Rapport n° 355 (1999-2000) de M. Xavier PINTAT , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le
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INTRODUCTION
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I. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
DÉSORMAIS CONSCIENTE DES RISQUES LIÉS À L'ÉMISSION
DE GAZ À EFFET DE SERRE
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A. UN LIEN TRÈS PROBABLE ENTRE L'AUGMENTATION
DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE ET LE RÉCHAUFFEMENT
CLIMATIQUE
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B. L'ÉMERGENCE D'UNE CONSCIENCE
ENVIRONNEMENTALE PLANÉTAIRE S'INSCRIT DANS LA DURÉE
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A. UN LIEN TRÈS PROBABLE ENTRE L'AUGMENTATION
DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE ET LE RÉCHAUFFEMENT
CLIMATIQUE
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II. LE PROTOCOLE DE KYOTO : UN EFFORT
RÉEL MAIS INACHEVÉ POUR RÉDUIRE LES ÉMISSIONS DE
GAZ À EFFET DE SERRE
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III. UNE RÉPONSE PARTIELLE AUX
DÉFIS SOULEVÉS PAR LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE
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IV. LA FRANCE : UNE RESPONSABILITÉ
PARTICULIÈRE DANS LA LUTTE CONTRE L'EFFET DE SERRE
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I. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
DÉSORMAIS CONSCIENTE DES RISQUES LIÉS À L'ÉMISSION
DE GAZ À EFFET DE SERRE
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CONCLUSION
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EXAMEN EN COMMISSION
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PROJET DE LOI
N° 355
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 mai 2000 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l' approbation du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (ensemble deux annexes),
Par M. Xavier PINTAT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Xavier Dugoin, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2183 , 2296 et T.A. 486 .
Sénat : 305 rect. (1999-2000).
Traités et conventions. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
En décembre 1997, la troisième conférence des Parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, réunie à Kyoto, a adopté un protocole additionnel à cette convention signée aujourd'hui par quatre-vingt-trois Etats.
Ce protocole additionnel est à la fois le prolongement de la convention-cadre sur les changements climatiques de juin 1992 et un tournant. Prolongement, car il traduit la préoccupation grandissante de la communauté internationale désormais consciente des risques soulevés par le réchauffement climatique ; mais aussi tournant, car il marque la volonté non plus seulement de stabiliser mais de réduire la diffusion de gaz à effet de serre reconnus responsables d'une aggravation de l'effet de serre.
La France, après avoir signé le protocole de Kyoto le 29 avril 1998, sera le premier Etat de l'Union européenne à entamer les procédures de ratification.
Le philosophe allemand Hans Jonas définit comme première obligation de son « Ethique d'avenir » le devoir de se représenter une idée des effets lointains de sa décision présente 1 ( * ) . L'application de mesures concrètes pour préserver l'environnement et prévenir le réchauffement climatique aux conséquences potentiellement néfastes répond à cette exigence. Transmettre l'héritage qu'est l'environnement aux générations futures relève d'une responsabilité dévolue à la communauté internationale.
La modification récente des équilibres climatiques, le dérèglement du cycle des saisons ainsi que le déchaînement des forces de la nature dans de nombreux points du monde avivent l'urgence d'une réponse adaptée de la communauté internationale. Depuis le Rapport du Club de Rome sur les limites de la croissance 2 ( * ) de 1972, la prise de conscience de la communauté internationale quant aux conséquences de l'industrialisation généralisée s'est progressivement affirmée. Les variations climatiques sont aujourd'hui devenues un sujet de préoccupation pour l'ensemble des Etats devant concilier le développement économique et la préservation d'un environnement fragilisé.
En ce sens, le protocole de Kyoto constitue à la fois un défi et une promesse : défi pour l'ensemble de la communauté internationale qui doit dépasser les clivages économiques et nationaux en adoptant des mesures concrètes et globales ; promesse, car les mesures décidées concernent le long terme et ainsi les générations appelées à nous succéder.
Votre rapporteur rappellera d'abord les étapes de la prise de conscience par la communauté internationale de la menace représentée par l'émission de gaz à effet de serre avant d'analyser les principales dispositions du protocole de Kyoto. Il soulignera ensuite que ce texte constitue le premier jalon d'un effort appelé à se poursuivre dans les années à venir et évoquera, enfin, le rôle particulier de la France dans la lutte contre l'effet de serre.
I. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE DÉSORMAIS CONSCIENTE DES RISQUES LIÉS À L'ÉMISSION DE GAZ À EFFET DE SERRE
A. UN LIEN TRÈS PROBABLE ENTRE L'AUGMENTATION DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE ET LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE
1. L'effet de serre : un phénomène naturel dangereusement aggravé par les activités humaines
a) Un phénomène naturel : l'effet de serre comme condition de la biodiversité
Les gaz à effet de serre sont le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), l'oxyde nitreux (N2O) et l'ozone (O3) troposphérique. Présents dans l'amosphère à des concentrations très faibles (mesurées en « parties par millions » -ppmv- c'est-à-dire en millilitres de gaz pour mille litres d'air), ils sont, avec la vapeur d'eau, à l'origine du phénomène d'effet de serre. Ils permettent en effet de retenir le rayonnement qu'émet la terre et, qui autrement, irait se perdre dans l'atmosphère.
Sans les différents gaz à effet de serre, la température moyenne sur le globe avoisinerait les - 18°c et ruinerait la diversité de l'écosystème au point de le rendre invivable. Leur présence dans la troposphère garantit ainsi une température moyenne de 15°c, grâce à laquelle la biodiversité peut apparaître et se maintenir.
b) Un équilibre précaire bouleversé par la main de l'homme
L'utilisation industrielle, puis domestique, de combustibles fissiles a cependant entraîné une concentration accrue des gaz à effet de serre présents dans l'atmosphère. Ainsi, la concentration de dioxyde de carbone (CO2), principal gaz à effet de serre, a cru de 30 % depuis l'ère préindustrielle -et si les émissions de ce gaz étaient maintenues à leur niveau actuel, cette concentration pourrait encore doubler d'ici la fin du XXIe siècle.
Par ailleurs, les activités humaines ont aussi ajouté, aux gaz naturellement présents dans l'atmosphère, d'autres gaz qui n'existaient pas à l'ère préindustrielle, les chlorofluorocarbones (CFC) responsables du « trou » dans la couche d'ozone.
Cette évolution apparaît préoccupante. En effet, l'accumulation de gaz à effet de serre dans l'atmosphère pourrait modifier le climat. L'hypothèse repose sur de fortes présomptions avancées par la communauté internationale. Le groupe international sur l'évolution du climat (GIEC) -instance intergouvernementale qui regroupe près de 2 000 chercheurs et experts- a ainsi dressé dans son deuxième rapport rendu public en 1995 un double constat :
- les concentrations de gaz à effet de serre s'accroissent sous l'effet des activités humaines ;
- la température du globe au augmenté de 0,4 à 0,6° au cours du XXe siècle .
Le rapport du GIEC considère pour la première fois comme probable un rapport de cause à effet entre ces deux phénomènes. Ce rapport, il faut le souligner, a été approuvé par l'ensemble des parties à la convention-cadre sur les changements climatiques.
2. Un réchauffement lourd de conséquences pour la planète
Le réchauffement climatique général depuis la fin du XIXe siècle est manifeste et comporte au moins trois risques pour l'ensemble de la population mondiale : une hausse du niveau moyen des températures, une élévation du niveau des océans ainsi qu'une plus grande amplitude des cycles hydrologiques.
a) Une hausse du niveau moyen des températures
La tendance au réchauffement général est surtout perceptible depuis les années 90 : ainsi, de mai 1997 à août 1998, les records de sécheresse se sont succédé au point de mettre en péril les rendements agricoles dans les zones arides.
La hausse des températures est également susceptible, par exemple, d'entraîner la disparition des bancs de coraux qui ne peuvent survivre à une élévation de la température des eaux marines au-delà de 29-30°c. Les départements et territoires d'outre mer, en particulier, seraient confrontés à la disparition d'un élément régulateur de leur écosystème.
En outre, le renforcement de l'aridité et l'allongement des périodes de chaleur - globales et non plus locales comme celles mentionnées par le Rapport sur les limites de la croissance du Club de Rome en 1972 - auraient pour conséquence néfaste l'augmentation des risques de mortalité et de la morbidité cardiorespiratoire ainsi que l'extension des zones touchées par les maladies infectieuses propagées par les insectes tropicaux.
b) Une élévation du niveau des océans
Alors que le niveau des océans a augmenté de près de vingt centimètres depuis l'époque préindustrielle, les prévisions du GIEC évoquent une augmentation probable évaluée entre quinze et quatre-vingt-quinze centimètres d'ici au siècle prochain. Deux facteurs permettent d'expliquer cette élévation générale du niveau des océans : la dilatation de leur surface, mais surtout une fonte accélérée des glaces située aux deux pôles.
Un tel phénomène serait lourd de conséquence pour les espaces côtiers et leurs populations. Les estimations scientifiques s'accordent à souligner qu'une élévation de près d'un mètre du niveau de la mer induit un recul de près de cent mètres des côtes et présente ainsi un risque global pour les deltas et les rivages à lagunes. Des Etats insulaires ou de basse altitude seraient menacés de disparition. Ainsi, près de vingt pour cent de la superficie du Bangladesh - accueillant une forte densité de population - risqueraient d'être submergés. Dans les Caraïbes, le Pacifique et l'Océan Indien, l'anéantissement de nombreux Etats-îles résulte de sérieuses projections. Les autorités de l'île Tuvalu ont ainsi négocié des concessions avec la Nouvelle-Zélande afin de garantir à leur population déplacée une zone de peuplement. Les lagunes de la Camargue et l'estuaire de la Gironde seraient également touchés par l'élévation du niveau des océans.
En outre, l'avancée des eaux salées dans les régions d'estuaire, résultant de la hausse du niveau des océans pourrait menacer les cultures pratiquées et les approvisionnements en eau potable.
c) Une amplitude accentuée des cycles hydrologiques
Le réchauffement climatique est aussi à l'origine de l'augmentation du niveau global des précipitations responsable de nombreuses catastrophes naturelles, en particulier depuis le début de la décennie 1990. L'exceptionnelle ampleur enregistrée par le dernier phénomène « El Niño » en serait une manifestation supplémentaire.
S'il n'est pas démontré que la tempête qui a frappé la France en décembre dernier soit le signe d'un changement climatique, le réchauffement climatique, s'il se confirme, devrait s'accompagner d'une modification de la variabilité du climat et, en conséquence, d'une augmentation probable de la fréquence et de l'intensité d'événements extrêmes.
L'estimation des dommages économiques -de l'ordre de 1,5 à 2 % du PIB des pays développés, voire davantage pour les pays en développement- souligne les risques qui pourraient ainsi être entraînés par une augmentation de 2,5°C de la température.
B. L'ÉMERGENCE D'UNE CONSCIENCE ENVIRONNEMENTALE PLANÉTAIRE S'INSCRIT DANS LA DURÉE
1. La lente réaction de la communauté internationale confrontée aux dérèglements climatiques
La prise de conscience par la communauté internationale de la fragilité de l'environnement s'inscrit dans la durée.
La notion d'effet de serre artificiel résultant d'une anormale concentration de dioxyde de carbone provenant des activités anthropiques, a été élaborée par le savant suédois Svante Arrhenius à la fin du XIXème Siècle.
La « croissance exponentielle dans un monde fini » 3 ( * ) , qui marque les Trente Glorieuses, est à la fois l'occasion d'un accroissement de la diffusion des substances fossiles dans l'atmosphère, mais aussi de la prise de conscience des risques liés au progrès technique par les opinions publiques et la communauté scientifique.
Dès 1963, cinq années après l'installation d'une base de mesure de la teneur en CO2 à Hanoi, la possible modification de l'ensemble du cycle naturel en dioxyde de carbone par les activités humaines est avancée.
Les conclusions du rapport du Club de Rome ont été débattues en 1972 lors de la conférence organisée à Stockholm par l'Organisation des Nations unies. La création du programme des Nations unies pour l'environnement, dont le siège se trouve à Nairobi (Kenya) répond aux préoccupations suscitées par la protection de l'environnement, parmi lesquels le réchauffement climatique. Toutefois, de nombreuses dissensions opposent les Etats industrialisés du nord et les pays du sud sur les moyens de concilier la préservation de l'environnement avec le développement économique.
En 1985, la découverte d'une baisse spectaculaire et régulière de la quantité d'ozone au-dessus de l'Antarctique depuis 1979, légitime les perspectives inquiétantes évoquées par les instances de l'Organisation des Nations unies quant aux conséquences climatiques des activités humaines.
Les craintes émises par l'ONU trouvent un relais au sein du G7, réuni à Toronto en 1988, qui exprime sa « vive inquiétude » face à l'effet de serre.
La même année, la création par l'Assemblée générale des Nations unies du groupe intergouvernemental d'évaluation du climat (GIEC) confère à un panel de plus de deux mille experts de tous horizons et provenant de près de soixante pays, la mission d'évaluer les données scientifiques sur l'évolution du climat, d'en apprécier les incidences écologiques et socio-économiques afin de formuler auprès des autorités gouvernementales des stratégies optimales de prévention et d'adaptation.
La décennie 90 va enregistrer continûment des records de chaleur - selon le climatologue américain Mike Mann, l'année 1998 a été la plus chaude du millénaire - ainsi que des catastrophes climatiques d'une ampleur sans précédent. Parmi ces derniers, le phénomène de réchauffement des eaux du Pacifique dénommé « El Niño » qui a entraîné la mort de plus de 21 000 personnes et provoqué plus de 33 milliards de dollars de dégâts entre 1997 et 1998.
Au cours de cette décennie les déclarations de principe vont faire place à des dispositions plus volontaristes comprenant des mesures contraignantes. La lutte contre l'effet de serre apparaît désormais comme le fruit d'une volonté politique confrontée à l'urgence de mesures concrètes.
2. La décennie 1990 est marquée par la création d'instruments perfectibles de régulation
La première décision multilatérale plus spécifiquement consacrée à la lutte contre l'effet de serre, a été prise lors de la Conférence de Montréal organisée en 1987 par l'adoption d'un protocole d'application de la Convention de Vienne de 1985 relatif à la sauvegarde de la couche d'ozone, signé par cent cinquante Etats. La responsabilité des chlorofluorocarbones (CFC), dans la formation du « trou » d'ozone dans la stratosphère arctique et antarctique, a motivé l'engagement de ces Etats à respecter la décision d'un arrêt progressif de leur utilisation et production. L'objectif est de revenir début 2100 à une proportion de gaz CFC qualifiée de « normale ».
Mais le caractère alarmant des phénomènes enregistrés a contribué à l'amplification des mesures décidées lors de la convention de 1987. Dès 1990, le premier rapport du GIEC a préconisé la nécessaire réduction de plus de 60 % des émissions de dioxyde de carbone et de méthane dans l'atmosphère. Les conclusions de ce premier rapport ont trouvé un relais institutionnel lors des conférences de Rio (juin 1992) et de Copenhague (novembre 1992).
A Rio, le « Sommet de la Terre » aboutit à l'adoption d'une convention-cadre sur les changements climatiques qui prévoyait la stabilisation du niveau des émissions de gaz à effet de serre en l'an 2000 à celui de 1990. Seuls les pays industrialisés, regroupés au sein de l'Annexe I, ont accepté de limiter leurs émissions de gaz à effet de serre. En outre, un Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM) a été constitué. Il a pour objectif de financer les inventaires nationaux des émissions de gaz à effet de serre des pays en développement ainsi que de soutenir financièrement les projets de développement s'inscrivant dans le programme de lutte contre le changement climatique. Le Sommet de Rio a ainsi permis d'identifier les grands problèmes relatifs à la préservation de l'environnement mondial et a été la source de nombreux accords multilatéraux comme la convention cadre sur le changement climatique, la convention pour la diversité biologique et la convention pour la lutte contre la désertification. Cependant, l'affirmation de la souveraineté des Etats en matière d'exploitation de leurs ressources selon leur propre politique d'environnement 4 ( * ) relativise la portée des instruments internationaux destinés à lutter contre le réchauffement climatique.
La conférence de Copenhague, réunie en novembre 1992 sous l'égide du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) a décidé l'abandon anticipé de la production et l'emploi de certaines substances (halons, chlorure de méthyle et certains CFC) par rapport au calendrier initialement fixé à Montréal en 1987. La création d'un fonds spécial destiné aux Etats en développement pour favoriser l'adoption de nouvelles réglementations internationales en matière de protection de l'environnement, a été entérinée.
Cependant, l'efficacité des mesures annoncées lors des différentes conférences réunies autour du réchauffement climatique incitait à un certain scepticisme. C'est pourquoi la Déclaration de Genève de 1996 a préconisé l'adoption de dispositions contraignantes dans le cadre de protocoles à la convention cadre sur les changements climatiques. Elle a ainsi mandaté la Conférence de Kyoto (11 décembre 1997) d'élaborer un protocole tendant à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Confrontée à l'urgence des mesures efficaces pour lutter contre le phénomène de réchauffement climatique, la communauté internationale a dû s'efforcer de surmonter certaines dissensions.
3. Le problème de l'environnement révèle la diversité d'approches au sein de la communauté internationale
Le débat sur le réchauffement planétaire a été jusqu'à présent la source de tensions entre Pays du Nord et du Sud lorsque sont confrontées les exigences apparemment antinomiques de la croissance industrielle et de la préservation nécessaire de l'environnement.
a) Les équivoques du développement durable
Pour les pays en développement, la répartition actuelle et les perspectives d'émissions des gaz à effet de serre semblent souligner la responsabilité des Etats les plus industrialisés dans le réchauffement climatique : les pays membres du G8 devraient ainsi montrer l'exemple dans la lutte contre l'effet de serre.
Emissions annuelles de CO2 : L'importance croissante des pays en développement Part des émissions mondiales de CO2 (En %) |
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1990 |
2050 |
|
OCDE |
48 |
25 |
dont Etats-Unis |
23 |
12 |
Europe de l'Est et ex-Union soviétique |
23 |
17 |
Chine et Inde |
13 |
38 |
Reste du monde |
16 |
20 |
Source : modèle GREEN de l'OCDE, 1998 |
Emissions de CO2 par habitant en 1993 (en tonnes de carbone par an) |
|
Etats-Unis |
5,4 |
Pays-Bas |
3,1 |
OCDE |
3 |
Allemagne |
3 |
France |
1,7 |
Chine |
0,6 |
Afrique |
0,2 |
Monde |
1,1 |
La concertation entre les Etats doit tenir compte d'une double aspiration : les pays du Sud accordent la priorité à leur développement économique tandis que les pays du Nord poursuivent leur objectif de croissance. Dans ces conditions, l'accroissement des émissions de gaz à effet de serre et la réduction des puits d'absorption pourraient paraître inéluctables.
Le Rapport Brundtland de 1987, en définissant le concept de « durabilité », souligne que seul un développement garantissant une répartition plus équilibrée des fruits de la croissance mondiale et surtout privilégiant des politiques de long terme, parmi lesquelles la préservation de l'environnement, demeure le meilleur compromis entre croissance et lutte contre la pollution.
Mais la signification du « développement durable » préconisé par le Rapport Brundtland ne fait nullement l'unanimité au sein de la Communauté Internationale. La Convention de Rio a révélé ces ambiguïtés : elle prône une « croissance forte et durable », sans pour autant distinguer le Nord du Sud. Mais l'augmentation des quantités rejetées notamment au nord depuis 1992 souligne que la notion de « plus de développement » s'est substituée à celle de « meilleur développement » initialement préconisée.
b) Les pays en développement dans la négociation : une absence d'unanimité
Une extrême hétérogénéité caractérise le groupe des pays en développement. La perception de leur vulnérabilité au changement climatique ainsi que leurs besoins de développement déterminent leurs intérêts et leurs positions face aux mesures à adopter pour lutter contre le réchauffement climatique. La diversité des stratégies adoptées dépend avant tout de leur niveau actuel de développement, de l'ouverture ou de la dépendance de leur économie respective aux exportations d'énergie fossile et aux caractéristiques actuelles de leur appareil industriel.
Or, les perspectives de consommation des pays en développement à l'horizon 2020 présentent une nette augmentation de leur consommation qui devrait être de l'ordre de 50% de l'énergie mondiale. Bien qu'ils rejettent aujourd'hui près d'un tiers des émissions des gaz à effet de serre, la plupart de ces pays refusent catégoriquement toute décision de réduction, au nom du droit au développement. Mais une telle position ne fait nullement l'unanimité : entre les pays de l'Alliance des petits Etats insulaires (APEI), directement menacés par la montée des eaux résultant du réchauffement climatique, et les membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), les positions sont différentes.
Les pays de l'APEI préconisent des actions rapides et globales pour réduire les émissions de dioxyde de carbone, en raison de l'incertitude de leurs effets, conformément au principe de précaution . Ils ont été les premiers à proposer un objectif chiffré de réduction des émissions de dioxyde de carbone de près de 20% entre 1990 et 2005 tout en prévoyant un calendrier de concertation pour parvenir à la réduction progressive des autres gaz à effet de serre. Mais leur faible poids économique constitue un obstacle à l'adhésion des autres Etats à un tel programme.
Au contraire, les pays de l'OPEP sont, quant à eux, opposés à toute réduction de consommation d'énergies fossiles -sur l'exportation desquelles leur économie dépend en majeure partie. L'incertitude quant aux effets prévisibles de la diffusion des gaz à effet de serre a été avancée par plusieurs Etats membres de l'OPEP, dont le Koweit, l'Iran, l'Arabie Saoudite, le Vénézuela et soutenue par la Thaïlande afin de souligner le caractère prématuré d'un protocole aux aspects contraignants.
Trois autres groupes peuvent être distingués :
- les pays producteurs de charbon (principalement la Chine, l'Inde et l'Afrique du Sud) dont les exportations et les consommations énergétiques dépendent fortement de cette source d'énergie. Si la Chine a signé le protocole de Kyoto, l'Inde et l'Afrique du Sud s'y sont pour l'heure refusé.
- les pays semi-industrialisés de l'Asie du Sud-Est : leur identité économique résulte de l'augmentation du contenu énergétique de leurs exportations consécutive des délocalisations industrielles mises en oeuvre au début des Années 80. Mais des prises de positions divergentes caractérisent plus particulièrement les Etats de ce groupe : s'il est vrai que la Thaïlande s'aligne sur les positions de l'OPEP, la Corée du Sud , quant à elle, nouveau membre de l'OCDE, a entrepris une réduction volontaire des émissions de gaz à effet de serre dans son nouveau plan énergétique.
- les pays d'Amérique Latine : seul le Brésil se détache de la discrétion observée par les autres pays de cette région sur le problème de l'émission des gaz à effet de serre. Les propositions brésiliennes ont été exprimées lors du « Mandat de Berlin » de 1995 destiné à préparer l'élaboration du protocole de Kyoto : elles préconisent une méthodologie de calcul global des émissions, un renforcement des obligations de réduction de 30% entre 1990 et 2020, la définition d'une responsabilité en matière d'émissions au prorata des objectifs définis pour chaque gaz avec une périodicité des évaluations sanctionnables pécuniairement, et enfin la constitution d'un fonds de réduction et de stabilisation des émissions dans les pays n'appartenant pas à l'Annexe I.
II. LE PROTOCOLE DE KYOTO : UN EFFORT RÉEL MAIS INACHEVÉ POUR RÉDUIRE LES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE
L'objectif de réduction de gaz à effet de serre constitue le principal apport du protocole de Kyoto. Cet objectif global se décline sous la forme d'engagements différenciés selon les pays signataires. Quant aux instruments de mise en oeuvre, ils reposent, à titre principal, sur les mesures nationales et, de manière subsidiaire, sur des « mécanismes de flexibilité » associant plusieurs Etats. Le parti pris de souplesse retenu par le dispositif peut apparaître comme un gage d'efficacité. Cependant, l'insuffisance des mécanismes de contrôle et l'absence de sanctions représentent d'indéniables faiblesses.
A. DES OBJECTIFS PRÉCIS, DES MOYENS SOUPLES
1. Des engagements chiffrés
a) Un objectif global de réduction des gaz à effet de serre
Le protocole fixe aux pays industrialisés l'objectif de réduction d'au moins 5,2 % en moyenne des émissions de gaz à effet de serre sur la période 2008-2012 par rapport à l'année 1990. Cet objectif peut paraître bien modeste au regard des positions initiales de certaines parties -ainsi l'Union européenne plaidait pour une baisse de 15 %- mais aussi de l'effort nécessaire pour stabiliser le phénomène de réchauffement climatique, soit une réduction de moitié des émissions d'ici 2050.
Cependant, en retenant le principe d'une réduction des émissions, le protocole de Kyoto marque une avancée indéniable sur la convention-cadre relative au changement climatique dont l'objectif était seulement la stabilisation des émissions de gaz à effet de serre en 2000 à leur niveau de 1990.
L'impact de l'objectif chiffré est encore renforcé, il faut le souligner, par le champ d'application du protocole. Le texte vise en effet, comme le prévoit l'annexe A, non seulement le dioxyde de carbone (CO2), mais aussi le méthane (CH4), l'oxyde nitreux (N2O), les hydrofluorocarbones (HFC), les hydrocarbures perfluorés (PFC), l'hexafluorure de soufre (SF6).
b) Des engagements différenciées selon les pays
. Seuls les pays industrialisés et à économie de transition sont soumis à une obligation chiffrée de réduction de leurs émissions.
Le protocole distingue d'abord entre les pays en développement et les pays industrialisés et à économie de transition (souvent appelés « pays de l'annexe I » car l'annexe I de la convention-cadre relative aux changements climatiques en fixe la liste). Seul ce dernier groupe se voit assigner des objectifs chiffrés de réduction de gaz à effet de serre . Les pays en développement ont, quant à eux, pour principales obligations de préparer un programme national de l'effet de serre et de soumettre une communication nationale (dont la préparation est financée par les pays industrialisés à travers le Fonds pour l'environnement mondial).
Si la convention-cadre et le protocole ne prévoient pas d'obligation et, a fortiori, de calendrier pour un renforcement des obligations des pays en développement, le réexamen périodique des engagements des parties, prévu par le protocole (art. 4§2 d et 7§2 a) pourrait permettre, en la matière, des évolutions. Tout renforcement des obligations doit naturellement être accepté par la Conférence des parties. Les Etats en développement peuvent également, à tout moment, demander à être soumis à un objectif de réduction de leurs émissions comme l'ont fait l'Argentine et le Kazakhstan.
. Les distinctions au sein des pays industrialisés et à économie de transition
Le protocole introduit par ailleurs plusieurs distinctions au sein même du groupe des pays industrialisés et à économie de transition.
En premier lieu, chacun des Etats de l'annexe I est soumis à un objectif de réduction, fixé par l'annexe B du protocole et différent d'un pays à l'autre. Sur la période 2008-2012, la France, comme l'Allemagne, doit réduire de 8 % ses émissions par rapport à 1990, les Etats-Unis de 7 %, le Japon de 6 %. Certains Etats, comme la Russie, se doivent seulement de stabiliser leurs émissions. D'autres peuvent même les augmenter (+ 8 % pour l'Australie par exemple).
Cependant, les Etats peuvent décider de remplir conjointement leurs engagements (art. 4). A condition que le total cumulé de leurs émissions ne dépasse pas l'addition de leurs engagements individuels, les Etats peuvent alors redistribuer entre eux leurs quotas selon une répartition différente de celle retenue dans le cadre du protocole. Les Etats intéressés forment une « bulle » : ils signent un accord séparé, notifié aux autres parties au moment de la ratification du protocole de Kyoto et destiné à rester en vigueur pendant la période 2008-2012.
Les Etats membres de l'Union européenne ont ainsi choisi de former ensemble une « bulle ». Dans ce cadre, l'Allemagne et la France par exemple, qui s'étaient engagées dans un premier temps sur un objectif similaire de réduction de 8 % pour 2008-2012 par rapport à 1990, ont vu leurs objectifs ramenés respectivement à 0 % et - 21 %. L'Union européenne s'est ainsi engagée pour l'ensemble de ses Etats membres à réduire de 8 % les émissions.
Dans l'hypothèse où l'objectif commun de réduction ne peut être atteint, la responsabilité des Etats membres est engagée conjointement avec celle de l'organisation régionale sur la base des engagements fixés dans l'accord séparé.
. Le cas particulier des pays en transition vers une économie de marché au sein du groupe des pays de l'annexe I.
Le protocole ouvre aux pays en transition vers une économie de marché, la possibilité, s'ils n'ont pas encore communiqué leurs inventaires nationaux de stock de carbone, de demander à la Conférence des parties de retenir une autre date de référence que 1990 pour respecter leurs engagements. Cette disposition prolonge la décision de la seconde Conférence des parties de fixer, pour la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne et la Roumanie, une autre année de référence que 1990 pour comptabiliser leurs réductions d'émissions (art. 3§5).
Par ailleurs, les pays en transition disposeront d'une latitude plus grande dans l'exécution de leurs différents engagements autres que l'obligation de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre (art. 3§6).
Une certaine différenciation est également appliquée en fonction des gaz émis dans la mesure où il est possible de retenir 1995 et non 1990 comme année de référence pour les hydrofluorocarbones, les hydrocarbures perfluorés et l'hexafluorure de soufre (art. 3§8).
2. Les instruments : le parti pris du pragmatisme
Aux termes du protocole, l'objectif de réduction des émissions à effet de gaz passe d'une part, par l'adoption de mesures nationales et d'autre part, par des mécanismes d'application associant plusieurs Etats.
a) L'adoption de politiques et de mesures nationales
Le protocole cite une liste non exhaustive des actions qui peuvent être entreprises au niveau national (art. 2§1 a) :
- la protection et le renforcement des puits et réservoirs de gaz à effet de serre (notamment par la promotion des méthodes durables de gestion forestière, boisement et reboisement) ;
- la recherche et l'utilisation accrue de sources d'énergie renouvelables ;
- la réduction et la suppression graduelle des imperfections du marché tendant à favoriser les secteurs émettant des gaz à effet de serre, en particulier les incitations fiscales ou les subventions ;
- la limitation ou la réduction des émissions en provenance des transports ;
- la réduction des émissions de méthane dans le secteur des déchets, de la production et de la distribution de l'énergie.
Il ne s'agit là toutefois que d'un inventaire indicatif ; le protocole de Kyoto se montre en revanche plus précis sur les méthodes auxquelles les Etats peuvent recourir de manière conjointe.
b) Les mécanismes de flexibilité
Si chacune des parties signataires du protocole doit s'efforcer de respecter les quotas d'émission qui lui ont été attribués, elle peut aussi rencontrer des difficultés dans l'exécution de ses engagements. Le protocole lui permet alors d'accroître les droits d'émission, soit en procédant à des échanges de droits d'émission avec d'autres parties de l'annexe, soit en finançant des projets d'aide dans les pays en développement. Ces « mécanismes de flexibilité » se fondent sur une double considération :
- l'objectif poursuivi par le protocole reste une réduction globale de l'émission des gaz à effet de serre ; un aménagement dans la répartition des droits d'émission demeure possible tant que cet objectif est respecté ;
- dans cette perspective, des possibilités de dépassement de quota, si elles sont encadrées, peuvent s'avérer plus efficaces que la détermination de quotas rigides qui ne seraient pas appliqués.
La difficulté tient naturellement au respect de l'équilibre entre la souplesse nécessaire et la réduction indispensable des émissions à effet de serre.
L'Union européenne a d'ailleurs obtenu que ces mécanismes de flexibilité n'interviennent qu'en « complément » des politiques et mesures nationales. Si le principe de ces mécanismes de flexibilité a été admis par les Etats parties, leur mise ne oeuvre pratique demeure un objet de différends et a d'ailleurs été renvoyée à des réunions ultérieures de la Conférence des parties.
Le protocole de Kyoto prévoit trois types de mécanisme de flexibilité :
- l'échange de permis d'émissions négociables ;
- la mise en oeuvre conjointe ;
- le mécanisme de développement propre.
. L'échange de permis d'émissions négociables (art. 17)
Les pays qui ont pris des engagements chiffrés peuvent procéder entre eux des échanges de droits d'émission . Ainsi, un pays qui aura dépassé le quota qui lui était attribué peut racheter une partie des quotas d'un Etat dont les émissions auront été inférieures au niveau fixé par le protocole.
. La mise en oeuvre conjointe (art. 6)
La mise en oeuvre conjointe ne constitue qu'une variante de l'échange d'émission. Elle ne concerne également que les pays de l'annexe I. Elle permet à un pays d'obtenir des « unités de réduction des émissions » en contrepartie du financement dans un autre pays d'un projet destiné à réduire les émissions de gaz à effet de serre. En pratique, ce mécanisme pourrait s'appliquer à l'aide qu'un Etat occidental pourrait apporter à un pays de l'ancienne sphère soviétique : substitution de combustible d'une centrale thermique, développement d'une infrastructure ferroviaire... Ces unités de réduction augmenteront d'autant le quota de la partie qui financera le projet tout en étant déduites du quota du pays bénéficiaire.
Ce mécanisme de flexibilité est soumis à deux conditions principales :
- l'agrément des parties intéressées (sous la forme d'un accord intergouvernemental),
- l'exigence que le projet financé permette une réduction supplémentaire des émissions par rapport à celle qui pourrait être obtenue par les mesures nationales.
Le protocole permet par ailleurs aux parties d'autoriser des personnes morales -dans les faits des entreprises nationales- à participer à ce mécanisme.
. Le mécanisme de développement propre (art. 12)
Ni l'échange de permis d'émissions négociable, ni la mise en oeuvre conjointe ne peuvent s'appliquer aux pays en développement pour lesquels aucun quota d'émission n'a été fixé. En revanche, un « mécanisme pour un développement propre » permet aux pays industrialisés d'obtenir des droits supplémentaires d'émission quand ils investissent dans des projets de réduction d'émissions pour des pays en développement.
Ce mécanisme est toutefois encadré. En effet, dans la mesure où le pays bénéficiaire ne perd pas de quotas puisqu'il n'a pas pris d'engagements chiffrés, ce dispositif pourrait être aisément détourné de ses objectifs. C'est pourquoi les réductions d'émissions doivent être certifiées par des entités opérationnelles composées d'auditeurs indépendants. Ces derniers vérifient en particulier que les projets, approuvés conjointement par les deux parties intéressées, procurent des « avantages réels, mesurables et durables liés à l'atténuation des changements climatiques » et permettent une réduction supplémentaire d'émissions par rapport à celles qui auraient eu lieu en l'absence d'activité certifiée. Ainsi les projets ne peuvent être considérés comme un substitut aux efforts que les pays en développement doivent eux-mêmes entreprendre.
L'évaluation des émissions évitées au titre du mécanisme de développement propre constitue l'une des questions majeures discutées dans le cadre des négociations que devrait conclure la conférence de la Haye en novembre 2000. Deux hypothèses sont aujourd'hui envisagées : l'évaluation « fine » destinée à déterminer pour chaque projet les émissions évitées et une évaluation par « quota » sur la base d'une attribution de droits par type de technologie développée. Ces conditions d'évaluation devront être précisées rapidement : en effet, les réductions d'émissions certifiées obtenues entre 2000 et 2008 pourront être utilisées pour aider à respecter les obligations prévues dans le cadre de la première période d'engagement 2008-2012.
Une partie des fonds provenant d'activités certifiées permettra de couvrir les dépenses administratives et d'aider les pays en développement particulièrement vulnérables aux changements climatiques.
Enfin, le mécanisme de développement propre est ouvert aux personnes publiques et privées.
B. UN DISPOSITIF PEU CONTRAIGNANT
La convention-cadre sur les changements climatiques de 1992 avait mis en place un dispositif ordonné autour de la Conférence des parties . Chargée de prendre les décisions nécessaires à l'application de la convention, elle est conseillée par deux organes subsidiaires ouverts à toutes les parties, l'un pour les questions scientifiques et techniques , l'autre pour les questions de mise en oeuvre . Par ailleurs, un secrétariat assure l'organisation des réunions de la conférence des parties et des organes subsidiaires, ainsi que la diffusion des rapports dont il est destinataire. Ce secrétariat dispose d'un effectif de 80 personnes et d'un budget biennal pour 2000-2001 de 21,664 millions de dollars (les contributions obéissent au barème applicable au système des Nations unies -la part de la France représente 6,5 % du budget du secrétariat, soit 710.000 dollars pour 2000).
Le protocole de Kyoto ne crée pas de système institutionnel propre . Il utilise le dispositif créé par la convention cadre tant du point de vue des structures -Conférence de partie, secrétariat, organes subsidiaires- que de celui des procédures -processus consultatif multilatéral, règlement des différends, adoption d'amendements... Toutefois, les décisions prises par la conférence des parties au protocole ne peuvent l'être que par les Etats parties à ce texte- les autres Etats bénéficiant en l'espèce du statut d'observateur.
1. La Conférence des parties : une instance de concertation
La Conférence des parties se réunit au moins une fois par an et, dans les faits, joue principalement le rôle d'une instance de concertation.
Elle est ainsi appelé à évaluer les résultats d'ensemble obtenus en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Elle « examine » régulièrement les obligations des parties, favorise l'échange d'informations et la coordination des mesures adoptées par les parties. Elle encourage, par ailleurs, l'élaboration et l'amélioration de méthodologies comparables pour permettre une mise en oeuvre efficace du protocole.
Toutefois, la Conférence des parties ne dispose ni d'une réelle capacité de contrôle, ni d'un pouvoir de sanction.
2. Une application laissée à la bonne volonté des Etats.
Le respect des engagements ne peut être assuré de manière satisfaisante en raison, d'une part, de la difficulté d'évaluer les émissions de gaz à effet de serre et, d'autre part, de l'absence, à ce jour, de mécanismes de sanction.
a) Un contrôle difficile
Afin de prendre en compte l'évolution structurelle des émissions et neutraliser les éventuels écarts d'émission ponctuels d'une année sur l'autre (art. 3-7), l'objectif de réduction s'apprécie en comparant le quota des émissions entre 2008 et 2012 et le niveau des émissions en 1990 multiplié par cinq.
Les pays de l'annexe I devront rendre compte, dès 2005, de l'exécution de leurs engagements et faire la « preuve » des progrès qu'elles auront accomplis (art. 3§2).
En outre, les parties doivent transmettre annuellement un inventaire de leurs émissions de gaz à effet de serre . Par ailleurs, elles doivent, à intervalle régulier, remettre une communication nationale décrivant l'ensemble des mesures prises par ces pays -ces communications nationales sont examinées sur place par un groupe d'experts, membres du secrétariat de la convention et ressortissants d'autres Etats signataires de la convention.
Toutefois, cette évaluation se heurte à plusieurs difficultés.
En premier lieu, l'évaluation porte sur les émissions exprimées en dioxyde de carbone et non sur chaque gaz pris individuellement. Les contrôles n'en sont pas facilités.
Ensuite, les données destinées à permettre le contrôle des engagements sont communiqués par chaque Etat, qu'il s'agisse du niveau des stocks en carbone pour l'année de référence -1990- ou de l'évolution des émissions au cours des années suivantes. Faute d'une évaluation indépendante et commune à l'ensemble des Etats signataires, ces évaluations peuvent être faussées, soit de parti pris, soit plus simplement du fait de l'application de méthodes de calcul différentes. C'est pourquoi, du reste, le protocole insiste à plusieurs reprises sur la nécessité de communiquer des données comparables, transparentes et vérifiables.
b) L'absence de mécanisme de sanction
Le protocole prend en compte l'effort des pays dont les émissions, sur la période 2008-2011, auront été inférieures à la quantité qui leur a été attribuée. Ces parties pourront alors reporter sur les périodes d'engagement suivantes les droits d'émissions non utilisés.
En revanche, aucun mécanisme ne permet de sanctionner un Etat qui aurait dépassé son quota . L'article 18 du protocole renvoie à la Conférence des parties la mise en oeuvre de « procédures et mécanismes appropriés et efficaces pour déterminer et étudier les cas de non respect des dispositions » du protocole.
Les négociations en cours portent sur un large éventail de mesures allant de simples recommandations à l'imposition de pénalités financières. L'Union européenne propose d'établir un système global du contrôle de conformité, sous l'autorité d'un observatoire indépendant. Ce système couvrirait l'ensemble des dispositions du protocole et comprendrait deux volets, le premier destiné à aider les pays à respecter leurs engagements, le second, contraignant, applicable à certains cas précis de non respect des engagements. Les position des autres Etats demeurent ouvertes sur cette question.
III. UNE RÉPONSE PARTIELLE AUX DÉFIS SOULEVÉS PAR LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE
A. LES QUESTIONS SOULEVÉES PAR L'ÉCHANGE DES PERMIS D'ÉMISSION
L'échange de permis d'émission a été introduit dans le protocole de Kyoto à la demande des Etats-Unis sur la base d'une expérience menée dans le cadre du territoire américain.
. Le précédent américain : une réussite nationale
Les premiers permis négociables datent de 1977 et ont été élaborés aux Etats-Unis. Ils visaient initialement l'introduction d'une forme de souplesse économique dans un dispositif de contrôle administratif rigide, basé sur la superposition de règles fédérales et étatiques. Les inconvénients liés au processus d'autorisation préalable à chaque opération, la modification fréquente des règles et des entreprises ont cependant limité la portée opératoire du dispositif.
C'est pourquoi les Etats-Unis se sont lancés, en 1990, avec le Clean Air Act, dans la création d'un marché national des permis à émettre du dioxyde de soufre (SO2) entre les centrales thermiques, sur le fondement d'un plafond national, devenu contraignant début 1995, d'émissions réparti entre les centrales. Il s'agissait ainsi d'atteindre en vingt ans une réduction de 40% des émissions annuelles de SO2 par rapport à 1980. L'extension de ce programme, prévue en 2000, à toutes les centrales thermiques, avec la définition préalable d'un quota d'émissions de SO2, impliquerait le chevauchement de plusieurs systèmes de permis négociables avec d'autres instruments plus classiques de type réglementaire. La liberté des transactions garantit des gains d'efficacité économique en raison de l'extension fédérale du marché des permis négociables.
Ce système résultait d'une longue période d'expérimentation qui a abouti à un système de règles accepté par les acteurs économiques et assurant une grande fluidité aux échanges de permis. En outre, la crédibilité de ce système repose sur un système performant de mesure des émissions, d'enregistrement et d'un ensemble de sanctions et pénalités en cas de défaillance. Enfin, la répartition initiale des permis entre les compagnies électriques n'a pas à remédier aux distorsions de concurrence, ni aux disparités de situations, rencontrées au niveau international.
. Les difficultés inhérentes à la globalisation d'un tel dispositif
Il est difficile de retrouver des conditions comparables à l'échelle internationale. L'échange de permis d'émission a cependant été introduit dans le protocole de Kyoto à la demande des Etats-Unis sur la base de cette expérience.
Une première difficulté est posée par l'absence d'autorité internationale spécifiquement destinée à surveiller la bonne application du marché des permis négociables. S'il est vrai que le système de permis instaure un mécanisme d'échange d'un nouveau type, encore faut-il que soit préservée la sûreté juridique et économique de la valeur des « biens » incorporels ainsi échangés. Seul un système de sanctions et pénalités clairement définis garantirait l'efficacité du dispositif de Kyoto.
Une seconde difficulté est liée aux conditions initiales de répartition des droits d'émission. Cette répartition apparaît davantage le fruit de tractations politiques que d'une décision rationnelle. La France avait ainsi souhaité l'application de critères objectifs tels que le niveau d'émissions par habitant. Les Etats-Unis ont, pour leur part, refusé de prendre des engagements chiffrés sur ces bases. Surtout, la Russie et l'Ukraine ont obtenu que leurs émissions de gaz sur la période 2008-2012 soient seulement stabilisées et non pas réduites par rapport à l'année 1990. Or cette année de référence est particulièrement avantageuse pour ces deux pays car, à cette date, les économies étaient encore placées sous l'emprise d'un modèle soviétique, certes à bout de souffle, mais toujours très gaspilleur d'énergie. Depuis lors, les pays de la Communauté des Etats indépendants (CEI) ont connu une forte récession et se sont engagés dans un difficile processus de reconversion. Dès lors, ils disposent de fait d'un fort potentiel d'accroissement de leurs émissions de gaz à effet de serre dont ils peuvent tirer profit dans le cadre d'un marché de permis négociables. Or si l'acquisition de droits d'émission russes ou ukrainiens autorisera les acheteurs à dépasser leurs quotas, elle ne permettra en aucune manière une réduction effective des émissions de gaz à effet de serre.
Au lendemain de la conférence de Kyoto, les Etats-Unis, le Canada, le Japon, l'Australie et la Nouvelle-Zélande avaient d'ailleurs été tentés de créer avec la Russie et l'Ukraine une « bulle opportuniste ». Ils ne sont toutefois pas parvenus à un accord interne sur la répartition des objectifs. Le marché des permis négociables pourrait constituer une nouvelle opportunité pour profiter des objectifs de limitation favorables assignés aux pays de l'ancienne Union soviétique.
La négociation sur les échanges internationaux de permis d'émissions oppose pour l'essentiel l'Union européenne et les autres Etats membres de l'OCDE. Les Quinze souhaitent encadrer le mécanisme de marché et suggèrent en particulier que soit retenu un « plafond » aux dépassements possibles des quotas initiaux.
B. LA NÉCESSITÉ D'UN CONSENSUS DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
L'efficacité du dispositif mis en place à Kyoto dépend de l'adhésion la plus large possible des Etats. Or il faut relever à cet égard deux facteurs d'incertitude.
En premier lieu, les pays en développement sont exonérés, pour l'heure, d'obligations chiffrées en matière de réduction d'émission de gaz à effet de serre. Or du fait même de leur potentiel de développement, les pays du sud présentent les principaux gisements d'émissions futures de gaz à effet de serre -celles-ci pourraient ainsi représenter 58 % des émissions en 2050 contre 29 % aujourd'hui.
Les pays du Sud ont refusé de souscrire des engagements chiffrés lors de la conférence de Kyoto en arguant des promesses faites par les pays industrialisés lors de la conférence des Nations unies sur l'environnement de Rio et non tenues depuis lors. L'aide publique au développement connaît une érosion constante. Le mécanisme financier mis en place par la Convention, le Fonds pour l'environnement mondial, n'a pas répondu aux espoirs qu'il avait soulevés. Ce fonds devait prendre en charge le coût additionnel des projets liés à la protection de l'environnement mondial (effet de serre, protection de la diversité biologique, eaux internationales, protection de la couche d'ozone). Il a été reconstitué en 1998 pour un montant de 2,7 milliards de dollars pour quatre ans. Mais cette dotation apparaît très en deçà des besoins des pays en développement.
L'absence d'engagement des pays du sud est du reste à l'origine de la deuxième hypothèque pesant sur le protocole de Kyoto. En effet, le Congrès américain subordonne la ratification du protocole à un renforcement des obligations des pays en développement. L'administration américaine a ainsi, avec le soutien des autres pays membres de l'OCDE, pris l'initiative de lancer une réflexion sur les modalités suivant lesquelles les pays en développement pourraient renforcer leurs obligations au titre du protocole de Kyoto sans contrevenir pour autant aux objectifs de développement.
Par ailleurs, le Congrès aura à tenir compte des évolutions de l'opinion publique américaine de plus en plus sensible aux risques soulevés par l'effet de serre. Ainsi, d'après plusieurs sondages récents, deux tiers des Américains estiment aujourd'hui qu'il faut agir immédiatement sans attendre les confirmations scientifiques ou les engagements des autres pays.
Les Etats-Unis sont responsables de près du tiers des émissions de gaz à effet de serre. Leur engagement est donc une condition indispensable à une mise en oeuvre effective de l'engagement de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Par ailleurs, l'absence d'engagement de certains des Etats parmi les plus pollueurs risquerait de démobiliser les autres pays en introduisant des distorsions de concurrence entre les entreprises des uns et des autres. C'est pourquoi la lutte contre l'effet de serre requiert un engagement commun et la confiance réciproque dans le respect par chaque pays de ses obligations.
C. LA NÉCESSITÉ DU SUIVI DANS LE TEMPS DE L'EFFICACITÉ DES DÉCISIONS PRISES
Le protocole de Kyoto entrera en vigueur lorsqu'il aura été ratifié par 55 Etats au moins, parmi lesquels les Etats de l'annexe I dont les émissions totales de dioxyde de carbone représentent au moins 55 % du volume des émissions totales de l'ensemble des Etats visés à l'annexe I.
Cependant, l'entrée en vigueur du protocole ne constitue pas une condition préalable à la poursuite des négociations nécessaires pour prévoir les modalités de fonctionnement des mécanismes de flexibilité et l'organisation du dispositif de contrôle et de sanctions.
Les parties à la convention-cadre sur les changements climatiques se sont ainsi réunies à Buenos Aires en novembre 1998 afin de déterminer, dans le cadre d'un « plan d'action », les prochaines échéances auxquelles les parties se sont engagées à conclure un accord sur les points laissés en suspens par le protocole.
La Sixième Conférence des Parties, en particulier, appelée à se réunir à La Haye en novembre 2000, devrait permettre d'avancer sur les trois points clefs qui commandent l'efficacité du protocole :
- la mise en place d'un système de contrôle et de sanctions effectifs ;
- l'encadrement des mécanismes de flexibilité ;
- le renforcement des engagements des Etats.
IV. LA FRANCE : UNE RESPONSABILITÉ PARTICULIÈRE DANS LA LUTTE CONTRE L'EFFET DE SERRE
La France a joué un rôle important dans l'aboutissement des négociations relatives au protocole de Kyoto. Notre pays peut s'appuyer sur des résultats encourageants en matière d'émission de gaz à effet de serre ainsi que sur une politique volontariste dans ce domaine.
La présidence de l'Union européenne, qu'il assurera au cours du deuxième semestre de l'année 2000, lui assigne une responsabilité particulière pour prolonger le processus engagé par le protocole de Kyoto.
A. DES RÉSULTATS PLUTÔT FAVORABLES DANS LA MAÎTRISE DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE.
La France peut se targuer de résultats encourageants dans la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre. Elle se range ainsi parmi les rares Etats à avoir stabilisé ces émissions entre 1990 et 2000, conformément à l'objectif fixé par la convention-cadre sur le réchauffement climatique signée lors du Sommet de Rio en 1992.
Les efforts français ont été reconnus par nos partenaires de l'Union européenne. En effet, dans le cadre de la « bulle européenne », l'obligation fixée par le protocole de Kyoto à la France a été assouplie : elle n'implique plus une réduction (de 8 % par rapport à 1990) des émissions de gaz à effet mais seulement une stabilisation.
Aujourd'hui, le taux d'émission de gaz à effet de serre par habitant sur une année -soit 1,7 tonne- est deux fois moindre que la moyenne de l'OCDE et trois fois moindre que celui des Etats-Unis.
Ce bilan satisfaisant est, pour une large part, lié à la prépondérance du nucléaire dans la consommation d'énergie. De manière plus conjoncturelle, il est aussi le résultat du ralentissement de la croissance entre 1991 et 1996. Or dans l'hypothèse d'une croissance de 2,2 % par an au cours des prochaines décennies, les émissions atteindraient en 2010 un niveau de 160 millions de tonnes et, dans l'hypothèse d'une croissance de 2,8 %, un niveau de 170 millions de tonnes -soit un dépassement de près de 20 % par rapport à l'objectif de stabilisation.
Dans ces conditions, la France doit poursuivre l'action volontariste de lutte contre l'effet de serre engagée depuis plusieurs années.
B. LA RECHERCHE D'INSTRUMENTS NATIONAUX DE POLITIQUE PUBLIQUE EFFICACES
Dès 1995, les pouvoirs publics formulaient les « premiers éléments pour un programme de lutte français contre l'effet de serre » recommandant une limitation d'émission des gaz à effet de serre et, le 27 novembre 1997, le Conseil des ministres adoptait le Plan national de lutte contre l'effet de serre, présenté par la ministre de l'Environnement. Ce plan général définissait des priorités, sans toutefois comporter d'objectif chiffré.
Le soutien aux énergies renouvelables, le renforcement continu des normes énergétiques dans le bâtiment, les investissements susceptibles de concourir à une meilleure répartition du fret et la conception de nouvelles formes d'urbanisme plus économes en énergie sont les axes de ces deux programmes. Dans le prolongement de ces orientations, le Premier ministre a présenté, en janvier dernier, le programme national de lutte contre le changement climatique.
Quels ont été les axes suivis par la France ? Il faut d'abord relever la mise en place d'une taxe générale sur les activités polluantes dans la loi de finances de 1990 et son extension par la loi de financement de sécurité sociale pour 2000.
Par ailleurs, la Mission interministérielle de l'effet de serre, créée en 1997, est chargée de coordonner les moyens requis pour honorer les engagements contractés lors de la conférence de Kyoto et du Conseil des ministres européens de l'environnement de juin 1998. Sa mission d'information est essentielle à la bonne compréhension des mesures prises qui ne doivent en aucun cas être perçues comme des contraintes économiques affectant la consommation et la production.
La politique de maîtrise de l'énergie est également renforcée : l'augmentation de la dotation annuelle spécifique de l'Agence pour l'environnement et la maîtrise de l'énergie, multipliée par cinq en 1999, exprime le souci d'une meilleure coordination des acteurs susceptibles de lutter efficacement contre l'effet de serre.
La capacité de recherche joue également un rôle important. La diversité des laboratoires, comme ceux de Météo France, du CNES, du CNRS ou encore de l'INRA permet de fournir aux pouvoirs publics et à nos concitoyens des éléments pertinents pour les décisions dans le domaine de la protection environnementale. L'ensemble de ces dispositifs bénéficient également au Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat plus spécifiquement chargé de surveiller l'évolution du réchauffement climatique.
La nécessité d'une plus grande implication de l'administration déconcentrée et des collectivités locales dans la gestion optimale des ressources naturelles et la prévention de la pollution est également un des aspects de la politique des pouvoirs publics. L'identification des acteurs et niveaux territoriaux susceptibles de répondre favorablement à de tels objectifs permet d'assurer les conditions d'une meilleure collaboration entre l'Etat et les différents niveaux de collectivités locales. L'élaboration des nouveaux contrats de plan Etat-Régions assure un meilleur contrôle sur l'ensemble du territoire des engagements souscrits par la France.
Enfin, l'implication du Parlement dans la conception et le suivi des politiques décidées est une donnée importante de l'action de la France contre le réchauffement climatique. La conclusion du rapport de notre collègue Serge Lepeltier 5 ( * ) a ainsi été suivie : le dispositif institutionnel a déjà fait l'objet d'amélioration sous le contrôle de la représentation nationale 6 ( * ) .
La France, par ces différentes actions, a clairement fait le choix de parvenir à l'objectif de stabilisation des émissions de gaz à effet de serre par des politiques nationales plutôt que par les mécanismes de flexibilité prévus à Kyoto.
C. UN RÔLE D'ORIENTATION UTILE DANS LA PERSPECTIVE DE LA PRÉSIDENCE DE L'UNION EUROPÉENNE
La représentation des quinze Etats membres de l'Union dans les négociations internationales relatives à l'environnement incombe non à la Commission (comme c'est le cas pour les négociations commerciales) mais à la présidence. La France aura donc un rôle essentiel à jouer au cours du deuxième semestre 2000 alors même que la conférence ministérielle de La Haye, prévue en novembre prochain devrait permettre d'avancer dans la mise en oeuvre du protocole de Kyoto.
Dans cette perspective, notre pays entend défendre, au nom de l'Union européenne, trois priorités .
En premier lieu, il souhaite la mise en place d'un « système d'observance » qui garantisse l'efficacité environnementale et économique du protocole. Cet organe de contrôle devrait étendre sa compétence à l'ensemble des dispositions à même de garantir le respect des engagements des Etats : les inventaires, les communications, mais aussi les règles qui encadrent les mécanismes de flexibilité. En outre, il devrait décider non à l'unanimité -comme c'est le cas pour la conférence des parties- mais à la majorité. Enfin, ce dispositif ne peut fonctionner sans la capacité de prononcer des sanctions selon une gamme graduée pouvant aller jusqu'à des pénalités financières.
En second lieu, la France entend rappeler le caractère subsidiaire des mécanismes de flexibilité par rapport aux politiques internes. Elle proposera plusieurs dispositions destinées à encadrer le fonctionnement de ces mécanismes afin, d'une part, d'éviter les risques de marchandages stratégiques ou d'opérations spéculatives sans rapport avec les objectifs de réduction et, d'autre part, de conjurer les effets de distorsion de concurrence et d'interférence avec les mécanismes de l'Organisation mondiale du commerce.
Enfin, la troisième orientation majeure défendue par la France dans le cadre de la prochaine présidence devrait porter sur la mise en oeuvre d'un plan d'action pour la coopération sur le climat . L'implication des pays en développement dans l'effort de lutte contre l'effet de serre constitue en effet une nécessité. Elle ne pourra reposer seulement sur les mécanismes de développement propre considérés principalement comme un outil de flexibilité par les pays industrialisés. C'est pourquoi un plan d'action pourrait intégrer actions et mode de financement en faveur des pays en développement.
Il faut souhaiter que l'Union européenne puisse, comme par le passé, présenter un front uni autour des trois orientations proposées par la France qui constituent, en effet, une condition du succès du processus engagé par le protocole de Kyoto.
CONCLUSION
La nécessité de concilier la croissance économique avec la préservation de l'environnement implique la définition d'une nouvelle « gouvernance énergétique » . Le protocole de Kyoto concourt à son élaboration et constitue une étape de l'affirmation progressive de la Communauté internationale soucieuse de répondre favorablement aux pressions de l'opinion publique désormais consciente des conséquences du réchauffement climatique.
La nécessaire création d'une instance internationale spécifiquement consacrée à la régulation des échanges des différents permis négociables et disposant d'un pouvoir de sanctions effectif devra faire l'objet de nouvelles concertations.
Egalement, l'unanimité quant aux différents seuils retenus dans le Protocole est nécessaire. Les prochaines négociations devront ainsi concilier les divergences des Etats qui jugent ces seuils discutables avec les différentes situations des pays en développement dont l'amélioration requiert un partenariat réaffirmé avec les pays du G8.
Mais si le protocole de Kyoto représente un défi pour la Communauté Internationale , ses fondements économiques et scientifiques sont encore controversés. L'incertitude est le fondement du principe de précaution et souligne l'ampleur des divergences qui agitent la communauté scientifique quant aux causes réelles du réchauffement climatique perceptible depuis ces vingt dernières années. L'enjeu essentiel du protocole de Kyoto est avant tout politique, tant les incertitudes scientifiques peuvent parfois être invoquées par les Etats soucieux de ménager certains secteurs de leur économie. En outre, le consensus affiché par les ministres des principaux Etats membres de l'OCDE quant aux gains à moyen et long termes procurés par les décisions politiques relatives à la mise en oeuvre du protocole de Kyoto, milite en faveur de sa rapide application.
En outre, le Protocole de Kyoto doit faire l'objet d'une mise en oeuvre globale, et l'abstention de certains Etats risquerait de porter atteinte à la cohérence de son dispositif. La globalité du protocole de Kyoto requiert ainsi l'unanimité des Etats, en faveur de laquelle la France entend oeuvrer lors des prochaines concertations internationales consacrées à ses dispositions.
Enfin, le respect par les Etats du principe de précaution est le gage de l'affirmation de la Communauté internationale dont la cohésion permettra de répondre efficacement au défi global du réchauffement climatique. Au demeurant, les conséquences des actions décidées aujourd'hui concerneront les générations futures.
C'est pourquoi votre commission vous propose d'adopter le présent projet de loi.
EXAMEN EN COMMISSION
Lors de sa séance du 24 mai 2000, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, un débat s'est instauré entre les commissaires.
M. Xavier de Villepin, président, a souligné l'apparente contradiction entre l'importance des enjeux soulevés par l'aggravation de l'effet de serre -comme l'évolution de la situation des Etats du Pacifique en cas de réchauffement climatique accentué- et la faiblesse des dispositions du protocole. Les différents problèmes posés par la position des Etats-Unis ainsi que par l'absence de réelles sanctions constituent de sérieuses lacunes, auxquelles s'ajoute l'absence d'une réelle obligation de ratifier le protocole.
M. Xavier Pintat a reconnu que ces interrogations concernaient le coeur du problème posé par le protocole de Kyoto. L'efficacité du protocole requiert l'encadrement des mécanismes de flexibilité ainsi qu'un dispositif de sanctions, laissé à la disposition d'une autorité de surveillance indépendante.
M. Aymeri de Montesquiou s'est interrogé sur la position de la Chine et sur la possibilité de financer des installations nucléaires dans le cadre des opérations conjointes prévues par le protocole de Kyoto.
Le rapporteur a rappelé que la Chine avait déjà signé le protocole et que les dispositions relatives aux opérations conjointes font encore l'objet de négociations.
M. Robert Del Picchia a demandé des précisions sur l'état de la coopération européenne en matière de lutte contre les gaz à effet de serre. Il s'est également interrogé sur les conditions d'allocation des droits d'émission de gaz à effet de serre et sur la portée des engagements chiffrés prenant comme référence l'année 1990.
M. Xavier Pintat a souligné que les Européens présentaient un front uni lors des différentes négociations internationales consacrées à ce problème. Quant aux éventuelles disparités concernant la répartition des droits d'émissions, celles-ci peuvent s'expliquer par les différences parfois considérables entre les niveaux d'émission des gaz à effet de serre enregistrés en 1990 dans les pays industrialisés et en transition.
M. Paul Masson a rappelé une contradiction, présente dans certains discours sur l'environnement, qui attribuent à la lutte contre l'effet de serre la valeur d'une priorité absolue, tout en condamnant le développement du nucléaire. Il s'est interrogé quant aux conséquences sur l'effet de serre d'un éventuel abandon par la France, la Grande Bretagne et l'Allemagne, de l'énergie nucléaire, tout en soulignant la nécessité de mieux expliquer à l'opinion publique les conditions dans lesquelles peuvent être conciliées l'énergie nucléaire et la protection de l'environnement.
M. Xavier Pintat a évoqué l'absence d'étude scientifique récente concernant les conséquences d'un abandon de l'énergie nucléaire sur l'effet de serre. Il a rappelé par ailleurs la nécessité d'un partenariat entre les puissances nucléaires depuis l'accident de Tchernobyl, alors que l'Union européenne milite vainement en faveur de la fermeture de la centrale ukrainienne.
La commission a alors, à l'initiative de son rapporteur, adopté le projet de loi.
PROJET DE LOI
(Texte proposé par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée l'approbation du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (ensemble deux annexes), fait à Kyoto le 11 décembre 1997 et signé par la France le 29 avril 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. 7 ( * )
* 1 Hans Jonas, Le principe responsabilité, Editions du Cerf 1993.
* 2 Rapport Meadows 1972.
* 3 d'après le Rapport sur les limites de la croissance dirigé par Dorothy Meadows, 1972.
* 4 Article 3 de la Convention sur la diversité biologique
* 5 Serge Lepeltier - Maîtriser les émissions de gaz à effet de serre : quels instruments économiques ? Délégation du Sénat pour la planification - Rapport n° 346, 1998-1999.
* 6 Le Sénat s'est fortement impliqué dans le domaine de la protection environnementale, comme le démontre la création en novembre 1997 d'une commission d'enquête parlementaire pour « procéder à un examen approfondi des conséquences économiques, sociales et financières des décisions gouvernementales en matière de politique énergétique ».
* 7 Voir le texte annexé au document Sénat n° 305 (199-2000).