B. LA CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE CIVILE
A la
suite de l'adoption par le Vietnam, en 1995, d'un code civil puis d'une loi sur
la matière commerciale, alors que par ailleurs étaient
menés les travaux préparatoires à la rédaction d'un
code de procédure civile, la France a proposé l'ouverture de
négociations en vue de la conclusion d'une
convention d'entraide
judiciaire en matière civile.
Cinq domaines ont été retenus
: l'accès à
la justice, la commission rogatoire, l'authentification des actes,
l'information sur le droit étranger et le régime de
reconnaissance et d'exécution des décisions
étrangères. Le projet de convention élaboré par la
partie française a été discuté au cours de
l'année 1998, la convention ayant été signée
à Paris le 24 février 1999.
Cette convention comporte des
dispositions très similaires à
celles des conventions bilatérales de même nature
déjà conclues par la France,
les dispositions relatives
à l'accès à la justice, à la transmission des actes
et des commissions rogatoires et les règles concernant la reconnaissance
et l'exécution des décisions ainsi que la légalisation
étant, sous réserve de quelques nuances rédactionnelles,
la reprise des dispositifs habituellement admis dans nos accords.
Le chapitre premier concerne les
dispositions générales
.
L'article premier pose le principe de l'entraide judiciaire réciproque
et
définit la matière civile
, qui comprend le droit civil,
le droit de la famille, le droit commercial et le droit du travail. Votre
rapporteur observe que ce champ d'application est large, ce dont il faut se
féliciter, mais qu'il pourrait donner lieu à certaines
difficultés d'interprétation
, le droit vietnamien
n'opérant pas la même distinction que le droit français
entre matière civile et commerciale. On oppose en effet au Vietnam le
droit civil et le " droit économique ", la législation
commerciale ne relevant pas clairement de l'un ou l'autre domaine.
L'article 2 attribue aux ministères de la justice des deux pays la
responsabilité de l'exécution de la convention ; ils
correspondront directement, le pays requérant accompagnant sa demande
d'une traduction dans la langue de l'Etat requis. Le principe selon lequel
l'exécution des demandes d'entraide peut être refusée si
elle va à l'encontre de la souveraineté, de la
sécurité ou de l'ordre public de l'Etat requis est posé
par l'article 3. L'article 4 prévoit la communication sur demande
par les ministères de la justice de toutes informations sur le droit en
vigueur dans leur Etat, ainsi que des expéditions de décisions
judiciaires.
Les dispositions relatives à l'
accès à la justice
sont clairement individualisées au sein du chapitre II. Elles
reprennent des
principes traditionnels
: libre accès
à la justice, sans obligation de dépôt ou de cautionnement
préalable, accès à l'assistance judiciaire,
c'est-à-dire l'exonération totale ou partielle des frais et
dépens de procès ainsi que de la rémunération des
auxiliaires de justice, dans les mêmes conditions que les nationaux.
L'article 10 de la convention prévoit en outre l'exécution
gratuite, sur demande du ministère de la justice, des décisions
de condamnation aux frais et dépens du procès prononcées
contre une personne dispensée de caution ou de dépôt.
Les
modalités de transmission et de remise des actes
sont
définies au chapitre III.
L'article 11 pose le
principe de la traduction des actes
: ceux-ci sont
adressés en double exemplaire et accompagnés d'une traduction
dans la langue de l'Etat requis. Votre rapporteur précise que l'absence
d'huissier de justice au Vietnam peut constituer une difficulté pour la
notification des décisions de justice.
Le chapitre IV, relatif à l'
obtention de preuves
, précise
les modalités d'exécution des commissions rogatoires.
L'article 15 précise ainsi que
"l'autorité judiciaire de l'un
des deux Etats peut demander à l'autorité judiciaire de l'autre
Etat de procéder aux mesures d'instruction qu'elle estime
nécessaires dans le cadre de la procédure dont elle est saisie".
Le même article énumère les indications que doivent
contenir les demandes d'obtention de preuves. Celles-ci doivent être
accompagnées d'une traduction dans la langue de l'Etat requis.
Les commissions rogatoires doivent être exécutées dans les
meilleurs délais possibles et selon les formes prévues par la
législation de l'Etat requis, à moins que l'Etat requérant
ne demande une forme spéciale compatible avec cette législation
(article 17). Seuls les frais résultant de l'application d'une forme
spéciale et les indemnités payées aux experts sont
à la charge de l'Etat requérant (article 18).
Le chapitre V concerne la
reconnaissance et l'exécution des
décisions judiciaires.
L'article 21 cite les différentes
conditions nécessaires pour qu'une décision rendue dans l'un des
Etats soit déclarée exécutoire dans l'autre : il faut
notamment que la décision émane d'une juridiction
compétente selon le droit de l'Etat requis et que la décision
soit passée en force de chose jugée et soit exécutoire. Le
caractère définitif de la décision n'est toutefois pas
exigé pour les décisions relatives aux obligations alimentaires,
au droit de garde d'un mineur ou du droit de visite. L'exequatur n'est pas
prononcé si un litige entre les mêmes parties et ayant le
même objet est pendant devant un tribunal de l'Etat requis, premier
saisi, ou a déjà donné lieu dans ce dernier à une
décision antérieure à celle dont l'exequatur est
demandé ou, dans le cas d'une décision prononcée dans un
Etat tiers, si elle remplit toutes les conditions de reconnaissance dans l'Etat
requis.
La procédure de reconnaissance et d'exécution est régie
par le droit de l'Etat requis et le juge de l'exequatur ne procède
à aucun examen au fond de la décision étrangère qui
lui est soumise. Toutefois, si cette dernière statue sur plusieurs chefs
de décisions, l'exécution peut n'être accordée que
partiellement (article 22). Votre rapporteur précise que la
procédure d'exequatur en droit vietnamien est aujourd'hui longue et
complexe.
L'article 23 énumère les pièces qui doivent être
produites avec la demande et qui sont accompagnées d'une traduction
certifiée conforme par un agent diplomatique ou consulaire ou par toute
personne habilitée à cet effet sur le territoire de l'un des deux
Etats : une copie certifiée de la décision, la preuve de la
signification ou de la notification à la partie adverse,
éventuellement une copie certifiée de la citation de la partie
qui a fait défaut à l'instance, la preuve du caractère
définitif et exécutoire de la décision à moins que
cette dernière ne vise une obligation alimentaire, le droit de garde
d'un mineur ou le droit de visite.
Le chapitre VI traite des
sentences arbitrales. L'article 24
renvoie au
régime de reconnaissance et d'exécution des sentences arbitrales
fixé par la convention de l'Organisation des Nations unies du 10 juin
1958 à laquelle la France et le Vietnam sont Parties.
Le chapitre VII concerne les
actes d'état civil et les dispenses de
légalisation.
Sur demande présentée dans un intérêt administratif
dûment spécifié, chaque Etat communique à l'autre
les actes d'état civil et les décisions s'y rapportant concernant
les ressortissants de l'autre Etat. Les demandes et les actes d'état
civil sont adressés par la voie diplomatique ou consulaire et les
demandes et expéditions des décisions judiciaires par les
autorités centrales (
article 25
). On observera, sur ce plan,
qu'il n'existe pas encore au Vietnam de système d'état civil
entièrement fiable. De surcroît, la situation juridique des
Vietnamiens ayant quitté le sol national après 1954 et
après 1975 est incertaine, une partie d'entre eux ayant conservé
leur nationalité alors que d'autres en ont été
déchus.
L'article 26
dispose que les actes visés dans la convention sont
dispensés de légalisation. Toutefois, dans des cas qui doivent
rester exceptionnels et être motivés, lorsque des doutes
pèsent sur l'un des éléments constitutifs de l'acte, une
vérification d'authenticité peut être demandée.
Le chapitre VIII, intitulé "Dispositions finales", stipule notamment que
les difficultés d'application de la convention seront
réglées par la voie diplomatique (article 28). L'article 29 fixe
les modalités d'entrée en vigueur et l'article 30 précise
que la convention est conclue pour une durée illimitée mais que
chacun des deux Etats pourra à tout moment la dénoncer avec un
préavis de 6 mois.