professionnelle. Venant en déduction de la valeur ajoutée de
l'entreprise, elles pourront contribuer à réduire le montant de
la taxe professionnelle.
- l'impôt sur le revenu
· S'agissant de l'impôt sur le revenu des
propriétaires bailleurs, les opérations de recherche et d'analyse
de la nocivité de l'amiante, étant considérées
comme des dépenses d'entretien, pourront être déduites des
revenus fonciers. De même, les travaux d'enlèvement ou de
traitement de l'amiante, étant considérés comme des
travaux d'amélioration, pourront également être
déductibles.
· S'agissant de l'impôt sur le revenu des
propriétaires occupants, les travaux d'enlèvement et de
traitement de l'amiante seront considérés comme des travaux
d'amélioration et ouvriront droit à ce titre à une
réduction d'impôt. Elle sera égale à 20 % du
montant de la dépense (TTC) dans la limite de 20.000 F pour une personne
célibataire, veuve ou divorcée et de 40.000 F pour un couple
marié (somme majorée en cas de personnes à charge).
C'est donc une somme supérieure à la TVA sur les travaux qui
pourra être restituée à la personne qui fait
réaliser les travaux : cela représente une forte incitation
à faire faire les travaux dans les règles de l'art.
Malheureusement, cette réduction se cumule avec celle des autres travaux
d'amélioration et elle se trouve plafonnée.
Il nous
paraîtrait souhaitable, puisque ces travaux sont imposés par la
collectivité aux propriétaires, qu'ils soient
déplafonnés et même qu'ils fassent l'objet d'une ligne
spécifique amiante (ce qui permettrait le cumul de travaux
d'amélioration et de travaux d'enlèvement et de traitement de
l'amiante).
b) l'aide aux collectivités locales
Les collectivités locales ont hérité des
lois de décentralisation de 1982 d'un patrimoine scolaire
considérable, éventuellement amianté. Nouveaux
propriétaires de ces établissements, elles auront à faire
face aux charges liées aux travaux de retrait ou de traitement de
l'amiante.
Par circulaire du 16 octobre 1996 relative au programme d'aide
financière de l'Etat aux collectivités locales, le gouvernement a
décidé :
- de subventionner à hauteur de 25 %, sur une enveloppe de
crédits de 500 millions de francs, ces travaux s'ils sont
réalisés jusqu'en 1999 dans les collèges et les
lycées ;
- d'allonger d'un an la durée du plan quinquennal de mise en
sécurité des écoles, qui devait prendre fin en 1998, et
d'y rendre éligible ces travaux réalisés dans les
écoles.
Sur l'enveloppe de 500 millions de francs, il est prévu 100 millions au
titre de 1996, 200 millions au titre de 1997 et 200 millions au titre de 1998.
Il semble que ces crédits n'aient pas été consommés
en totalité pour 1996.
Il nous semble cependant nécessaire que
les crédits non consommés avant fin 1998 ne soient pas
annulés et que les collectivités locales puissent profiter
totalement de cette enveloppe budgétaire, sans la limiter à fin
1998.
c) les aides aux propriétaires
Il serait souhaitable de rendre éligibles les travaux de traitement et d'enlèvement de l'amiante pour les propriétaires bailleurs aux primes de l'ANAH et pour les propriétaires occupants aux primes de la PAH, et d'inclure ainsi ces travaux dans les opérations d'amélioration et de réhabilitation de l'habitat.
d) le recours à l'emprunt
Marc BLONDEL, secrétaire général de Force
Ouvrière, a formulé dans un article du Monde du 6 août
1996 une proposition de recours à un emprunt
d'Etat pour
financer les travaux de désamiantage, et plus particulièrement
ceux qui sont nécessaires aux écoles.
A ses yeux, l'intérêt de l'emprunt est "de dégager de
l'argent sans pour autant obérer les investissements qui sont inscrits
dans les différents budgets nationaux ou des collectivités
locales".
Aujourd'hui, en l'absence de fonds spécifiques, certaines
administrations (notamment la Justice et la Défense) réalisent
leurs travaux sur leurs dotations ordinaires. Quant aux collectivités
locales, elles peuvent bénéficier d'un programme d'aide
financière de l'Etat depuis octobre 1996. L'Etat empruntant de
façon permanente,
le recours à un emprunt spécifique
amiante ne nous semble pas une solution plus adaptée que les mesures
financières déjà mises en place.
Ces instruments fiscaux s'intègrent dans la responsabilité de
l'Etat d'assumer les coûts de ses politiques.