Rapport sur la proposition de résolution de M. Robert BADINTER et les membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à créer une commission d'enquête sur les conditions de détention dans les maisons d'arrêt et sur la proposition de résolution de MM. Jean ARTHUIS, Josselin de ROHAN, Henri de RAINCOURT et Guy-Pierre CABANEL, tendant à créer une commission d'enquête sur la situation des établissements pénitentiaires en France
OTHILY (Georges)
RAPPORT 209 (1999-2000) - commission des lois
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Table des matières
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
- INTRODUCTION
-
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
ADOPTÉE PAR LA COMMISSION DES LOIS
- TABLEAU COMPARATIF
N°
209
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 8 février 2000
RAPPORT
FAIT
au
nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du Règlement et d'administration
générale (1) sur :
- la proposition de résolution de M. Robert BADINTER et les membres du
groupe socialiste et apparentés, tendant à créer
une
commission d'enquête
sur les
conditions
de
détention dans les
maisons
d'arrêt
;
- la proposition de résolution de MM. Jean ARTHUIS, Josselin de ROHAN,
Henri de RAINCOURT et Guy-Pierre CABANEL, tendant à créer une
commission
d'enquête
sur la
situation
des
établissements
pénitentiaires
en France,
Par M.
Georges OTHILY,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Simon Loueckhote, François Marc, Bernard Murat, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.
Voir
les numéros
:
|
|
Administration pénitentiaire . |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
Réunie le mardi 8 février 2000 sous la
présidence de M. Jacques Larché, président, la
commission des Lois a examiné sur le rapport de
M. Georges Othily la proposition de résolution
(n° 165) tendant à créer
une commission
d'enquête sur les conditions de détention dans les maisons
d'arrêt
, présentée par M. Robert Badinter et
les membres du groupe socialiste et apparentés et la proposition de
résolution (n° 183) tendant à créer une
commission d'enquête sur la situation des établissements
pénitentiaires en France
, présentée par MM. Jean
Arthuis, Josselin de Rohan, Henri de Raincourt et Guy-Pierre Cabanel.
M. Georges Othily, rapporteur, a estimé que les deux
propositions étaient juridiquement recevables, respectant pleinement les
dispositions de l'article 6 de l'ordonnance de 1958 sur le fonctionnement
des assemblées parlementaires qui dispose que "
les commissions
d'enquête sont formées pour recueillir des éléments
d'information, soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion
des services publics ou des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs
conclusions à l'assemblée qui les a
créées
".
Il a rappelé que la commission des Lois manifestait depuis longtemps
déjà sa préoccupation à l'égard de la
situation dans les établissements pénitentiaires. Il a
souligné que des délégations de la commission des Lois
avaient visité quatre établissements en 1999 et que la commission
avait manifesté son inquiétude notamment à propos de la
surpopulation carcérale
, des
suicides en détention
et de
l'insuffisance des contrôles exercés par les
autorités judiciaires
. Il a estimé que la création
d'une commission d'enquête était tout à fait opportune et
devrait permettre de dégager des solutions pour que la France se dote
d'un système pénitentiaire plus digne d'un Etat de droit.
La commission a adopté une proposition de résolution
prévoyant la création d'une commission d'enquête sur les
conditions de détention dans les établissements
pénitentiaires, en particulier, au regard de la présomption
d'innocence, dans les maisons d'arrêt. Elle a décidé que la
commission d'enquête devrait s'assurer de l'étendue et de
l'effectivité des contrôles relevant des autorités
judiciaires et administratives.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est saisi de deux propositions de résolution tendant
à la création d'une commission d'enquête :
- la proposition de résolution (n° 165) tendant à
créer une commission d'enquête sur les
conditions de
détention dans les maisons d'arrêt
, présentée
par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste et
apparentés ;
- la proposition de résolution (n° 183) tendant à
créer une commission d'enquête sur la
situation des
établissements pénitentiaires en France,
présentée par MM. Jean Arthuis, Josselin de Rohan, Henri de
Raincourt et Guy-Pierre Cabanel.
Compte tenu de l'objet de ces propositions, votre commission des Lois est
appelée à examiner tant la recevabilité juridique que
l'opportunité de la création d'une commission d'enquête, en
application de l'article 11 du Règlement du Sénat.
I. DES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION JURIDIQUEMENT RECEVABLES
Les
conditions de
constitution des commissions d'enquête
sont
fixées par l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du
17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées
parlementaires et précisées par l'article 11 du
règlement du Sénat.
La loi n° 91-698 du 20 juillet 1991 a modifié
l'article 6 de l'ordonnance de 1958 en regroupant sous la
dénomination commune de commission d'enquête les commissions
d'enquête et les anciennes commissions de contrôle qui avaient pour
objet de contrôler le fonctionnement d'une entreprise nationale ou d'un
service public.
L'article 6 de l'ordonnance de 1958 précise cependant que
"
les commissions d'enquête sont formées pour recueillir
des éléments d'information, soit sur des faits
déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des
entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à
l'assemblée qui les a créées
".
Il résulte également de l'article 6 de l'ordonnance de 1958
qu'il ne peut être créé de commission d'enquête sur
des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires
et
aussi longtemps que ces poursuites sont en cours.
Lorsqu'une commission d'enquête est créée sur des faits
déterminés, le président de la commission des Lois demande
au Président du Sénat de bien vouloir interroger le Garde des
sceaux sur l'existence éventuelle de poursuites judiciaires concernant
les faits en cause.
Dans la seconde hypothèse envisagée par l'article 6 de
l'ordonnance de 1958, c'est-à-dire lorsque la proposition de
résolution a pour objet de créer une commission d'enquête
pour recueillir des éléments d'informations sur la gestion des
services publics ou des entreprises nationales, cette procédure
d'information ne s'impose pas.
En l'espèce, les propositions de résolution correspondent
à cette seconde hypothèse.
L'une tend en effet à créer une commission d'enquête sur
"
les conditions de détention des détenus dans les
maisons d'arrêt
, ainsi que sur l'étendue et
l'effectivité des contrôles relevant des autorités
judiciaires et administratives
", tandis que l'autre a pour objet de
créer une commission d'enquête chargée de recueillir des
informations "
sur la situation des
établissements
pénitentiaires
en France
".
Les deux propositions de résolution ont donc pour objet de
contrôler le fonctionnement d'une partie du service public de la justice,
à savoir
l'administration pénitentiaire
. Les propositions
de résolution entrent dans le champ défini par l'article 6
de l'ordonnance du 17 novembre 1958, sans qu'il soit
nécessaire d'interroger le Gouvernement sur l'existence de poursuites
judiciaires.
*
Prévoyant que la commission d'enquête sera
composée de
vingt-et-un membres
, les propositions de
résolution répondent également aux conditions
posées par l'article 11 du règlement du Sénat, qui
dispose que la proposition de résolution "
fixe le nombre de
membres de la commission d'enquête, qui ne peut comporter plus de
vingt-et-un membres
".
L'article 11 du règlement du Sénat prévoit
également que "
la proposition doit déterminer avec
précision, soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit
les services publics ou les entreprises nationales dont la commission
d'enquête doit examiner la gestion
". Les deux propositions de
résolution remplissent cette condition. La proposition de M. Robert
Badinter fait référence aux conditions de détention dans
les maisons d'arrêt, celle de MM. Jean Arthuis, Josselin de Rohan, Henri
de Raincourt et Guy-Pierre Cabanel à la situation dans les
établissements pénitentiaires français.
Votre commission estime donc que les propositions de résolution sont
recevables au regard des dispositions de l'ordonnance du
17 novembre 1958 et constate qu'elles répondent aux conditions
posées par l'article 11 du règlement du Sénat.
II. DES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION PLEINEMENT JUSTIFIÉES PAR LA SITUATION DES PRISONS
La
situation des établissements pénitentiaires français est
actuellement très inquiétante et nécessite un examen
approfondi, afin de dégager des solutions pour que la France se dote
d'un système pénitentiaire plus digne d'un Etat de droit.
La commission des Lois se préoccupe depuis plusieurs années de
l'évolution de l'administration pénitentiaire. En 1999, votre
rapporteur, en tant que rapporteur pour avis sur les crédits de
l'administration pénitentiaire, s'est rendu, en compagnie de Mme Dinah
Derycke et de MM. Robert Bret et Patrice Gélard dans quatre
établissements :
Fleury-Mérogis, Loos-les-Lille, Bapaume
et les Baumettes
. Les délégations ont pu constater la
vétusté de certains locaux et les difficultés
rencontrées par les personnels pour faire fonctionner ces
établissements.
Dans son dernier rapport sur le budget de l'administration
pénitentiaire
1(
*
)
, votre commission avait
fait part de son inquiétude à propos de l'évolution de
l'administration pénitentiaire en émettant un avis
défavorable à l'adoption des crédits malgré la
hausse de ceux-ci. Elle avait en particulier mis l'accent sur :
- la
surpopulation carcérale
: le nombre de personnes
détenues est passé de 36.934 en 1980 à 55.062 en 1996
avant de connaître une légère diminution pour atteindre
52.961 en 1999. Le taux d'occupation atteint 132% dans les maisons
d'arrêt, 44 d'entre elles ayant une densité comprise entre 150 et
200%. La durée de détention moyenne croît
régulièrement et est passée de 4,6 mois en 1980 à
8,3 mois en 1998 ;
- le
nombre élevé de suicides en
détention
;
- l'
insuffisance des contrôles exercés par les
autorités administratives et judiciaires dans les établissements
pénitentiaires
; à l'initiative du rapporteur de la
commission des lois, M. Henri de Richemont, le Sénat vient de
décider, lors de l'examen du projet de loi portant création d'une
commission nationale de déontologie de la sécurité, de
soumettre l'administration pénitentiaire au contrôle de cette
commission ;
- la
situation préoccupante en matière d'alternatives
à l'incarcération
, marquée notamment par le
déclin des mesures de libération conditionnelle et les retards
pris dans l'application de la loi relative au placement sous surveillance
électronique, adoptée en 1997 sur la base d'une proposition de
loi déposée par notre excellent collègue M. Guy-Pierre
Cabanel ;
- la
vétusté d'un grand nombre
d'établissements
pénitentiaires.
Dans son rapport sur les crédits du ministère de la justice pour
2000, notre excellent collègue M.Hubert Haenel a insisté sur la
vétusté du parc pénitentiaire français et a
estimé que " l
es moyens consacrés à l'entretien
des établissements sont insuffisants car ils n'ont pas permis de prendre
en compte la croissance de la population carcérale pendant les deux
dernières décennies, qui est passée de 26.000 en 1975
à 56.000 en 1997
"
2(
*
)
.
La publication récente du livre du médecin-chef de la maison
d'arrêt de la Santé, dont le témoignage est
évoqué dans les deux propositions de résolution soumises
au Sénat a fait suite à plusieurs autres affaires
découvertes tardivement en 1999. Elle a permis à un large public
de prendre conscience de la situation critique que connaissent certains
établissements en ce qui concerne les conditions de détention.
La mise en place d'une commission d'enquête est donc parfaitement
justifiée et bien comprise. Celle-ci pourrait dresser un constat clair
de la situation des établissements et formuler des propositions pour
l'avenir.
En ce qui concerne l'étendue de la mission qui pourrait être
confiée à la commission d'enquête, les deux propositions de
résolution soumises à votre commission diffèrent
légèrement.
La proposition de résolution présentée par MM. Jean
Arthuis, Josselin de Rohan, Henri de Raincourt et Guy-Pierre Cabanel
prévoit que la commission d'enquête serait "
chargée de
recueillir des informations sur la situation des établissements
pénitentiaires en France
".
La proposition de résolution présentée par M. Robert
Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés
prévoit que les travaux de la commission d'enquête porteraient
"
sur les conditions de détention des détenus dans les
maisons d'arrêt, ainsi que sur l'étendue et l'effectivité
des contrôles relevant des autorités judiciaires et
administratives
".
Il est incontestable que les maisons d'arrêt, qui accueillent les
prévenus et les condamnés à de courtes peines ou en fin de
peine, connaissent la situation la plus préoccupante, en raison
notamment de leur taux d'occupation et de la grande vétusté de
certaines d'entre elles. Dans son avis précité sur les
crédits de l'administration pénitentiaire pour 2000, votre
rapporteur notait il y a quelques semaines : "
Il est paradoxal
que les conditions de détention les moins favorables soient
réservées à des personnes présumées
innocentes
"
3(
*
)
.
Il est également exact que la question des contrôles
exercés par les autorités administratives et judiciaires dans les
établissements pénitentiaires est tout à fait essentielle.
Certains incidents révélés au public au cours des derniers
mois peuvent laisser à penser que ces contrôles ne sont pas
suffisants ou qu'ils ne sont pas exercés dans des conditions
satisfaisantes. C'est l'une des raisons qui ont conduit le Sénat
à inclure l'administration pénitentiaire dans le champ de
compétence de la nouvelle commission de déontologie
4(
*
)
.
Dans ces conditions, compte tenu du temps limité dont disposera la
commission d'enquête pour mener à bien ses travaux, il aurait pu
paraître préférable de circonscrire sa mission, comme le
proposait la proposition de résolution présentée par M.
Robert Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Toutefois, il serait sans doute imprudent d'exclure purement et simplement les
établissements pour peine du champ des investigations de la commission
d'enquête. Dans ces conditions, votre commission propose que la
commission d'enquête s'intéresse aux
conditions de
détention dans les établissements pénitentiaires, en
particulier, au regard de la présomption d'innocence, dans les maisons
d'arrêt
. La commission d'enquête devrait s'assurer de
l'étendue et de l'effectivité des contrôles exercés
par les autorités judiciaires et administratives.
En conséquence, votre commission des lois vous propose d'adopter la
proposition de résolution dont le texte est reproduit ci-après.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
ADOPTÉE PAR LA
COMMISSION DES LOIS
Proposition de résolution tendant à
créer
une commission d'enquête
sur les conditions de détention dans
les établissements pénitentiaires en France
Article unique
En application de l'article 11 du Règlement du Sénat et de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, il est créé une commission d'enquête de vingt-et-un membres sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, en particulier, au regard de la présomption d'innocence, dans les maisons d'arrêt. Elle s'assurera de l'étendue et de l'effectivité des contrôles relevant des autorités judiciaires et administratives.
TABLEAU COMPARATIF
___
Proposition de résolution
|
Proposition de résolution
|
Proposition de la commission
|
tendant à créer
En application de l'article 11 du Règlement du Sénat et de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, il est créé une commission d'enquête de vingt et un membres sur les conditions de détention des détenus dans les maisons d'arrêt, ainsi que sur l'étendue et l'effectivité des contrôles relevant des autorités judiciaires et administratives. |
tendant à créer
En application de l'article 11 du Règlement du Sénat, il est créé une commission d'enquête de vingt et un membres chargée de recueillir des informations sur la situation des établissements pénitentiaires en France. |
Proposition de résolution tendant à
créer
une commission d'enquête
En application de l'article 11 du Règlement du Sénat et de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, il est créé une commission d'enquête de vingt-et-un membres sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, en particulier, au regard de la présomption d'innocence, dans les maisons d'arrêt. Elle s'assurera de l'étendue et de l'effectivité des contrôles relevant des autorités judiciaires et administratives. |
|
|
|
1
Avis n° 94 - Justice -
Administration pénitentiaire - 25 novembre 1999.
2
Rapport n°89, Annexe n°33 : Justice, 25 novembre
1999.
3
Avis n°94 Sénat (1999-2000), Justice - Administration
pénitentiaire, 25 novembre 1999.
4
Rapport n° 173 (1999-2000) de
M. Henri de Richemont.