Projet de loi sur l'habilitation du Gouvernement à adapter par ordonnance la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs
BADRE (Denis)
RAPPORT 372 (1999-2000) - COMMISSION DES FINANCES
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Table des matières
- AVANT-PROPOS
- EXAMEN DES ARTICLES
- EXAMEN EN COMMISSION
N°
372
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 31 mai 2000
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, portant habilitation du Gouvernement à adapter par ordonnance la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs,
Par M.
Denis BADRÉ,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Alain Lambert,
président
; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude
Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André
Vallet,
vice-présidents
; Jacques-Richard Delong, Marc
Massion, Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
;
Philippe Marini,
rapporteur général
; Philippe Adnot,
Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin,
Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Marcel Charmant, Jacques
Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud,
Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe
Lachenaud, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel
Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra,
Henri Torre, René Trégouët.
Voir
les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
2336
,
2338
et T.A.
504
.
Sénat :
330
(1999-2000).
Euro.
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est saisi du présent projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale le 3 mai dernier, dont l'objet est d'habiliter le
gouvernement, en vertu de l'article 38 de la Constitution, à adapter par
ordonnance la valeur en euros de certains montants exprimés en francs
dans les textes législatifs.
Il convient de rappeler que, le 31 décembre 1998, le taux de conversion
de l'euro vis-à-vis du franc français a été
fixé de manière irrévocable à
6,55957 francs
pour un euro
, l'arrondissement se faisant à la deuxième
décimale. Le lendemain, l'euro est devenu la monnaie unique de onze pays
de l'Union européenne.
Toutefois, la simple application des règles de conversion
édictées au niveau communautaire comporterait un défaut
majeur, celui d'un
manque de lisibilité des montants
monétaires
figurant dans les textes législatifs et
réglementaires, rendant leur mémorisation difficile et, de ce
fait, étant préjudiciable à la bonne appréhension
de la réglementation.
L'objet du présent projet de loi est de prévoir des
dispositions particulières visant à adapter les règles de
conversion de manière à ce que les valeurs - les seuils et
amendes en particulier - qui figurent en euros dans les textes
législatifs ne comprennent pas de décimales ou soient
suffisamment arrondies pour être compréhensibles et
mémorisables par tous.
Il convient d'insister sur le fait que
seuls les textes législatifs
sont concernés par le présent projet de loi.
En effet, le
gouvernement interviendra par décret pour adapter les montants
concernés figurant dans les textes réglementaires.
Le présent projet de loi poursuit donc un
objectif
pédagogique
: il doit contribuer à dissiper
l'appréhension qui peut apparaître face à l'utilisation
concrète de l'euro, visible notamment chez les personnes
âgées.
En effet, les pièces et les billets en euro ne seront introduits
qu'à partir du 1
er
janvier 2002, la période actuelle,
dite transitoire, devant être mise à profit pour familiariser les
particuliers, les entreprises et les administrations à l'expression en
euros des montants encore exprimés en francs.
Toutefois, les règles d'arrondi retenues au niveau communautaire
comportent des incertitudes quant à leurs conséquences
financières ou juridiques.
Aussi, le caractère essentiellement technique du présent projet
de loi n'en a-t-il pas moins conduit l'Assemblée nationale à y
apporter d'utiles précisions.
I. LE CONTEXTE DU PRÉSENT PROJET DE LOI
A. QUELQUES RAPPELS SUR LA CRÉATION DE LA MONNAIE UNIQUE
Votre
rapporteur souhaite rappeler brièvement les grandes étapes qui
ont conduit à la création de la monnaie unique.
C'est le Conseil européen de Madrid, en décembre 1995, qui a
clairement établi le calendrier de passage à la monnaie
unique.
Le 2 mai 1998, les chefs d'Etat et de gouvernement, réunis
à Bruxelles, ont décidé de leur participation à
l'Union économique et monétaire (UEM), sur la base des
recommandations du Conseil des ministres Ecofin, en prenant en compte les
rapports de la Commission et de l'Institut monétaire européen
(IME), ainsi que l'opinion du Parlement européen.
Le 3 mai, le Conseil Ecofin a déterminé les
pré-parités de change bilatérales définitives pour
les monnaies des pays membres de l'UEM.
Le 1
er
janvier 1999, les parités de change entre
les monnaies participantes et l'euro ont été fixées de
manière irrévocable.
Toutefois, ce n'est qu'à partir du
1
er
janvier 2002 que les pièces et les billets en
euro seront mis en circulation, les monnaies nationales devant
définitivement disparaître le 1
er
juillet 2002.
Les grandes étapes de l'adoption de la monnaie unique
24 mars 1998 : l'Institut monétaire
européen (IME), qui regroupe les banques centrales, établit son
rapport sur la convergence en Europe et le rend public le lendemain.
|
31
décembre : annonce du taux de conversion de l'euro vis-à-vis de
chaque monnaie nationale. En dépit de la fixation des parités
croisées le 2 mai, le niveau de l'euro ne peut être connu avant.
Certaines monnaies ne participant pas à l'euro (sterling) tout en
continuant d'appartenir à l'écu, il faut attendre le moment
où l'euro se substitue à l'écu, le
31 décembre, pour connaître le taux de conversion.
|
2-3 mai : sommet extraordinaire, à Bruxelles, des chefs d'Etat et de gouvernement. Trois missions : établir la liste des pays participant à l'UEM 1( * ) ; fixer les parités bilatérales des monnaies entrant dans l'euro ; choisir le président de la Banque centrale européenne et les membres du directoire. |
4 janvier 1999 : première cotation de l'euro sur les marchés. |
30 juin : date limite pour la mise en place de la Banque centrale européenne à Francfort qui se substitue à l'IME. |
|
La période de transition, des monnaies nationales à la monnaie unique, durera ainsi trois ans. Elle représente une difficulté pour l'ensemble des agents économiques, qu'il s'agisse des ménages, des entreprises et des administrations publiques, puisque coexisteront plusieurs formes d'une même monnaie, l'euro et les monnaies nationales qui subsisteront comme subdivisions non décimales de l'euro.
B. LE CADRE JURIDIQUE DE LA MISE EN PLACE DE L'EURO
1. Les dispositions communautaires
Durant
la période transitoire, du 1
er
janvier 1999 au
30 juin 2002, l'euro et le franc vont coexister, ce qui va conduire
à d'innombrables opérations de conversion. Ces opérations
vont cependant soulever des difficultés puisque la conversion d'un
montant de francs en euros - ou inversement - donnera lieu en
général à des arrondis.
En raison du taux de conversion déterminé, soit
6,55957 francs pour un euro, le passage des francs en euros va être
à l'origine d'écarts de valeur résultant des arrondis de
conversion.
Afin de permettre à l'ensemble des pays européens de
résoudre ce problème de manière homogène, l'article
4 du
règlement n° 1103/97/CE du Conseil du
17 juin 1997 fixant certaines dispositions relatives à
l'introduction de l'euro
a fixé un cadre général et
des règles précises quant aux techniques de conversion qui ont
été utilisées :
- le taux de conversion irrévocable qui a été
fixé au 31 décembre 1998 comporte six chiffres
significatifs, c'est-à-dire cinq chiffres après la
virgule pour la France ;
Il convient d'arrondir le résultat suivant une logique
mathématique courante : arrondir au centime supérieur lorsque le
troisième chiffre après la virgule est égal ou
supérieur à 5, et au centime inférieur lorsque ce
troisième chiffre après la virgule est inférieur à
5.
Exemple :
Soit un euro = 6,55957 francs
Valeur en francs de 47,21 euros :
47,21 x 6,55957 = 309,6772997 francs,
soit 309,68 francs.
Valeur en francs de 47,22 euros :
47,22 x 6,55957 = 309,7428954 francs
soit 309,74 francs.
Un autre exemple met en évidence les difficultés liées aux
arrondis. Soit un euro = 6,55957 francs. Le calcul de la valeur en euros
de sommes autour de 100 francs donne les résultats
suivants :
99,96 francs = 15,23880 = |
15,24 euros |
99,97 francs = 15,24032 ) |
|
99,98 francs = 15,24185 ) |
|
99,99 francs = 15,24337 ) |
|
100,00 francs = 15,24490 ) |
|
100,01 francs = 15,24643 = |
15,25 euros |
100,02 francs = 15,24795 ) |
|
100,03 francs = 15,24948 ) |
|
|
|
Ainsi,
cinq montants en francs ont la même contre-valeur en euros :
15,24 euros correspondent à 99,96 francs comme à
100 francs.
Deux séries de problèmes peuvent alors être
identifiées :
•
Les écarts dus aux conversions successives
Si la conversion euro/franc puis franc/euro ne pose pas de problème, il
en va autrement pour la conversion franc/euro puis euro/franc. Ainsi,
99,96 francs donnent 15,24 euros, mais 15,24 euros correspondent
aussi à 100 francs.
La conversion franc/euro puis euro/franc peut donc créer des
écarts allant jusqu'à plusieurs centimes.
•
Les écarts dus aux conversions avant ou
après calcul
Toutes les opérations (addition, soustraction, multiplication, division,
etc.) risquent de donner des résultats différents selon que la
conversion sera faite sur les éléments de base avant calcul ou
sur le résultat final. En particulier,
la somme des arrondis n'est
pas égale à l'arrondi de la somme.
Les différentes recommandations sur ce point vont dans le sens du
principe de conversion du total plutôt que des éléments,
afin de limiter l'impact des arrondis ;
- les taux de conversion ne peuvent pas être arrondis ou
tronqués lors des conversions ;
- l'utilisation du taux inverse dans les fonctions de conversion est
interdite
: cela aurait conduit à arrondir les taux et aurait
pu entraîner des imprécisions significatives en raison de l'effet
multiplicateur de l'arrondi. Ainsi, les contre-valeurs d'unités
monétaires nationales en euros sont calculées en multipliant ou
en divisant, selon le cas, par le taux de conversion entre l'euro et
l'unité monétaire nationale considérée.
L'article 5 du règlement communautaire précité
définit, quant à lui, les règles relatives à
l'arrondi après conversion. Il prévoit, dans la mesure où
il n'existe pas de millième d'euro, que
" les sommes d'argent
à payer ou à comptabiliser [...] sont arrondies au cent
supérieur ou inférieur le plus proche "
, soit deux
décimales après la virgule.
Si l'application du taux de conversion donne un résultat qui se situe
exactement au milieu (troisième décimale égale à
5), la somme est arrondie au chiffre supérieur.
Toute somme d'argent à convertir d'une unité monétaire
nationale dans une autre doit d'abord être convertie dans un montant
exprimé dans l'unité euro ; ce montant ne pouvant être
arrondi à moins de trois décimales est ensuite converti dans
l'autre unité monétaire nationale.
Il convient de constater que, si les principes ayant présidé
à l'édiction des dispositions communautaires relatives aux
règles de conversion et d'arrondi des monnaies nationales en euro sont
relativement simples et logiques, leur portée pratique, en revanche, ne
manque pas d'entraîner des difficultés tenant essentiellement au
caractère peu lisible et peu mémorisable des montants
exprimés en euros après conversion.
2. Les dispositions nationales
Jusqu'à l'intervention de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, qui a harmonisé les règles d'arrondi en matière fiscale et sociale, une grande complexité existait en la matière : non seulement, les règles variaient d'un impôt à l'autre, mais les principes concernant les bases d'imposition ou les bases de liquidation de l'impôt (cotisations) différaient également.
Les règles d'arrondi en matière fiscale avant 1998
La
règle générale en matière d'arrondissement des
bases d'imposition est celle de l'arrondissement au franc inférieur.
Ainsi, une note du ministre de l'économie du 30 avril 1976
précise que la règle de l'arrondissement
au franc
inférieur
constitue le principe général
"
applicable à tous les éléments qui concourent
à la détermination des bases d'imposition
" et commun
"
à tous les impôts et taxes, sauf dispositions plus
favorables prévues par le code général des impôts
à l'égard des contribuables
".
En réalité, cette règle souffre de nombreuses exceptions.
Ainsi, la détermination de la base d'imposition de la taxe sur la valeur
ajoutée est régie par le principe de l'arrondissement
au franc
le plus voisin
. En effet, l'article 270 du code général des
impôts dispose que la taxe sur la valeur ajoutée "
frappe
les sommes imposables suivies de franc en franc, l'arrondissement étant
opéré au franc le plus voisin
".
En revanche, la détermination de la base d'imposition de l'impôt
sur les sociétés est régie par le principe de
l'arrondissement à
la dizaine de francs inférieure
. Le
premier paragraphe de l'article 219 du code général des
impôts dispose que "
pour le calcul de l'impôt, toute
fraction du bénéfice imposable inférieure à
10 francs est négligée
".
Cette règle est également valable pour le calcul des bases
d'imposition de :
-
l'impôt sur le revenu
, en vertu de l'article 193 du code
général des impôts, qui précise que le revenu
imposable est arrondi à la dizaine de francs inférieure pour le
calcul de l'impôt sur le revenu ;
-
les taxes sur les salaires
, en vertu de l'article 225 du
même code qui dispose que "
pour le calcul de la taxe, toute
fraction n'excédant pas 10 francs est
négligée
" ;
-
la taxe d'habitation
, en vertu de l'article 310 H de l'annexe II
du code général des impôts qui précise que la valeur
locative est arrondie à la dizaine de francs inférieure ;
-
les taxes foncières et la taxe d'habitation
ainsi que les
taxes annexes correspondantes en vertu du deuxième alinéa du 1 de
l'article 1657 qui dispose que
" les bases des taxes foncières
et de la taxe d'habitation ainsi que celles des taxes annexes correspondantes
sont arrondies à la dizaine de francs inférieure "
.
L'article 261 de l'annexe III du code général des impôts
rappelle également qu'"
il est fait abstraction des fractions de
sommes et valeurs inférieures à 10 francs pour la perception
du droit ou de la taxe
[...] " prévue par :
- les droits d'enregistrement et les taxes de publicité
foncière ainsi que les prélèvements d'office sur les bons
du trésor et les titres anonymes ;
- l'ensemble des droits d'enregistrement perçus par les communes,
les départements et les régions ;
- et les impositions perçues au profit de certains
établissements publics et d'organismes divers.
Les règles d'arrondi variaient également pour le montant des
cotisations.
Les règles d'arrondi en matière sociale avant 1998
Selon la
nature des cotisations,
leur montant peut être arrondi selon quatre
règles différentes
: au franc le plus voisin, au franc
inférieur, au franc supérieur et à la dizaine de francs
inférieure.
Obéit à la règle de l'arrondissement
au franc le plus
voisin
le montant des impôts directs de toute nature, sauf les
acomptes provisionnels d'impôt sur le revenu. Le quatrième
alinéa de l'article 1657 du code général des impôts
dispose que "
les cotisations d'impôts directs de toute nature
sont arrondies au franc, les fractions de franc inférieures à
0,50 franc étant négligées et celles de
0,50 franc et au-dessus étant comptées pour 1 franc. Il
en est de même du montant des majorations, réductions et
dégrèvements
".
Obéit à la règle de l'arrondissement
au franc
inférieur
le montant de tous les impôts et les taxes autres
que les impôts directs, notamment la TVA, les droits d'enregistrement,
l'impôt de solidarité sur la fortune et les produits domaniaux. En
effet, l'article 1724 du code précité dispose que "
sous
réserve de ce qui est dit à l'article 1657, la liquidation de
toutes sommes à recevoir, à quelque titre et pour quelque cause
que ce soit, est opérée en négligeant les centimes. Il est
procédé à cet arrondissement au niveau du décompte
de chaque impôt ou taxe
". De même, le montant des
acomptes pour l'impôt sur les sociétés est arrondi au franc
inférieur en vertu du dernier alinéa de l'article 360 de l'annexe
II du code général des impôts.
Obéit à la règle de l'arrondissement
au franc
supérieur
le montant de tous les avoirs fiscaux et des
crédits d'impôt.
Enfin, obéit à la règle de l'arrondissement à la
dizaine de francs supérieure
le montant de chaque acompte de
l'impôt sur le revenu conformément au deuxième
alinéa de l'article 357 B de l'annexe III du code général
des impôts.
C'est en raison de cette excessive complexité des règles
relatives à l'arrondi des bases d'imposition et des cotisations que la
loi du 2 juillet 1998 précitée a unifié les
règles d'arrondi en prévoyant que les bases des impositions de
toute nature seraient
arrondies au franc ou à l'euro le plus
proche
et que la fraction de franc ou d'euro égale à 0,50
serait comptée pour 1. Toute disposition contraire a
été abrogée.
Une règle unique d'arrondi a ainsi
été déterminée.
En outre, la loi du 2 juillet 1998 précitée comporte un ensemble
d'autres dispositions ayant trait au passage à l'euro, de manière
à permettre de convertir les grands mouvements financiers en euros
dès 1999.
Elles ont principalement pour objet :
- la conversion de la comptabilité du capital social et des
déclarations fiscales des entreprises ;
- la conversion des dettes négociables en euros, en particulier
celle de l'État ;
- la possibilité d'indexer sur l'inflation les nouvelles
émissions d'instruments financiers et, notamment, de l'État afin
d'alléger la charge de la dette publique ;
- l'autorisation de cotation des instruments financiers en euros,
adaptation des systèmes de règlement-livraison, substitution des
indices " euro " aux indices " franc " et continuité
des contrats.
C. L'UTILISATION ENCORE " CONFIDENTIELLE " DE L'EURO FACIAL
Même si l'euro existe depuis le 1
er
janvier
1999,
il convient de reconnaître que son existence reste largement virtuelle
pour les particuliers comme pour les entreprises, seuls les marchés
financiers l'utilisant quotidiennement.
Malgré une campagne de communication relativement importante,
l'utilisation de l'euro comme monnaie scripturale reste confidentielle.
Selon la Mission Euro, à peine 1,70 % du montant total des
opérations réalisées en janvier 2000 l'était en
euros. Les chiffres sont encore plus faibles s'agissant du montant total des
paiements par chèque : moins de 0,90 % des paiements par
chèque était réalisé en euros.
Et encore, ces chiffres prennent-ils en considération le montant des
opérations. Ceux du nombre des opérations sont plus
éloquents encore : 0,13 % pour l'ensemble des
opérations, et 0,09 % pour les chèques.
Les entreprises n'affichent guère des chiffres traduisant une plus
grande utilisation de la monnaie unique européenne : les recettes
de TVA en euros perçues par l'Etat en décembre 1999
représentaient 3,91 % du total, tandis que 1,73 % des
entreprises présentant des déclarations douanières le
faisaient en euros.
Le niveau des transactions en euros reste donc très faible en
France.
Toutefois, d'après les informations communiquées à votre
rapporteur par la Mission Euro
2(
*
)
,
" les
résultats de mars
[...]
s'inscrivent dans la ligne de
l'avancée sensible constatée depuis le début de
l'année 2000 dans l'utilisation de l'euro "
:
- le nombre de déclarations douanières faites en euros, qui
dépasse pour la première fois 4 % de l'ensemble des
déclarations douanières faites en euros, s'élève
à plus de 155.000 en mars 2000, soit une augmentation de 28 % par
rapport à février ;
- le nombre d'entreprises faisant leurs déclarations de TVA en euros, et
tenant donc leur comptabilité en euros, progresse à nouveau en
mars : 6.240 entreprises, soit 0,5 % du total, au lieu de 5.701 en
février (+ 9 %) ;
- s'agissant du paiement des impôts en euros, le total constaté en
mars dépasse pour la première fois un milliard d'euros ; il
convient de noter que près de 7 % de l'impôt sur les
sociétés est payé en euros, et que l'impôt sur le
revenu commence à être réglé en euros, soit 1,66 %
du total ;
- en ce qui concerne l'ensemble des paiements bancaires effectués en
euros, la progression continue d'être soutenue : on atteint en mars
près de 1.300.000 paiements en euros, soit une progression de 15 % par
rapport à février, pour une valeur de plus de 8 milliards d'euros
(+ 18 % par rapport à février), les plus fortes progressions en
nombre de paiements en euros concernant les virements et les chèques.
Si votre rapporteur peut déplorer, à titre personnel, cette
utilisation encore faible de l'euro comme monnaie scripturale, il estime
toutefois que cette situation n'est pas inquiétante en elle-même.
Elle est même normale. En effet, il convient de rappeler que
l'euro
est déjà la monnaie de la France : le franc n'existe plus,
sinon en apparence, que comme expression non décimale de l'euro.
Dès lors, il est normal que les particuliers n'utilisent pas deux
expressions de la même monnaie : ils préfèrent
attendre, ce qui est logique, l'introduction des pièces et des billets
en euros à partir du 1
er
janvier 2002.
Toutefois, afin d'inciter les agents économiques à utiliser
davantage l'euro, notamment avant le 1
er
janvier 2002, et
au-delà des expérimentations locales qui revêtent parfois
un aspect contraignant mais qui restent symboliques, il convient de rendre
l'utilisation de l'euro, dans les opérations financières
quotidiennes, la plus claire et la plus simple possible.
Il convient en effet de rappeler que cette opération ne constitue en
rien une obligation imposée par la réglementation
communautaire.
En effet, le 20
ème
considérant du règlement
n° 974/98/CE du Conseil du 3 mai 1998 concernant l'introduction de l'euro
dispose que
" ... les références contenues dans les
instruments juridiques existant à la fin de
[la]
période
[transitoire]
doivent être lues comme des références
à l'unité euro, en appliquant les taux de conversion respectifs,
qu'il n'est dès lors pas nécessaire à cet effet de
relibeller matériellement les instruments juridiques existants
[...]
"
. L'article 14 de ce règlement reprend le
même principe.
Toutefois, le 20
ème
considérant susmentionné
du même règlement précise que
" ... pour des
raisons de clarté, il peut être souhaitable de procéder
matériellement au relibellé dès qu'il
conviendra ".
Tel est précisément l'objet de l'ordonnance qui, suite à
l'adoption du présent projet de loi, permettra au gouvernement d'adapter
la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les
textes législatifs.
Le gouvernement s'est appuyé, pour rédiger son projet
d'ordonnance, sur les importants travaux menés par le groupe de travail
interministériel
ad hoc
.
II. LE GROUPE DE TRAVAIL INTERMINISTÉRIEL
A. LE FONCTIONNEMENT ET LES MÉTHODES DU GROUPE DE TRAVAIL
Dans une
circulaire du 22 mars 1996 relative à la préparation des
administrations publiques et des organismes qui en dépendent à
l'introduction de l'euro, le Premier ministre notait que, dans la perspective
de cette introduction,
" chaque département ministériel
devra établir un programme général qui, en trois
étapes, lui permettra :
- d'effectuer un travail de sensibilisation ;
- de mesurer en quelques mois l'ampleur des problèmes à
traiter ;
- de définir un " plan de bataille " permettant la
mutation nécessaire, au moindre coût, dans un délai maximal
de six ans s'étalant jusqu'en janvier 2002 ".
Cette circulaire demandait également à chaque ministre de
" constituer,
[...]
, un groupe de travail permanent,
spécialement chargé de suivre sous tous ses aspects le passage
à l'euro, et regroupant des représentants des différentes
directions et services autonomes de
[son]
ministère ".
Elle indiquait que
" le ministre de l'économie et des
finances a créé, au sein de son administration, une mission
chargée de coordonner le basculement des administrations à l'euro
[...]
. Cette mission assurera le secrétariat de l'indispensable
coordination interministérielle des opérations de basculement des
administrations publiques à l'euro "
.
Cette circulaire comporte une annexe II relative aux principales questions
susceptibles de se poser pour le passage à l'euro, dans laquelle on peut
lire qu'
" il conviendra de procéder à
[...]
un
recensement de tous les textes législatifs et réglementaires qui
devront être modifiés, soit parce qu'ils contiennent des
références au terme " franc ", soit parce qu'ils fixent
des montants, des plafonds ou des seuils qui n'apparaîtront pas
adéquats à l'issue de la conversion en euro "
.
La circulaire du 22 mars 1996 a donc posé les bases des travaux de
concertation avec les administrations centrales en vue du passage à
l'euro.
Un groupe de travail interministériel, créé en juillet
1996, et placé sous l'autorité du ministère de la Justice,
a étudié plus spécifiquement les conséquences de
l'introduction de l'euro sur les " effets de seuil ".
Ce groupe de travail interministériel a reçu pour mission de
recenser l'ensemble des textes législatifs et réglementaires
affectés par le passage à l'euro, tout en veillant à ce
que les références chiffrées conservent une signification
claire pour les agents économiques. Il a également
été chargé d'étudier l'ensemble des incidences des
adaptations envisagées ainsi que les conséquences d'un
éventuel franchissement de seuils.
Toutefois, et conformément à la circulaire du Premier ministre du
22 mars 1996 précitée, le groupe de travail a assuré
la coordination et la synthèse des travaux menés au sein de
chaque département ministériel, qui a dû recenser, dans son
domaine de compétence, l'ensemble des textes comportant des
références chiffrées susceptibles d'être
affectées par l'introduction de la monnaie unique, puis élaborer
une étude d'impact globale proposant les aménagements
nécessaires à la préservation de la lisibilité de
ces références.
Selon le rapporteur du présent projet de loi à l'Assemblée
nationale, M. Gérard Fuchs,
" il semble en fait que les
études en cause n'aient pas été
réalisées "
, et que le groupe de travail
interministériel n'a pu
" vérifier
l'exhaustivité "
des
" données que les
ministères ont bien voulu lui transmettre "
3(
*
)
.
Le groupe de travail, sur la base de ces informations, finalement
incomplètes, a distingué quatre catégories de textes
comportant des références monétaires, en fonction de
l'adaptation à réaliser en vue de l'introduction de l'euro :
1°) les textes qui font l'objet d'une revalorisation annuelle au
1
er
janvier de chaque année :
ils ne devraient
pas entraîner de difficultés particulières, la
revalorisation s'effectuant selon les règles de conversion et d'arrondi
définies au niveau communautaire ;
2°) les textes qui ne sont soumis à aucun impératif
de lisibilité ou qui ne présentent pas de caractère
symbolique
, tels que les rémunérations et pensions des
fonctionnaires et agents publics, ou les prestations sociales ;
3°) les textes qui doivent rester lisibles mais dont l'adaptation
aurait peu de conséquences financières
, les seuils indicatifs
en particulier ;
4°) les autres textes, c'est-à-dire tous ceux qui sont
soumis à un impératif de lisibilité et dont l'adaptation
entraînerait des conséquences financières
importantes
; il existe
environ 700 montants
de ce type.
La classification ainsi établie montre bien qu'il n'est pas possible de
recourir à une seule méthode d'adaptation, après
conversion, des références chiffrées figurant dans les
textes.
B. LES RECOMMANDATIONS DU GROUPE DE TRAVAIL INTERMINISTÉRIEL
Le
groupe de travail interministériel a arrêté
quatre
recommandations
qui permettent de constituer un cadre général
pour l'élaboration de l'ordonnance :
- la neutralité juridique :
les adaptations qui seront
apportées aux textes dans la perspective de l'introduction de l'euro ne
doivent entraîner aucune modification du droit existant ; il
convient en particulier d'insister sur une conséquence de l'affirmation
de ce principe : le relibellé des montants relatifs à une
sanction ne saurait entraîner l'aggravation de celle-ci ;
- la neutralité financière :
l'adaptation des
références chiffrées, après conversion à
l'euro, ne doit pas se traduire par une aggravation des dépenses
publiques ou une diminution des ressources ;
- la conservation, dans la mesure du possible, des mêmes
subdivisions entre les montants exprimés en francs et ceux
exprimés, après conversion, en euros :
le nombre de
décimales des références chiffrées ne devrait donc
pas être modifié ; M. Gérard Fuchs, dans son rapport
précité, relève, à juste titre, qu'une
" dérogation au principe de conservation du même nombre de
décimales s'impose automatiquement à tous les montants
présentant deux décimales et inférieurs à 4
centimes, dans la mesure où, convertis en euros, ils seraient arrondis
à 0,00 € "
, cette difficulté relative aux faibles
montants pouvant, selon lui,
" être résolue, le cas
échéant, par une modification, de l'unité de
tarification "
;
- l'entrée en vigueur de l'ensemble des montants
relibellés le 1
er
janvier 2002
, c'est-à-dire
à la date effective d'introduction de la monnaie unique sous forme
fiduciaire.
Telles sont les recommandations qui ont présidé à
l'élaboration de l'ordonnance pour laquelle le présent projet de
loi propose d'habiliter le gouvernement en vue d'adapter la valeur en euros de
certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs.
III. L'OUTREMER ET L'EURO
A. LES DÉPARTEMENTS D'OUTREMER
L'article 73 de la Constitution détermine le cadre du
régime juridique des départements d'outremer (DOM) :
" le régime législatif et l'organisation administrative
des départements d'outremer peuvent faire l'objet de mesures
d'adaptation nécessitées par leur situation
particulière "
.
Les DOM sont donc soumis au régime juridique de la métropole,
sous réserve du principe d'adaptation. La législation
monétaire de droit commun y est donc en vigueur : actuellement, les
DOM utilisent le franc français.
En outre, en vertu de l'article 299 du Traité instituant la
Communauté européenne, les dispositions de ce dernier
" sont applicables aux départements français
d'outremer "
.
Par conséquent, la monnaie des DOM est l'euro. La monnaie unique
européenne y sera introduite à partir du 1
er
janvier
2002, et ces départements seront concernés par les mesures
d'adaptation que doit permettre le présent projet de loi.
B. LES TERRITOIRES D'OUTREMER
L'article 74 de la Constitution dispose que
" les
territoires d'outremer de la République ont une organisation
particulière tenant compte de leurs intérêts propres dans
l'ensemble des intérêts de la République "
.
Les TOM sont donc régis par le principe de spécialité
législative : soit un texte leur est spécifiquement
applicable, soit il doit expressément mentionner que ses dispositions le
leur sont.
Ce principe se traduit, notamment, sur le plan monétaire. Ainsi, les TOM
n'utilisent pas le franc français, mais le franc CFP (change franc
Pacifique). Tel est également le cas de la Nouvelle-Calédonie.
En outre, le droit communautaire n'est pas directement applicable aux TOM, qui
appartiennent à la catégorie des pays et territoires d'outremer.
Le protocole n° 13 sur la France annexé au traité sur
l'Union européenne dispose en effet que
" la France conservera
le privilège d'émettre des monnaies dans ses territoires
d'outremer selon les modalités établies par sa législation
nationale, et elle sera seule habilitée à déterminer la
parité du franc CFP "
.
Le passage des TOM et de la Nouvelle-Calédonie à l'euro ne
sera donc pas automatique.
C. MAYOTTE ET SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON
Mayotte
et Saint-Pierre-et-Miquelon sont les deux collectivités territoriales
d'outremer de la République française à statut
spécial
4(
*
)
. Elles sont associées
à la Communauté européenne en vertu de l'article 227
alinéa 3 du Traité de Rome mais, contrairement aux DOM, elles ne
sont pas expressément visées par les dispositions du
Traité sur l'Union européenne.
L'article 42 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses
dispositions d'ordre économique et financier a modifié les textes
législatifs alors en vigueur afin de permettre l'émission et la
mise en circulation de l'euro à Mayotte et à
Saint-Pierre-et-Miquelon.
Jusqu'alors, deux obstacles s'y opposaient :
- la référence au " signe monétaire
français " dans les textes relatifs aux régimes
monétaires de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon ;
- l'existence de deux instituts d'émission différents :
l'IEDOM
5(
*
)
à Saint-Pierre-et-Miquelon,
qui assurera l'introduction de l'euro dans ce territoire et dans les
départements d'outre-mer, où il est également
présent ; et l'IEOM
6(
*
)
à Mayotte,
qui assure la circulation du franc français.
Or, il semblait peu justifié de maintenir Mayotte dans le champ de
compétence de l'IEOM. C'est pourquoi la loi du 2 juillet 1998
précitée a élargi la compétence de l'IEDOM à
Mayotte, au détriment de l'IEOM qui se limiterait aux TOM, qui ne
participeront pas à l'euro et continueront à utiliser le franc
CFP.
Il convient toutefois de préciser que ces dispositions
législatives ne font que rendre possible l'introduction de l'euro
à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Or, le Conseil de
l'Union européenne, dans une décision du 31 décembre
1998 sur les arrangements monétaires relatifs aux collectivités
territoriales françaises de Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, a
décidé que
" l'euro est la monnaie de
Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte ".
Selon le Conseil d'Etat, dont l'avis a été sollicité par
le gouvernement suite à cette décision, il conviendrait qu'un
texte législatif transpose les règlements communautaires idoines
pour régler cette question.
Tableau récapitulatif de la situation de l'outremer vis-à-vis de l'euro |
|
Franc français puis euro |
Franc CFP |
DOM
|
TOM
|
IV. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale, estimant que les principes
retenus par
le groupe de travail interministériel, et présentés
ci-dessus, pouvaient parfois revêtir une faible portée
concrète ou bien manquer de précision, a utilement
complété et modifié le présent projet de loi.
A l'initiative de son rapporteur, M. Gérard Fuchs, elle a en effet
adopté
trois modifications
tendant à réduire les
marges d'appréciation du gouvernement résultant de la
rédaction de l'ordonnance et pouvant avoir des conséquences
considérables.
Les deux premières modifications consistent à donner une valeur
législative à certaines des recommandations du groupe de travail
interministériel.
Il s'agit d'inscrire dans le présent projet de loi :
- d'une part, le principe de neutralité juridique
des
adaptations opérées, en particulier l'interdiction de
l'aggravation de toute sanction pécuniaire législative et de
toute sanction pénale ;
- et, d'autre part, le principe de neutralité
financière
, étant précisé que l'ordonnance qui
sera prise en application du présent projet de loi ne devra
entraîner ni aggravation des dépenses ni diminution des ressources
publiques.
Quant à la troisième modification apportée par
l'Assemblée nationale, elle vise à accorder au gouvernement
l'habilitation demandée jusqu'au 2 octobre 2000 inclus de
manière à ce qu'elle ne soit plus en vigueur lorsque le Parlement
reprendra ses travaux.
Votre rapporteur approuve ces dispositions qui s'imposent en raison de la
nécessaire prudence dont il faut faire preuve, les conséquences
financières des opérations d'adaptation des
références chiffrées étant mal connues.
Enfin, il convient de rappeler que la commission des finances de
l'Assemblée nationale, sur la proposition de son rapporteur, avait
adopté un amendement prévoyant que
" chaque valeur en
euros adaptée en application de l'article 1
er
ne pourra
s'écarter de plus de 7 %, en plus ou en moins, de la valeur initiale
exprimée en francs "
. Il s'agissait, en imposant une marge
maximale de variation des montants modifiés par l'ordonnance, de donner
une plus grande portée normative au principe de neutralité
juridique.
Toutefois, en séance publique, le rapporteur a retiré cet
amendement après que Mme Élisabeth Guigou, Garde des sceaux,
ministre de la justice, eut pris l'engagement que le gouvernement, prenant en
considération les observations de la commission, modifierait le texte de
son projet d'ordonnance afin de respecter cette marge de variation.
Votre rapporteur prend acte de cet engagement, considérant du reste que
l'inscription d'une telle disposition dans le présent projet de loi
pourrait laisser croire que le gouvernement disposerait d'une marge de
variation d'une amplitude totale de 14 %.
EXAMEN DES ARTICLES
ARTICLE PREMIER
Champ de
l'habilitation
Commentaire : le présent article, d'une part, autorise
le
gouvernement à adapter par ordonnance la valeur en euros de certains
montants exprimés en francs dans les textes législatifs, et,
d'autre part, prend en considération les spécificités de
l'outremer vis-à-vis de la monnaie unique.
I. LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 38 DE LA CONSTITUTION
L'article 38 de la Constitution dispose que :
" Le gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander
au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai
limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du
Conseil d'Etat. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais
deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas
déposé devant le Parlement avant la date fixée par le
projet de loi d'habilitation.
A l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du
présent article, les ordonnances ne peuvent plus être
modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine
législatif "
.
Le Parlement est traditionnellement méfiant à l'égard de
ce dessaisissement, par le gouvernement, de sa compétence
constitutionnelle.
Il convient toutefois d'observer, en l'espèce, que le présent
projet de loi d'habilitation est respectueux des dispositions de l'article 38
de la Constitution.
En premier lieu, l'objet de l'habilitation est clairement exposé, tant
dans l'intitulé du présent projet de loi lui-même que dans
le 1° de son article 1
er
. Il convient du reste de
rappeler que, en vertu de la décision n° 86-207 DC du Conseil
constitutionnel des 25 et 26 juin 1986, le gouvernement n'est pas tenu de faire
connaître à l'avance le contenu de l'ordonnance qu'il a
préparée.
Ensuite, les deux délais mentionnés par l'article 38 de la
Constitution figurent à l'article 2 du présent projet de loi.
Enfin, l'habilitation demandée porte bien sur des dispositions qui
relèvent normalement du domaine de la loi, le présent article
indiquant que les adaptations qu'il s'agit d'opérer concernent les
montants exprimés en francs
" dans les textes
législatifs "
, qu'il s'agisse de la métropole comme de
l'outremer.
II. LES SPÉCIFICITÉS DE L'OUTREMER
Votre rapporteur ne reviendra pas sur les développements relatifs aux
spécificités de l'outremer vis-à-vis de l'euro, qui
figurent dans l'exposé général du présent rapport.
Il rappelle seulement que les situations juridiques des collectivités
territoriales d'outremer, y compris en matière monétaire, sont
variées et complexes.
Le 2° du présent article
concerne le champ de l'habilitation
demandée au cas de l'outremer.
Alors que, comme il a été exposé plus haut, la conversion
en euros des montants exprimés en francs dans les textes
législatifs et l'adaptation au passage à l'euro de certains de
ces montants ne devraient concerner que les départements d'outremer,
Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, qui utilisent le franc français,
puis, par conséquent, l'euro à partir du 1
er
janvier
2002, seuls les territoires d'outremer et la Nouvelle-Calédonie, qui
utilisent le franc CFP, n'adoptant pas la monnaie unique, le présent
article mentionne expressément
" les textes législatifs
spécifiques à la Nouvelle-Calédonie, aux territoires
d'outremer et aux collectivités territoriales de
Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte "
.
S'agissant de Saint-Pierre-et-Miquelon, il convient de préciser que le
règlement n° 974/98/CE du Conseil du 3 mai 1998 concernant
l'introduction de l'euro n'est pas applicable à ces îles. C'est
pourquoi le 2° du présent article mentionne cette
collectivité territoriale, qui utilisera l'euro à compter du
1
er
janvier 2002.
Mayotte est également concernée car, si, comme les TOM, son
statut juridique est régi par le principe de la spécialité
législative, elle utilise en revanche le franc français. Il
convient donc de mentionner expressément l'application du présent
projet de loi d'habilitation à cette collectivité territoriale.
Quant aux territoires d'outremer et à la Nouvelle-Calédonie, les
textes qui leur sont applicables, bien que comportant des montants en francs
CFP, mentionnent toutefois des montants en francs français, ces derniers
indiquant, entre parenthèses, la contre-valeur des montants en francs
CFP. Il peut même arriver que des textes pourtant spécifiques aux
TOM et à la Nouvelle-Calédonie ne comportent que des montants en
francs français. Ces derniers, qu'ils soient ou non entre
parenthèses, justifient que les règles de conversion et
l'adaptation qui sera opérée dans le cadre de l'ordonnance soient
applicables aux TOM et à la Nouvelle-Calédonie.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter le présent article sans modification.
ARTICLE 1
er
bis (nouveau)
Non-aggravation des sanctions pécuniaires
législatives et des sanctions pénales
Commentaire : le présent article propose d'inscrire
dans le
présent projet de loi le principe de la non-aggravation des sanctions
pécuniaires législatives et des sanctions pénales suite
à l'adaptation de la valeur en euros de certains montants
exprimés en francs.
Le présent article est issu d'un amendement adopté par
l'Assemblée nationale à l'initiative de son rapporteur, M.
Gérard Fuchs, après qu'il l'eut rectifié en en
étendant la rédaction aux sanctions pénales.
Il tend à préciser la façon dont l'ordonnance permettant
au gouvernement d'adapter la valeur en euros de certains montants
exprimés en francs doit être appliquée.
Ainsi, cette adaptation ne devra entraîner l'aggravation d'aucune
sanction pécuniaire législative ni d'aucune sanction
pénale.
Il s'agit de conférer une valeur législative à un principe
déterminé par le groupe de travail interministériel sur
les conséquences de l'introduction de l'euro sur les " effets de
seuil ", selon les développements figurant dans l'exposé
général du présent rapport.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter le présent article sans modification.
ARTICLE 1
er
ter (nouveau)
Neutralité financière de l'ordonnance pour
les ressources et les dépenses publiques
Commentaire : le présent article propose d'inscrire
dans le
présent projet de loi le principe de la neutralité
financière et budgétaire des opérations d'adaptation de la
valeur en euros de certains montants exprimés en francs.
Cet article résulte d'un amendement présenté par M.
Gérard Fuchs, et adopté par l'Assemblée nationale.
En raison de la relative incertitude financière et budgétaire des
dispositions de l'ordonnance par laquelle le gouvernement, en vertu du
présent projet de loi, pourra adapter la valeur en euros de certains
montants exprimés en francs dans les textes législatifs, cet
article pose comme principe général que
" l'ordonnance
[...]
ne devra pas avoir d'incidence significative sur les ressources et
les dépenses publiques "
.
M. Gérard Fuchs, dans son rapport précité, estime en effet
que
" la neutralité financière globale de
l'opération est un objectif déclaré, mais malgré
les souhaits exprimés par le groupe
[de travail
interministériel]
, elle n'a pas fait l'objet d'une évaluation
ni au niveau ministériel ni à l'échelon
interministériel. Les fiches d'impact, par montants, fournies par les
ministères sont en effet assez laconiques en la
matière ".
Cette incertitude a conduit l'Assemblée nationale, à juste titre,
à introduire dans le présent projet de loi d'habilitation une
disposition de prudence, qui assurera la neutralité, sur le plan
financier et budgétaire, des adaptations opérées par le
gouvernement : elles ne doivent se traduire ni par l'augmentation des
dépenses ni par la diminution des ressources.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter le présent article sans modification.
ARTICLE 2
Délais d'adoption de
l'ordonnance
et de dépôt du projet de loi de ratification
Commentaire : le présent article fixe les deux
délais
exigés par l'article 38 de la Constitution relatifs, d'une part,
à la durée de l'habilitation, et, d'autre part, à la date
du dépôt du projet de loi de ratification.
Comme votre rapporteur l'a rappelé dans le commentaire ci-avant de
l'article 1
er
du présent projet de loi, l'article 38 de la
Constitution impose deux délais à la procédure des
ordonnances :
- d'une part, un délai relatif à la durée de
l'habilitation du gouvernement par le Parlement à intervenir dans le
domaine législatif par ordonnance ;
- d'autre part, un délai relatif à la date du dépôt
du projet de loi de ratification de l'ordonnance.
L'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur, M.
Gérard Fuchs, a amendé le présent article, de telle sorte
que la date de la fin de la durée de l'habilitation demandée soit
précisément indiquée.
En effet, rappelant que le Parlement ne pouvait plus intervenir dans les
matières déléguées pendant la durée de
l'habilitation, le rapporteur de l'Assemblée nationale estime que
" l'habilitation soit accordée jusqu'au lundi 2 octobre 2000
inclus et qu'ainsi elle ne soit plus en vigueur quand le Parlement reprendra
ses travaux "
.
Ainsi, le Parlement retrouvera-t-il sa pleine compétence dès
l'ouverture de la prochaine session parlementaire, celle de 2000-2001.
Cette précision, à laquelle votre rapporteur est favorable par
souci de garantir les droits du législateur, permettra à
celui-ci, le cas échéant, de modifier ou compléter
l'ordonnance lors de l'examen du projet de loi de ratification.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter le présent article sans modification.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 31 mai 2000 sous la
présidence M.
Alain Lambert, président, la commission des finances a enfin
procédé à l'examen du projet de loi n° 330
(1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale, portant
habilitation du Gouvernement à adapter par ordonnance la valeur en euros
de certains montants exprimés en francs dans les textes
législatifs sur le rapport de M. Denis Badré, rapporteur.
M. Denis Badré, rapporteur
, a indiqué que le Sénat
était saisi, en vertu de l'article 38 de la Constitution, d'un projet de
loi portant habilitation du Gouvernement à adapter par ordonnance la
valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes
législatifs. Il a rappelé que, le 31 décembre 1998,
le taux de conversion de l'euro vis-à-vis du franc avait
été fixé de manière irrévocable à
6,55957 francs pour un euro, avec un arrondi à la deuxième
décimale, l'euro étant devenu le lendemain la monnaie unique de
11 pays de l'Union européenne. Toutefois, la simple application des
règles de conversion édictées au niveau communautaire
comporterait un défaut majeur, celui d'un manque de lisibilité
des montants monétaires figurant dans les textes législatifs et
réglementaires, rendant leur mémorisation difficile, et, de ce
fait, étant préjudiciable à la bonne appréhension
de la réglementation. Le projet de loi en examen poursuit donc un
objectif pédagogique. Il a insisté sur le fait que ce projet de
loi concernait uniquement les textes législatifs.
M. Denis Badré, rapporteur
, a ensuite rappelé le contexte
dans lequel intervient ce projet de loi. Alors que la monnaie unique a
été créée le 1
er
janvier 1999, les
pièces et les billets en euros ne seront mis en circulation qu'à
partir du 1
er
janvier 2002, les monnaies nationales ne
subsistant jusqu'au 1
er
juillet 2002 que comme subdivisions non
décimales de l'euro. Ainsi la coexistence de plusieurs formes d'une
même monnaie conduit-elle au cours de la période transitoire
à d'innombrables opérations de conversion donnant lieu à
des arrondis et, par conséquent, à l'apparition d'écarts
de valeurs résultant de ces arrondis. Il a également noté
l'utilisation encore confidentielle de l'euro comme monnaie scripturale, le
niveau des transactions réalisées dans la monnaie unique restant
très faible en France. Il a souhaité que soient amplifiées
les actions de communication dans la perspective de l'introduction de l'euro,
et que soient développées les actions pédagogiques
nécessaires pour préparer les Français à
l'utilisation de leur nouvelle monnaie.
M. Denis Badré, rapporteur
, a expliqué que le Gouvernement
s'était appuyé sur les travaux menés par un groupe de
travail interministériel pour rédiger un projet d'ordonnance. Ce
groupe de travail a été créé en juillet 1996 suite
à une circulaire du Premier ministre du 22 mars 1996 qui a
posé les bases des travaux de concertation avec les administrations
centrales en vue du passage à l'euro. Le groupe de travail a reçu
pour mission de recenser l'ensemble des textes législatifs et
réglementaires affectés par le passage à l'euro tout en
veillant à ce que les références chiffrées
conservent une signification claire pour les agents économiques. Il a
également été chargé d'étudier l'ensemble
des incidences des adaptations envisagées, ainsi que les
conséquences d'un éventuel franchissement de seuils. Ce groupe de
travail a ainsi distingué quatre catégories de textes comportant
des références monétaires, en fonction de l'adaptation
à réaliser en vue de l'introduction de l'euro :
- les textes qui font l'objet d'une revalorisation annuelle au
1
er
janvier de chaque année et qui ne devraient pas
entraîner de difficultés particulières ;
- les textes qui ne sont soumis à aucun impératif de
lisibilité ou qui ne présentent pas de caractère
symbolique, telles que les rémunérations des fonctionnaires ou
les prestations sociales ;
- les textes qui doivent rester lisibles mais dont l'adaptation aurait peu
de conséquences financières, comme les seuils indicatifs ;
- enfin, l'ensemble des autres textes qui sont soumis à un
impératif de lisibilité et dont l'adaptation entraînerait
des conséquences financières importantes ; il en existe
environ 700.
M. Denis Badré, rapporteur
, a ainsi observé que, en raison
de l'impossibilité de recourir à une seule méthode
d'adaptation, le groupe de travail avait arrêté quatre
recommandations constituant un cadre général pour
l'élaboration de l'ordonnance :
- la neutralité juridique, de telle sorte que les adaptations des
textes ne se traduisent par aucune modification du droit existant, et, en
particulier, que le libellé nouveau des montants monétaires
relatifs à une sanction n'entraîne pas l'aggravation de
celle-ci ;
- la neutralité financière, l'adaptation des
références chiffrées ne devant pas se traduire par une
augmentation des dépenses publiques ou une diminution des
ressources ;
- la conservation, dans la mesure du possible, des mêmes
subdivisions entre les montants exprimés en francs et ceux
exprimés en euros après conversion ;
- enfin, l'entrée en vigueur des montants libellés en euros
au 1
er
janvier 2002.
M. Denis Badré, rapporteur
, a ensuite présenté la
situation de l'euro en outre-mer. Il a ainsi indiqué que les
départements d'outre-mer, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, qui
utilisent actuellement le franc français, passeront à l'euro,
tandis que les territoires d'outre mer et la Nouvelle-Calédonie
continueront d'utiliser le franc pacifique.
Il a, enfin, présenté les modifications que l'Assemblée
nationale avait apportées au projet de loi. Estimant que les principes
retenus par le groupe de travail interministériel pouvaient parfois
revêtir une faible portée concrète ou bien manquer de
précision, l'Assemblée nationale a fort opportunément
donné valeur législative à deux recommandations du groupe
de travail : d'une part, le principe de la neutralité juridique des
adaptations opérées, notamment l'interdiction de l'aggravation de
toute sanction pécuniaire législative et de toute sanction
pénale, et, d'autre part, le principe de neutralité
financière. Elle a également accordé au Gouvernement
l'habilitation demandée jusqu'au 2 octobre 2000 inclus, de
manière à ce qu'elle ne soit plus en vigueur lorsque le Parlement
reprendra ses travaux.
M. Denis Badré, rapporteur,
a considéré que ces
dispositions s'imposaient, en raison de la nécessaire prudence dont il
faut faire preuve face à un exercice inédit.
M. Paul Loridant
a estimé que, si ce projet de loi revêtait
un caractère technique certain, il n'en était pas moins important
et que, de ce fait, il fallait veiller à ce que le Gouvernement reste
dans la limite de l'habilitation que lui accorde le Parlement. Il a ensuite
émis des doutes sur la pertinence du délai du 2 octobre 2000
retenu par l'Assemblée nationale. Il a enfin rappelé que de
nombreux commerçants comme les administrations ou organismes publics
refusaient encore quasi-systématiquement les moyens de paiement en euros.
M. Jacques Oudin
s'est interrogé sur la nécessité
de recourir à l'article 38 de la Constitution pour procéder
aux adaptations qu'il s'agit d'opérer.
En réponse,
M. Denis Badré, rapporteur
, a apporté
les éléments d'information suivants :
- les actions de communication visant à promouvoir l'utilisation de
l'euro doivent être nettement développées ; il a
regretté que des frais de change continuent d'être perçus
au sein même de la zone euro ;
- il a émis le souhait que la période transitoire
prévue par le traité de Maastricht pour introduire les
pièces et les billets en euros soit ramenée de six mois à
six semaines ;
- il a indiqué que le présent projet de loi remplissait les
conditions posées par l'article 38 de la Constitution ;
- si l'utilisation de l'euro facial reste trop peu importante, il convient
de ne pas perdre de vue que les consommateurs utilisent déjà
l'euro, le franc français, comme l'ensemble des monnaies nationales de
la zone euro, ayant cessé d'exister depuis le
1
er
janvier 1999.
La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.
Elle a adopté, sans modification, les
articles 1
er
,
relatif au champ de l'habilitation,
1
er
bis (nouveau)
, relatif à la
neutralité juridique,
1
er
ter (nouveau),
relatif à la limitation de l'écart entre la valeur initiale en
francs et la valeur en euros,
1
er
quater (nouveau),
relatif à la neutralité budgétaire et
2,
relatif
à la condition de double délai posée par l'article 38 de
la constitution.
Puis,
la commission
, conformément aux conclusions de son
rapporteur,
a décidé de proposer au Sénat d'adopter,
sans modification, le projet de loi portant habilitation du Gouvernement
à adapter par ordonnance la valeur en euros de certains montants
exprimés en francs dans les textes législatifs.
1
Le Royaume-Uni, la Suède, le
Danemark
et la Grèce ne participent pas à l'UEM.
2
Tableau de bord relatif à l'évolution de
l'utilisation de l'euro, mars 2000.
3
Rapport n° 2338, page 18, Assemblée nationale,
XIème législature.
4
Il convient désormais d'y ajouter la
Nouvelle-Calédonie.
5
Institut d'émission des départements d'outremer.
6
Institut d'émission d'outremer.